Accident et prise en chargeLa caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure a pris en charge un accident de trajet survenu le 23 décembre 2006 à Mme [L] [H], coiffeuse. Son état de santé a été déclaré consolidé au 25 février 2008, avec un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) fixé à 10 %. Demande de revalorisationLe 3 mars 2021, Mme [H] a demandé un rendez-vous avec le médecin conseil pour revaloriser sa rente, invoquant l’apparition de nouvelles séquelles. Cependant, le 10 août 2021, la caisse a décidé de maintenir son taux à 10 %, arguant qu’il n’y avait pas d’aggravation des séquelles. Décision de la commission médicaleMme [H] a contesté cette décision et a saisi la commission médicale de recours amiable, qui a fixé son taux d’IPP à 13 % lors de sa séance du 6 octobre 2021. La caisse a ensuite notifié cette nouvelle évaluation à Mme [H] le 22 octobre 2021. Procédure judiciaireMme [H] a poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire d’Evreux, qui a confirmé le taux de 13 % mais a débouté Mme [H] de sa demande de reconnaissance d’un taux professionnel d’incapacité permanente partielle. Le tribunal a également précisé que chaque partie conserverait la charge de ses dépens. Appel de Mme [H]Par déclaration électronique du 23 décembre 2022, Mme [H] a fait appel de cette décision, demandant une réévaluation de son taux d’IPP et la reconnaissance d’un taux professionnel. Arguments de Mme [H]Mme [H] a soutenu que son état de santé s’était considérablement aggravé depuis la fixation de son taux d’incapacité, décrivant des douleurs persistantes et des troubles cognitifs. Elle a également mentionné des difficultés professionnelles et a demandé une contre-expertise. Position de la caisseLa caisse a demandé la confirmation du jugement, arguant que les éléments postérieurs au 3 mars 2021 ne pouvaient pas être pris en compte et que l’état de santé de Mme [H] était influencé par des facteurs antérieurs à l’accident. Évaluation du taux d’incapacitéLe tribunal a rappelé que le taux d’incapacité permanente est déterminé selon l’état de la victime à la date de Jonction. Il a noté que l’aggravation de l’état de santé de Mme [H] ne pouvait pas être entièrement imputée à l’accident, en raison de son état antérieur. Composante socio-professionnelleBien que Mme [H] ait poursuivi une activité de coiffeuse après l’accident, sa démission en 2017 et sa reconversion professionnelle ont été reconnues comme nécessaires en raison de son état de santé. Le tribunal a donc décidé d’attribuer un taux professionnel de 5 %. Décision finaleLa cour a confirmé le jugement du tribunal d’Evreux, sauf en ce qui concerne la reconnaissance d’un taux professionnel d’incapacité permanente partielle, qu’elle a modifié. Le taux d’incapacité permanente de Mme [H] a été porté à 18 %, avec 13 % pour la composante anatomique et 5 % pour la composante professionnelle. La caisse a été condamnée aux dépens. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelles sont les conditions de révision du taux d’incapacité permanente selon le Code de la sécurité sociale ?La révision du taux d’incapacité permanente est régie par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, qui stipule que le taux est déterminé en fonction de plusieurs critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général de la victime, son âge, ainsi que ses facultés physiques et mentales. Il est précisé que l’incapacité permanente est appréciée à la date de Jonction de l’état de la victime. En vertu de l’article L. 443-1 du même code, toute modification de l’état de la victime, constatée médicalement après la date de guérison apparente ou de Jonction, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations. L’appréciation de cette modification doit être effectuée à la date de la demande en révision. Ainsi, si des éléments médicaux postérieurs à la date de Jonction montrent une aggravation de l’état de santé, cela peut justifier une réévaluation du taux d’incapacité permanente. Comment est déterminé le taux d’incapacité permanente en matière d’accidents du travail ?Le taux d’incapacité permanente en matière d’accidents du travail est déterminé selon le barème indicatif d’invalidité, qui est précisé dans l’article R. 434-32 du Code de la sécurité sociale. Lorsque le barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail. Le guide barème d’indemnisation des accidents du travail précise que la persistance de douleurs et de gêne fonctionnelle peut donner lieu à des taux d’incapacité variant de 5 à 50 % selon la gravité des séquelles. Par exemple, des