Évaluation des limites de l’expertise et des demandes d’investigation dans le cadre d’un litige commercial

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Évaluation des limites de l’expertise et des demandes d’investigation dans le cadre d’un litige commercial

La SCI Conférenciel a engagé la société Mc Construction 95 pour réaliser des travaux de gros œuvre dans le cadre de la réhabilitation d’un site industriel en centre de conférence à Croissy-Beaubourg, pour un montant de 5.383.196,27 euros. En raison de manquements répétés de Mc Construction 95, la SCI a résilié le contrat par courrier le 30 octobre 2020. Mc Construction 95 a contesté cette résiliation et a demandé une garantie de paiement ainsi qu’une expertise judiciaire. Le tribunal a ordonné une garantie de paiement de 224.758,52 euros et a désigné un expert.

Des décisions ultérieures ont élargi la portée de l’expertise à d’autres parties impliquées dans le projet. La SCI a ensuite demandé la désignation d’un sapiteur financier, ce qui a été rejeté par le juge du contrôle des expertises. La SCI a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions, elle a demandé une analyse comptable ciblée pour vérifier les éléments fournis par Mc Construction 95.

De son côté, Mc Construction 95 a demandé le rejet des demandes de la SCI et a soutenu que l’expert était compétent pour analyser les données financières. Les sociétés Bellegarde architecture et la Mutuelle des architectes français ont également demandé le rejet des demandes de la SCI, arguant que l’expertise était suffisante et que les demandes de la SCI étaient dilatoires.

Le tribunal a finalement confirmé l’ordonnance de rejet des demandes de la SCI, condamnant cette dernière à verser des sommes aux parties adverses et aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
24/04093
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 24/04093 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CJAFK

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Février 2024 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] – RG n° 20/0000541

APPELANTE

S.C.I. CONFERENCIEL, RCS de [Localité 9] sous le n°809 590 698, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Christophe PACHALIS de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

Ayant pour avocat plaidant Me Arnaud MAGERAND, avocat au barreau de PARIS, toque : P132

INTIMÉES

S.A.R.L. MC CONSTRUCTION 95, RCS de [Localité 10] sous le n°490 718 400, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Benoît EYMARD, avocat au barreau de PARIS

LA MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.S. BELLEGARDE ARCHITECTURE, RCS de [Localité 9] sous le n° 798 944 112, prise en la personne de Maître [U] [M] de la S.E.L.A.R.L. GARNIER [M], ès-qualités de liquidateur judiciaire

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentées par Me Jean DE BAZELAIRE DE LESSEUX de l’AARPI COSTER BAZELAIRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0244

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2024, en audience publique, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Conférenciel est maître d’ouvrage d’une opération immobilière consistant en la réhabilitation d’un site industriel en centre de conférence à Croissy-Beaubourg (77).

Par acte des 14 et 29 juin 2019, la société Mc construction 95 s’est engagée à réaliser le lot « 01B » – gros ‘uvre dans le cadre de la construction d’un centre de conférences, à l’égard de la société SCI Conférenciel. Le marché portait sur un montant TTC de 5.383.196,27 euros.

Faisant valoir que dès le début de l’exécution du contrat, la société MC Construction 95 a multiplié les manquements à ses obligations, ne mettant pas les moyens suffisants pour la bonne exécution de ses prestations dans le délai convenu, la société SCI Conférenciel a résilié le marché de la société MC construction 95, par courrier du 30 octobre 2020.

Considérant que cette résiliation du contrat n’était pas fondée, la société MC construction 95 a sollicité en référé une garantie de paiement conforme à l’article 1799-1 du code civil et la désignation d’un expert judiciaire.

Par ordonnance de référé du 2 décembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a condamné la SCI Conférenciel à remettre à la société MC Construction une garantie du paiement de la somme de 224.758,52 euros, ordonné une expertise et commis M. [P] [C] pour y procéder.

Le 25 mars 2021, M. [D] [F] a été désigné en remplacement de Monsieur [P] [C].

Par décision du 2 septembre 2021, lesdites ordonnances ont été déclarées communes et opposables à la société Bellegarde architecture, puis le 7 juin 2023, lesdites ordonnances ont été déclarées communes et opposables à la société Garnier [M] et la mutuelle des architectes français. La demande d’extension de la mission de l’expert sollicitée par la société SCI Conférenciel a été rejetée.

