Évaluation des obligations financières et des compensations dans le cadre d’un prêt bancaire

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Évaluation des obligations financières et des compensations dans le cadre d’un prêt bancaire

La Sci Poitoubien, composée de M. [O] [M] et Mme [L] [R], a contracté plusieurs prêts auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] pour l’acquisition d’une maison et d’un appartement. En raison d’impayés, la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts et a engagé une saisie immobilière. Les biens ont été vendus, mais la banque a estimé ne pas avoir été intégralement remboursée et a mis en demeure les associés. Après une procédure judiciaire, le tribunal a déclaré recevable l’action de la banque contre M. [M] et Mme [R], mais a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts sur certains prêts et a reconnu un manquement de la banque à son devoir de conseil. La Caisse de Crédit Mutuel a interjeté appel, demandant la réformation du jugement. La cour d’appel a confirmé en partie le jugement initial, mais a ordonné la réouverture des débats pour examiner les demandes de la banque concernant les prêts contestés. Les parties ont continué à échanger des conclusions, et la cour a finalement statué en condamnant M. [M] et Mme [R] à rembourser des sommes à la banque tout en accordant des indemnités à Mme [R] pour des montants versés par une autre entité. Les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Chambéry
RG
21/01050
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 10 Octobre 2024

N° RG 21/01050 – N° Portalis DBVY-V-B7F-GWPA

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’ANNECY en date du 08 Avril 2021, RG 17/01865

Appelante

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 9], dont le siège social est sis [Adresse 2] – [Localité 9] prise en la personne de son représentant légal

Représentée par la SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ANNECY

Intimés

M. [O] [M]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4] [Localité 7]

Représenté par la SELARL KORUS AVOCATS D’AFFAIRES, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

Mme [L] [R] divorcée [M]

née le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 11], demeurant [Adresse 3] – [Localité 13]

Représentée par Me Hélène ROTHERA, avocat au barreau d’ANNECY

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COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l’audience publique des débats, tenue le 11 juin 2024 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré, en présence de Madame [I] [U], Greffière stagiaire et de Madame [B] [J], Auditrice de justice,

Et lors du délibéré, par :

– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

En présence de Madame Lucie PORTIER, Auditrice de Justice qui a participé au délibéré avec voix consultative

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EXPOSÉ DU LITIGE

La Sci Poitoubien a pour associés à parts égales M. [O] [M] et Mme [L] [R].

Par acte authentique du 28 juin 2007, cette société a souscrit auprès de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] deux prêts de 110 000 et 130 000 euros pour l’acquisition d’une maison à [Localité 12] (Vienne),

Par acte authentique du 28 février 2008, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a en outre consenti à cette même société deux nouveaux prêts de 146 000 et 18 558 euros pour l’acquisition d’un appartement à [Localité 10] (Haute-Savoie).

Se prévalant d’impayés dans le remboursement des mensualités convenues au titre des concours précités, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] indique avoir prononcé la déchéance du terme des concours par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 mai 2012.

Consécutivement, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a fait délivrer, le 27 septembre 2012, un commandement de payer valant saisie-immobilière sur le bien situé à [Localité 10].

Par acte du 26 juin 2014, la maison d’habitation sise à [Localité 12] (Vienne) et l’appartement sis à [Localité 10] (Haute-Savoie) ont été respectivement cédés aux prix de 122 000 et de 155 000 euros.

Par jugement du 10 mars 2015, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Annecy a constaté le désistement du créancier poursuivant ainsi que la caducité du commandement susvisé.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 21 août 2017, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9], estimant ne pas avoir été intégralement désintéressée, a mis en demeure M. [M] et Mme [R] d’avoir à lui régler chacun la somme de 86 005,22 euros en leur qualité d’associés de la Sci Poitoubien laquelle, ne possédant plus d’actif, a cessé son activité puis a été liquidée suivant procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire du 2 avril 2015 avec dissolution anticipée à la date du 3 avril 2015.

Faute de règlement spontané, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a, par actes du 13 décembre 2017, fait assigner en paiement M. [M] et Mme [R] devant le tribunal judiciaire.

Par jugement contradictoire du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire d’Annecy a :

– déclaré recevable l’action de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] contre M. [M] et Mme [R] en qualité d’associés de la Sci Poitoubien défaillante,

– prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] relatifs aux prêts immobiliers ordinaires de 110 000 euros à 3,8% et Modulimmo de 130 000 euros à 4,20 % selon offre du 25 mai 2007 n°101897-002-02,

– débouté en conséquence la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de sa demande en paiement du solde impayé des prêts consentis par acte authentique du 28 juin 2007,

– dit que la Caisse de Crédit Mutuel a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion de l’octroi des deux prêts du 28 février 2008,

– accordé à M. [M] et à Mme [R] à titre de dommages et intérêts une somme équivalente au solde impayé de ces prêts,

– débouté en conséquence après compensation la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de ses demandes,

– débouté M. [M] et Mme [R] de leurs demandes par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] aux dépens.

La Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 14 mai 2021.

Par conclusions notifiées le 21 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] demande à la cour de :

– réformer le jugement déféré en ce qu’il :

a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts pour les prêts immobiliers ordinaires de 110 000 euros à 3,8% et Modulimmo de 130 000 euros à 4,20% selon offre du 25 mai 2007 n°101897-002-02,

l’a déboutée en conséquence de sa demande en paiement du solde impayé des prêts consentis par acte authentique du 28 juin 2007,

dit qu’elle a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion de l’octroi des deux prêts du 28 février 2008,

accordé à M. [M] et à Mme [R] à titre de dommages et intérêts une somme équivalente au solde impayé de ces prêts,

l’a déboutée en conséquence après compensation de ses demandes,

l’a condamnée aux dépens,

Et statuant à nouveau,

– dire que l’action en responsabilité délictuelle de M. [M] et de Mme [R] est prescrite,

– condamner M. [M] et Mme [R], à proportion de leur engagement dans le capital social de la Sci Poitoubien, à lui verser la somme totale de 86 733,08 euros chacun, outre intérêts arrêtés au 21 août 2017, décomposés comme suit :

au titre du prêt ‘ord.immob’ n°10278 3643 100010189702, sur la somme de 5 419,03 euros, des intérêts au légal à compter du 14 novembre 2017 jusqu’à parfait paiement,

au titre du prêt ‘modulimmo’ n°10278 3643 100010189704, sur la somme de 31 075,87 euros, des intérêts au taux conventionnel de 5,05% l’an à compter du 14 novembre 2017 jusqu’à parfait paiement,

au titre du prêt ‘modulimmo’ n°10278 3643 100010189705, sur la somme de 136 971,26 euros, des intérêts au taux conventionnel de 5,05% l’an à compter du 14 novembre 2017 jusqu’à parfait paiement,

– débouter M. [M] et Mme [R] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner les mêmes, solidairement, au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes, en les mêmes formes, au paiement des entiers dépens de l’instance en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En réplique, par conclusions notifiées le 28 février 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [R] demande à la cour de :

– confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il a :

prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] relatifs aux prêts immobiliers ordinaires de 110 000 euros à 3,8% et Modulimmo de 130 000 euros à 4,20% selon offre du 25 mai 2007 n°101897-002-02,

débouté en conséquence la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de sa demande en paiement du solde impayé des prêts consentis par acte authentique du 28 juin 2007,

dit que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion de l’octroi des deux prêts du 28 février 2008,

accordé à M. [M] et à Mme [R] à titre de dommages et intérêts une somme équivalente au solde impayé de ces prêts,

débouté en conséquence après compensation la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de ses demandes,

A défaut et subsidiairement,

– déclarer les demandes de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] non fondées,

– dire et juger qu’en tout état de cause, elle doit le cas échéant bénéficier du versement des indemnités invalidité qui se trouvent aujourd’hui consignées pour un montant de 98 139,75 euros,

– dire en tout état de cause que du montant des sommes auquel elle pourrait être condamnée, seront déduites les indemnités consignées, le solde devant lui revenir directement,

Encore plus subsidiairement,

– lui accorder en tout état de cause pour le cas où une condamnation serait prononcée, un délai de deux ans pour s’acquitter du montant sa dette éventuelle, les échéances reportées portant intérêts au taux d’intérêt légal et que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital,

En tout état de cause statuant à nouveau,

– en tout état de cause, voir condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à lui reverser, assurée, la somme de 98 139,75 euros,

– ordonner la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires renouvelées par le 8 avril 2021 et prises par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] sur le bien immobilier sis à [Localité 13] cadastré section B n°[Cadastre 6] pour deux fois 86 733,08 euros,

– voir condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens.

