Évaluation des conséquences d’une rupture de contrat de travail et des manquements de l’employeur dans le cadre d’une relation professionnelle.

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Évaluation des conséquences d’une rupture de contrat de travail et des manquements de l’employeur dans le cadre d’une relation professionnelle.

Engagement de M. [G] et contexte professionnel

M. [G] a été recruté par la société GSSI le 14 octobre 2011, d’abord sous un contrat d’alternance, puis en contrat à durée indéterminée à partir du 1er septembre 2014, en tant qu’ingénieur technico-commercial. La société GSSI se spécialise dans la fourniture d’équipements de sécurité pour des entités gouvernementales et militaires, et applique la convention collective nationale du commerce de gros.

Démission et prise d’acte de rupture

Le 25 février 2019, M. [G] a démissionné, demandant une réduction de son préavis pour quitter la société le 10 mars 2019, ce qui a été refusé par l’employeur. Le 12 mars 2019, il a notifié une prise d’acte de rupture, souhaitant revenir sur les raisons de sa démission initiale.

Procédure judiciaire

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles le 31 octobre 2019, alléguant des manquements graves de la part de GSSI justifiant la requalification de sa prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement du 8 février 2023 a statué en faveur de GSSI sur plusieurs points, tout en condamnant la société à verser des sommes pour heures supplémentaires et congés payés.

Appel de M. [G]

M. [G] a interjeté appel le 10 mars 2023, demandant l’infirmation du jugement sur plusieurs points, notamment la reconnaissance de manquements graves de l’employeur et la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Arguments de M. [G]

Dans ses conclusions, M. [G] a soutenu que la société GSSI avait commis des manquements graves, notamment en ce qui concerne le non-versement de salaires, le non-paiement d’heures supplémentaires, et le non-respect des temps de repos. Il a également demandé la reconnaissance de son statut de cadre depuis le début de son contrat.

Arguments de GSSI

La société GSSI a demandé la confirmation du jugement initial, arguant qu’aucun manquement grave n’avait été établi et que la rupture du contrat de travail de M. [G] devait être considérée comme une démission.

Jugement de la cour

La cour a infirmé partiellement le jugement en ce qui concerne le rappel d’heures supplémentaires, condamnant GSSI à verser à M. [G] une somme inférieure à celle initialement demandée. La cour a également confirmé le jugement sur d’autres points, notamment le refus de reconnaissance du statut cadre et le rejet des demandes de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

Conclusion et dépens

La cour a ordonné à GSSI de remettre à M. [G] les documents de fin de contrat conformes à la décision, tout en condamnant M. [G] aux dépens de la procédure d’appel. Les parties ont été déboutées de leurs demandes supplémentaires.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quels sont les effets juridiques de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail ?

La prise d’acte de la rupture du contrat de travail est un mode de rupture par lequel le salarié met fin à son contrat en invoquant des manquements de l’employeur.

Selon la jurisprudence, si les griefs invoqués par le salarié sont établis et justifient la rupture, celle-ci produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À l’inverse, si les manquements ne sont pas suffisamment graves, la prise d’acte est requalifiée en démission.

L’article L. 1231-1 du Code du travail précise que la rupture du contrat de travail doit être notifiée par écrit, et l’article L. 1232-1 stipule que le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Dans le cas présent, le salarié a d’abord démissionné avant de prendre acte de la rupture, ce qui a conduit à une requalification de sa démission en prise d’acte, mais les manquements invoqués n’ont pas été jugés suffisamment graves pour justifier cette prise d’acte.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de paiement des salaires et des heures supplémentaires ?

L’employeur a l’obligation de verser le salaire convenu dans le contrat de travail, conformément à l’article L. 3242-1 du Code du travail, qui stipule que le salaire doit être payé au moins une fois par mois.

En ce qui concerne les heures supplémentaires, l’article L. 3121-22 précise que toute heure effectuée au-delà de la durée légale de travail doit être rémunérée.

L’article L. 3171-4 impose à l’employeur de fournir des éléments justifiant les horaires de travail en cas de litige.

Dans cette affaire, le salarié a établi qu’il avait réalisé des heures supplémentaires non rémunérées, et le tribunal a reconnu un manquement de l’employeur à cette obligation, en condamnant la société à verser un rappel de salaire pour ces heures.

Comment se définit le statut de cadre selon la convention collective applicable ?

Le statut de cadre est défini par la convention collective nationale du commerce de gros, qui précise que les cadres techniques sont des ingénieurs possédant un diplôme reconnu et occupant un poste où ils mettent en œuvre leurs connaissances.

L’avenant n°1 du 14 décembre 2010 à l’accord de classification stipule que la classification d’un salarié doit être appréciée en fonction des fonctions réellement exercées et non de l’intitulé de son poste.

Dans le cas de M. [G], bien qu’il ait été engagé en tant qu’ingénieur technico-commercial, il n’a pas pu prouver qu’il exerçait des fonctions correspondant à la classification cadre dès le début de son contrat, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de reconnaissance de ce statut.

Quelles sont les conséquences d’un travail dissimulé pour l’employeur ?