Par un courrier en date du 19 octobre 2023 le conseil de la société SCI Conférenciel a saisi le juge du contrôle des expertises afin que soit désigné un sapiteur financier, à la suite de la diffusion du document de synthèse de l’expert en date du 27 septembre 2023.

Par ordonnance contradictoire du 16 février 2024, le juge du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Meaux a rejeté les demandes de la société SCI Conférenciel.

Par déclaration du 20 février 2024, la société SCI Conférenciel a relevé appel de l’ensemble des chefs du dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 27 août 2024, elle demande à la cour, au visa des article 166 et suivants du code de procédure civile, de :

infirmer l’ordonnance rendue le 16 février 2024 par le juge chargé du contrôle des expertises, près le tribunal judiciaire de Meaux en ce qu’elle a rejeté les demandes de la société SCI Conférenciel ;

Statuant à nouveau,

juger que la demande de recours, par l’expert judiciaire [F], à un sapiteur expert-comptable, est justifiée et demander à l’expert d’y procéder ;

Subsidiairement,

ordonner un complément d’expertise en matière comptable et désigner à cet effet un expert spécialisé ;

juger que l’analyse comptable par le sapiteur ou par l’expert désigné portera en particulier sur la vérification de la masse salariale de l’entreprise notamment sur la période de 2019 à 2021, sur la vérification des factures produites par l’entreprise, qu’elle affirme avoir et être en rapport avec le chantier litigieux (mains d »uvre extérieure, fournisseurs’), sur la vérification des chiffres d’affaires représentés par chaque chantier, sur la même période (de 2019 à 2021) ;

juger que le sapiteur aura notamment pour mission ou donner notamment mission à l’expert désigné, de :

1) Se faire communiquer l’ensemble des éléments comptables réclamés en réunions, et non encore transmis à ce jour, à savoir :

Les grands livres mensuels 2019, 2020, 2021, en format PDF et excel,

Les balances mensuelles 2019, 2020, 2021, en format PDF et excel,

Les chiffres d’affaires mensuels attestés par l’expert-comptable 2019, 2020 et 2021,

2) Demander la liste de l’ensemble des chantiers de la société Mc construction des années 2019, 2020 et 2021 ;

3) Demander le détail de la sous-traitance intracommunautaire et de la sous-traitance France avec affectation par chantiers ;

4) Se prononcer sur les interactions et les facturations internes entre les sociétés des dirigeants de la société Mc construction (il a été indiqué 10 sociétés lors de la dernière expertise judiciaire) ;

demander à l’expert de réaliser une analyse comparée de l’état d’avancement des travaux avec les photos et vidéos prises sur le chantier, afin de recouper ses propres calculs et modélisation ;

condamner la société Mc construction 95 et/ou tout autre succombant aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Me Christophe Pachalis, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et à verser la somme de 6.000 euros à la société SCI Conférenciel au titre des frais irrépétibles d’appel, conformément aux dispositions de l’article 700 du même code.

Elle fait valoir que le document de synthèse a fait l’objet de contestations étayées et argumentées en raison de la méthode utilisée mais aussi sur le fait qu’il se fondait sur des pièces incohérentes et contradictoires ; qu’elle a fait valoir dans son dire que l’expert ne répondait pas ou très partiellement à de nombreux points ; que l’expert n’a cependant ni révisé son analyse, ni accepté de procéder à un recoupement comptable des pièces transmises par Mc Construction, notamment les fiches de paie et les factures intermédiaires, alors qu’il a été démontré par son conseil technique.

Elle estime que les éléments pris en compte par l’expert ne sont pas de nature à démontrer que l’entreprise n’était pas en retard sur le planning et encore moins qu’elle aurait été capable de réaliser les travaux de son marché dans les temps. Elle soutient qu’elle ne demande pas un audit général mais une analyse ciblée de la comptabilité à effet limité et directement en rapport avec le litige, afin de vérifier si les pièces produites par l’entreprise pour justifier des effectifs mis en ‘uvre et si les éléments quantitatifs retenus par l’expert sont conformes.

Elle allègue que la décision de rejet n’a pas été motivée par le premier juge ; que le problème soulevé par elle est que la note de synthèse de M. [S] soulève des incohérences, inexactitudes et invraisemblances et que l’expert, quand bien même il aurait utilisé trois méthodes différentes, s’est toujours fondé sur les pièces versées par l’entreprise en les tenant pour vraies ; que l’expert n’est pas compétent pour analyser les pièces comptables ; qu’il n’a pas répondu point par point à toutes les objections soulevées par M. [S].