douleurs discrètes peuvent justifier un taux de 5 à 15 %, tandis que des séquelles très importantes peuvent justifier un taux de 40 à 50 %. En ce qui concerne le syndrome post-commotionnel, le chapitre 4.2.1.1 du barème indique que ce syndrome peut donner lieu à un taux d’IPP compris entre 5 et 20 %. Quels sont les critères pour établir un taux d’incapacité professionnelle ?Le taux d’incapacité professionnelle est établi en tenant compte de l’impact des séquelles sur la capacité de travail de la victime. Il est important de noter que l’article L. 341-1 du Code de la sécurité sociale stipule que l’attribution d’une pension d’invalidité est indépendante de l’attribution d’une rente fonction de l’incapacité permanente résultant d’un accident du travail. Le taux professionnel est déterminé en fonction de la capacité de la victime à exercer son emploi habituel ou à se reconvertir professionnellement. Dans le cas de Mme [H], il a été établi que son état de santé avait des répercussions sur son employabilité, ce qui a conduit à la fixation d’un taux professionnel de 5 %. Les éléments médicaux et les témoignages concernant la nécessité d’une reconversion professionnelle sont également pris en compte pour établir ce taux. Quelles sont les implications des décisions de la commission médicale de recours amiable (CMRA) ?Les décisions de la CMRA, comme celle rendue dans le cas de Mme [H], ont un impact significatif sur l’évaluation du taux d’incapacité permanente. La CMRA évalue les demandes de révision et peut fixer un nouveau taux d’incapacité en fonction des éléments médicaux présentés. Dans le cas présent, la CMRA a fixé le taux d’IPP à 13 %, en tenant compte des séquelles et de l’état de santé de Mme [H]. Cette décision peut être contestée devant le tribunal judiciaire, mais elle constitue une base importante pour l’évaluation de l’incapacité. Il est également à noter que la CMRA prend en compte les antécédents médicaux et l’évolution de l’état de santé de la victime, ce qui peut influencer la décision finale du tribunal. Quels sont les frais de justice et leur prise en charge dans ce type de litige ?En matière de litiges liés à l’incapacité permanente, les frais de justice sont généralement à la charge de la partie perdante. Dans le cas de Mme [H], le tribunal a décidé que la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure, en tant que partie perdante, devait supporter les dépens de première instance et d’appel. Cette règle est conforme à l’article 696 du Code de procédure civile, qui stipule que la partie qui succombe dans ses prétentions est condamnée aux dépens. Il est également précisé que les frais de consultation médicale ordonnée par le tribunal sont à la charge de la CNAM, ce qui souligne l’importance de la prise en charge des frais médicaux dans le cadre des litiges liés aux accidents du travail. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00475
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 08 Décembre 2022
APPELANTE :
Madame [L] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Stéphane CAMPANARO de la SELARL CAMPANARO NOEL OHANIAN, avocat au barreau de l’EURE substituée par Me Christophe OHANIAN, avocat au barreau de l’EURE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/140 du 20/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Rouen)
INTIMEE :
CPAM DE L’EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 19 Septembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 19 septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 novembre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 15 Novembre 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
FAITS ET PROCÉDURE :
La caisse primaire d’assurance-maladie de l’Eure (la caisse) a pris en charge au titre de la législation professionnelle un accident de trajet survenu le 23 décembre 2006 à Mme [L] [H] qui était alors coiffeuse.
Elle a déclaré son état de santé consolidé au 25 février 2008 et lui a fixé son taux d’incapacité permanente partielle (IPP) à 10 %.
Par lettre du 3 mars 2021, Mme [H] a sollicité un rendez-vous auprès du médecin conseil, faisant valoir l’apparition de nouvelles séquelles, et ce aux fins de revalorisation de sa rente.
Par lettre du 10 août 2021, la caisse a notifié à Mme [H] sa décision de maintenir le taux à 10 %, au motif d’une absence d’aggravation des séquelles en rapport avec l’AT du 23/12/2006.
Contestant cette décision, Mme [H] a saisi la commission médicale de recours amiable, qui en sa séance du 6 octobre 2021 a décidé de fixer le taux à 13 % (dont 0 % d’incidence professionnelle).