Le travail dissimulé est défini par l’article L. 8221-5 du Code du travail, qui stipule que se soustraire à l’accomplissement des formalités de déclaration d’embauche ou de délivrance de bulletins de paie constitue un travail dissimulé.

En cas de rupture de la relation de travail, l’article L. 8223-1 prévoit que le salarié a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire si l’employeur a eu recours à des pratiques de travail dissimulé.

Cependant, la cour a jugé que, compte tenu de la faible importance des rappels d’heures supplémentaires, il n’était pas établi que l’employeur se soit intentionnellement soustrait à ses obligations déclaratives, ce qui a conduit à un rejet de la demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Quels sont les droits du salarié en matière de sécurité au travail ?

L’employeur a une obligation de sécurité envers ses salariés, qui est une obligation de moyen renforcée, selon les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail.

Ces articles stipulent que l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Dans cette affaire, le salarié a invoqué des manquements à cette obligation en raison de ses missions à l’étranger, mais la cour a jugé que l’employeur avait pris des mesures suffisantes pour garantir la sécurité du salarié, ce qui a conduit à un rejet de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Cour d’appel de Versailles
RG
23/00692
COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-4

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 DECEMBRE 2024

N° RG 23/00692

N° Portalis DBV3-V-B7H-VXLO

AFFAIRE :

[U] [G]

C/

Société GROUPE SECURITE SERVICES INDUSTRIE (GSSI)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 février 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F 19/00653

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Laurent PARRAS

Me Thierry QUENTIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U] [G]

né le 19 avril 1989 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Laurent PARRAS de la SAS SMASH LEGAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0684

APPELANT

Société GROUPE SECURITE SERVICES INDUSTRIE (GSSI)

N° SIRET : 401 233 945

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Thierry QUENTIN de la SELARL EXPONENS Avocats, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 586

Plaidant : Me Hélène STEIN de la SELARL EXPONENS Avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 11 octobre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] a été engagé par la société GSSI, initialement par contrat d’alternance, à compter du 14 octobre 2011, puis sous contrat à durée indéterminée à partir du 1er septembre 2014, en qualité d’ingénieur technico-commercial.

Cette société est spécialisée dans la fourniture d’équipements de sécurité de pointe pour les États, l’armée et les forces spéciales. Elle applique la convention collective nationale du commerce de gros. L’effectif de la société lors de la rupture du contrat de travail n’est pas précisé.

Par lettre du 25 février 2019, M. [G] a présenté sa démission à la société et a demandé à réduire la durée son préavis pour quitter les effectifs de la société le 10 mars 2019 au lieu du 9 mai 2019. La société a refusé la demande de M. [G].

Par lettre du 12 mars 2019 dont l’objet est une « notification de la prise d’acte de la rupture de [son] contrat de travail », M. [G] a « souhaité revenir sur les raisons » de sa démission du 25 février 2019.

Par requête du 31 octobre 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de constater que la société a commis des manquements graves justifiant la prise d’acte de la rupture du salarié, requalifier la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, constater le statut de cadre de M. [G], et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 8 février 2023, le conseil de prud’hommes de Versailles (section encadrement) a :

. Dit et jugé que la société GSSI n’a pas commis de manquements suffisamment graves pour justifier la prise d’acte ;

. Dit et jugé que la prise d’acte de M. [G] produit les effets d’une démission ;

. Dit que la société GSSI n’a pas dissimulé des heures de travail réellement effectuées ;

. Débouté M. [G] de sa demande de rappel de commissions et de prime d’expatriation ;

. Condamné la société GSSI à verser à M. [G] la somme de 14 000 euros au titre d’un rappel d’heures supplémentaires et 1 400 euros au titre des congés y afférents ;

. Débouté M. [G] de sa demande de reconnaissance du statut cadre à compter du 1er septembre 2014 ;

. Débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

. Débouté M. [G] de sa demande de dommage et intérêts pour travail dissimulé ;

. Ordonné la remise des documents de fin de contrat et bulletins de paie rectifiés et conformes au jugement ;

. Condamné la société GSSI à verser à M. [G] la somme de 1 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Débouté la société GSSI de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

. Condamné la société GSSI aux entiers dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 10 mars 2023, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 2 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :

. Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :

. Dit et jugé que la société GSSI n’a pas commis de manquements suffisamment graves pour justifier la prise d’acte ;

. Dit et jugé que la prise d’acte de M. [G] produit les effets d’une démission ;

. Dit que la société GSSI n’a pas dissimulé des heures de travail réellement effectuées ;

. Débouté M. [G] de sa demande de rappel de commissions et de prime d’expatriation ;

. Condamné la société GSSI à verser à M. [G] seulement la somme de 14 000 euros au titre d’un rappel d’heures supplémentaires et 1 400 euros au titre des congés payés y afférents en lieu et place de la somme de 28 370,76 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires et 2 837 euros au titre des congés payés afférents ;

. Débouté M. [G] de sa demande de reconnaissance du statut cadre à compter du 1er septembre 2014 ;

. Débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

. Débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

. Débouté les parties du surplus de leurs demandes.

. Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :

. Ordonné la remise des documents de fin de contrat et bulletins rectifiés et conformes au jugement ;

. Condamné la société GSSI à verser à M. [G] la somme de 1 100 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Débouté la société GSSI de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

. Condamné la société GSSI aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau :

. Dire et juger que la société GSSI a commis des manquements suffisamment graves et justifiant la prise d’acte de la rupture du salarié ;

. Faire produire à la prise d’acte de la rupture de M. [G] les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. Dire et juger que la société GSSI a dissimulé les heures de travail réellement effectuées par M. [G];

. Dire et juger que la société GSSI a n’a pas réglé la totalité des heures de travail, primes d’expatriation, commissions et rémunération fixe de M. [G] ;

. Prendre acte de ce que M. [G] a reçu son salaire du mois de février 2019 et abandonne donc sa demande à ce titre ;

. Fixer le salaire de M. [G] à 5 000 euros par mois à compter du 1er janvier 2017 ;

. Reconnaître au profit de M. [G] du statut de cadre depuis l’embauche, soit depuis le 1er septembre 2014 ;

. Ordonner à la société de procéder à la régularisation de la situation de M. [G] au regard des cotisations sociales salariales et patronales « Cadres » pour la période allant de l’embauche au mois de décembre 2015 avec prise en charge totale par la société GSSI des cotisations sociales « Cadres », pour la part salariale et patronales, liées à la régularisation de la situation de M. [G] ;

. Condamner la société GSSI à verser à M. [G] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation à l’audience de jugement et capitalisation des intérêts :

. Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 euros nets ;

. Rappel d’indemnité de préavis : 15 000 euros ;

. Congés payés afférents : 1 500 euros ;

. Rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement : 15 799,77 euros ;

. Rappel de salaire pour augmentation non appliquée sur la période du 1er janvier 2017 au 11 mars 2019 : 19 738,74 euros ;

. Congés payés afférents : 1 973,87 euros ;

. Rappel d’heures supplémentaires : 28 370,76 euros ;

. Congés payés afférents : 2 837 euros ;

. Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 30 000 euros ;

. Rappel de commissions : 41 332,37 euros ;

. Congés payés afférents : 4 133,23 euros ;

. Rappel de prime d’expatriation : 3 198,34 euros ;

. Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation sécurité : 5 000 euros ;

. Article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d’appel : 5 400 euros

. Condamner la société GSSI aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société GSSI demande à la cour de :

. Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :

. Dit et jugé que la société GSSI n’a commis aucun acte suffisamment grave justifiant une prise d’acte de rupture du contrat de travail produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

. Dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [G] produit les effets d’une démission.

. Débouté M. [G] de ses demandes indemnitaires.

. Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a :

. Condamné la société GSSI au paiement de la somme de 14 000 euros au titre d’un rappel d’heures supplémentaires et 1 400 euros de congés payés afférents.

. Condamné la société GSSI au paiement à M. [G] de la somme de 1 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et statuant à nouveau

. Débouter M. [G] de sa demande de condamnation à la somme de de 14 000 euros au titre d’un rappel d’heures supplémentaires et 1 400 euros de congés payés afférents.

. Débouter M. [G] de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions.

. Débouter M. [G] de sa demande de condamnation formé à l’encontre de la société GSSI de la somme de 5 000 euros,

. Condamner M. [G] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

. Condamner M. [G] aux entiers dépens de l’instance.

MOTIFS

Sur le rappel de salaire

Le salarié expose qu’à compter du 1er janvier 2017, il a bénéficié d’une augmentation qui n’a jamais été appliquée, ainsi que le montre l’attestation de revenus qu’il produit.

L’employeur conteste l’augmentation sollicitée, expliquant que le salarié se fonde sur une attestation de revenus qui n’a été signée que pour lui permettre d’accéder à un logement.

*

Le contrat de travail du 1er septembre 2014 prévoit que le salarié est rémunéré à hauteur de 2 310,19 euros bruts mensuels pour 35 heures par semaine (pièce 1 du salarié).

Comme le montrent ses bulletins de paie (pièce 2 du salarié), le salarié a régulièrement bénéficié d’augmentations de salaire. Au terme de la relation contractuelle (février 2019), le salarié bénéficiait d’une rémunération brute mensuelle de 4 475 euros depuis le mois de juillet 2018, étant précisé qu’entre janvier 2016 et juin 2018 son salaire de base était fixé à 3 849,84 euros bruts.

Le salarié présente en pièce 15 les documents suivants :

. un courriel qu’il a adressé à M. [F], son supérieur hiérarchique, le 6 janvier 2017 pour lui demander de remplir un document joint, ajoutant : « l’agent immobilier m’a dit que cela apporterait un vrai + » ;

. le document joint correspondant à une « attestation employeur revalorisation de revenus » vierge,

. le même document, cette fois renseigné et signé par M. [F], gérant de la société, le 6 janvier 2017, qui « atteste les éléments suivants concernant notre salarié concernant la revalorisation de ses revenus pour l’année 2017 (‘) salaire BRUT ANNUEL pour l’année 2017 : 60 000 euros (‘) cette valorisation est effective à partir du 1er janvier 2017 »,

. un courriel adressé par le salarié à M. [F] le 8 juin 2017 par lequel il s’étonne de ne pas bénéficier de la rémunération convenue et demande des explications.

