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Contexte de l’AffaireL’affaire concerne M. [E] [I], qui a subi un accident le 9 août 2008, entraînant des préjudices corporels. La cour d’appel a examiné les conséquences de cet accident et les demandes d’indemnisation formulées par M. [E] [I] à la suite d’une aggravation de son état de santé. Décisions de la Cour d’AppelPar un arrêt du 21 mars 2024, la cour d’appel a infirmé certaines dispositions du jugement précédent. Elle a reconnu une aggravation du préjudice de M. [E] [I] à compter du 16 avril 2014, fixant la date de consolidation au 24 avril 2019 et le nouveau déficit fonctionnel permanent à 38 %. La cour a également débouté M. [E] [I] de plusieurs demandes d’indemnisation, tout en fixant d’autres postes de préjudices. Indemnisation des PréjudicesLa cour a déterminé les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de M. [E] [I], totalisant 215 780,20 euros. Elle a également fixé la créance de la CPAM à 15 630,09 euros et la part revenant à M. [E] [I] à 200 150,11 euros. La société MMA Assurances a été condamnée à verser ces sommes en réparation du préjudice corporel. Demande de Perte de Gains Professionnels FutursM. [E] [I] a demandé à la cour de reconnaître un préjudice de perte de chance de gains professionnels futurs, estimant qu’il ne pouvait plus exercer d’activité professionnelle. Il a présenté des éléments de preuve, notamment un rapport d’expertise, pour soutenir sa demande d’indemnisation. Arguments de la Compagnie d’AssuranceLa compagnie MMA a contesté la demande de M. [E] [I], arguant qu’il n’établissait pas la preuve de son incapacité à exercer une activité professionnelle. Elle a également soutenu que la charge de la preuve incombait à M. [E] [I] pour démontrer son inaptitude définitive. Évaluation de la Perte de ChanceLa cour a reconnu que la perte de chance de M. [E] [I] devait être évaluée en fonction de son parcours professionnel et de son état de santé. Elle a conclu que la perte de chance de percevoir des revenus au salaire médian français devait être fixée à 65 %, en tenant compte de son âge et de ses qualifications. Indemnisation FinaleLa cour a finalement fixé le préjudice de perte de gains futurs à 693 281,16 euros, condamnant la SA MMA Iard à verser cette somme en capital à M. [E] [I]. La cour a également alloué des frais irrépétibles d’appel à M. [E] [I] et a condamné la SA MMA à supporter les dépens. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/277
Rôle N° RG 22/16981 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKQHH
[E] [I]
C/
[L] [T]
S.A. MMA IARD
Caisse CPAM DES ALPES MARITIMES
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Etienne BERARD
– Me Thierry TROIN
– Me Audrey CAMPANI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 17 Novembre 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/04253.
APPELANT
Monsieur [E] [I] Elisant domicile au Cabinet de la SCP BERARD-NICOLAS, Avocat au barreau de NICE, [Adresse 6] – assuré [Numéro identifiant 1]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 9]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Etienne BERARD de la SCP BERARD & NICOLAS, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [L] [T]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/000682 du 24/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
né le [Date naissance 4] 1967 à [Localité 9] (06), demeurant [Adresse 8]
représenté par Me Audrey CAMPANI, avocat au barreau de NICE
S.A. MMA IARD, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Thierry TROIN de la SELARL BENSA & TROIN AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant, avocat au barreau de NICE, et par Me Alain BARBIER, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Marion SARFATI, avocat au barreau de VAL D’OISE
Caisse CPAM DES ALPES MARITIMES,
Signification de DA et assignation en date du 20/02/2023 à personne habilitée. Signification de la DA le 06/06/2023, à personne habilitée.
signification de DA de conclusions d’intimés et d’appel incident le 06/06/2023 à personne habilitée., demeurant [Adresse 7]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 juillet 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre
Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 octobre 2024 puis prorogé au 24 octobre 2024.
