Madame [U] [A] est propriétaire d’une maison à Bry sur Marne et a engagé la SARL ANKA BTP pour des travaux de rénovation en mai 2023. La SARL a abandonné le chantier, entraînant des infiltrations d’eau. Une expertise amiable a été réalisée, et Madame [U] [A] a ensuite assigné la SARL ANKA BTP en référé pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire. La SARL a été placée en redressement judiciaire en avril 2024. Madame [U] [A] a ensuite assigné l’administrateur de la SARL pour la même demande. Les deux affaires ont été jointes, et un expert a été désigné pour examiner les désordres et malfaçons, évaluer les responsabilités et proposer des solutions. Un provision de 3 000 € pour les frais d’expertise a été fixée, avec des délais pour la consignation. Les dépens sont à la charge de Madame [U] [A], et l’ordonnance est exécutoire provisoirement.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ORDONNANCE DU : 09 Septembre 2024
DOSSIER N° : N° RG 24/00751 – N° Portalis DB3T-W-B7I-VDKM
CODE NAC : 54G – 0A
AFFAIRE : [U] [A] C/ S.E.L.A.R.L. AJILINK LABIS – CABOOTER-DE CHANAUD ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société Anka BTP, S.A.R.L. ANKA BTP
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CRETEIL
Section des Référés
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
LE JUGE DES REFERES : Madame Elise POURON, Juge
LE GREFFIER : Madame Stéphanie GEULIN, Greffier
PARTIES :
DEMANDERESSE
Madame [U] [A] née le 10 mars 1968 à ANTONY (92), demeurant 112, avenue du Gal Leclerc – 94360 BRY SUR MARNE
représentée par Me Alain CROS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 182
DEFENDERESSES
S.E.L.A.R.L. AJILINK LABIS – CABOOTER-DE CHANAUD , dont le siège social est sis 70 avenue du Général de Gaulle – 94000 CRETEIL ès-qualités d’administrateur judiciaire de la société ANKA BTP, désigné en cette fonction par jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire du Tribunal judiciaire de Créteil du 24 avril 2024
et S.A.R.L. ANKA BTP, immatriculée au RCS de CRETEIL sous le n° 847 631 835, dont le siège social est sis 110 rue de Fontenay – 94300 VINCENNES
représentées par Me Charles SIMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0075
Débats tenus à l’audience du : 30 Juillet 2024
Date de délibéré indiquée par le Président : 09 Septembre 2024
Ordonnance rendue par mise à disposition au greffe le 09 Septembre 2024
Madame [U] [A] est propriétaire d’une maison située 112 avenue du Général Leclerc 94360 Bry sur Marne.
Elle a confié à la SARL ANKA BTP des travaux de rénovation avec isolation de la toiture, remplacement de carreaux cassés et reprise de joint dans la verrière en mai 2023, laquelle a abandonné le chantier, à l’origine d’infiltrations, la verrière assurant la fonction d’étanchéité du toit-terrasse.
Une expertise amiable a été diligentée et un rapport a été rendu le 13 décembre 2023.
Par acte de commissaire de justice du 16 mai 2024, Madame [U] [A] a fait assigner la SARL ANKA BTP devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire (procédure enrôlée sous le numéro de RG 24/00751).
Par jugement du 24 avril 2024, la SARL ANKA BTP a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son égard.
Par acte de commissaire de justice du 11 juillet 2024, Madame [U] [A] a fait assigner la SELARL Ajilink Labis – Cabooter – de Chanaud ès qualité d’administrateur de la SARL ANKA BTP devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire (procédure enrôlée sous le numéro de RG 24/01019).
Les dossiers ont été évoqués à l’audience du 30 juillet 2024, au cours de laquelle Madame [U] [A] a maintenu ses demandes.
Par conclusions visées et soutenues à l’audience, la SARL ANKA BTP, la SELARL Ajilink Labis – Cabooter – de Chanaud ès qualité d’administrateur de la SARL ANKA BTP et la SAS [X] [Y] ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL ANKA BTP s’en rapportent à la décision du juge des référés.
Il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des moyens qui y sont contenus.
A l’audience du 30 juillet 2024, l’affaire a été mise en délibéré, les parties étant informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe.
Sur la jonction des procédures :
Eu égard à la connexité des deux affaires enrôlées sous des numéros distincts, il est de bonne administration de la justice d’ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG n° 24/00751 et 24/01019 sous le premier numéro.
Sur l’intervention volontaire de la SAS [X] [Y] ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL ANKA BTP
Conformément aux dispositions de l’article 325 du code de procédure civile, il convient de recevoir la SAS [X] [Y] ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL ANKA BTP en son intervention volontaire.
Sur la demande d’expertise :
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il est acquis que l’article 145 du code de procédure civile est un texte autonome auquel les conditions habituelles du référé ne sont pas applicables. Il n’est ainsi pas soumis à la condition d’urgence ou à la condition d’absence de contestation sérieuse.
Ce texte suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
La faculté prévue à l’article 145 du code de procédure civile ne saurait, en outre, être exercée à l’encontre d’un défendeur qui, manifestement, et en dehors même de toute discussion au fond, ne serait pas susceptible d’être mis en cause dans une action principale.
De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
Enfin, l’application de cet article n’implique aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
En l’espèce, Madame [U] [A] n’a pas à démontrer l’existence de désordres ou fautes qu’elle invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir. Elle doit seulement justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions.
Or, tel est le cas au vu :
– du rapport d’expertise amiable réalisé par le cabinet [W] [Z] le 13 décembre 2023, relevant que les malfaçons et travaux inachevés constatés relèvent de la responsabilité contractuelle de la SARL ANKA BTP,
– du procès-verbal de constat dressé par commissaire de justice le 19 février 2024 faisant également état de nombreuses malfaçons et de travaux inachevés.