La cour relève d’abord que le document signé par M. [F] n’est pas un avenant. Il n’est en effet pas conclu entre le salarié et l’employeur. Il n’était destiné qu’à l’agent immobilier du salarié qui cherchait un nouvel appartement à louer.

Ce document est dépourvu de valeur contractuelle entre les parties et n’a donc pas de valeur contraignante pour l’employeur qui a entendu aider son salarié à trouver un appartement ainsi que l’a relevé à juste titre le conseil de prud’hommes, en l’absence de tout autre élément établissant l’existence de l’augmentation revendiquée par le salarié.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de reconnaissance du salarié de son statut de cadre depuis le 1er septembre 2014

Le salarié présente comme un manquement le fait, pour l’employeur, de l’avoir maintenu dans une classification d’emploi inférieure à celle dont il relève. Il expose qu’il a été engagé en qualité d’ingénieur technico-commercial niveau V échelon 2 de la classification de la convention collective du commerce en gros, ce qui correspond à une classification d’employé et de technicien mais que depuis le 1er janvier 2016 il a été affilié à une caisse de retraite de cadre et que ses cotisations sociales ont été prélevées selon une classification de cadre. Il ajoute que pourtant, ses fonctions à partir de 2016 n’étaient pas différentes de celles qu’il exerçait depuis le 1er septembre 2014. Il soutient donc qu’il aurait dû être cadre depuis le début de la relation contractuelle et expose qu’il dispose d’un diplôme d’ingénieur grade Master et bénéficiait de l’expérience nécessaire.

L’employeur objecte que le salarié a été initialement engagé dans le cadre d’un contrat en alternance et qu’après l’obtention de son Master d’ingénieur « spécialité optique » en septembre 2014, il a été engagé avec un statut non-cadre dès lors que le salarié n’avait alors aucune expérience et qu’il n’exerçait pas des fonctions correspondant aux études d’ingénieur spécialité optique qu’il avait faites. Il ajoute qu’en 2016, il lui a fait bénéficier du statut cadre parce qu’il avait acquis de l’expérience.

*

La qualification d’un salarié s’apprécie au regard des fonctions qu’il exerce réellement au sein de l’entreprise, au regard de la définition des emplois donnée par la convention collective, et non par référence à l’intitulé de ses fonctions. Elle peut aussi résulter du contrat de travail.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie, de démontrer qu’il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Suivant l’avenant n°1 du 14 décembre 2010 à l’accord de classification du 5 mai 1992 à la convention collective nationale de commerces de gros du 23 juin 1970, la classification à laquelle le salarié a été engagé (niveau V échelon 2) correspond à un emploi de technicien qualifié qui répond à la définition suivante : « Maîtrise l’ensemble des opérations techniques, délicates et complexes, du diagnostic à l’intervention. Réalise les études et établit les devis. Assure la relation avec la clientèle et les services administratifs et commerciaux de l’entreprise. ».

L’avenant I à cette convention collective « relatif aux cadres » définit quant à lui, en son article 1er , les cadres techniques comme « les ingénieurs possédant un diplôme ou une équivalence reconnue, ainsi que les diplômés d’une grande école ou de l’enseignement supérieur, occupant dans l’entreprise un poste où ils mettent en ‘uvre les connaissances qu’ils ont acquises. »

En l’espèce, il n’est pas discuté que le salarié, alors qu’il avait été engagé en alternance par la société GSSI, a obtenu un master d’ingénieur « spécialité optique » en septembre 2014. Les fonctions pour lesquelles le salarié a été engagé lors de la signature de son contrat de travail à durée indéterminée le 1er septembre 2014 sont ainsi définies : « [le salarié] exercera au sein de la société les fonctions d’ingénieur technico-commercial qui seront : support technique avant et après-vente, démonstration des produits/systèmes aux clients, rédaction des offres de prix, préparation des appels d’offres ». Le salarié ne conteste pas le fait que ces fonctions sont sans lien avec les connaissances acquises dans le cadre de son diplôme obtenu dans la spécialité de l’optique.

L’employeur n’a donc de ce chef commis aucun manquement en n’accordant pas au salarié, dès le début de la relation contractuelle, le statut de cadre et en ne lui attribuant ce statut qu’à compter du mois de janvier 2016 à une époque où, dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur l’a estimé suffisamment expérimenté pour prétendre à ce statut.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de reconnaissance du statut cadre à compter du 1er septembre 2014 et de sa demande subséquente visant à ordonner à la société de « procéder à la régularisation de la situation de M. [G] au regard des cotisations sociales salariales et patronales « Cadres » pour la période allant de l’embauche au mois de décembre 2015 avec prise en charge totale par la société GSSI des cotisations sociales « Cadres », pour la part salariale et patronales, liées à la régularisation de » sa situation.

Sur le rappel de salaire du mois de février 2019

Le salarié demande de prendre acte de ce qu’il a reçu son salaire du mois de février 2019 et abandonne donc sa demande à ce titre.