Enfin, par conclusions notifiées le 12 octobre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [M] demande à la cour de :

– confirmer la décision déférée en ce qu’elle a :

prononcé la déchéance de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de tout droit aux intérêts des emprunts suivants :

prêt ‘immobilier ordinaire’ n°10278 36431 00010189702 de 110 000 euros remboursable en 180 mensualités à compter du 25 mars 2008 assorti du taux d’intérêt de 3,8%,

prêt ‘immobilier modulimmo’ n°10278 36431 00010189703 de 130 000 euros remboursable en 300 mensualités à compter du 25 mars 2008 assorti du taux d’intérêt de 4,2%,

les intérêts indûment perçus étant restitués aux parties défenderesses,

débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de ses demandes en paiement du solde des prêts du 28 juin 2007,

dit que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion de l’octroi des deux prêts du 28 février 2008, au besoin après avoir requalifié l’engagement de M. [M] et de Mme [R] en cautionnement,

débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de l’intégralité de ses demandes formulées à son encontre,

condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] aux dépens,

Subsidiairement,

– déclarer recevable le moyen de défense au fond fondé sur la faute délictuelle de la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] invoqué par lui et en conséquence,

– débouter de plus fort la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de l’intégralité de ses demandes formulées à son encontre,

Plus subsidiairement,

– lui octroyer 24 mois de délais paiement pour s’acquitter du montant de sa dette par 24 mensualités qui, les échéances reportées portant intérêt au taux de l’intérêt légal, et les paiements s’imputant d’abord sur le capital,

En tout état de cause,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Une première ordonnance de clôture a été rendue le 4 septembre 2023.

Par arrêt du 11 janvier 2024, la deuxième section de la chambre civile de la cour d’appel de Chambéry a :

– confirmé le jugement déféré sauf en ce qu’il a :

dit que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde à l’occasion de l’octroi des deux prêts du 28 février 2008,

accordé à M. [M] et à Mme [R] à titre de dommages et intérêts une somme équivalente au solde impayé de ces prêts,

débouté en conséquence après compensation la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de ses demandes,

condamné la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] aux dépens,

Statuant à nouveau,

– débouté M. [M] et Mme [R] de leurs demandent de dommages et intérêts concernant les prêts n°10278 3643 100010189704 et 10278 3643 100010189705 consentis par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à la Sci Poitoubien selon acte authentique du 28 février 2008,

– ordonné la réouverture des débats,

– enjoint à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de produire un décompte des prêts n°10278 3643 100010189704 et 10278 3643 100010189705, arrêté au 27 juin 2014, limitant pour chacun des prêts l’indemnité conventionnelle à la somme de 100 euros,

– dit que l’affaire sera rappelée à l’audience du 11 juin 2024, avec ordonnance de clôture au 17 mai 2024

– réservé les autres demandes des parties.

*

Au terme de ses dernières écritures après réouverture des débats, notifiées par voie électronique le 3 juin 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] demande à la cour de :

– condamner M. [M] et Mme [R] à proportion de leur engagement dans le capital social de la Sci Poitoubien, à lui verser la somme totale de 64 274,67 euros chacun, outre intérêts au taux conventionnel à compter du 28/06/2014 jusqu’à parfait paiement, décomposés comme suit :

au titre du prêt Modulimmo n°10278 3643 1000101897 04, la somme de 18 431,30 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 4,95% l’an à compter du 28 juin 2014 jusqu’à parfait paiement,

au titre du prêt Modulimmo n°10278 3643 1000101897 05, la somme de 110 118,04 euros, outre intérêts au taux conventionnel de 5,05% l’an à compter du 28 juin 2014 jusqu’à parfait paiement,

– débouter M. [M] et Mme [R] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner les mêmes, solidairement, au paiement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes, en les mêmes formes, au paiement des entiers dépens de la première instance et de l’instance d’appel en vertu des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 30 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [R] demande à la cour de :

– confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il a :

prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts de la Caisse de Crédit Mutuel relatifs aux prêts Immobilier Ordinaire de 110 000 euros à 3,80% et Modulimmo de 130 000 euros à 4,20% selon offre du 25 mai 2007 n°101897-002-02,

débouté en conséquence la Caisse de Crédit Mutuel de sa demande en paiement au titre des prêts consentis par acte authentique du 28 juin 2007,

– constater que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] a déféré tardivement à l’injonction de communiquer en produisant un décompte non exploitable de sa créance au titre des prêts souscrits le 28 février 2008,

Par voie de conséquence statuant à nouveau,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de toutes demandes sur les prêts souscrits le 28 février 2008 et au besoin rejeter toutes demandes de ce chef du fait de la carence de la banque,

– dire et juger qu’elle doit le cas échéant bénéficier du versement des indemnités invalidité qui se trouvent aujourd’hui consignées pour un montant de 98 139,75 euros,

– ordonner la déconsignation à son profit sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