ARRÊT
réputé contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre pour le Président et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par arrêt du 21 mars 2024, la cour d’appel a :
Infirmé le jugement déféré dans ses dispositions soumises à la cour, mais seulement en ce qu’il a :
Dit que M. [E] [I] a subi une aggravation du préjudice résultant de l’accident du 9 août 2008 liquidé par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 13 décembre 2013, à compter du 16 avril 2014,
Fixé la date de consolidation de l’aggravation au 24 avril 2019,
Fixé le nouveau déficit fonctionnel permanent à cette date à 38 %,
Débouté M. [E] [I] de ses demandes au titre postes de préjudices suivants :
Aide d’une tierce personne à titre temporaire avant consolidation,
Pertes de gains professionnels actuels,
Dépenses de santé futures,
Aide d’une tierce personne à titre permanent après consolidation,
Pertes de gains professionnels futurs,
Incidence professionnelle,
Préjudice sexuel
Fixé comme suit les autres postes de préjudices :
Frais divers : 4 329,39 euros,
Déficit fonctionnel temporaire : 3 173,75 euros,
Souffrances endurées : 5 000,00 euros,
Déficit fonctionne permanent : 8 500,00 euros,
Préjudice esthétique permanent : 1 500,00 euros,
Condamné la société MMA Assurances Iard à payer à M. [E] [I] lesdites sommes ;
Confirmé pour le reste,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixé le préjudice corporel de M. [E] [I] résultant de l’aggravation des conséquences de l’accident initial de 2008, comme suit :
Préjudices patrimoniaux :
Préjudices patrimoniaux temporaires :
Dépenses de santé actuelles : 15 630,09 euros (dont 15 630,09 euros revenant à la CPAM),
Frais divers,
Dont frais de médecin conseil et transports : 3 429,39 euros,
Dont aide par tierce personne temporaire : 12 480 euros,
Perte de gains professionnels actuelle : 0,
Préjudices patrimoniaux permanents :
Dépenses de santé futures : 960 euros,
Perte de gains professionnels future : sursis à statuer,
Incidence professionnelle : 25 000 euros,
Aide par tierce personne permanente : 121 620,72 euros,
Préjudices extra-patrimoniaux :
Préjudices extra-patrimoniaux temporaires :
Déficit fonctionnel temporaire : 12 060 euros,
Souffrances endurées : 5 000 euros,
Préjudices extra-patrimoniaux permanents :
Déficit fonctionnel permanent : 13 600 euros,
Préjudice esthétique : 1 000 euros,
Préjudice sexuel : 5 000 euros,
Soit un total de : 215 780,20 euros,
Fixé la créance que la CPAM du Var peut recouvrer sur les postes de préjudices qui s’y rapporte à la somme de 15 630,09 euros,
Fixé la part revenant à la victime d’ores et déjà à la somme de 200 150,11 euros,
Condamné ainsi la SA MMA Iard à payer le total de la somme ci-dessus énoncées en réparation de son préjudice corporel d’ores et déjà liquidé résultant de l’aggravation,
Sursis à statuer sur la liquidation du poste de perte de gains professionnels future,
Renvoyé l’affaire à l’audience de plaidoirie du 2 juillet 2024 à 8h30 aux fins de vider sa saisine sur le poste de perte de gains professionnels future et invité les parties, dès lors que la cour relève d’office, afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice subi l’existence d’un préjudice de perte de chance de perte de gains future, à présenter leurs observations,
Condamné la SA MMA Iard et M. [L] [T] à supporter in solidum la charge des dépens d’appel,
Condamné la SA MMA Iard à payer à M. [E] [I] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté les parties de toutes autres demandes.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions au fonds après réouverture des débats, notifiées par voie électronique le 21 juin 2024, M. [E][I] demande à la cour de :
Juger qu’elle a retenu l’existence d’un préjudice de perte de chance de gains professionnels futurs au titre du principe de réparation intégrale du préjudice subi,
Juger qu’il rapporte la preuve qu’il ne peut plus exercer aucune activité professionnelle, par les conclusions du rapport d’expertise du Dr [V], ainsi que par les pièces produites aux débats,
Juger que la probabilité pour lui de pouvoir trouver une activité professionnelle au salaire médian français était particulièrement forte au regard de son parcours professionnel,
En conséquence,
Juger qu’il a subi une perte de gains professionnels future égale à 90 %,
Juger que le salaire médian Français 2024, source INSEE est de 2 520 euros nets par mois,
En conséquence,
Condamner la compagnie MMA à lui payer une rente viagère capitalisée de 1 316 927,80 euros, calculée sur le revenu salarié médian français 2024, euro de rente 48,388, taux d’actualisation, – 1% (Barème Gazette du Palais 2022),
Subsidiairement,
Condamner la compagnie MMA à lui payer une rente viagère capitalisée de 1 048 550,83 euros, calculée sur le revenu salarié médian français 2024, euro de rente 38,527, taux d’actualisation, 0% (Barème Gazette du Palais 2022),
Déclarer le jugement opposable à la CPAM des Alpes Maritimes,
Condamner la compagnie d’assurance MMA au paiement d’une somme de 2 500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la compagnie MMA aux dépens de l’instance.