La demande est donc sans objet.

Sur les heures supplémentaires

L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’« en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

La charge de la preuve ne pèse donc pas uniquement sur le salarié. Il appartient également à l’employeur de justifier des horaires de travail effectués par l’intéressé.

Il revient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre l’instauration d’un débat contradictoire et à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Après appréciation des éléments de preuve produits, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance des heures supplémentaires et fixe en conséquence les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, le salarié soumet à la cour les éléments suivants :

. en pièce 10 un tableau couvrant une période comprise entre le 14 mars 2016 et le 17 mars 2019 rendant compte, quotidiennement, de ses heures d’arrivée au travail et de ses heures de départ, puis hebdomadairement des heures réalisées au-delà de 35 heures,

. en pièce 32 les nombreux billets d’avion relatifs aux vols qu’il a été amené à effectuer durant la période contractuelle, étant précisé que les billets mentionnent les jours et heures de départ et d’arrivée,

. en pièce 33, les nombreux courriels (378) qu’il a adressés ou reçus durant la relation contractuelle, ces courriels affichant la date et l’heure de leur envoi ou de leur réception,

. en pièce 34, l’attestation de M. [T] qui ne témoigne que de façon indirecte de ce que le salarié lui a rapporté relativement à ses conditions de travail, mais atteste de façon circonstanciée avoir plusieurs fois rencontré le salarié à son travail à 20h00,

. en pièce 40, l’attestation de M. [H] qui indique que, lors de ses déplacements avec le salarié en Algérie, ils quittaient l’hôtel à 6h30 pour arriver à l’heure aux rendez-vous.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

A juste titre, l’employeur fait observer que le tableau du salarié mentionne fréquemment qu’il arrivait le matin entre 9h15 et 9h30, alors qu’il ressort des attestations concordantes de plusieurs salariés et partenaires de la société (MM. [I], [R], [A] et [K] ‘ pièces 2 à 5 de l’employeur) que le salarié arrivait au travail tard dans la matinée. Les relevés téléphoniques produits par l’employeur (pièces 7 et 23) corroborent une heure d’arrivée au travail à 11h00 plutôt qu’à 9h15.

De même, à raison, l’employeur expose que la durée des trajets du salarié en vue de ses déplacements à l’étranger ne peuvent correspondre à des heures de travail effectif dans la mesure où, durant ses trajets en avion, le salarié ne conteste pas qu’il pouvait vaquer à ses occupations personnelles.

Enfin, la cour relève que le salarié a établi sa demande de rappel d’heures supplémentaires sur la base d’une rémunération de 60 000 euros bruts par an à compter du mois de janvier 2017 (soit 5 000 euros bruts mensuels) alors que sa rémunération brute mensuelle n’était que de 4 475 euros.

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que le salarié a réalisé des heures supplémentaires non rémunérées dans une proportion cependant moindre que celle invoquée. La cour évalue en conséquence à la somme de 7 364,16 euros le montant du rappel de salaire dû au salarié au titre des heures supplémentaires qu’il a réalisées au-delà de 35 heures du 14 mars 2016 au 17 mars 2019.

Le jugement sera donc infirmé et, statuant à nouveau, l’employeur sera condamné à payer au salarié la somme ainsi arrêtée outre 736,41 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

L’article L. 8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article L. 8223-1 dispose qu’en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires non rémunérées. Il ne peut davantage se déduire de la seule application d’une convention de forfait illicite (Soc., 28 février 2018, pourvoi n° 16-19.060).

En l’espèce, compte tenu de la faible importance du rappel d’heures supplémentaires accordé au salarié sur une période de trois ans, il n’est pas établi que l’employeur se soit intentionnellement soustrait à ses obligations déclaratives de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute le salarié de ce chef de demande.

Sur le rappel de prime d’expatriation et le rappel de commissions

Le salarié soutient, s’agissant de la prime d’expatriation, qu’il était convenu qu’il perçoive des primes d’expatriation lorsqu’il effectuait des voyages professionnels à l’étranger.

Le salarié expose, s’agissant des commissions, qu’il était convenu qu’il perçoive 10 % de commissions de la marge brute sur les affaires nouvelles qu’il gérait.

L’employeur réplique qu’il ne s’est engagé à verser au salarié ni commissions ni primes d’expatriation, exposant à cet égard que lors de ses déplacements à l’étranger, ses frais de déplacement, d’hébergement et de nourriture étaient pris en charge par la société.

*

L’article 5 du contrat de travail stipule que le salarié « percevra une rémunération mensuelle brute de 2 310,19 euros sur 12 mois. Il pourra éventuellement lui être accordé des primes complémentaires qui lui seront versées en fonction de la qualité du travail, de sa motivation et des résultats de la société ».

La rédaction du contrat de travail montre que les primes dont le salarié pouvait être gratifié étaient discrétionnaires.

Par ailleurs, le contrat de travail ne prévoit aucune « prime d’expatriation ».