– dire le cas échéant que du montant des sommes auquel elle pourrait être condamnée, seront déduites les indemnités consignées, le solde devant lui revenir directement,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à lui reverser à, en qualité d’assurée, la somme de 98 139,75 euros outre au paiement d’une somme de 30 000 euros de dommages intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle,

– ordonner la mainlevée des hypothèques judiciaires provisoires renouvelées par le 8 avril 2021 et prises par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] sur le bien immobilier sis à [Localité 13] cadastré section B n°[Cadastre 6] pour deux fois 86 733,08 euros aux frais de l’appelante,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens,

Encore plus subsidiairement,

– lui accorder en tout état de cause pour le cas où une condamnation serait prononcée, un délai de deux ans pour s’acquitter du montant sa dette éventuelle, les échéances reportées portant intérêts au taux d’intérêt légal et que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 31 mai 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [M] demande à la cour de :

– débouter la Caisse de Crédit Mutuel de l’intégralité de ses demandes,

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

Subsidiairement,

– ramener les demandes de la Caisse de Crédit Mutuel présentées à son encontre au total de 52 604,45 euros suite à compensation entre les créances-dettes dont ils sont réciproquement redevables l’un envers l’autre,

– lui octroyer 24 mois de délais paiement qui s’acquittera du montant de sa dette par 24 mensualités qui, les échéances reportées portant intérêt au taux de l’intérêt légal, et les paiements s’imputant d’abord sur le capital,

– débouter la Caisse de Crédit Mutuel de sa demande de condamnation le concernant à régler une somme au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Après report, l’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les conclusions transmises à la cour après réouverture des débats

L’ensemble des conclusions des parties ayant été contradictoirement communiquées avant la clôture, il n’y a pas lieu d’écarter des débats les conclusions du 3 juin 2024 transmises par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] lesquelles ne fixent aucune nouvelle demande dans leur dispositif, ne sont accompagnées d’aucune pièce nouvelle et ne font, en définitive, que répliquer aux conclusions adverses des 30 et 31 mai 2024.

Sur la demande en paiement présentée par la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9]

Selon l’article 1857 alinéa 1 du code civil les associés répondent indéfiniment, à l’égard des tiers, des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

Il a précédemment été rappelé, par arrêt mixte du 11 janvier 2024, que M. [M] et Mme [R] se reconnaissent l’un et l’autre personnellement détenteurs de 50% des parts sociales de la Sci Poitouvin et que, après dissolution de cette société, la clôture des opérations de liquidation est intervenue avec un solde à 0 selon dépôt effectué le 14 octobre 2015 au greffe du tribunal de commerce d’Annecy.

L’arrêt du 11 janvier 2024 a par ailleurs d’ores et déjà, par confirmation ou réformation des dispositions du jugement du 8 avril 2021 :

Concernant les prêts souscrits le 28 juin 2007,

– débouté la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de sa demande en paiement relative au solde du prêt référencé n°10278 3643 100010189702, étant précisé qu’aucune demande en paiement n’était formulée au titre du prêt n°10278 3643 100010189703 et qu’un trop versé de 13 340,44 euros a été constaté concernant le prêt n°10278 3643 100010189703 pour lequel la déchéance du droit aux intérêts a été confirmée,

Concernant les prêts souscrits le 28 février 2008,

– constaté l’absence de faute de la banque au titre d’un soutien abusif ou d’un manquement à ses devoirs de conseil ou de mise en garde,

– modéré les indemnités conventionnelles des prêts n°10278 3643 100010189704 et n°10278 3643 100010189705 à la somme de 100 euros pour chacun d’entre eux,

– enjoint à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] de produire un nouveau décompte arrêté au 27 juin 2014 pour chacun des prêts.

Après réouverture des débats, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] verse aux débats deux nouveaux décomptes permettant à la cour de retenir :

Pour le prêt n°10278 3643 100010189704

un total restant dû de 131 334,93 euros en capital au jour de la déchéance

un total restant dû de 6 716,57 euros au titre des échéances impayées

un total d’intérêts courus au 27/06/2014 de 14 491,35 euros (330,74 + 14 160,61)

une dette de 100 euros au titre de l’indemnité conventionnelle

soit un dette globale de 152 642,85 euros pour ce concours

Pour le prêt n°10278 3643 100010189705

un total restant dû de 115 053,94 euros en capital au jour de la déchéance

un total restant dû de 2 336,64 euros au titre des échéances impayées

un total d’intérêts courus au 27/06/2014 de 12 615,91 euros (188,78 + 12 427,13)

une dette de 100 euros au titre de l’indemnité conventionnelle

soit un dette globale de 130 106,49 euros pour ce concours

Eu égard aux taux respectifs des prêts (4,950% pour le premier et 5,050% pour le second), les débiteurs avaient intérêts à solder en priorité le concours référencé n°10278 3643 100010189705.

