Évaluation des liens de causalité en matière d’accidents du travail : enjeux et implications financières pour l’employeur

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Évaluation des liens de causalité en matière d’accidents du travail : enjeux et implications financières pour l’employeur

Jugement du Tribunal

Par jugement du 22 février 2024, le Tribunal a débouté la société [3] de sa demande principale. Avant de se prononcer sur la demande subsidiaire et le lien de causalité entre les arrêts de travail et l’accident du 29 octobre 2021, il a ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces, confiée au Docteur [Z] [H]. La CNAM a été désignée pour régler les frais d’expertise, conformément à l’article L142-11 alinéa 1er du code de la sécurité sociale, et les dépens ont été réservés.

Rapport d’expertise

Le Docteur [Z] [H] a remis son rapport d’expertise le 29 mai 2024. La société [3] a demandé au Tribunal d’entériner ce rapport et de déclarer que les conséquences financières et médicales liées à l’accident du 29 octobre 2021 lui sont inopposables à partir du 11 janvier 2022, arguant que l’expert a conclu à l’absence de lien entre la rupture de la plastie ligamentaire et l’accident de travail de Monsieur [C] [I]. Elle a également demandé que les frais d’expertise soient à la charge de la caisse.

Conclusions de l’expert

L’expert a noté que la cinétique du geste lors de l’accident ne montrait ni torsion du genou ni contusion directe, mais seulement une douleur au genou droit. Il a conclu qu’il s’agissait d’une entorse bénigne sans laxité clinique. De plus, il a observé qu’un antécédent de ligamentoplastie existait et que les symptômes d’une rupture du ligament croisé antérieur apparaissent immédiatement après un traumatisme, ce qui n’était pas le cas ici. L’expert a donc établi qu’il n’y avait pas de lien direct entre la rupture de la plastie ligamentaire et l’accident du travail.

Décisions du Tribunal

Le Tribunal a fixé la Jonction de l’état de Monsieur [C] [I] en rapport avec l’accident du travail au 11 janvier 2022. Il a déclaré que les prises en charge décidées par la CPAM du [Localité 2] concernant les arrêts de travail et les soins après cette date, ainsi que leurs conséquences financières, étaient inopposables à la société [3]. La CPAM a été condamnée aux dépens, et il a été rappelé que la CNAM prendrait en charge les frais d’expertise.

Appel

Le Tribunal a également précisé que chaque partie intéressée peut interjeter appel dans le mois suivant la notification du jugement, en se rendant au greffe de la Cour d’Appel de RIOM ou en adressant une déclaration par pli recommandé. La déclaration d’appel doit être accompagnée d’une copie de la décision.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la portée de la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ?

La présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail est régie par l’article L. 411-1 du Code de la sécurité sociale. Cet article stipule que :

« Les accidents survenus à un salarié dans le cadre de son travail sont présumés être des accidents du travail, sauf preuve du contraire. »

Cette présomption s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail, soit jusqu’à la guérison complète, soit jusqu’à la Jonction de l’état de la victime.

Il appartient alors à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, conformément à l’article L. 411-2 du même code, qui précise que :

« L’employeur peut contester l’imputabilité d’un accident du travail en apportant la preuve que l’accident n’est pas survenu dans le cadre de l’activité professionnelle. »

Ainsi, la charge de la preuve repose sur l’employeur, qui doit démontrer que les lésions ne sont pas liées à l’accident du travail.

Quelles sont les conséquences de l’expertise médicale sur la prise en charge des arrêts de travail ?

L’expertise médicale, comme celle réalisée par le Docteur [Z] [H], a un impact significatif sur la prise en charge des arrêts de travail. Selon l’article L. 142-11 du Code de la sécurité sociale, il est précisé que :

« Les frais d’expertise médicale sont à la charge de la CNAM, lorsque l’expertise est ordonnée par le juge. »

Dans le cas présent, l’expert a conclu à l’absence de lien direct entre la rupture de la plastie ligamentaire et l’accident du travail. Cette conclusion a des implications directes sur la prise en charge des arrêts de travail postérieurs au 11 janvier 2022.

En effet, le rapport d’expertise constitue une preuve contraire qui permet de contester la prise en charge des arrêts de travail et des soins prescrits après cette date.

Ainsi, le Tribunal a déclaré que les conséquences financières des soins et arrêts de travail postérieurs au 11 janvier 2022 sont inopposables à la société [3], ce qui signifie que la CPAM du [Localité 2] devra assumer ces coûts.

Quels sont les droits des parties en cas de désaccord sur le jugement ?

Conformément à l’article R. 811-1 du Code de procédure civile, chaque partie a le droit d’interjeter appel d’un jugement. Cet article stipule que :

« La déclaration d’appel doit être faite dans le mois suivant la notification du jugement. »

Dans le cas présent, le jugement a été mis à disposition au greffe, et chaque partie intéressée peut interjeter appel par déclaration faite au greffe de la Cour d’Appel de RIOM, ou par pli recommandé adressé à ce même greffe.

La déclaration d’appel doit être accompagnée d’une copie de la décision contestée, conformément à l’article R. 811-2 du Code de procédure civile.

Cela garantit aux parties le droit de contester le jugement et de demander une révision de la décision par une juridiction supérieure.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand
RG n° 23/00514
Jugement du : 12/12/2024

N° RG 23/00514 –
N° Portalis DBZ5-W-B7H-JFON

CPS

MINUTE N° :

S.A.S. [3]

CONTRE

CPAM DU [Localité 2]

Copies :

Dossier
S.A.S. [3]
CPAM DU [Localité 2]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CLERMONT-FERRAND
Pôle Social
Contentieux Médical

LE DOUZE DECEMBRE DEUX MIL VINGT QUATRE

dans le litige opposant :

S.A.S. [3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par M. [B] [N], muni d’un pouvoir,

DEMANDERESSE

ET :

CPAM DU [Localité 2]
[Localité 1]
représentée par Mme [M] [X], munie d’un pouvoir,

DEFENDERESSE

LE TRIBUNAL,

composé de :

Cécile CHERRIOT, Vice-Présidente près le Tribunal judiciaire de CLERMONT- FERRAND, chargée du Pôle Social,
Sandrine OLIVIER, Assesseur représentant les employeurs,
Anthony GOYOT, Assesseur représentant les salariés,

assistés de Marie-Lynda KELLER, greffière, lors des débats et lors de la mise à disposition de la présente décision.

*

Après avoir entendu les conseils des parties à l’audience publique du 17 octobre 2024 et les avoir avisés que le jugement serait rendu ce jour par mise à disposition au greffe, le tribunal prononce le jugement suivant :

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 22 février 2024, auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, le Tribunal a :
– débouté la société [3] de sa demande principale,
– avant dire droit sur la demande subsidiaire et sur le lien de causalité entre les arrêts de travail pris en charge et l’accident du 29 octobre 2021, ordonné une expertise médicale judiciaire sur pièces,
– commis pour y procéder le Docteur [Z] [H],
– dit que la CNAM règlera les frais de l’expertise, conformément aux dispositions de l’article L142-11 alinéa 1er du code de la sécurité sociale,
– réservé les dépens.

L’expert, le Docteur [Z] [H], a établi rapport de ses opérations le 29 mai 2024.

La société [3] demande au Tribunal :
– d’entériner le rapport d’expertise médicale,
– de dire et juger que l’ensemble des conséquences financières et médicales relatives à l’accident du 29 octobre 2021 lui sont inopposables à compter du 11 janvier 2022 puisque n’étant pas en relation avec l’accident du travail de Monsieur [C] [I],
– de laisser les frais d’expertise à la charge de la caisse.

Elle soutient que l’expert judiciaire conclut à l’absence de lien entre la rupture de la plastie ligamentaire et l’accident du travail initialement déclaré par Monsieur [C] [I]. Elle en déduit que c’est à tort que le coût des arrêts de travail postérieurs au 11 janvier 2022 ont été imputés sur son compte employeur.

La CPAM du [Localité 2] s’en remet à droit sur les conclusions de l’expert concernant les arrêts de travail à compter du 11 janvier 2022.

Il est fait référence aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens ; celles-ci les ayant reprises oralement lors de l’audience du 17 octobre 2024.

MOTIFS

Il est constant que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédant, soit la guérison complète, soit la Jonction de l’état de la victime.Il appartient alors à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire.

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise que la cinétique du geste, lors de l’accident du travail, ne décrit par de torsion du genou ni de contusion directe. Il s’est simplement agi d’une douleur au genou droit lors d’un geste habituel à la profession. L’expert en déduit : “Force est de constater qu’il n’y a eu aucune description d’un mouvement pouvant entraîner une entorse du genou droit avec une lésion ligamentaire et/ou méniscale. La cinétique du geste est modérée sans inversion de l’articulation”. L’expert relève, en outre, que l’arrêt de travail prescrit initialement est “court (13 jours)” et que “la déambulation est possible puisque d’emblée les sorties sont autorisées sans restriction d’horaire” ce qui, selon lui, “est en faveur d’une impotence fonctionnelle modérée”. Il estime, de ce fait, qu’il s’agit d’une “entorse de type I”, c’est-à-dire d’une “entorse bénigne qui occasionne des douleurs ligamentaires” mais “pas de laxité clinique”.

Le Docteur [Z] [H] note, par ailleurs, que le certificat médical de prolongation, qui fait suite au certificat médical initial, fait mention d’une “attelle au genou droit, déjà opéré en 2011″. Elle en déduit, à juste titre, qu’il existe un antécédent de ligamentoplastie. Elle fait également observer que le certificat médical du 11 janvier 2022 prolonge l’arrêt de travail pour “rupture plastie ligamentaire et lésion méniscale du genou droit”. Elle rappelle alors que les premiers symptômes d’une rupture du ligament croisé antérieur apparaissent immédiatement après le traumatisme (fortes douleurs au genou, craquements, présence de sang dans l’articulation) et que la rupture d’une plastie ligamentaire nécessite un traumatisme. Or, elle relève que Monsieur [C] [I] a pu finir sa journée de travail, a eu une prise en charge initiale de 13 jours et n’a subi aucun traumatisme du fait de l’accident du travail. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’expert judiciaire a conclu à l’absence de lien direct et exclusif entre la rupture de la plastie ligamentaire mentionnée sur le certificat médical de prolongation du 11 janvier 2022 et l’accident du travail.

La CPAM du [Localité 2] s’en remet à cette conclusion. Il en résulte que ce rapport d’expertise constitue une preuve contraire concernant, notamment, la prise en charge des arrêts et soins postérieurs au 11 janvier 2022.

Il conviendra, par conséquent, de fixer la Jonction de l’état de Monsieur [C] [I] en rapport avec l’accident du travail du 29 octobre 2021 au 11 janvier 2022. Il y aura également lieu de déclarer les prises en charge au titre de la législation professionnelle décidées par la caisse concernant les arrêts de travail et les soins prescrits à Monsieur [C] [I] après le 11 janvier 2022, ainsi que leurs conséquences financières, inopposables à la société [3].

La CPAM du [Localité 2], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Il conviendra, enfin, de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article L142-11 du code de la sécurité sociale, la CNAM gardera la charge des frais d’expertise.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après débats publics, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe,

FIXE la Jonction de l’état de Monsieur [C] [I] en rapport avec l’accident du travail du 29 octobre 2021 au 11 janvier 2022,

DÉCLARE les prises en charge au titre de la législation professionnelle décidées par la CPAM du [Localité 2] concernant les arrêts de travail et les soins prescrits à Monsieur [C] [I] après le 11 janvier 2022, ainsi que leurs conséquences financières, inopposables à la société [3],

CONDAMNE la CPAM du [Localité 2] aux dépens,

RAPPELLE qu’en application des dispositions de l’article L142-11 du Code de la sécurité sociale, la CNAM gardera la charge des frais d’expertise,

RAPPELLE que dans le mois de réception de la notification, chacune des parties intéressées peut interjeter appel par déclaration faite au greffe de la Cour d’Appel de RIOM, ou adressée par pli recommandé à ce même greffe. La déclaration d’appel doit être accompagnée de la copie de la décision.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par la Présidente et la Greffière,

La Greffière La Présidente


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