Il en résulte que, même si des primes complémentaires ont été versées au salarié durant la relation contractuelle, l’employeur n’était pas tenu au versement de primes d’expatriation ou de commissions sur les affaires nouvelles, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute le salarié de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité

Le salarié expose que dans le cadre de ses missions à l’étranger, il était amené à se déplacer dans des pays à risque (Algérie, Mali, Venezuela, [Localité 5], Équateur, Île Maurice, Roumanie, Maroc, Côte d’Ivoire, Vietnam) ce qui le mettait en danger (p. 21 et 22 de ses conclusions). Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, il invoque son préjudice de santé du fait des manquements de l’employeur en visant sa dépression, la dégradation de ses conditions de travail, ses missions dans les pays étrangers dans un contexte peu sécuritaire (p. 33 de ses conclusions).

En réplique, l’employeur objecte qu’il a pris des mesures pour assurer la sécurité de son salarié lors de ses déplacements à l’étranger.

*

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité qui n’est pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen renforcée, l’employeur pouvant s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En application des dispositions de ces articles la chambre sociale fait peser sur l’employeur une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, dont il lui revient d’assurer l’effectivité ; il ne peut prendre aucune mesure qui aurait pour objet ou pour effet de compromettre la santé ou la sécurité des salariés (Soc., 28 février 2006, n°05-41.555, Bull.n°87 ; Soc., 5 mars 2008, n°06-45.888, Bull. n°46).

Toutefois, ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444, Bull. n°234, publié au Rapport annuel).

En l’espèce, il n’est pas discuté que le salarié a été amené à voyager dans plusieurs pays dans le cadre de son travail.

Il ressort des attestations produites par l’employeur que les voyages d’affaire du salarié s’effectuaient en « business class » s’agissant des transports et « dans des hôtels (4 et 5 étoiles) » s’agissant de l’hébergement (témoignage de M. [A]), que lors des voyages du salarié en Algérie, le salarié « n’a jamais été dans des situations, encore moins des endroits dangereux », le témoin ajoutant que « la majorité du temps, nous étions dans des unités des forces de l’ordre ou armée. [le salarié] n’a risqué sa vie ni n’a été en danger ni laissé seul » (témoignage de M. [H]). M. [N] précise lui aussi dans son témoignage que le salarié a « toujours été pris en charge localement lors de ses voyages (‘) et à aucun moment celui-ci n’a été mis en situation qui aurait pu lui paraître dangereuse. Les logements étaient toujours assurés dans des hôtels de niveau Sheraton ou en villa privée. »

Il ressort au demeurant des écritures mêmes du salarié que lorsqu’il s’est senti en danger en raison de la situation en Algérie, où il lui avait été demandé de se rendre en mars 2019, il a pu annuler son voyage.

En définitive, l’employeur n’a pris aucune mesure qui aurait pour objet ou pour effet de compromettre la santé ou la sécurité du salarié et il justifie avoir pris des mesures suffisantes, au regard des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité du salarié lors de ses déplacements à l’étranger.

Le salarié n’établit ne produit pas d’éléments médicaux relatifs à une dépression.

Par ailleurs, le salarié invoque en page 33 de ses écritures « la dégradation de ses conditions de travail » sans préciser quelle pourrait en être la cause, étant rappelé qu’en pages 21 et 22 de ses mêmes écritures, il n’envisage le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité que dans le cadre de ses déplacements à l’étranger.

Il s’ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts.

Sur la prise d’acte de la rupture

Le salarié invoque plusieurs manquements qui, selon lui, empêchent la poursuite du contrat de travail.

En réplique, l’employeur conteste les manquements et expose que le salarié a démissionné sans équivoque dans la perspective d’une embauche au sein du groupe Thalès. Il ajoute que le salarié n’a, après sa démission, pris acte de la rupture que pour se soustraire à son obligation d’effectuer son préavis.

*

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, il appartient au juge, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, la démission du salarié était équivoque, analyser la démission en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire analyser cette rupture comme une démission.

La prise d’acte de la rupture se définit comme un mode de rupture du contrat de travail par le biais duquel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des griefs qu’il impute à son employeur.

Si les griefs invoqués par le salarié sont établis et empêchent la poursuite du contrat de travail, alors la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Dans le cas contraire, la prise d’acte doit être requalifiée en démission.

La prise d’acte peut produire les effets d’un licenciement nul si les manquements reprochés à l’employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement. C’est au salarié et à lui seul qu’il incombe d’établir les faits allégués à l’encontre de l’employeur. Par exception, la charge de la preuve est renversée dès lors que les griefs soulevés par le salarié se rattachent à la santé et à la sécurité des salariés.

En l’espèce, le salarié a d’abord présenté sa démission le 25 février 2019 avant de prendre acte de la rupture le 12 mars 2019.

Sa lettre de démission du 25 février 2019 ne fait état d’aucun grief que le salarié impute à l’employeur. Toutefois, le fait que, le 12 mars 2019 soit deux semaines après sa démission et en cours de préavis, le salarié ait pris acte de la rupture en invoquant, cette fois, des manquements de son employeur, rend équivoque sa démission, laquelle doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture à la date du 25 février 2019.

