Évaluation des obligations contractuelles et conséquences d’un rééchelonnement dans le cadre d’un crédit automobile

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Évaluation des obligations contractuelles et conséquences d’un rééchelonnement dans le cadre d’un crédit automobile

La société anonyme Santander Consumer Banque a accordé un crédit de 14 008 euros à M. [H] [W] pour l’achat d’un véhicule, remboursable en 72 mensualités. Après la livraison du véhicule, M. [W] a été déclaré recevable à la procédure de surendettement en mai 2022, avec un rééchelonnement de ses dettes. La créance de Santander a été fixée à 12 909,66 euros, avec des modalités de remboursement spécifiques. En novembre 2022, Santander Consumer Banque a fusionné avec Santander Consumer Finance. En juin 2023, Santander Consumer Finance a mis en demeure M. [W] pour un montant de 12 735,79 euros. En novembre 2023, la société a assigné M. [W] devant le tribunal pour obtenir le paiement de 13 663,48 euros, des intérêts, et des frais. M. [W] n’a pas comparu à l’audience de juillet 2024, et la décision a été mise en délibéré pour octobre 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

7 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Lille
RG
23/11133
TRIBUNAL JUDICIAIRE
de LILLE
[Localité 4]

☎ :[XXXXXXXX01]

N° RG 23/11133
N° Portalis DBZS-W-B7H-XZQF

N° de Minute : L 24/00502

JUGEMENT

DU : 07 Octobre 2024

S.A. SANTANDER CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la société SANTANDER CONSUMER BANQUE SA.

C/

[H] [W]

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT DU 07 Octobre 2024

DANS LE LITIGE ENTRE :

DEMANDEUR(S)

S.A. SANTANDER CONSUMER FINANCE, venant aux droits de la société SANTANDER CONSUMER BANQUE SA., dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Fabien DUCOS-ADER, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Marie JAKOBO, avocat au barreau de LILLE

ET :

DÉFENDEUR(S)

M. [H] [W], demeurant [Adresse 3]

non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS À L’AUDIENCE PUBLIQUE DU 01 Juillet 2024

Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU DÉLIBÉRÉ

Par mise à disposition au Greffe le 07 Octobre 2024, date indiquée à l’issue des débats par Mélanie COCQUEREL, Juge, assistée de Sylvie DEHAUDT, Greffier

RG 11133/23 – Page – MAEXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée par voie électronique le 23 avril 2021, la société anonyme (ci-après SA) Santander Consumer Banque a consenti à M. [H] [W] un crédit d’un montant de 14 008 euros affecté à l’achat d’un véhicule neuf de marque Ligier modèle JS50 immatriculé [Immatriculation 5], au taux débiteur fixe de 4,98%, remboursable en 72 mensualités de 225,48 euros hors assurance.

La livraison du véhicule est intervenue le 30 avril 2021.

Le 11 mai 2022, la commission de surendettement des particuliers du Nord a déclaré M. [W] recevable à bénéficier de la procédure de surendettement.

Le 17 août 2022, la commission a imposé le rééchelonnement de ses dettes sur une durée de 74 mois, au taux débiteur maximum de 0,76% et elle a retenu une mensualité de remboursement de 217 euros.

Ces mesures, entrées en vigueur le 30 septembre 2022, prévoyaient, en ce qui concerne la créance détenue par la SA Santander Consumer Banque au titre de ce crédit affecté fixée à un montant de 12 909,66 euros, le règlement de 4 premières mensualités de 42,78 euros suivies de 70 mensualités de 186,09 euros.

Le 30 novembre 2022, la SA Santander Consumer Banque a fait l’objet d’une fusion avec la SA Santander Consumer Finance.

Par lettre recommandée de commissaire de justice du 12 juin 2023 réceptionnée le 15 juin 2023, la SA Santander Consumer Finance a mis en demeure M. [W] de lui régler la somme de 12 735,79 euros sous huit jours.

Par acte d’huissier du 22 novembre 2023, la SA Santander Consumer Finance, venant aux droits de la SA Santander Consumer Banque, a fait assigner M. [W] devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil :

être déclarée recevablecondamner M. [W] à lui payer la somme de 13 663,48 euros selon décompte en date du 7 juillet 2023 augmentée des intérêts au taux contractuel depuis la date du décompte jusqu’à celle du règlement effectif des sommes dues,ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,condamner M. [W] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 1er juillet 2024.

Régulièrement assigné par remise de l’acte à l’étude d’huissier, M. [W] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter à l’audience.