Elle soutient que l’expert a ainsi confronté les pièces produites par Mc Construction entre elles, mais il s’est gardé de les confronter avec des éléments non produits par l’entreprise, telles les vidéos du chantier ou la comptabilité certifiée ; que l’expert a choisi une méthode purement théorique et abstraite.

Elle maintient que c’est un défaut de méthode et des conclusions approximatives de l’expert judiciaire, non recoupées des éléments tangibles ou par des données comptables certifiées qui sont à l’origine de sa contestation, et non pas le simple fait comme le prétend l’intimée que l’avis de l’expert lui soit défavorable. Elle conteste le fait qu’il s’agirait d’une résistance abusive de sa part et considère que la société Mc Construction ne peut argumenter à son profit l’impossibilité d’une mesure d’investigation générale tout en en réclamant une à son encontre.

Dans ses dernières conclusions déposées et signifiées le 30 août 2024, la société Mc construction 95 demande à la cour, au visa des articles 145, 166 et suivants du code de procédure civile, de :

A titre principal,

rejeter l’ensemble des demandes de la société SCI Conférenciel ;

confirmer l’ordonnance du juge du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Meaux du 16 février 2024 ;

A titre reconventionnel, dans l’hypothèse où une mission complémentaire serait ordonnée :

dire que l’expert aura également pour mission de se faire communiquer :

Le marché conclu entre la société SCI Conférenciel et la société Nec (et tous ses éventuels avenants) ;

Le PV de réception entre la société SCI Conférenciel et la société Nec ;

dire qu’il devra alors se prononcer sur les interactions entre les travaux initialement confiés à la société Mc construction et ceux confiés à la société Nec ;

condamner la société SCI Conférenciel à la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait valoir que le fait que la position de l’appelante n’ait pas été suivie ne signifie pas que ses arguments n’ont pas été analysés par l’expert ; que ce dernier a à chaque fois répondu très précisément ; que le recours à un sapiteur expert-comptable n’est pas nécessaire dans la mesure où M. [F] est compétent dans l’analyse de données financières et qu’il a déjà fait part de son opposition à cette demande ; que son audit financier et comptable n’apportera rien sur les chefs de missions, lesquels concernent uniquement le seul marché conclu avec l’appelante et qu’elle a résilié abusivement.

Elle rappelle qu’elle attend depuis trois ans de pouvoir porter au fond sa réclamation indemnitaire et elle entend s’opposer à une demande qu’elle estime dilatoire. Elle considère qu’il est contradictoire de critiquer le travail de l’expert et de mettre en avant un parti pris sans solliciter son remplacement mais en demandant de lui confier une mission complémentaire.

Elle soutient que l’ordonnance du premier juge est parfaitement motivée ; qu’au demeurant la demande de faire appel à un sapiteur pour auditer l’ensemble des pièces comptables et les chantiers s’analyse en une mesure générale d’investigation prohibée.

Elle fait valoir que, en contestant les conclusions de l’expert, la SCI Conférenciel se trompe de procédure puisque la cour n’est pas saisie du fond mais uniquement de l’ordonnance du juge du contrôle qui a rejeté la demande visant à faire procéder à une analyse comptable.

Elle soutient que l’expert a analysé très précisément le chantier sur un très grand nombre de pièces ; que le complément de mission est inutile ; que l’expert a pris en compte le planning, qu’il a contrôlé les factures d’intérimaires et leur cohérence ; qu’il a à ce titre suivi plusieurs méthodes qui ont abouti à la même conclusion ; que l’expert a par ailleurs répondu sur les différents sujets ; que la façon de faire de l’appelante ne peut être acceptée sauf à permettre à une partie de contester toutes les mesures d’expertise dont les conclusions provisoires sont défavorables en sollicitant des audits inutiles sur des chantiers extérieurs.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 16 mai 2024, les sociétés Bellegarde architecture et Mutuelle des architectes français demandent à la cour, au visa des articles 166 et suivants du code de procédure civile, de :

rejeter les demandes de la société SCI Conférenciel ;

confirmer l’ordonnance du 16 février 2024 rendue par le juge du contrôle des expertises ;

condamner la société SCI Conférenciel à verser à la société Mutuelle des architectes français, la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

réserver les dépens.