M. [E] [I] fait valoir essentiellement que :
Le Dr [V] a bien conclu à une inaptitude totale à tout poste, notamment au regard des aggravations subies, ce que la cour a par ailleurs caractérisé. Il précise qu’au regard de l’aggravation retenue par la cour de 8%, le nouveau déficit fonctionnel permanent est fixé à 41% au 24 mai 2019 date de consolidation,
La compagnie MMA fait un grief erroné à la cour, en considérant que celle-ci aurait, sur la question de perte de chance, renversé la charge de la preuve par le motif suivant : « Ainsi peu importe qu’il n’y ait que 8 % (5%+3%) d’augmentation du déficit fonctionnel permanent, la compagnie d’assurance MMA et M. [T] ne démontrent pas que M. [I] aurait la capacité de travailler par la simple faiblesse du taux d’aggravation de déficit fonctionnel ou que l’aggravation n’aurait aucune incidence professionnelle. ». M. [E] [I] estime qu’il rapporte une preuve intangible du fait qu’il ne peut plus exercer aucune activité professionnelle, et qu’en réplique, l’assureur et le tiers responsable ne rapportent pas la preuve inverse,
Dans l’hypothèse de la jurisprudence du 24 novembre 2022 (Cass Civ 1er 24.11.2022 pourvoi N21-17323), invoquée à l’appui de ses prétentions par la compagnie MMA, la victime, coiffeuse, justifiait d’un DFP de 19 %, et l’expert judiciaire saisi avait conclu à une inaptitude à son seul emploi de coiffeuse. M. [E] [I] précise que tel n’est pas le cas pour ce qui le concerne, de sorte que la jurisprudence de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 21 décembre 2023 doit trouver à s’appliquer,
La cour a manifestement tranché l’existence d’une perte de chance par l’affirmative, dans le cadre du dispositif de l’arrêt du 21 mars 2024. M. [I] estime donc que la perte de chance est réelle, actuelle et sérieuse,
L’avis sapiteur du Dr [B] reconnaît une incompatibilité de son état de santé avec un métier potentiellement stressant et exigeant un bon contrôle de soi. M. [E] [I] précise qu’en sus, il convient d’ajouter à cet état psychiatrique, son état orthopédique, générateur de grande souffrance et de grand inconfort,
Si selon l’arrêt du 13 décembre 2023, la cour avait retenu sa faculté d’assurer une activité de gestion administrative et commerciale, c’était celle de la société dont il était le gérant et qu’il avait mis des années à pérenniser. Or il précise que cette société a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire le 6 octobre 2011 puis une clôture de la procédure avec radiation pour insuffisance d’actif, selon jugement du tribunal de commerce de Nice dès le 4 février 2014. Il estime qu’aujourd’hui, il ne pourrait plus assurer l’animation commerciale d’une telle structure nécessitant une station debout prolongée, un travail de gestion commerciale nécessitant une position assise prolongée (travail de saisie informatique, commande…) outre un degré de concentration important et soutenu avec nécessité d’accueillir de la clientèle, de répondre aux doléances et réclamations,
Les conclusions du rapport du Dr [F] mentionnaient une aggravation physique de l’état de santé incontournable dans l’avenir, outre la possibilité de poursuivre une activité professionnelle résiduelle tout en évoquant l’inéluctable nécessité d’envisager à terme, une perte de gains professionnels futurs,
La perte de chance est en lien direct avec l’aggravation de son état de santé constaté, de sorte qu’il convient d’évaluer cette perte chance au regard du contexte professionnel qu’il a connu. Il précise qu’il était gérant de son entreprise et retirait un revenu mensuel moyen de 3 178 euros, et que sa carrière professionnelle suivait une courbe ascendante, de sorte que la probabilité était donc extrêmement forte pour lui de pouvoir trouver une activité professionnelle au salaire médian français lequel représente 2/3 de la rémunération qu’il percevait en qualité de chef d’entreprise,
Enfin rien ne justifie qu’il soit procédé sous la forme d’un paiement annuel de ladite rente. Il précise que la jurisprudence a pu régulièrement rappeler que la victime était libre de solliciter son indemnisation sous la forme d’un capital, et souligne qu’en tout état de cause, le versement sous forme de rente serait contraire à la liberté pour toute victime de disposer de la liberté du placement de son indemnisation ainsi que son utilisation outre le fait que cela lui serait préjudiciable d’un point de vue fiscal.
