Sommaire Propriétaires et AssuranceM. [O] [Z] et Mme [V] [W] possèdent un bien immobilier à [Localité 4], assuré par la SA Suravenir depuis le 6 avril 2011. État de Catastrophe NaturelleLa commune de [Localité 4] a été déclarée en état de catastrophe naturelle en raison d’une sécheresse survenue du 1er juillet 2018 au 30 septembre 2018, par un arrêté ministériel du 16 juillet 2019. Déclaration de SinistreLes époux [Z]-[W] ont constaté des fissures sur leur maison et ont déclaré un sinistre à la SA Suravenir, qui a désigné la société Eurexo pour une expertise technique. Ils ont également engagé le cabinet Aexpert Bâtiment pour les représenter. Expertise et RapportL’expert de Suravenir a recommandé une étude géotechnique, financée par l’assureur, et réalisée par la société Fondasol. Le rapport de diagnostic géotechnique a été déposé le 15 septembre 2020, et l’assureur a confirmé sa garantie par courriel le 27 novembre 2020. Notification des PertesLe 8 novembre 2023, les époux [Z]-[W] ont notifié à l’assureur un état des pertes s’élevant à 376’664,03 euros. N’ayant reçu aucune réponse, ils ont mis en demeure Suravenir le 15 février 2024. Assignation en RéféréLe 8 mars 2024, les époux ont assigné Suravenir devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand pour obtenir une mesure de consultation. Le juge des référés a ordonné une expertise aux frais des demandeurs par ordonnance du 4 juin 2024. Appel et ConclusionsLes époux [Z]-[W] ont fait appel de cette décision le 13 juin 2024, contestant la nécessité d’une expertise et demandant une simple mesure de consultation. Suravenir a soutenu que l’expertise était essentielle pour évaluer les désordres et leurs causes. Décision de la CourLa cour a confirmé l’ordonnance du juge des référés, considérant que l’ampleur des désordres nécessitait une expertise approfondie. Elle a noté que les solutions de reprise ne pouvaient être dissociées de l’analyse des origines des désordres. Dépens et FraisLes époux [Z]-[W] ont été condamnés aux dépens d’appel, sans application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les obligations de l’assureur en cas de sinistre lié à une catastrophe naturelle ?L’assureur a des obligations spécifiques en cas de sinistre lié à une catastrophe naturelle, notamment en vertu de l’article L. 125-1 du Code des assurances. Cet article stipule que les contrats d’assurance couvrant les dommages matériels causés par des catastrophes naturelles doivent garantir les dommages résultant de ces événements, sous réserve que l’état de catastrophe naturelle ait été reconnu par un arrêté ministériel. En l’espèce, la commune de [Localité 4] a été reconnue en état de catastrophe naturelle pour la période du 1er juillet 2018 au 30 septembre 2018. Cela signifie que l’assureur, en l’occurrence la SA Suravenir, est tenu de garantir les dommages causés par la sécheresse, à condition que les assurés aient respecté les obligations de déclaration de sinistre dans les délais impartis. Il est également important de noter que l’assureur doit procéder à une évaluation des dommages et à une indemnisation dans un délai raisonnable, conformément à l’article L. 126-1 du même code, qui précise que l’assureur doit répondre à la déclaration de sinistre dans un délai de 30 jours. Quels sont les recours possibles pour les assurés en cas de non-réponse de l’assureur ?En cas de non-réponse de l’assureur à une déclaration de sinistre, les assurés disposent de plusieurs recours. Selon l’article L. 113-2 du Code des assurances, l’assuré peut mettre en demeure l’assureur de répondre à sa demande. Cette mise en demeure doit être effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception, et l’assureur dispose d’un délai de 15 jours pour répondre. Si l’assureur ne répond pas dans ce délai, l’assuré peut alors envisager d’intenter une action en justice pour obtenir l’indemnisation due. Dans le cas présent, les époux [Z]-[W] ont déjà adressé une mise en demeure à leur assureur le 15 février 2024, sans obtenir de réponse. Ils ont donc légitimement décidé d’assigner la société Suravenir devant le tribunal judiciaire, ce qui est un recours approprié en vertu de l’article 1240 du Code civil, qui permet à toute personne de demander réparation d’un préjudice causé par le non-respect d’une obligation. Quelle est la différence entre une mesure d’expertise et une mesure de consultation dans le cadre d’un litige ?La mesure d’expertise et la mesure de consultation sont deux types d’interventions judiciaires qui visent à éclairer le juge sur des points techniques ou complexes. La mesure d’expertise, régie par les articles 232 et suivants du Code de procédure civile, est une procédure plus approfondie où un expert est désigné pour examiner les faits, établir un rapport et donner un avis technique sur les questions posées par le juge. Elle est souvent utilisée lorsque les enjeux sont importants ou que les désordres sont complexes, comme