A la suite de cette décision, et par lettre du 22 octobre 2021, la caisse a notifié à Mme [H] la fixation de son taux d’IPP à 13 % à partir du 3 mars 2021.
Elle a cependant poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire d’Evreux, pôle social qui, après avoir désigné le Dr [J] comme médecin consultant, et par jugement du 8 décembre 2022, a :
– confirmé la décision de la CMRA ayant fixé à 13 % le taux anatomique d’IPP attribué à Mme [H] au titre de l’accident de trajet survenu le 23 décembre 2006,
– débouté Mme [H] de sa demande de reconnaissance d’un taux professionnel d’incapacité permanente partielle,
– dit que chacune des parties conserverait la charge de ses dépens,
– rappelé que les frais de la consultation médicale ordonnée par le tribunal seraient à la charge de la CNAM,
– rappelé que la décision était exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Par déclaration électronique du 23 décembre 2022, Mme [H] a fait appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement à l’audience ses écritures (remises au greffe le 9 septembre 2024), Mme [H] demande à la cour d’infirmer le jugement (sauf en ce qu’il a rappelé que les frais de la consultation médicale ordonnée par le tribunal seraient à la charge de la CNAM et rappelé que la décision était exécutoire de plein droit à titre provisoire) et, statuant à nouveau, de :
à titre principal :
– annuler la décision rendue le 6 octobre 2021 par la CMRA,
– fixer le taux anatomique d’IPP à un taux qui ne saurait être inférieur à 27 %,
– fixer le taux d’incidence socio-professionnelle à un taux qui ne saurait être inférieur à 10 %,
– et en conséquence, fixer son taux d’IPP global à un taux qui ne saurait être inférieur à 37 % et débouter la caisse de ses demandes ;
à titre subsidiaire :
– ordonner une contre-expertise et désigner un nouvel expert médical aux fins de fixation du taux d’IPP et du taux d’incidence professionnelle,
– juger que les frais d’expertise seront pris en charge par la caisse nationale d’assurance maladie.
Elle se prévaut d’une aggravation considérable de son état de santé depuis la fixation de son taux d’incapacité permanente le 21 juillet 2008, en indiquant que ses cervicales se lient désormais avec ses lombaires, ce qui lui occasionne des douleurs insupportables dans le bas du dos et l’empêche de rester trop longtemps en position assise ou debout, qu’elle souffre de douleurs intenses au niveau des trapèzes, d’importantes céphalées accompagnées de troubles oculaires, de douleurs dans le membre supérieur droit avec fortes sensations d’engourdissement dans le pouce, l’index, le poignet et l’épaule, ainsi que d’un syndrome anxio-dépressif consécutif à son accident de trajet. Elle ajoute qu’en 2018, à l’occasion d’une formation BTS, elle a commencé à être confrontée à des difficultés de compréhension, de concentration, à des troubles de la mémoire et à des troubles visuels, qui se sont révélés de plus en plus importants. Elle considère qu’il n’existe pas de fondement imposant à la cour de se placer à la date de la demande de révision, plutôt qu’à la date à laquelle elle statue, pour apprécier l’état séquellaire de la victime. Elle se prévaut de l’avis du Dr [N] qui l’a examinée en novembre 2023 pour soutenir que son taux d’IPP ne peut être inférieur à 15 % (douleurs et gêne fonctionnelle importantes) en ce qui concerne le rachis cervical et à 12 % en ce qui concerne le syndrome post commotionnel ; dénonce l’absence d’examen médical sérieux tant par les médecins de la caisse que par le Dr [J].
Elle fait valoir que son état l’empêche d’exercer la profession de coiffeuse qu’elle exerçait en 2006, et que le fait qu’elle ait démissionné le 31 décembre 2017 – ne se sentant plus en capacité d’assumer ses fonctions – est indifférent. Elle souligne qu’elle a bénéficié, au titre de la législation sur les risques professionnels, d’une rééducation professionnelle du 3 janvier 2018 au 30 juin 2020, ce qui démontre l’existence pour la caisse d’importantes répercussions sur ses aptitudes professionnelles, rendant nécessaire une totale reconversion ; qu’elle s’est vu attribuer la qualité de bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) ; que les difficultés rencontrées l’empêchent d’assurer normalement des fonctions d’assistante de gestion ; qu’elle n’est pas parvenue à obtenir son BTS « action managériale » et que sa période d’essai a été rompue par l’employeur qui l’avait embauchée le 4 décembre 2023 après avoir constaté que ses troubles ne lui permettaient pas d’exercer ses fonctions correctement.