****
Par dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 28 juin 2024, la compagnie MMA IARD SA demande à la cour de :
Confirmer le jugement par substitution de motifs,
Juger que M. [I] n’établit pas la preuve d’être privé d’exercer une activité professionnelle,
Le débouter de sa demande d’indemnisation d’un préjudice de perte de gains professionnels futurs,
Très subsidiairement,
Juger que M. [I] n’établit pas la preuve du caractère certain d’une perte de chance de bénéficier de gains professionnels futurs,
Le débouter de plus fort de sa demande d’indemnisation d’un préjudice de perte de gains professionnels future,
Encore plus subsidiairement,
Juger que la perte de chance de percevoir des gains professionnels futurs serait indemnisée d’une perte sous la forme d’aréages d’un montant de 210 euros par mois, du 24 mai 2019 jusqu’à la date de l’arrêt à intervenir, et d’autre part, selon ce qu’il plaira à la cour de retenir :
D’une rente annuelle viagère, indexée conformément à l’article 43 de la loi du 5 juillet 1985, de 2 520 euros, payable à termes échus, en deux semestrialités de 1 260 euros chacune, la première à la fin du 6ème mois qui suivra l’arrêt à intervenir,
OU
D’un capital constitutif d’une rente, d’un montant de 97 088,04 euros,
Juger que le service de la rente serait suspendu à défaut de l’envoi, au service des rentes de la société MMA IARD SA, d’un certificat médical de survie, le 10 janvier de chaque année, ou d’une hospitalisation, ou résidence dans un établissement médicalisé, d’une durée supérieure à un mois,
Débouter M. [I] de ses autres, ou plus amples demandes,
Le condamner aux dépens.
La compagnie MMA IARD soutient essentiellement que :
Par arrêt du 24 novembre 2022, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a procédé à un revirement de sa jurisprudence antérieure, en matière de perte de gains future et que la première chambre s’est ensuite ralliée à cette jurisprudence, dans le cadre d’un arrêt du 8 février 2023: il convient désormais de rapporter la preuve d’une impossibilité définitive d’exercer une quelconque profession.
La cour a inversé la charge de la preuve car il n’appartient pas à l’assureur ou à l’auteur du dommage d’établir la preuve que la victime aurait conservé la capacité de travailler, mais au contraire à cette victime de démontrer, qu’elle se trouve dans l’impossibilité définitive d’exercer une quelconque profession,
Dans le cadre de son arrêt du 13 décembre 2013 qui revêt l’autorité de la chose jugée, la cour d’appel a décidé que les séquelles conservées par M. [E] [I] par suite du dommage initial, évaluées à un déficit fonctionnel de 33%, n’entrainait aucune perte de gains professionnels future. La compagnie précise que la cour a jugé que toutes les aggravations étaient apparues le 5 juillet 2013, et que la validité restante de M. [E] [I], n’était que de 67%, résultant du dommage initial. Elle indique que dans son dernier arrêt rendu le 21 mars 2024, la cour met en avant ce DFP de 8% d’aggravation retenu par le Dr [V], après une application alléguée de la règle de Balthazard (12% de 67). Pour elle, les aggravations ayant pour causes 2 natures de séquelles différentes, les séquelles orthopédiques, les plus importantes, devraient venir s’appliquer en premier lieu, de la façon suivante :
Séquelles orthopédiques : 7% de 67 = 4,69%, arrondis à 5%, soit une validité restante de 67 ‘ 5 = 62,
Puis séquelles psychiatriques : 62 x 5% = 3,1 arrondis à 3%,
A la date de l’apparition des aggravations, soit au 5 juillet 2013, la cour a déjà retenu dans le cadre de son arrêt du 21 mars 2024, que M. [E] [I] ne travaillait pas et elle précise qu’au visa de la nouvelle jurisprudence de la cour de cassation, il appartient à M. [E] [I] d’établir la preuve que le maintien de cette situation serait, de manière certaine et définitive, imputable non pas à ses choix de vie, comme cela a été le cas de 2011 à 2013, mais aux seules aggravations de son état de santé. MMA souligne que dans le cadre de son arrêt du 13 décembre 2013, la cour a définitivement jugé : « Qu’il était établi que l’intéressé est apte à une activité de gestion administrative et commerciale ».