Il importe peu à ce stade que ces éléments n’aient pas été contradictoirement débattus, la mesure d’instruction sollicitée ayant précisément pour objet de rendre les constatations de l’expert contradictoires.
Au regard de ces éléments, et alors que le débat sur la teneur et l’imputabilité des désordres relève du juge du fond, Madame [U] [A] dispose d’un motif légitime à faire établir les désordres qu’elle allègue, un procès éventuel n’étant pas manifestement voué à l’échec.
Du tout, il résulte que les conditions d’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile sont réunies et qu’il convient d’ordonner la mesure d’expertise requise, dans les termes du dispositif, en mettant à la charge de Madame [U] [A] le paiement de la provision initiale.
Sur les demandes accessoires :
L’article 491, alinéa 2 du code de procédure civile précise que la juridiction des référés statue sur les dépens. L’article 696 dudit code dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Il n’y a donc pas lieu de réserver les dépens : en effet, la juridiction des référés est autonome et la présente ordonnance vide la saisine du juge.
A la lumière de ce qui précède, l’expertise étant ordonnée à la demande et dans l’intérêt de Madame [U] [A], pour lui permettre ultérieurement et éventuellement d’engager une instance judiciaire, les dépens doivent provisoirement demeurer à sa charge.
Statuant par mise à disposition de la présente ordonnance au greffe le jour du délibéré après débats en audience publique, par décision contradictoire, en premier ressort et en matière de référé,
ORDONNONS la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG n°24/00751 et 24/01019 sous le premier numéro,
RECEVONS la SAS [X] [Y] ès qualité de mandataire judiciaire de la SARL ANKA BTP en son intervention volontaire,
ORDONNONS une mesure d’expertise,
DÉSIGNONS pour y procéder :
[S] [T] (1969)
Diplôme d’architecte DPLG, Certificat de formation à l’expertise judiciaire, Diplôme d’études fondamentales en architecture
7 avenue Victor Hugo
77680 ROISSY EN BRIE
Tél : 01.74.59.47.23
Port. : 06.13.40.09.18
Email : [T].[S]@sfr.fr
expert inscrit sur les listes de la Cour d’appel de PARIS, lequel, sollicité préalablement à sa désignation l’a acceptée par courriel du 2 août 2024 et pourra prendre l’initiative de recueillir l’avis d’un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, avec mission de :
– se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
– relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l’assignation et dans le procès-verbal de constat de commissaire de justice du 19 février 2024 et affectant l’immeuble litigieux, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
– en détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions ;
– donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons, non conformités et/ou inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
– dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art ;
– à partir de devis d’entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d’œuvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l’ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
– donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
– rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties ;
– donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties ;
– donner son avis sur les conditions dans lesquelles le chantier a été interrompu, et le cas échéant, rechercher et indiquer le rôle respectif des parties dans cette situation de fait; donner son avis sur la valeur des travaux ayant déjà été effectivement exécutés, ainsi que sur la valeur des travaux restant encore à faire – s’agissant ici des non-façons, à l’exclusion des malfaçons ;
DÉSIGNONS le magistrat chargé du contrôle des expertises pour contrôler les opérations d’expertise,
DISONS que pour procéder à sa mission l’expert devra :
– convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;
– se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission ;
– se rendre sur les lieux, 112 avenue du Général Leclerc 94360 Bry sur Marne et si nécessaire en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis ;
– à l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai :
* en faisant définir une enveloppe financière pour les investigations à réaliser, de manière à permettre aux parties de préparer le budget nécessaire à la poursuite de ses opérations ;
* en indiquant les mises en cause, les interventions volontaires ou forcées qui lui paraissent nécessaires et en invitant les parties à procéder auxdites mises en cause dans le délai qu’il fixera ;
* en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge du contrôle des demandes de consignation complémentaire qui s’en déduisent ;
* en les informant, le moment venu, de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;
– au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport (par ex. : réunion de synthèse; communication d’un projet de rapport), et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations :
* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
* rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai.
DISONS qu’en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnu par l’expert, ce dernier pourra autoriser Madame [U] [A] à faire exécuter à leurs frais avancés, pour le compte de qui il appartiendra, les travaux estimés indispensables par l’expert, sous la direction du maître d’œuvre de Madame [U] [A], par des entreprises qualifiées de son choix ; que, dans ce cas, l’expert déposera une note circonstanciée aux parties, précisant la nature, l’importance et le coût de ces travaux,
FIXONS à la somme de 3 000 € la provision concernant les frais d’expertise qui devra être consignée par Madame [U] [A] à la régie du tribunal judiciaire de Créteil dans le mois qui suit la demande de consignation adressée par le greffe,
DISONS que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l’expert sera caduque et de nul effet,
DISONS que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe du tribunal (service du contrôle des expertises), dans les six mois de la réception de l’avis de consignation, sauf prorogation de ce délai, dûment sollicitée en temps utile auprès du juge du contrôle, ainsi qu’une copie du rapport à chaque partie (ou à son avocat pour celles étant assistées),
DISONS que l’exécution de la mesure d’instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des mesures d’instruction de ce tribunal, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code,
RAPPELONS aux parties les dispositions de l’article 2239 du code civil :
« La prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès.
Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée »,
DISONS que les dépens resteront à la charge de Madame [U] [A],
RAPPELONS que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.
FAIT AU PALAIS DE JUSTICE DE CRETEIL, le 9 septembre 2024.
LE GREFFIER LE JUGE DES REFERES