Elle fait valoir qu’avant l’accident de 2006, elle ne souffrait d’aucune pathologie ni n’avait subi d’accident, de nature à causer les troubles survenus après l’accident de trajet. Elle ajoute que le médecin conseil de la caisse a validé en mars 2022 un protocole de soins après Jonction, relatif à l’accident de 2006, reconnaissant par là-même que l’ensemble des séquelles qui y sont listées sont imputables à l’accident de trajet.
Elle estime que l’avis du Dr [N] est suffisant pour mettre en doute les conclusions de la CMRA et du Dr [J] et justifier une expertise judiciaire.
Soutenant oralement à l’audience ses écritures (remises le 17 juin 2024), la caisse demande à la cour de :
– confirmer le jugement,
– débouter Mme [H] de ses demandes,
– juger ce que de droit concernant les dépens.
Elle fait valoir que tout élément postérieur au 3 mars 2021 ne peut être pris en considération, se prévaut du rapport de la commission médicale de recours amiable, évoquant notamment un état interférant tel que l’évolution d’un syndrome dépressif sous-jacent qui a fait l’objet déjà de plusieurs poussées aiguës, ainsi que de l’avis du Dr [J]. Elle considère que ce n’est pas à tort que le tribunal a estimé qu’il n’existait pas de lien avéré entre d’autres pathologies ou état antérieur existant et l’accident, puisque Mme [H] s’est vu attribuer une pension d’invalidité (qui indemnise les pathologies d’origine non professionnelle) de catégorie 1 depuis le 18 août 2022, en soulignant que l’état de santé de Mme [H] au titre de la maladie et occasionnant une perte de gain est ainsi indemnisée par la pension d’invalidité et ne saurait justifier en outre une prise en charge au titre de la législation professionnelle.
S’agissant du taux professionnel, elle fait valoir que la rente n’est pas un salaire de remplacement, que le taux professionnel n’a pas non plus pour objectif d’indemniser un déficit fonctionnel permanent, lequel était déjà indemnisé par la rente, qu’en tout état de cause, Mme [H] n’est pas en mesure de justifier d’un licenciement résultant des séquelles de l’accident, ni même d’un avis d’inaptitude qui objectiverait une atteinte à son employabilité du fait de l’accident, qu’elle ne rapporte pas la preuve que ces répercussions dépassent l’impact ordinaire pris en compte par le barème et de nature à justifier l’octroi d’un coefficient professionnel.
Elle estime qu’il n’existe aucune difficulté d’ordre médical justifiant de recourir aux lumières d’un technicien.
1. Sur l’évaluation du taux d’incapacité permanente à la date de la Jonction
En application de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
L’incapacité permanente est appréciée à la date de Jonction de l’état de la victime.
S’il est distingué, le cas échéant, un « taux médical » ou « taux anatomique », et un « taux professionnel », il s’agit-là de deux composantes d’un taux d’incapacité en réalité unique.
Selon l’article L. 443-1 du même code, sous réserve du respect des délais prescrits, toute modification dans l’état de la victime, dont la première constatation médicale est postérieure à la date de guérison apparente ou de Jonction de la blessure, peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations.
L’appréciation d’une modification dans l’état de la victime est effectuée à la date de la demande en révision. ‘
Sur la composante anatomique du taux d’incapacité
Suivant l’article R. 434-32 du même code lorsque le barème indicatif d’invalidité en matière de maladies professionnelles ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.
Selon le guide barème d’indemnisation des accidents du travail (point 3.1 relatif au rachis cervical), la flexion en avant porte le menton sur le sternum ; hyperextension : 45° ; rotations droite et gauche : 70° ; inclinaisons droite et gauche (l’oreille touche l’épaule) : 45°.
La persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle (qu’il y ait ou non séquelles de fracture d’une pièce vertébrale), donne lieu aux taux suivants selon que ces douleurs et gêne sont :
– Discrètes : 5 à 15 %
– Importantes : 15 à 30 %
– Très importantes séquelles anatomiques et fonctionnelles : 40 à 50 %
A ces taux s’ajoutent éventuellement les taux fixés pour les séquelles neurologiques pouvant coexister.