De la consolidation de son préjudice initial le 9 août 2011, à l’apparition des aggravations le 5 juillet 2013, M. [E] [I] n’a pas travaillé, ni justifié de recherches d’emplois, de formation, ou de reconversion professionnelle, soit pendant près de 2 ans,
Il n’existe pas de document versé aux débats, justifiant du parcours scolaire, universitaire, ou professionnel de M. [E] [I], de sorte qu’au sens de la compagnie, il est délicat dans de telles conditions, de tenter de mesurer le montant des revenus espérés, et le caractère certain de la perte de cet avantage,
A titre subsidiaire, si la cour estimait qu’il était démontré une perte certaine de chance d’occuper un quelconque emploi à titre définitif, l’avantage serait le revenu médian français net annuel, soit en 2024 : 2 100 euros x 12 = 25 200 euros par an avec une perte de chance de 10% au plus.
Par dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 28 juin 2014, M. [T] demande à la cour de :
Confirmer le jugement par substitution de motifs,
Retenir que M. [I] ne rapporte pas la preuve de son impossibilité définitive d’exercer une activité professionnelle,
En conséquence,
Débouter M. [I] de sa demande d’indemnisation au titre des PGPF,
En tout état de cause,
Débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus ou contraires,
Condamner M. [I] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 37 de la loi de 1991 ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’exécution distraits au profit de Me Audrey Campani, avocat aux offres de droit.
M. [T] fait valoir essentiellement que :
Si jusqu’alors l’indemnisation intégrale des pertes de gains professionnels futurs était conditionnée à l’impossibilité de reprendre son précédent emploi, tel n’est plus le cas depuis l’arrêt du 24 novembre 2022 rendue par la 2ème chambre civile de la cour de cassation (Cass. Civ 2ème, 24.11.2022, n°21-17323). Il relève que la 1ère chambre civile de la cour de cassation a suivi la position de la 2ème chambre et a opéré en 2023 un revirement de jurisprudence (Cass. Civ 1er, 08.02.2023, n°21-21283),
Dans le cadre de l’arrêt rendu le 13 décembre 2013, la présente cour avait retenu que M. [I] était apte à une activité de gestion administrative et commerciale. M. [T] précise que si aggravation il n’y a, pour autant, rien ne laisse penser qu’elle empêche toute activité professionnelle au sens de la jurisprudence constante. Il conclut au fait que M. [E] [I] ne rapporte la preuve de son inaptitude.
Selon les données fournies par l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE), le salaire mensuel moyen net de cotisation en France s’élève à 2 520 euros. Il précise qu’au 2 juillet 2024, il sera âgé de 42 ans, et souligne qu’il applique pour procéder à l’indexation de la rente viagère, le barème de capitalisation 2022 publié par la gazette du palais. Il évalue sa perte de chance de gains professionnels future a 90%, et effectue les calculs suivants :
Arrérages du 24 mai 2019 à la date de l’arrêt à intervenir : (2 520 euros) x 90 % = 2268 euros x nombre de mois écoulés entre le 24 mai 2019 et la date de l’arrêt à intervenir,
Rente annuelle viagère : (2 520 euros x 12) x 90 % = 27 216 € nets. Euro de rente Barème gazette du palais 2022 taux -1 %. Homme âgé de 42 ans : indice 48,388. 27 216 x 48 388 = 1 316 927,80 euros.
Subsidiairement si la cour ne devait pas faire application du taux d’actualisation -1%, il effectue les calculs suivants : (2 520 euros x 12) x 90 % = 27 216 euros nets ; euro de rente Barème gazette du palais 2022 taux 0%. Homme âgé de 42 ans : indice 38, 527. 16 x 38,527 = 1 048 550,83 euros.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La cour rappelle qu’elle vide sa saisine et ne statue que sur l’indemnisation du poste de perte de gains professionnels future pour lequel elle a sursis à statuer après avoir relevé que ce poste de préjudice s’analysait en une perte de chance.
Il sera également rappelé qu’ une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, sa réparation ne peut par voie de conséquence, être écartée que s’il peut être tenu pour certain que la faute n’a pas eu de conséquence sur le dommage.
Or, en l’espèce la cour sans inverser la charge de la preuve a retenu dans son arrêt du 21 mars 2024, que : antérieurement à l’aggravation M. [E] [I] ne travaillait plus n’ayant pas repris son activité après l’accident et que du fait des aggravations orthopédique et psyvhiatrique, son déficit fonctionnel permanent était augmenté de 8% (soit 33% + 8%) et l’expert [V] l’avait déclaré inapte à tous postes de travail.