dans le cas des époux [Z]-[W], où l’expertise est nécessaire pour évaluer l’ampleur des désordres et leur origine. En revanche, la mesure de consultation est moins formelle et peut être utilisée pour obtenir des avis ou des conseils sur des questions moins complexes. Elle ne nécessite pas nécessairement un rapport détaillé et peut être suffisante lorsque les éléments de preuve sont déjà clairs. Dans cette affaire, le juge a estimé qu’une mesure d’expertise était justifiée en raison de la complexité des désordres et des investigations nécessaires, ce qui a été confirmé par la cour. Quels sont les critères pour déterminer la responsabilité de l’assureur dans le cadre d’un sinistre ?La responsabilité de l’assureur dans le cadre d’un sinistre est déterminée par plusieurs critères, notamment la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, la déclaration de sinistre par l’assuré, et l’existence d’une garantie dans le contrat d’assurance. Selon l’article L. 125-1 du Code des assurances, l’assureur est tenu de garantir les dommages causés par des catastrophes naturelles, à condition que l’état de catastrophe naturelle ait été reconnu par un arrêté ministériel. Il est également essentiel que l’assuré ait respecté ses obligations contractuelles, notamment en matière de déclaration de sinistre dans les délais impartis. Dans le cas présent, les époux [Z]-[W] ont déclaré leur sinistre et ont obtenu la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Cependant, la question de la responsabilité de l’assureur peut également dépendre de l’évaluation des causes des désordres, notamment si ceux-ci sont directement liés à la sécheresse ou s’ils résultent d’autres facteurs, comme des malfaçons dans la construction. L’expertise ordonnée par le juge vise précisément à établir ces éléments et à déterminer la responsabilité de l’assureur dans l’indemnisation des dommages. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE RIOM
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
Du 10 décembre 2024
N° RG 24/00968 – N° Portalis DBVU-V-B7I-GGFW
-LB- Arrêt n°
[O] [Z], [V] [W] épouse [Z] / S.A. SURAVENIR
Ordonnance de Référé, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 04 Juin 2024, enregistrée sous le n° 24/00217
Arrêt rendu le MARDI DIX DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
M. Philippe VALLEIX, Président
Mme Laurence BEDOS, Conseiller
Mme Clémence CIROTTE,
En présence de :
Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
M. [O] [Z]
et
Mme [V] [W] épouse [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Maître Charles FRIBOURG de la SELARL POLE AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
APPELANTS
ET :
S.A. SURAVENIR
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Anne-Sophie ROCHE de la SCP SAGON-VIGNOLLE- VIGIER-PRADES-ROCHE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
Timbre fiscal acquitté
INTIMEE
DÉBATS :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 21 octobre 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et Mme BEDOS, rapporteurs.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 10 décembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [O] [Z] et Mme [V] [W] sont propriétaires d’un bien immobilier situé [Adresse 3] à [Localité 4] (Puy-de-Dôme), assuré au titre de l’assurance multirisques habitation auprès de la SA Suravenir en vertu d’un contrat signé le 6 avril 2011.
La commune de [Localité 4] a été reconnue en état de catastrophe naturelle lié à un épisode de sécheresse pour la période du 1er juillet 2018 au 30 septembre 2018, par arrêté ministériel en date du 16 juillet 2019, publié au journal officiel le 9 août 2019.
Ayant constaté l’apparition de fissures sur leur maison, les époux [Z]-[W] ont procédé à une déclaration de sinistre auprès de la société Suravenir. Celle-ci a organisé une mesure d’expertise amiable, désignant en qualité d’expert technique la société Eurexo. Les assurés ont sollicité quant à eux les services du cabinet Aexpert Bâtiment.
L’expert de la compagnie Suravenir a préconisé dans son rapport du 15 avril 2020 la réalisation d’une étude géotechnique. Cette mesure, financée par l’assureur, a été confiée à la société Fondasol.
Suite au dépôt du rapport de diagnostic géotechnique le 15 septembre 2020, la compagnie d’assurances a accepté d’accorder sa garantie par courriel du 27 novembre 2020.
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 8 novembre 2023, les époux [Z]-[W] ont notifié à l’assureur leur état des pertes pour un montant de 376’664,03 euros.
Soulignant n’avoir obtenu aucune réponse de leur assureur nonobstant une mise en demeure adressée à ce dernier le 15 février 2024, M. [O] [Z] et Mme [V] [W], par acte de commissaire de justice en date du 8 mars 2024, ont fait assigner la société Suravenir devant le président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand statuant en référé pour obtenir l’organisation d’une mesure de consultation.