Par ailleurs, selon le chapitre 4.2.1.1 du barème relatif au syndrome post-commotionnel des traumatisés du crâne, qui se manifeste par des céphalées, des étourdissements ou une sensation d’instabilité, une difficulté de la concentration intellectuelle et de l’association des idées, éventuellement une fatigabilité intellectuelle à la lecture (par hétérophorie), des troubles amnésiques portant sur les faits récents, une modification de l’humeur et du caractère, ainsi que des troubles du sommeil, un tel syndrome peut donner lieu à un taux d’IPP compris entre 5 et 20.
En l’espèce, il ressort des débats que l’accident de trajet dont Mme [H] a été victime en 2006 (accident de la voie publique) a provoqué un traumatisme crânien sans perte de connaissance, avec fracture du massif articulaire C7 sans déplacement, traités par immobilisation par minerve et rééducation du rachis cervical ; que les séquelles en résultant consistaient, au 25 février 2008, en une limitation discrète du rachis cervical en particulier en inflexion latérale et rotation gauches et des céphalées intermittentes sur un état antérieur ; que le médecin conseil a ainsi évalué à 10 % le taux d’incapacité permanente.
L’attribution d’une pension d’invalidité à l’assuré qui présente une invalidité réduisant sa capacité de travail ou de gain, en application de l’article L. 341-1 du code de la sécurité sociale, est indépendante de l’attribution d’une rente fonction de l’incapacité permanente résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Cette attribution ne saurait exclure une réévaluation du taux d’IPP s’il était établi une aggravation de l’état en lien avec l’accident de trajet.
En l’occurrence, il résulte des pièces médicales produites par Mme [H] que son état de santé s’était aggravé au jour de sa demande de révision.
La CMRA, dans son rapport, indique ainsi : « … Le bilan lésionnel retrouvait un TC [traumatisme crânien] sans PC [perte de connaissance] et un traumatisme cervical avec fracture articulaire non déplacée de C7 avec dysesthésie des trois premiers doigts traitée par immobilisation. (Pour mémoire il est rapporté dans le certificat une fracture de la clavicule droite qui apparemment n’a pas eu de suites). Il est rapporté dans le compte-rendu d’hospitalisation « l’évolution d’un syndrome dépressif sous-jacent qui a fait l’objet déjà de plusieurs poussées aiguës ». Il existe donc un état interférant.
En 2017 l’assurée rencontre des difficultés attentionnelles au cours d’une formation.
En 2018 un scanner cervical conclut à un petit listhésis de C7 et à des lésions ostéophytiques, l’IRM de 2019 concluant à une discopathie débutante C6C7.
En 2019 divers bilans sont effectués, orthophonique qui montre des capacités attentionnelles déficitaires et une lenteur dans les apprentissages, orthoptique après soins qui montre une normalisation de la vision binoculaire, neuropsychologique (2020) qui confirme l’existence d’un syndrome anxio dépressif impactant le fonctionnement cognitif et dans un contexte de traumatisme psychique de l’accident dont l’effet a été renforcé par des écueils professionnels et un deuil familial (décès du frère en 2013).
Suivi par un algologue, un psychologue, un kinésithérapeute et un orthoptiste.
Doléances de cervicalgies irradiant vers les trapèzes et en lombaire, de migraines gauches, de douleurs sternales, d’articulation de l’épaule droite de plus en plus sensible, de lombalgies ++ en position assise prolongée. « Tout cela a rechuté au décès de mon frère (2013) ». Traitement par tens, Dafalgan codéine, kinésithérapie au long cours.
A l’examen chez une gauchère, le rachis cervical est limité en extension sans limitation des rotations et inclinaisons, il n’y a pas de contracture, les épaules ont une mobilité symétrique et normale ».
La CMRA poursuit en évoquant le barème indicatif d’invalidité en ses chapitres 3.1 (rachis cervical) et 4.2.1.1 (syndrome subjectif post-commotionnel), avant de retenir que Mme [H] est une « femme de 50 ans présentant des cervicalgies séquellaires d’un accident de la voie publique ainsi que des éléments de syndrome subjectif post commotionnel sur état antérieur et interférant. Un taux de 13 % est conforme au barème ».
Le Dr [J] a indiqué que Mme [H] souffrait d’un état antérieur de dépression, a indiqué faire siennes les conclusions de la CMRA et considéré que les douleurs cervicales, sans diminution de la mobilité, provoquaient un taux d’IPP de 3 % et que le syndrome subjectif post-commotionnel entraînait un taux d’IPP de 10 %, soit un total de 13 %.
L’accord du médecin conseil en février 2022 à un protocole de soins après Jonction se rapportant à l’accident de trajet du 23 décembre 2006, évoquant notamment l’apparition de troubles orthophoniques depuis le 3 septembre 2018 (nouvelle lésion), corrobore rétrospectivement l’aggravation de l’état de santé de Mme [H] au jour de sa demande de révision du taux.
Les éléments médicaux produits par Mme [H], en ce compris l’avis du Dr [N], confortent les analyses de la CMRA et du médecin consultant sans les remettre en cause. En effet, il est établi que les multiples difficultés de santé aggravées ou apparues depuis la Jonction ont été étudiées par les médecins, notamment celle concernant l’épaule droite. En outre, bien que l’état de santé de Mme [H] était nettement plus grave en mars 2021 qu’en février 2008, cette aggravation ne pouvait être intégralement imputée à l’accident de trajet, au regard notamment de l’état antérieur interférant que constituait le syndrome dépressif préexistant à l’accident, et des évènements survenus depuis lors (tel le décès du frère de Mme [H] en 2013, ou les difficultés professionnelles rencontrées à partir de 2016-2027 en particulier), qui ont manifestement participé à sa fragilisation.
C’est donc de manière pertinente que les premiers juges ont retenu que le taux anatomique avait été justement évalué à 13 %. Le jugement est confirmé de ce chef, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une expertise.
Sur la composante socio-professionnelle du taux d’incapacité
Si Mme [H] a poursuivi une activité de coiffeuse après son accident et a démissionné fin 2017 sans que soit constaté son inaptitude par le médecin du travail, il n’en est pas moins avéré que cette fin de contrat de travail est intervenue dans le contexte d’une démarche de reconversion professionnelle puisque l’assurée a débuté en janvier 2018 une formation BTS gestion de PME. La nécessité médicale de cette reconversion professionnelle est établie par le courrier du Dr [I] s’adressant au médecin du travail le 28 novembre 2016 en évoquant des douleurs importantes majorées par le poste de travail de coiffeuse et conduisant Mme [H] à s’interroger sur son aptitude à poursuivre cette profession, par l’attestation de M. [T], conseiller en insertion professionnelle ayant suivi Mme [H] depuis 2011 et ayant pu constater une lente dégradation de son état de santé, ainsi que par le fait que la caisse elle-même a pris en charge cette « rééducation professionnelle » du 3 janvier 2018 au 30 juin 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels, en lien avec l’accident de trajet.
Or Mme [H] allègue sans être sérieusement contestée qu’elle n’a pu obtenir son diplôme à raison de ses troubles. Et si elle a ensuite pu obtenir un BTS support action managériale, et a été embauchée en décembre 2023 à un poste d’assistante de gestion, elle justifie de ce que l’employeur a mis fin à la période d’essai.
Il est ainsi acquis que l’état séquellaire aggravé de Mme [H] avait, au jour de sa demande, des répercussions professionnelles en diminuant son employabilité.
Dès lors, il y a lieu de fixer un taux professionnel de 5 %. Le jugement est infirmé en ce sens.
2. Sur les frais du procès
La caisse, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 8 décembre 2022 par le tribunal judiciaire d’Evreux, pôle social, en ses dispositions frappées d’appel, sauf en ce qu’il a :
– débouté Mme [H] de sa demande de reconnaissance d’un taux professionnel d’incapacité permanente partielle,
– dit que chacune des parties conserverait la charge de ses dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Porte le taux d’incapacité permanente de Mme [H], résultant de l’accident de trajet du 23 décembre 2006, à 18 % à compter du 3 mars 2021, dont 13 % au titre de sa composante anatomique et 5 % au titre de sa composante professionnelle,
Condamne la caisse primaire d’assurance maladie de l’Eure aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE