La société Crédipar a accordé un prêt à M. et Mme [F] pour l’achat d’un véhicule Peugeot 5008, d’un montant de 26 811 euros, remboursable en 49 mensualités. Le véhicule a été livré le 24 janvier 2018. Après plusieurs échéances impayées, Crédipar a mis en demeure les emprunteurs le 18 octobre 2021, puis a déclaré la déchéance du terme du contrat le 29 octobre 2021. En janvier 2022, Crédipar a assigné M. et Mme [F] en justice pour récupérer les sommes dues. Le jugement du 21 octobre 2022 a condamné les emprunteurs à payer 14 639,65 euros, mais a écarté le droit aux intérêts en raison d’une omission dans le contrat. Crédipar a interjeté appel le 21 décembre 2022, demandant une somme supérieure et contestant la déchéance des intérêts. Les époux [F] n’ont pas constitué avocat. L’affaire a été jugée le 21 mai 2024, aboutissant à l’infirmation du jugement précédent, à la reconnaissance du droit aux intérêts pour Crédipar, et à la condamnation des emprunteurs à payer 20 681,51 euros avec intérêts, ainsi qu’une indemnité de 100 euros. La société Crédipar a été condamnée aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/00609 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CG4WL
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 octobre 2022 – Tribunal de proximité de SUCY EN BRIE – RG n° 11-22-000145
APPELANTE
La COMPAGNIE GÉNÉRALE DE CRÉDIT AUX PARTICULIERS – CREDIPAR, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 317 425 981 01004
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
INTIMÉS
Monsieur [S] [J] [F]
né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 10] (93)
[Adresse 5]
[Localité 6]
DÉFAILLANT
Madame [W] [F] née [L]
née le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Adresse 9]
[Localité 8]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Catherine SILVAN
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Selon offre préalable acceptée le 11 janvier 2018, la société Crédipar a consenti à M. [S] [F] et à Mme [W] [F] née [L] un prêt affecté à l’acquisition d’un véhicule de marque Peugeot 5008 d’une valeur de 29 790 euros, d’un montant de 26 811 euros, remboursable en 49 mensualités : 48 mensualités de 349,91 euros et une mensualité de 14 895 euros hors assurance, au taux débiteur annuel fixe de 5,68 % et au TAEG de 5,83 %.
Le véhicule a été livré le 24 janvier 2018.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Crédipar a mis en demeure M. et Mme [F] de rembourser les échéances impayées par lettre recommandée en date du 18 octobre 2021.
En l’absence de régularisation, la société Crédipar a pris acte de la déchéance du terme du contrat par courrier recommandé du 29 octobre 2021.
Par acte délivré le 26 janvier 2022, la société Crédipar a fait assigner M. et Mme [F] devant le juge en charge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Sucy-en -Brie près le tribunal judiciaire de Créteil en remboursement des sommes dues au titre du contrat et au titre de la clause pénale.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 21 octobre 2022, le juge a :
– condamné solidairement M. et Mme [F] à payer à la société Crédipar la somme de 14 639,65 euros au titre du contrat de crédit du 11 janvier 2018,
– condamné solidairement M. et Mme [F] à payer à la société Crédipar la somme de 1 euro d’indemnité de clause pénale au titre du contrat de crédit du ‘4 juin 2019″ (sic),
– dit que celle-ci ne portera pas intérêts au taux légal,
– rappelé que le présent jugement sera non avenu s’il n’est pas notifié dans les six mois de sa date,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. et Mme [F] aux dépens.
Le juge a rappelé pouvoir relever d’office des moyens de droit sans être inséré dans un délai pour agir.
Il a estimé que la société Crédipar encourait la déchéance du droit aux intérêts car l’encadré du contrat ne mentionnait pas l’échéance du contrat assurance comprise qui avait été souscrite par l’emprunteur. Il a écarté l’application des articles 1236-1 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier pour assurer l’effectivité de la sanction.
La société Crédipar a interjeté appel de ce jugement le 21 décembre 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2023 par RPVA, elle demande à la cour :
– de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
– y faisant droit,
– d’infirmer le jugement rendu,
– de condamner solidairement M. et Mme [F] à lui payer la somme de 23 304,04 euros arrêtée au 8 décembre 2021, assortie des intérêts au taux contractuel à compter de cette date et jusqu’au parfait paiement,
– de condamner solidairement M. et Mme [F] au paiement d’une somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles et les dépens.
Elle indique que les époux [F] ont cessé de régler les mensualités à compter de juillet 2020 et que malgré les mises en demeure qui leur ont été envoyées, ils n’ont procédé à aucun paiement et n’ont pas restitué le véhicule.
Elle conteste la déchéance du droit aux intérêts retenue en application de la jurisprudence de la cour de Cassation du 8 avril 2021.
Elle estime que le juge a commis une confusion sur le montant des sommes dues et sollicite donc une somme supérieure à celle retenue en première instance.
Par acte d’huissier délivré à étude le 24 février 2023, M. et Mme [F] ont reçu signification de la déclaration d’appel et par acte d’huissier délivré à étude le 31 mars 2023, les conclusions de l’appelante et n’ont pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024 et l’affaire a été appelée à l’audience du 21 mai 2024.
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien-fondée.
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
C’est à juste titre que le premier juge a appliqué au contrat les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et leur numérotation postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016.
Sur la recevabilité de l’action
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion et que cet événement est caractérisé notamment par le premier incident de paiement non régularisé.
En application de l’article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d’une demande en paiement de vérifier d’office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l’action du prêteur s’inscrit bien dans ce délai.
En l’espèce, l’historique de prêt atteste de ce que les échéances sont demeurées impayées à compter du 5 juillet 2020 partiellement et totalement à compter du 6 août 2020. L’assignation ayant été délivrée le 26 janvier 2022, soit dans les deux années suivant le premier impayé, l’action de la société Crédipar doit être déclarée recevable.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Le premier juge a fondé la déchéance du droit aux intérêts de la société Crédipar sur une violation des articles L. 312-28 et R. 312-10 du code de la consommation en ce que les mensualités de remboursement du crédit assurance comprise ne sont pas mentionnées dans l’encadré du contrat.
Les dispositions de l’article L. 312-28 du code de la consommation en leur rédaction applicable au contrat, prévoient que le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable. Un encadré, inséré au début du contrat, informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts aux termes de l’article L. 341-4 du même code.
L’article R. 312-10 du même code fixe la liste des informations devant figurer au contrat et dans l’encadré mentionné à l’article L. 312-28, lesquelles doivent être rédigées en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit, en termes clairs et lisibles. Doivent notamment figurer dans l’encadré en caractères plus apparents :
a) Le type de crédit,
b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds,
c)La durée du contrat de crédit,
d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser,
e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d’adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s’appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables,
f) Le taux annuel effectif global, et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées,
g) Tous les frais liés à l’exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d’un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l’utilisation d’un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés,
h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant,
i) Le cas échéant, l’existence de frais de notaire,
j) En cas de crédit servant à financer l’acquisition de bien ou service déterminés, ce bien ou ce service et son prix au comptant.
Le contrat signé par les parties prévoit une assurance facultative effectivement souscrite par M. et Mme [F]. Dès lors que l’assurance n’est pas imposée par le prêteur, comme c’est le cas en l’espèce, les dispositions légales et réglementaires précitées n’imposent pas que le coût mensuel de l’assurance et le montant de l’échéance assurance comprise figurent dans l’encadré inséré au début du contrat, ni que le montant total dû par l’emprunteur comprenne le montant de cette assurance facultative.
La fiche d’informations précontractuelles remise à M. et Mme [F] signée de leur part, mentionne bien que le montant total dû est calculé hors assurance facultative et que le coût de l’assurance facultative s’ajoute à la mensualité du crédit, et précise le montant de la cotisation d’assurance de 28,15 euros par mois.
M. et Mme [F] ont donc bien été informés du coût de l’assurance mensuelle et du montant des mensualités assurance comprise.
C’est donc en ajoutant aux textes précités que le premier juge a retenu que le prêteur encourait la déchéance de son droit à intérêts.
Le jugement doit donc être infirmé.
Sur le bien-fondé de la demande en paiement
À l’appui de sa demande, l’appelante produit aux débats l’offre de contrat doté d’un bordereau de rétractation, la souscription à l’assurance facultative, l’attestation de formation, la fiche conseil en assurance signée, la fiche explicative signée, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées signée, la notice d’informations relative à l’assurance, le justificatif de la consultation du fichier des incidents de remboursement de crédits aux particuliers, la fiche de dialogue signée, la copie d’un RIB, la copie de l’avis d’imposition 2017, la copie des bulletins de paye de M. et Mme [F] entre septembre et novembre 2017, une quittance de loyer et la copie de leurs pièces d’identité (passeport et permis de conduire pour Madame, carte nationale d’identité et permis de conduire pour Monsieur), le tableau d’amortissement du prêt, un historique du compte et un décompte de créance.
L’appelante justifie de l’envoi à M. et Mme [F] le 18 octobre 2021 de courriers recommandés avec avis de réception portant mise en demeure préalable et exigeant le règlement sous huit jours de la somme de 2 060,19 euros au titre des impayés sous peine de voir prononcer la déchéance du terme du contrat. Par courriers recommandés en date du 29 octobre 2021, le mandataire de la société Crédipar a prononcé la déchéance du terme.
C’est donc de manière légitime que la société Crédipar se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues.
En application de l’article L. 312-39 du code de la consommation dans sa version applicable au litige eu égard à la date de conclusion du contrat, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Au vu des pièces justificatives produites, la créance de l’appelante s’établit de la façon suivante :
– échéances impayées à la date de déchéance du terme : 2 060, 19 euros,
– capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat selon tableau d’amortissement : 18 621,32 euros,
soit la somme totale de 20 681,51 euros.
M. et Mme [F] sont en conséquence solidairement condamnés, en vertu de la clause de solidarité présente au contrat, au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,68 % l’an à compter du 29 octobre 2021.
L’appelante sollicite en outre la somme de 1 632,41 (142,70+1 489,71) euros au titre de l’indemnité de résiliation.
Selon l’article D. 312-16 du code de la consommation, lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Il s’infère de cette disposition que la notion de capital restant dû fait référence au capital rendu exigible par l’effet de la déchéance du terme.
La somme demandée est excessive en son montant au vu du taux d’intérêts pratiqués. Il convient donc de la réduire à la somme de 100 euros, somme à laquelle sont condamnés solidairement M. et Mme [F] augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2021.
Il n’y a pas lieu de statuer sur l’application des dispositions des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier puisque la sanction de déchéance du droit aux intérêts n’est pas prononcée.
Sur les autres demandes
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées. En revanche, rien ne justifie de condamner les époux [F] aux dépens d’appel, alors que n’ayant jamais été représentés ni en première instance, ni en appel, ils n’ont jamais fait valoir aucun moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l’a fait. La société Crédipar conservera donc la charge de ses dépens d’appel ainsi que de ses frais irrépétibles.
Le surplus des demandes est rejeté.
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné in solidum M. [S] [F] et Mme [W] [F] née [L] aux dépens ;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la société Crédipar ;
Condamne solidairement M. [S] [F] et Mme [W] [F] née [L] à payer à la société Crédipar une somme de 20 681,51 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,68 % l’an à compter du 29 octobre 2021 au titre du solde du crédit et une somme de 100 euros au titre de l’indemnité de résiliation augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2021 ;
Rejette le surplus des demandes,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Crédipar aux dépens d’appel.
La greffière La présidente