Au soutien de sa demande tendant à la requalification de sa prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salarié invoque les manquements suivants :

. le non-versement d’éléments de salaire et le flou entretenu sur les modalités de calcul de sa rémunération (1),

. les retards fréquents dans le paiement du salaire (2),

. le non-paiement de nombreuses heures supplémentaires (3),

. le non-respect des temps de repos (4),

. son maintien dans une classification d’emploi inférieure à celle dont il relève (5),

. l’adjonction de tâches subalternes étrangères à l’exécution de son contrat de travail (6),

. son placement en situation de danger grave dans le cadre de ses misions à l’étranger (7),

. lesdits manquements ayant eu pour effet une dégradation de son état de santé (8).

1. sur le flou relatif aux modalités de calcul de la rémunération du salarié

Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, l’article 5 du contrat de travail ne prévoit qu’une prime discrétionnaire et ne prévoit aucune prime d’expatriation ni aucune commission.

Le salarié, ne peut donc invoquer aucun manquement du chef de ce qu’il présente comme un flou dans le calcul de ses primes d’expatriation et de ses commissions.

Par ailleurs, le salarié invoque un manquement relatif à l’absence d’augmentation de sa rémunération brute mensuelle de base à compter du 1er janvier 2017. Mais ainsi qu’il a été jugé, le document renseigné par l’employeur, qui n’était destiné qu’à l’agent immobilier du salarié, ne s’analyse pas en un avenant contraignant l’employeur à le rémunérer à hauteur de 5 000 euros bruts mensuels.

Les manquements ici étudiés ne sont donc pas établis.

2. sur les retards dans le paiement du salaire

Si le salarié a abandonné sa demande relativement au salaire du mois de février 2019, il n’en demeure pas moins que c’est à raison qu’il explique n’avoir été payé que tardivement.

En effet, selon son bulletin de paie du mois de février 2019, le salarié devait être rémunéré à hauteur de 3 007,14 euros.

Certes, par sa pièce 21, l’employeur établit la réalité d’un virement de 3 007,14 euros le 1er mars 2019. Néanmoins, d’une part, le destinataire du virement ne peut être identifié comme étant le salarié. D’autre part, le relevé de compte du salarié correspondant à la période comprise entre le 22 février et le 22 mars 2019 (cf. sa pièce 15) ne porte trace d’aucun virement de la société durant cette période. Il ressort de la pièce 30 du salarié que le virement litigieux n’a en réalité été réalisé que le 23 décembre 2019.

Par ailleurs, selon les bulletins de paie du salarié, le salaire devait être versé le dernier jour du mois considéré.

Or, le salarié établit qu’à plusieurs reprises (14 fois) les salaires ont été payés quelques jours après le dernier du mois précédent, donc en retard.

Par conséquent, le salarié établit la réalité de retards de quelques jours (entre un et six jours) entre mars 2017 et novembre 2018 et d’un retard de dix mois pour le salaire du mois de février 2019, étant ici observé que, comme l’a d’ailleurs relevé le conseil de prud’hommes, ce retard n’a pu justifier la volonté du salarié de démissionner puisque cette démission, requalifiée en prise d’acte, est antérieure au manquement.

3. sur les heures supplémentaires

Le manquement de l’employeur, déjà examiné plus haut, est ici établi.

4. sur les temps de repos

Le salarié se fonde sur les articles L. 3131-1 et L. 3132-2 du code du travail et sur l’article 46 de la convention collective ainsi que sur le fait qu’il a réalisé près de 60 heures par semaine.

L’employeur conteste tout manquement.

*

L’article L. 3131-1 du code du travail dispose que tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret.

L’article L. 3132-2 prescrit que le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre Ier.

L’article 46 de la convention collective stipule que tout salarié travaillant habituellement le dimanche bénéficie d’une majoration de salaire égale à 10 % de son taux horaire. Pour les autres salariés, le travail exceptionnel du dimanche, et dans la limite de 3 par an, donnera lieu à une majoration de salaire de

100 % s’ajoutant, le cas échéant, à la majoration au titre des heures supplémentaires. En outre, 1 journée compensatoire de repos, de durée équivalente, sera donnée collectivement ou par roulement, si possible dans la quinzaine qui suit. Le travail du dimanche est interdit pour les jeunes de moins de 18 ans.

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il en résulte que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

En l’espèce, il est établi que le salarié a été amené à travailler plusieurs week-ends et des dimanches (la cour dénombre 12 dimanches travaillés entre mars 2016 et février 2019 : deux en 2016, six en 2017, trois en 2018 et un en 2019) sans obtenir de journée de repos compensatoire (pièce 19 du salarié) de même qu’il est démontré qu’il n’a pas systématiquement bénéficié d’un repos hebdomadaire d’une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives, à trois reprises courant mars et avril 2017.

En revanche, les manquements au titre des repos quotidiens ne sont pas établis, la cour ayant tenu compte, pour la détermination des heures supplémentaires du salarié, du fait que ce dernier n’arrivait pas au travail avant 11h00.

5. sur le maintien du salarié dans une classification d’emploi inférieure à celle dont il relève

Le manquement ici examiné a déjà été étudié plus haut. Il a été jugé qu’il n’est pas établi.