Il a, sauf à réinterpréter ses propos, indiqué littéralement :
‘Il existe un préjudice professionnel , M.[I] est dans l’incpacité de maintenir une station assise prolongée. La station debout prolongée lui est pénible du fait de la problématique de hanche et lombaire. IL ne peut pas porter de charges. Il présente par ailleurs des troubles de vigilance bien vus au moment des expertises (thérapeutiques médicamenteuses ) ainsi qu’un trouble de l’humeur , si bien que M.[I] est dans l’incapacité de mener uen activité professionnelle quelconque.’
C’est donc au regard des conclusions de l’expert que M. [E] [I] a sollicité l’indemnisation totale de son préjudice de perte de gains future de manière viagère estimant ne plus pouvoir travailler de manière définitive.
M.[T] et son assureur n’ont pas apporté d’éléments suffisamment probants pour combattre cette appréciation médicale et la cour a retenu que la démonstration d’une incapacité définitive au travail était rapportée.
Elle en a conclu que le préjudice subi par M.[E] [I] s’analysait non pas en un préjudice de perte de gains future totale basée sur son salaire antérieure de chef d’entreprise (105,95 euros par jour) mais en une perte de chance certaine de pouvoir retravailler et percevoir des revenus au salaire médian d’un salarié français.
Enfin, si la cour a indiqué dans ses arrêts antérieurs que M. [E][I] était apte à exercer une activité comme le soutient les MMA, cette motivation n’a été retenue qu’au titre de l’indemnisation du préjudice de perte de gains actuelle (et antérieurement à la consolidation de la première aggravation).
Il s’en déduit que contrairement à ce que soutient les MMA, la question du préjudice de perte de chance a été motivée par la cour et sera seule retenue suivant la motivation adoptée par la cour le 21 mars 2024.
M. [E][I] estime qu’au regard de son parcours scolaire et professionnel il aurait pu retravailler et que sa perte de chance de percevoir des revenus au salaire médian d’un salarié français doit être évaluée à 90%.
Cependant au regard de son parcours professionnel et des picèes qu’ils produit pour en justifier, de ses diplômes (baccalauréat et une année d’études supérieures) et de son âge après la consolidation des aggravations orthopédique et psychiatrique, la perte de chance de pouvoir retravailler et percevoir le salaire médian français de M. [E][I] doit être évaluée à 65%.
S’agissant du calcul d’un préjudice futur, la cour retiendra le barème de la Gazette du palais du 15 septembre 2020 (+ 0,30), s’agissant d’une appréciation souveraine des juges du fond.
La cour retiendra enfin comme base de calcul le salaire médian français en net fiscal au jour où elle statue soit 2 200 euros net par mois et 26 400 euros annuels.
Ainsi :
*sur la période échue de la date de la consolidation soit 24 mai 2019 au jour où la cour statue soit le 24 octobre 2024 soit 5,42 années :
(26 400 x 5,42) x 65% = 93 007,20 euros ;
*sur la période à échoir,
(26 400 x 34.981 (euro de rente d’un homme âgé de 43 ans)) x 65% = 600 273,96 euros.
Soit un total de 693 281,16 euros.
Les MMA demande que le préjudice soit indemnisé sous forme de rente semestrielle. M. [E][I] s’y oppose.
Il sera rappelé qu’il est de jurisprudence constante que la victime au nom du principe de réparation intégrale ne peut être tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt de l’assureur. Il n’est pas démontré que les modalités de la rente offriraient un bénéfice supérieur que celles du versement des sommes en capital comme elle le demande.
Par voie de conséquence et en vertu du principe de non mitigation, ce poste de préjudice sera payé en capital comme demandé par M. [E][I].
Parties perdantes au principal, la SA MMA Iard supportera la charge des dépens.
L’équité commande d’allouer à titre complémentaire la somme de 2 000 euros à M.[E] [I] aux titres des farsi irrépétibles d’appel que la SA MMA sera condamnée à lui payer.
LA COUR,
Vu l’arrêt du 21 mars 2024, la cour vidant sa saisine;
Infirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté M.[E] [I] de sa demande de perte de gains professionnels future;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Fixe le préjudice de perte de gains future de M.[E] [I] à la somme de 693 281,16 euros ;
Condamne la SA MMA Iard et M .[L] [T] in solidum à payer à M.[E] [I] la somme en capital de 693 281,16 euros ;
Condamne la SA MMA Iard à supporter la charge des dépens ;
La condamne à payer la somme de 2 000 euros à M.[E] [I] aux titres des frais irrépétibles d’appel ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT