Sommaire Contexte de la SaisineMadame [P] [O] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité de la région Rhône-Alpes par une lettre recommandée en date du 15 janvier 2024. Cette démarche fait suite à un recours administratif préalable obligatoire contre la décision de la MDMPH du Rhône, datée du 8 novembre 2023, qui a rejeté sa demande d’allocation aux adultes handicapés (AAH) en raison d’un taux d’incapacité jugé inférieur à 50 %. Déroulement de l’AudienceLe tribunal a convoqué les parties pour une audience publique le 12 novembre 2024. Madame [P] [O] était représentée par son avocate, Maître CULLIEYRIER Lauraine, qui a soutenu que l’évaluation de sa situation n’avait pas été adéquate. Elle a demandé un taux d’incapacité d’au moins 50 % et l’attribution de l’AAH, ainsi qu’une somme de 853 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La MDMPH du Rhône n’était pas présente à l’audience. Consultation MédicaleLe tribunal a ordonné une consultation médicale, réalisée par le Professeur [L] [N], qui a examiné le dossier médical de Madame [P] [O] et l’a interrogée. Les conclusions de cette consultation ont été présentées oralement en présence de Madame [P] [O] et de son avocate, qui ont pu faire des observations. Les conclusions écrites du médecin ont été jointes au jugement. Décision du TribunalLe tribunal a d’abord constaté la recevabilité du recours. Concernant la demande d’AAH, il a rappelé que le taux d’incapacité requis pour l’attribution de l’allocation est d’au moins 50 %. Après avoir examiné les éléments de preuve et les observations du médecin consultant, le tribunal a conclu que Madame [P] [O] présente un taux d’incapacité compris entre 50 % et 80 %. Restriction d’Accès à l’EmploiLe tribunal a également évalué la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi de Madame [P] [O]. Il a déterminé que ses pathologies l’empêchaient d’exercer une profession, justifiant ainsi la reconnaissance de cette restriction. Durée d’Attribution de l’AAHEn ce qui concerne la durée d’attribution de l’AAH, le tribunal a noté que les pathologies de Madame [P] [O] ne sont pas susceptibles d’évolution favorable à moyen terme. Par conséquent, l’allocation a été accordée pour une durée maximale de cinq ans. Conclusion du JugementLe tribunal a déclaré le recours recevable, a réformé la décision de la MDMPH, et a accordé l’AAH à Madame [P] [O] à compter du 1er juin 2022 pour une durée de cinq ans. Les frais de consultation médicale ont été mis à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie, et il n’y a pas eu de dépens. Le jugement a été rendu le 13 décembre 2024. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la recevabilité du recours de Madame [P] [O] ?La recevabilité du recours de Madame [P] [O] ne fait pas l’objet d’un débat, ce qui signifie que le tribunal a reconnu que la procédure suivie par la requérante était conforme aux exigences légales. En effet, selon l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, le recours devant le tribunal du contentieux de l’incapacité est recevable après un recours administratif préalable obligatoire. Cela implique que Madame [P] [O] a respecté les étapes nécessaires avant de saisir le tribunal, ce qui est une condition essentielle pour la recevabilité de son recours. Quels sont les critères d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ?L’attribution de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) est régie par plusieurs articles du Code de la sécurité sociale. Selon le paragraphe 1° de l’article L821-1, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ayant dépassé l’âge d’ouverture du droit à l’allocation et dont l’incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret peut percevoir l’AAH. De plus, l’article L821-2 précise que l’allocation est également versée à toute personne dont le taux d’incapacité permanente est supérieur ou égal à un pourcentage fixé par décret, même si ce taux n’atteint pas le seuil requis, à condition qu’il soit reconnu une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi. Pour l’attribution de l’AAH, le taux d’incapacité doit être d’au moins 80 % selon l’article D821-1 pour l’article L821-1, et d’au moins 50 % pour l’article L821-2. Comment est évalué le taux d’incapacité ?L’évaluation du taux d’incapacité est effectuée selon le guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées, qui figure à l’annexe 2-4 du Code de l’action sociale et des familles. Ce guide-barème permet de déterminer un taux d’incapacité en analysant les déficiences et leurs conséquences dans la vie quotidienne de la personne, plutôt que de se baser uniquement sur la nature médicale de l’affection. Il est important de noter que le guide-barème ne fixe pas de taux précis, mais propose des fourchettes de taux d’incapacité, identifiant plusieurs degrés de sévérité, allant de la forme légère (1 à 15 %) à la forme sévère (80 à 95 %). Quelles sont les implications de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi ?La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE) est un critère essentiel pour l’attribution de l’AAH, comme le stipule l’article L821-2 du Code de la sécurité sociale. Pour établir cette restriction, il est nécessaire de comparer les difficultés d’accès à l’emploi de la personne handicapée avec celles d’une personne sans handicap ayant des caractéristiques similaires. Dans le cas de Madame [P] [O], le tribunal a constaté que ses pathologies l’empêchaient d’exercer une profession, rendant ainsi la recherche d’une activité professionnelle non envisageable. Cela a permis de conclure que la RSDAE était caractérisée, justifiant ainsi l’attribution de l’AAH. Quelle est la durée d’attribution de l’AAH ?La durée d’attribution de l’AAH est régie par l’alinéa 2 de l’article R821-5 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que l’AAH peut être attribuée pour une durée maximale de 5 ans si le handicap et la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi ne sont pas susceptibles d’une évolution favorable. Dans le cas de Madame [P] [O], le tribunal a déterminé que ses pathologies ne lui permettaient pas de travailler et qu’elles n’étaient pas susceptibles d’une évolution favorable à moyen terme. Ainsi, il a été décidé de lui attribuer l’AAH pour une durée de cinq ans, conformément aux dispositions légales en vigueur. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
POLE SOCIAL
Jugement du 13 Décembre 2024
Minute n° :
Audience du : 12 novembre 2024
Requête n° : N° RG 24/00126 – N° Portalis DB2H-W-B7I-Y6KP
PARTIES EN CAUSE
partie demanderesse
Madame [O] [P]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en personne assistée de Maître Lauraine CULLIEYRIER, avocate au barreau de LYON
partie défenderesse
MDMPH RHONE
Hôtel du département – Pôle solidarité – Direction autonomie
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Lors des débats tenus en audience publique et du délibéré :
Président : Antoine NOTARGIACOMO
Assesseur collège employeur : Jean-Jacques SARKISSIAN
Assesseur collège salarié : Fouzia MOHAMED ROKBI
Greffière : Sophie PONTVIENNE
Notification le :
Une copie certifiée conforme à :
[O] [P]
MDMPH RHONE
Me Lauraine CULLIEYRIER, vestiaire : 2901
Une copie certifiée conforme au dossier
Par une lettre recommandée avec avis de réception du 15 janvier 2024, Madame [P] [O] a saisi le tribunal du contentieux de l’incapacité de la région Rhône-Alpes pour contester, après un recours administratif préalable obligatoire, la décision de la MDMPH du RHONE du 8 novembre 2023 qui a notamment rejeté sa demande :
– d’allocation aux adultes handicapés (AAH) au motif que son taux d’incapacité est inférieur à 50 %.
Le greffe de cette juridiction a donc convoqué les parties, conformément à l’article R142-10-3 du Code de la sécurité sociale, pour l’audience du 12 novembre 2024.
À cette date, en audience publique :
– Madame [P] [O] a comparu assistée par son avocate, Maître CULLIEYRIER Lauraine. Elle a fait valoir que sa situation n’avait pas été exactement évaluée. Elle sollicite un taux d’incapacité supérieur ou égal à 50% avec une restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi et l’attribution de l’AAH. La somme de 853 euros est sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– La MDMPH du RHONE n’a pas comparu et n’est pas représentée.
En raison de la nature du litige, le tribunal a ordonné une consultation médicale confiée au Professeur [L] [N], mesure qui a été exécutée sur-le-champ.
À l’issue de cette consultation, le médecin consultant, commis conformément aux dispositions des articles R 142-16 et suivants du Code de la sécurité sociale, après avoir pris connaissance du dossier médical de Madame [P] [O] et après l’avoir interrogée, a exposé oralement la synthèse de ses constatations médicales en présence de Madame [P] [O] et de son avocate qui ont été en mesure de présenter des observations.
Les conclusions écrites du médecin consultant auprès du tribunal sont jointes à la minute du présent jugement.
Puis, le tribunal s’est retiré et a délibéré de l’affaire conformément à la loi, avant de rendre son jugement par mise à la disposition au greffe le 13 décembre 2024.
– Sur la recevabilité du recours
La recevabilité du recours ne fait pas l’objet d’un débat.
– Sur la demande au titre de l’allocation aux adultes handicapés (AAH)
Concernant le droit à l’allocation aux adultes handicapés, selon le paragraphe 1° de l’article L821-1 du code de la sécurité sociale, toute personne résidant sur le territoire métropolitain ou dans les départements mentionnés à l’article L. 751-1 ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant dépassé l’âge d’ouverture du droit à l’allocation prévue à l’article L. 541-1 et dont l’incapacité permanente est au moins égale à un pourcentage fixé par décret perçoit, dans les conditions prévues au présent titre, une allocation aux adultes handicapés. Selon les 1° et 2° de l’article L821-2 du même code, l’allocation aux adultes handicapés est également versée à toute personne dont le taux d’incapacité permanente, sans atteindre le pourcentage fixé par le décret prévu au 1er alinéa de l’article L821-1, est supérieur ou égale à un pourcentage fixé par décret, et qu’il lui est reconnu, compte tenu de son handicap, une restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.
Selon l’article D821-1 du Code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente exigé à l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale pour l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés est d’au moins 80 % et celui exigé à l’article L821-2 du même Code pour l’attribution de ladite allocation est de 50 %.
Selon ce même article, le pourcentage d’incapacité est apprécié d’après le guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant à l’annexe 2-4 du Code de l’action sociale et des familles.
Pour ce qui concerne l’évaluation de l’incapacité, le guide-barème pour l’évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées codifié à l’annexe 2-4 du Code de l’Action Sociale et des Familles a pour objet de permettre la détermination d’un taux d’incapacité, pour l’application de la législation applicable en matière d’avantages sociaux aux personnes atteintes d’un handicap tel que défini à l’article L 114-1 du Code de l’Action Sociale et des Famille « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant».
Ce guide-barème vise à permettre aux utilisateurs de fixer le taux d’incapacité d’une personne quel que soit son âge à partir de l’analyse de ses déficiences et de leurs conséquences dans sa vie quotidienne et non sur la seule nature médicale de l’affection qui en est l’origine.
La détermination du taux d’incapacité s’appuie sur une analyse des interactions entre trois dimensions : la déficience, l’incapacité et le désavantage.
Le guide-barème ne fixe pas de taux d’incapacité précis, mais indique des fourchettes de taux d’incapacité identifiant selon les chapitres, trois à cinq degrés de sévérité, (en général quatre), à savoir : forme légère (taux de 1 à 15 %), forme modérée (taux de 20 à 45 %), forme importante (taux de 50 à 75 %) et forme sévère ou majeure (taux de 80 à 95 %).
Les seuils de 50 % et de 80 %, s’ils sont atteints, peuvent ouvrir droit à divers avantages ou prestations.
Un taux de 50 % correspond à des troubles importants entraînant une gêne notable dans la vie sociale de la personne. L’entrave peut soit être concrètement repérée dans la vie de la personne, soit compensée afin que cette vie sociale soit préservée, mais au prix d’efforts importants ou de la mobilisation d’une compensation spécifique, alors que toutefois, l’autonomie est conservée pour les actes élémentaires de la vie quotidienne.
Un taux de 80 % correspond à des troubles graves entraînant une entrave majeure dans la vie quotidienne de la personne avec une atteinte de son autonomie individuelle, que cette autonomie individuelle est définie comme l’ensemble des actions que doit mettre en œuvre une personne, vis-à-vis d’elle-même, dans la vie quotidienne, et que dès lors que la personne doit être aidée totalement ou partiellement, ou surveillé dans leur accomplissement, ou ne les assure qu’avec les plus grandes difficultés, le taux de 80 % est atteint, tout comme lorsque lorsqu’il y a déficience sévère avec abolition d’une fonction.
En l’espèce, au regard des justificatifs produits, des débats d’audience, et en se référant notamment aux observations du médecin consultant, le Professeur [L] [N] qui relève entre autres que « compte tenu de l’âge et des capacités, des troubles rachidiens, un taux de 50 et 79 % est suggéré », le tribunal dispose d’éléments d’information suffisants pour constater que Madame [P] [O] présente un taux d’incapacité supérieur ou égal à 50% et inférieur à 80%.
En conséquence, il convient réformer la décision contestée sur ce point.
– Sur la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi :
Pour ce qui concerne la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, les difficultés présentées par Madame [P] [O] pour accéder à un emploi doivent être comparées à la situation d’une personne sans handicap qui présente par ailleurs les mêmes caractéristiques en matière d’accès à l’emploi. Le tribunal estime que les pathologies présentées par Madame [P] [O] ne lui permettaient pas d’exercer une profession quelconque. En raison des pathologies dont elle est atteinte, la recherche d’une activité professionnelle n’était pas envisageable. La restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi (RSDAE) est caractérisée.
En conséquence, le tribunal estime, au regard du taux d’incapacité présenté par Madame [P] [O] et de la RSDAE, que l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, au titre de l’article L821-2 du Code de la sécurité sociale est justifiée.
– Sur la durée d’attribution
Conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article R821-5 du Code de la sécurité sociale selon lesquelles, l’Allocation aux Adultes Handicapés peut être attribuée pour une durée maximale de 5 ans, si le handicap et la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi prévue au troisième alinéa de cet article ne sont pas susceptibles d’une évolution favorable au cours de la période d’attribution.
En l’espèce, les pathologies présentées par Madame [P] [O] ne lui permettaient pas de travailler au moment de la demande et ne sont pas susceptibles d’une évolution favorable à moyen terme. Il convient donc de lui attribuer l’AAH pour une durée de cinq ans.
Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, en premier ressort,
– DÉCLARE recevable en la forme le recours présenté par Madame [P] [O] ;
– RÉFORME la décision du 8 novembre 2023 ;
– ACCORDE l’allocation aux adultes handicapés au titre de l’article L821-2 du Code de la sécurité sociale à Madame [P] [O] à compter du 1er juin 2022 pour une durée de cinq ans.
– RAPPELLE, en application de l’article 61 (VII) de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, que les frais de consultation médicale ordonnée au cours de l’audience sont à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.
– DIT n’y avoir lieu à dépens.
Jugement rendu par mise à la disposition au greffe le 13 décembre 2024 dont la minute a été signée par le président et par la greffière.
La Greffière Le Président
Sophie PONTVIENNE Antoine NOTARGIACOMO