Elles font valoir que le recours à un sapiteur n’est pas une obligation dans la mesure où M. [F] est compétent dans l’analyse de données financières, et ne ferait donc qu’entrainer des coûts d’expertise supplémentaires sans aucune justification.

Elles estiment que la note de synthèse est très complète puisque l’expert émet tout d’abord un avis sur la valeur légale de certains documents contractuels du marché, avant de procéder à des calculs à la fois sur les matériaux commandés, payés et utilisés sur le chantier, ainsi que sur les différents personnels intervenus sur le chantier au cours de la période considérée.

Elles allèguent que l’appelante n’a cessé de résilier les contrats des différents intervenants au cours du chantier et prétend maintenant calculer des retards sur des chantiers interrompus avant la fin.

Elles soutiennent que les conclusions de l’expert sont claires sur les prétendus retards et les responsabilités de chacun dans les dommages résultant de cette procédure ; que la SCI Conférenciel ne parvient pas à démontrer un quelconque biais de l’expert judiciaire dans ce dossier ; que l’ordonnance est clairement motivée contrairement à ce que soutient l’appelante.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 septembre 2024.

SUR CE,

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L’article 166 du même code dispose que le juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution peut ordonner telle autre mesure d’instruction que rendrait opportune l’exécution de celle qui a déjà été prescrite.

En l’espèce, l’expert, M. [F], a rédigé un document de synthèse le 27 septembre 2023 de plus de 90 pages dans lequel il répond notamment aux critiques résultant de la note financière rédigée par M. [S] à la demande de la société Conférenciel.

Par un courrier très circonstancié adressé au juge du contrôle des expertises le 27 octobre 2023, M. [F] relève notamment :

« Dans la note technique de la SCI CONFERENTIEL, Monsieur [S] écarte des heures d’intérim que le maître d »uvre ADPO a pointé dans les comptes-rendus de chantier. Le raisonnement est à l’encontre des propres pièces de la SCI CONFERENTIEL.

En conclusion, les différentes méthodes de calcul proposées mettent en évidence la présence des intérimaires sur le chantier et justifient par ailleurs le total des heures de main-d »uvre proposé dans mon calcul du débourser de main-d »uvre.

Au vu de ces 3 méthodes qui aboutissent toutes à la même conclusion, la SCI CONFERENTIEL veut dorénavant un véritable audit de la société MC CONSTRUCTION 95 sur 3 ans. En effet, elle souhaite que tous les chantiers de la société MC CONSTRUCTION 95 soient analysés pour déterminer si des intérimaires n’ont pas été facturés à la société SCI CONFERENTIEL. La SCI CONFERENTIEL souhaite que je prenne un sapiteur afin d’analyser les comptes de la société MC CONSTRUCTION 95. Or, je ne sais pas comment un commissaire au compte peut établir que tel chantier nécessitait ou non la présence d’intérimaire(s) sur 3ans de surcroit. Comme il est indiqué toutes les agences d’intérim n’indiquent pas le chantier sur lequel l’intérimaire intervient. D’ailleurs, je ne sais même pas si les agences le savent.

Pour répartir en théorie, les intérimaires sur chacun des chantiers, il faut connaitre la nature du chantier, le temps imparti, les qualifications requises…. Et ceci pour chaque chantier. Cette répartition, si elle est possible ne sera que théorique voire aléatoire donc toujours contestable.

La mission qui m’a été confiée concerne le chantier de la SCI CONFERENTIEL uniquement. Selon 3 méthodes distinctes, je justifie un temps de main-d »uvre pour la réalisation de ce chantier. Il n’est nullement indiqué dans ma mission qu’un audit soit réalisé. »

M. [F] conclut :

« Comme le démontre l’ensemble de cette note, je me suis appliqué à répondre point par point à la note technique de M. [S] conseil technique de la SCI CONFERENTIEL. Comme vous pouvez le relever, cette note technique regorge de contradictions entre les écrits et les pièces fournis dans le même temps.

Pour établir les fournitures j’ai « épluché » près de 1431 pages regroupant les factures et annexes aux factures. De la même manière, j’ai évalué les frais de main-d »uvre et répondu à Maitre [N] avec 2 autres méthodes et toutes convergent vers la même conclusion.

Pour évaluer l’éventuel retard de l’entreprise MC CONSTRUCTION 95, je n’ai pas réalisé 1 seul planning théorique mais 4 pour que la juridiction puisse apprécier les autres si elle le souhaite.