Par ordonnance du 4 juin 2024, le juge des référés a ordonné une mesure d’expertise aux frais avancés par les demandeurs et commis pour y procéder M. [S] [F], avec pour mission notamment de :
« (‘)
6°) Pour chacun des désordres, préciser :
-leur date d’apparition ;
(‘)
-s’ils ont pour origine déterminante l’intensité anormale des mouvements de terrain par sécheresse et réhydratation des sols, objet de l’arrêté de catastrophe naturelle du 16 juillet 2019 publié au journal officiel le 9 août 2019, pour la période du 1er juillet 2018 au 30 septembre 2018 ;
-leurs conséquences quant à la solidité, et/ou l’habitabilité, et/ou l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité de sa destination ;
(‘)
7°) Rechercher les causes et les origines de ces désordres, malfaçons ou non façons, sans omettre de préciser si des travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels, aux règles de l’art habituelles et communément admises en la matière par les professionnels de la branche concernée ou à la réglementation technique spécifique en matière de DTU et si ces désordres proviennent d’erreurs de conception, de vices de construction, de vices des matériaux ou de malfaçons dans leur mise en ‘uvre ou encore de l’intensité anormale d’un agent naturel ;
8°) Déterminer si la sécheresse constitue un élément déterminant dans la survenance des désordres constatés ;
9°) Plus précisément, dire si la sécheresse est la cause unique des désordres allégués ou si elle est un élément déclenchant de ces désordres, voire aggravant, en indiquant dans cette hypothèse si l’ouvrage est conforme aux règles de l’art en vigueur au moment de sa construction ;
10°) Pour l’ensemble des désordres allégués, décrire les travaux déjà mis en ‘uvre et envisagés au regard des chiffrages initiaux, ainsi que ceux nécessaires pour remédier aux désordres, malfaçons ou non façons constatés, en évaluer le coût, la durée et les contraintes pouvant en résulter pour les occupants, au besoin en s’appuyant sur les devis fournis par les parties et en expliquant précisément les solutions possibles ;
(‘) ».
M. [O] [Z] et Mme [V] [W] ont relevé appel de cette décision par déclaration électronique du 13 juin 2024.
Vu les conclusions de M. [O] [Z] et Mme [V] [W] en date du 18 octobre 2024 ;
Vu les conclusions de la société Suravenir en date du 16 octobre 2024 ;
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l’exposé complet des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
M. [Z] et Mme [W] critiquent l’ordonnance en ce qu’elle a ordonné une mesure d’expertise, et non une mesure de consultation.
Ils considèrent qu’une mesure de consultation est suffisante dans la mesure où l’assureur, sur la base des investigations techniques déjà réalisées au cours de la phase amiable, a admis que les désordres dénoncés au titre de la déclaration de sinistre avaient pour cause déterminante l’épisode de sécheresse survenu du 1er juillet 2018 au 30 septembre 2018 et a accepté de mobiliser sa garantie.
Ils estiment que la mesure d’investigation ordonnée doit être cantonnée à l’évaluation du coût des travaux de reprise et à l’analyse du chiffrage ressortant de l’état des pertes qu’ils ont notifié le 10 novembre 2023 à l’assureur et sur lequel celui-ci ne s’est pas prononcé.
La société Suravenir conclut quant à elle à la confirmation de l’ordonnance, soutenant qu’ une mesure d’expertise est nécessaire afin notamment que l’ensemble des désordres soit listés, que soit précisée leur cause et que soient décrits les travaux de nature à y remédier. Elle considère que, compte tenu de l’étendue des désordres, une étude plus technique sur leur provenance et leur évolution est nécessaire.
C’est par une juste appréciation des éléments qui lui étaient soumis et par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge, après avoir relevé que les demandeurs justifiaient, par la production d’un rapport de diagnostic géotechnique réalisé par la société Fondasol le 31 mai 2021, d’un motif légitime pour voir ordonner une mesure d’instruction, a considéré :
-qu’eu égard à l’ampleur des désordres et à la complexité des investigations devant être réalisées, une mesure de consultation n’était pas adaptée ;
-qu’il n’appartenait pas au juge des référés de se prononcer sur la mobilisation de la garantie de l’assureur, la cour observant en outre sur ce point, d’une part que dans leur assignation devant le juge des référés, comme dans leurs écritures devant la cour d’appel, les époux [Z]-[W] demandent qu’il soit « [jugé] que la société Suravenir a accepté de mobiliser sa garantie », quand l’assureur souligne quant à lui qu’il n’a jamais été destinataire des conclusions du bureau d’études Fondasol, choisi par les époux [Z]-[W], et qu’il a donc missionné son propre bureau d’études qui a rendu une note technique 31 janvier 2024 ;
-que le litige ne pouvait être circonscrit à un simple débat factuel portant uniquement le chiffrage des travaux.
Il sera ajouté à ces considérations que les solutions de reprise à envisager ne sont pas nécessairement dissociables d’une analyse de l’origine des désordres.
Il est donc utile, dans la perspective éventuelle d’un litige au fond, que le juge saisi puisse disposer de toutes les données techniques lui permettant de trancher les points de contestation,
sauf à prendre le risque d’un allongement de la procédure dans l’hypothèse où l’organisation d’une expertise s’imposerait au stade de la procédure au fond en raison d’une limitation excessive des missions définies dans le cadre de la mesure d’instruction ordonnée en référé.
Il convient en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise.
– Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les appelants supporteront les entiers dépens d’appel. Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;
Condamne M. [O] [Z] et Mme [V] [W] aux dépens d’appel.
Le greffier Le président