6. sur l’adjonction de tâches subalternes étrangères à l’exécution de son contrat de travail

Le salarié soutient que la société lui demandait de récupérer des supports, catalogues et cartes de visites, de trouver des adaptateurs pour les prises anglaises et une batterie externe pour un membre de sa famille, de préparer le matériel en faisant du colisage, de récupérer du matériel dans des cartons et de s’occuper de la serrurerie.

L’employeur ne réplique pas sur ce point.

Dans le silence de l’employeur, qui ne conteste pas qu’il lui arrivait de confier au salarié des tâches subalternes, et comme le montre la pièce 12 du salarié, il est démontré qu’exceptionnellement, l’employeur lui a demandé par exemple de s’occuper de serrurerie, de « passer chercher les supports de catalogue et les cartes de visite », de « mettre un peu en ordre le salon » avant l’arrivée de visiteurs.

Si ces tâches ne sont pas expressément prévues par le contrat de travail, elles restent épisodiques et ne sont pas sans lien avec l’exécution du contrat de travail. Le fait, pour l’employeur, d’avoir formulé de telles demandes au salarié ne s’analyse pas en un manquement, ce d’autant qu’il n’est pas discuté que, comme l’a relevé le conseil de prud’hommes, l’entreprise était de taille modeste.

7. sur l’exposition du salarié à un danger grave

Ce manquement a été étudié plus haut au titre de l’obligation de sécurité. La cour a jugé que ce manquement n’était pas établi.

8. sur la dégradation de l’état de santé du salarié

Pour établir la dégradation de son état de santé, le salarié produit en pièce 24 un avis d’arrêt de travail initial du 2 février 2018 et un avis de prolongation du 6 février 2018 montrant qu’il a fait l’objet d’un arrêt de travail entre le 2 février et le 11 février 2018.

Le salarié expose que cet arrêt de travail a pour cause un syndrome antidépressif mais cela ne ressort pas des arrêts de travail qu’il verse aux débats, étant relevé que le salarié souffrait de problèmes lombaires entre 2017 et 2019 (cf. sa pièce 12).

Ainsi, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a considéré que le lien de causalité entre les problèmes de santé du salarié et ses conditions de travail n’était pas établi.

En synthèse de ce qui précède, la cour a retenu les manquements suivants :

. de brefs retards dans le paiement des salaires du salarié courant 2017 et 2018, et un retard de plusieurs mois dans le paiement du salaire du mois de février 2019,

. des heures supplémentaires demeurées impayées,

. des manquements relatifs au respect des temps de repos hebdomadaires et quotidiens et des temps de travail le dimanche non compensés par un repos compensatoire.

Ces manquements ne sont pas d’une gravité telle qu’ils empêchaient la poursuite du contrat de travail ainsi qu’en a jugé le conseil de prud’hommes.

En effet, les retards de paiement du salaire ne sont généralement que de quelques jours et, si a été retenu un manquement de plusieurs mois s’agissant du salaire du mois de février 2019 qui aurait dû être payé le 28 février, ce retard est sans lien avec la démission, antérieure de quelques jours,du 25 février 2019. A cela, il convient d’ajouter que la prise d’acte de la rupture du 12 mars 2019 est quant à elle inopérante, puisque la démission du 25 février 2019 s’analyse en une prise d’acte de la rupture et que cette dernière produit un effet immédiat.

Par ailleurs, les heures supplémentaires demeurées impayées l’ont été pendant plusieurs années consécutives et le salarié n’en a pas réclamé le paiement avant sa prise d’acte. L’absence de paiement des heures supplémentaires n’a ainsi pas empêché la poursuite du contrat de travail.

Enfin, les manquements de l’employeur au titre du respect des temps de repos hebdomadaires (3 manquements anciens de mars et avril 2017) et des temps de travail le dimanche non compensés par un repos compensatoire (12 dimanches travaillés et non compensés par un jour de récupération en trois ans) ont été très ponctuels.

En définitive, les manquements invoqués par le salarié sont soit anciens, soit ils ne présentent pas un degré de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail, ou enfin ils ne sont pas établis.

Par conséquent, la prise d’acte produit les effets d’une démission. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction à l’employeur de remettre au salarié, une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant en son appel, le salarié sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu’il met les dépens de première instance à la charge de l’employeur.

Il conviendra par ailleurs de dire n’y avoir lieu à condamnations sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile s’agissant des frais exposés par les parties en appel et de confirmer le jugement en ce qu’il condamne l’employeur à payer au salarié la somme de 1 100 euros au titre des frais de première instance.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il condamne la société GSSI à payer à M. [G] la somme de 14 000 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 1 400 euros au titre des congés afférents,

CONFIRME le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société GSSI à payer à M. [G] la somme de 7 364,16 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires, outre 736,41 euros au titre des congés payés afférents,

DONNE injonction à la société GSSI de remettre à M. [G] une attestation France travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

DIT n’y avoir lieu à condamnations sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile au titre des frais engagés en appel,

CONDAMNE M. [G] aux dépens de la procédure d’appel.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Dorothée Marcinek, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


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