Aussi, le notaire en charge de la vente de l’appartement de [Localité 10] ayant adressé à la banque la somme de 154 200 euros, par virement du 27/06/2014, il y a lieu de considérer que :

– la dette de 130 106,49 euros (prêt n°10278 3643 100010189705) s’avère entièrement soldée à la date du 27/06/2014,

– la dette au titre du prêt n°10278 3643 100010189704 doit être ramenée à la somme de 128 549,34 euros (152 642,85- 24 093,51) après règlement du notaire.

En outre, M. [M] relève a raison qu’un trop perçu de 13 340,44 euros, concernant le prêt n°10278 3643 100010189703 pour lequel la déchéance du droit aux intérêts a été confirmée, doit être déduit de la dette.

Il en résulte que M. [M] et Mme [R] s’avèrent l’un et l’autre débiteurs de la somme de 57 604,45 euros ((128 549,34 – 13 340,44) / 2) envers la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9], et ce avec intérêts au taux de 4,95% à compter du 28 juin 2014.

Sur la demande de versement des indemnités invalidité présentée par Mme [R]

Il est acquis aux débats que les ACM VIE SA ont réglé à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9], le 7 juillet 2017, une somme de 98 581,46 euros (34 046,47 + 64 534,99) au titre de l’assurance souscrite par Mme [R] concernant la perte totale et irréversible d’autonomie.

Il n’est pas discuté que cette somme a été consignée par la banque et qu’elle n’a pas été reversée à l’assurée ni déduite du solde d’un quelconque concours.

Il en résulte que la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] doit être condamnée à reverser cette somme à Mme [R].

Cette dernière, qui n’a pu obtenir amiablement le versement d’indemnités consignées depuis 7 ans, est par ailleurs fondée à solliciter le bénéfice de dommages et intérêts au titre de la faute de la banque laquelle a conservé ces indemnités tandis que les intérêts contractuels continuaient à courir pour les prêts non-soldés dont elle poursuit le recouvrement à l’encontre des actionnaires de la Sci Poitoubien.

Le préjudice subi peut utilement s’apprécier à la somme de 30 000 euros au regard des intérêts courus depuis 2017 alors-même que Mme [R] aurait été en capacité de solder sa dette si le capital lui revenant lui avait été effectivement versé à bonne date.

En conséquence, la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] est condamnée à verser la somme de 30 000 euros à Mme [R] à titre de dommages et intérêts, la compensation étant en outre ordonnée entre les créances respectives des parties.

Sur les délais de paiement

A supposer que Mme [R] demeure, après compensation, débitrice envers la banque, il doit être relevé que l’intimée se déclare elle-même dans l’incapacité de faire face à un quelconque règlement eu égard à sa situation financière.

Dès lors, elle ne peut qu’être déboutée de sa demande visant à obtenir le bénéfice d’un échéancier sur 24 mois.

Par ailleurs, M. [M] ne verse pas d’élément actualisé concernant sa situation financière de sorte que sa demande de délai de paiement ne peut être, en l’état, favorablement accueillie.

Sur les autres demandes des parties

La cour ne disposant pas d’élément concret concernant les hypothèques judiciaires provisoires prises sur un bien sis à [Localité 13] dont la mainlevée est sollicitée, cette demande ne pourra donc être accueillie favorablement.

Appelante et intimés succombant chacun pour partie en leurs prétentions, la cour dit que les dépens de première instance et d’appel seront supportés par chacune des parties à hauteur des frais exposés par elle.

L’équité commande, dans ces conditions, de ne pas faire droit aux demandes présentées au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Condamne M. [O] [M] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] la somme de 57 604,45 euros avec intérêts au taux de 4,95% à compter du 28 juin 2014,

Condamne Mme [L] [R] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] la somme de 57 604,45 euros avec intérêts au taux de 4,95% à compter du 28 juin 2014,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à verser à Mme [L] [R] la somme de 98 581,46 euros au titre des indemnités versées par les ACM VIE SA,

Condamne la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9] à verser à Mme [L] [R] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Ordonne compensation entre les sommes dues entre elles par Mme [L] [R] et la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 9],

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens de première instance et d’appel qu’elle a exposés,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Ainsi prononcé publiquement le 10 octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

Copies : 10/10/2024

la SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI ET ASSOCIES

la SELARL KORUS AVOCATS D’AFFAIRES

Me ROTHERA


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