A l’issue de l’audience, la décision a été mise en délibéré au 7 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, l’absence de M. [W] à l’audience ne fait pas obstacle à ce qu’une décision soit rendue sur le fond du litige, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la recevabilité

Aux termes de l’article R632-1 du code de la consommation, le juge peut soulever d’office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

Aux termes des dispositions de l’article R312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à la suite de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion.
Cet événement est notamment caractérisé par le premier incident de paiement non régularisé.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L 733-1.

En l’espèce, il ressort des pièces produites aux débats par la demanderesse que ce premier incident de paiement non régularisé date du 30 septembre 2022 puisqu’aucune des mensualités des mesures imposées par la commission n’a été réglée.

La SA Santander Consumer Finance est donc recevable à agir en paiement.

Sur le caractère exigible du solde du crédit affecté

La motivation des mesures imposées par la commission de surendettement contient la mention suivant laquelle si elles ne sont pas respectées, les mesures deviendront caduques quinze jours après une mise en demeure adressée par le créancier par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse d’avoir à exécuter les obligations prévues par les mesures.

En l’espèce, la SA Santander Consumer Finance justifie avoir adressé à M. [W] une lettre recommandée le 12 juin 2023 aux termes de laquelle elle l’a mis en demeure de lui régler la somme de 12 735,79 euros sous huit jours.

Si, en principe, la SA Santander Consumer Finance n’était censée exiger que le paiement des mensualités impayées du plan établi par la commission, cela ne suffit pas à permettre de considérer que cette mise en demeure ne serait pas valable.

Par ailleurs, il ressort du décompte actualisé au 30 juin 2023 qu’aucun règlement n’est intervenu dans les 15 jours de la délivrance de cette mise en demeure.

La caducité du plan en ce qui concerne ce créancier est donc valablement intervenue de sorte qu’il est recevable à obtenir le règlement du solde du crédit affecté.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Aux termes de l’article L.341-2 du code de la consommation, le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L312-14 et L312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Aux termes de l’article L.312-16 du même code, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

En l’espèce, la SA Santander Consumer Finance ne justifie pas avoir exigé de M. [W] la fourniture de justificatifs de charges et notamment une quittance de loyer alors que les frais de logement sont classiquement les plus significatifs.

La SA Santander Consumer Finance a donc insuffisamment vérifié la solvabilité de l’emprunteur.

Par conséquent, elle sera totalement déchue de son droit aux intérêts contractuels conformément à l’article L341-2 du code de la consommation.

Sur les sommes dues

En application de l’article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L.341-1 à L.341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.

M. [W] ne sera donc tenu qu’au remboursement du seul capital restant dû, après déduction de tous les paiements réalisés par lui à quelque titre que ce soit. Compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts contractuels, l’indemnité légale de 8% n’est pas due.

Il ressort de l’historique de compte édité le 30 juin 2023, produit par la SA Santander Consumer Finance que le montant total des règlements effectués par M. [W] représente la somme de 3 176,40 euros.

Le solde de la dette sera donc déterminé comme suit :

capital emprunté : 14 008,00 eurossommes déjà versées : – 3 176,40 euros
soit un total restant dû de : 10 831,60 euros.

M. [W] sera donc condamné à verser à la SA Santander Consumer Finance la somme de 10 831,60 euros, arrêtée au 30 juin 2023.

Il résulte de l’article 23 de la directive de l’Union Européenne n°2008/48 que les dispositions de l’article L313-3 du Code monétaire et financier, qui prévoient la majoration de cinq points du taux légal à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, et celles de l’article 1231-6 du code civil, prévoyant l’application du taux légal à compter de la mise en demeure, doivent être écartées lorsqu’il en résulterait que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur, à la suite de la déchéance du droit aux intérêts, pourraient lui procurer un bénéfice ou ne seraient pas significativement inférieurs à ceux dont il pourrait bénéficier, conformément au contrat, s’il avait respecté ses obligations, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité.

En l’espèce, le taux contractuel stipulé était de 4,98% l’an de sorte que les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté son obligation de remettre à l’emprunteur une offre conforme à l’article L312-16 du code de la consommation. La seule sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels est ainsi insuffisamment dissuasive au regard de la gravité des manquements constatés.

Il convient donc d’écarter l’application du taux légal, excluant ainsi toute majoration légale de l’article L313-3 du code monétaire et financier.

Sur la demande de capitalisation des intérêts

Aux termes de l’article L 312-38 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L 312-39 et L 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

En application de cet article, il convient de rejeter la demande de capitalisation des intérêts présentée par la SA Santander Consumer Finance.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. [W], qui succombe à l’instance, sera condamné aux dépens.

L’équité comme la situation économique respective des parties commande de rejeter la demande présentée par la SA Santander Consumer Finance au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, en application de l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est exécutoire de plein droit.

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