C’est donc avec rigueur et objectivité que j’ai répondu aux chefs de mission qui m’ont été confiés en m’appuyant sur les documents fournis par les 2 parties. Tous mes écrits et avis sont corroborés par les pièces de chacune d’entre elles.

Il est faux de prétendre au non-respect du contradictoire concernant la société ADPO alors que je n’ai eu de cesse de demander à la SCI CONFERENTIEL de mettre cette société dans la cause. À défaut, je l’ai conviée en vain à venir en tant que sachant.

La demande d’extension de mission n’apportera aucun élément supplémentaire et n’a pour unique but que de prolonger cette expertise et de réaliser un véritable audit de la société MC CONSTRUCTION 95 ce qui ne relève pas de ma mission. Cette demande intervient 15 jours avant le dépôt des dires récapitulatifs préalables au dépôt de mon rapport.

Effectivement le document de synthèse n’est pas en faveur de la SCI CONFERENTIEL car je conclus que cette dernière est redevable de la somme de 796 066.74 € HT soit 955 280.09 € TTC. Mais je trouve déplorable le fait de mettre mon impartialité en jeu dès lors que je fournisse un avis défavorable à l’encontre d’une partie. Après plus de 12 ans d’expertise, je n’ai pas le souvenir d’avoir eu de telles accusations et de devoir m’expliquer du non-fondé de ces allégations portées sur près de 26 pages.

Par conséquent, j’estime que toutes les demandes de Maitre [N] doivent être écartées et que le calendrier des opérations d’expertise doit être maintenu. »

Compte tenu des réponses particulièrement circonstanciées de l’expert, le débat qui en résulte à ce stade est un débat de fond.

En effet, la SCI Conférenciel critique en réalité la méthodologie de l’expert estimant que ce dernier aurait dû notamment se fonder sur des éléments comptables certifiés ou sur des photographies ou vidéos du chantier. Sa demande vise ainsi, par le biais d’un sapiteur et d’une autre méthodologie, à voir ordonner des mesures d’investigations qu’elle estime plus adéquates pour apprécier les raisons du retard dans le chantier en cause.

En outre, la demande de la SCI Conférenciel qui vise la production de l’ensemble des éléments comptables de la société MC Construction 95 sur trois années (2019,2020,2021, soit pour partie pour une période postérieure à la résiliation intervenue en 2020), ainsi que la liste de l’ensemble des chantiers de cette société sur ces trois années constitue de fait une mesure générale d’investigation et non une expertise sur le seul chantier litigieux ; une telle mesure est en outre de nature à retarder encore l’issue de la mesure d’instruction ordonnée il y a près de quatre années.

Le juge des référés et a fortiori le juge chargé du contrôle des expertises ne sauraient remettre en cause les conclusions de l’expert qu’ils ont précédemment désigné, même sous couvert de demande de complément d’expertise qui s’analyse en réalité à une demande de « contre-expertise » (Cass. 2e civ., 20 déc. 2007, n° 07-12536). Il n’appartient pas davantage à la présente juridiction de remettre en cause les conclusions de l’expert qu’il avait précédemment désigné, en analysant la méthodologie qui l’a conduit à sa note de synthèse, ce qui constitue un débat qui entre de même dans les compétences du seul juge du fond.

En l’espèce, sous couvert de complément d’expertise, la mesure sollicitée par la SCI Conférenciel est fondée sur le défaut allégué de méthode de l’expert et des conclusions qu’elle juge approximatives, car s’appuyant selon elle sur des éléments théoriques. Il s’agit dès lors d’une critique des premières conclusions de l’expert et la SCI Conférenciel réclame une « contre-expertise », ce qui n’entre pas dans les pouvoirs de la présente juridiction et ressort d’un débat de fond, comme le relève la société MC Construction 95, et alors même qu’aucune demande de remplacement d’expert n’a été formée.

Dès lors, c’est à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande.

L’ordonnance entreprise sera confirmée.

La SCI Conférenciel sera condamnée aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer les sommes suivantes au titre des frais irrépétibles :

– 2.500 euros à la société Mc Construction 95 ;

– 2.000 euros à la MAF.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI Conférenciel à payer les sommes suivantes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile :

– 2.500 euros à la société MC Construction 95 ;

– 2.000 euros à la Mutuelle des architectes français ;

Condamne la SCI Conférenciel aux dépens d’appel ;

Rejette le surplus des demandes.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


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