Évaluation de l’incapacité permanente : enjeux et critères d’appréciation dans le cadre d’un accident du travail

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Évaluation de l’incapacité permanente : enjeux et critères d’appréciation dans le cadre d’un accident du travail

Déclaration de l’accident du travail

Le 12 février 2016, la SAS a déclaré un accident du travail impliquant Mme [H] [T], survenu le 11 février 2016, lorsque la salariée a trébuché sur le fil de l’aspirateur. Un certificat médical initial a été établi le même jour, mentionnant des douleurs post-traumatiques et prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 21 février 2016.

Prise en charge par la caisse d’assurance maladie

Le 15 mars 2016, la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine a reconnu l’accident comme un accident du travail. En 2019, la caisse a fixé la date de Jonction au 28 février et a notifié un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 18 % à compter du 1er mars 2019, en raison de séquelles telles qu’une limitation fonctionnelle de l’épaule gauche et des douleurs chroniques.

Recours de la société et décisions judiciaires

La société a contesté ce taux par courrier du 31 mai 2019, mais la commission médicale de recours amiable a rejeté son recours le 24 octobre 2019. La société a ensuite porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Rennes, qui a confirmé le taux d’IPP de 18 % par jugement du 15 avril 2022, déclarant le recours de la société recevable.

Appel de la société

La société a interjeté appel du jugement le 24 mai 2022, demandant la révision du taux d’IPP à 8 % et la mise en œuvre d’une mesure d’instruction. La caisse a demandé à la cour de débouter la société et de confirmer le jugement initial.

Évaluation médicale et contestations

La caisse a justifié le taux d’IPP de 18 % en se basant sur des éléments médicaux, tandis que la société a soutenu que des antécédents médicaux et une évaluation inappropriée avaient conduit à une surestimation du taux. Les médecins de recours de la société ont proposé un taux de 8 %, arguant que des conditions antérieures avaient influencé l’état de santé de Mme [T].

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement du tribunal de Rennes, considérant que le taux d’IPP de 18 % était justifié par les séquelles de l’accident. Elle a également noté que les éléments médicaux présentés par la société ne remettaient pas en cause l’évaluation effectuée par le médecin conseil.

Condamnation aux dépens

La cour a condamné la SAS aux dépens de la procédure, considérant qu’elle était la partie perdante dans le litige.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la procédure à suivre pour contester un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué par la caisse primaire d’assurance maladie ?

Pour contester un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué par la caisse primaire d’assurance maladie, l’employeur doit suivre une procédure spécifique.

Tout d’abord, selon l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé en fonction de plusieurs critères, notamment la nature de l’infirmité, l’état général de la victime, son âge, ainsi que ses facultés physiques et mentales.

L’employeur peut contester ce taux en saisissant la commission médicale de recours amiable de la caisse, comme cela a été fait dans le cas présent.

Cette commission est composée de médecins experts qui examinent les éléments médicaux et les circonstances de l’accident. Si le recours est rejeté, l’employeur peut alors porter l’affaire devant le tribunal judiciaire, conformément à l’article R. 434-32 du même code, qui stipule que la caisse se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et sur le taux de celle-ci.

Il est important de noter que le barème indicatif d’invalidité, qui sert de référence pour la détermination du taux d’IPP, est uniquement indicatif et que le médecin chargé de l’évaluation a la liberté de s’écarter de ce barème en justifiant sa décision.

Quels sont les critères pris en compte pour déterminer le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) ?

Le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) est déterminé en tenant compte de plusieurs critères, comme le stipule l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale.

Les critères incluent :

1. La nature de l’infirmité : Il s’agit de l’atteinte physique ou mentale de la victime, qui constitue la base de l’évaluation.

2. L’état général : Ce critère évalue la santé globale de la victime, sans inclure les infirmités antérieures.

3. L’âge : L’âge organique de la victime est pris en compte, en considérant les conséquences de l’involution physiologique et les états pathologiques.

4. Les facultés physiques et mentales : Les capacités de l’individu et l’impact des séquelles sur celles-ci sont également évalués.

5. Les aptitudes et qualifications professionnelles : Ce critère examine la capacité de la victime à exercer son métier ou à se reclasser professionnellement.

Ces éléments sont essentiels pour établir un taux d’IPP qui reflète fidèlement l’impact de l’accident sur la vie professionnelle et personnelle de la victime.

Quelles sont les conséquences d’une décision de la commission médicale de recours amiable sur l’employeur ?

La décision de la commission médicale de recours amiable a des conséquences importantes pour l’employeur.

Selon l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente est opposable à l’employeur une fois qu’il a été fixé par la caisse primaire d’assurance maladie.

Cela signifie que l’employeur est tenu de respecter ce taux dans le cadre de ses obligations d’indemnisation envers la victime.

En cas de contestation, comme dans le litige présenté, l’employeur peut saisir le tribunal judiciaire pour faire appel de la décision. Cependant, si le tribunal confirme le taux d’IPP, l’employeur doit en assumer les conséquences financières, notamment en ce qui concerne le versement de rentes ou d’indemnités.

De plus, la décision de la commission est fondée sur des éléments médicaux et des expertises, ce qui renforce sa légitimité et rend difficile une contestation ultérieure sans preuves substantielles.

Comment le barème indicatif d’invalidité influence-t-il l’évaluation du taux d’IPP ?

Le barème indicatif d’invalidité joue un rôle crucial dans l’évaluation du taux d’incapacité permanente partielle (IPP).

Comme mentionné dans l’annexe I du Code de la sécurité sociale, ce barème est conçu pour fournir des bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail.

Il est important de noter que ce barème a un caractère indicatif, ce qui signifie que les taux proposés sont des moyennes.

Le médecin chargé de l’évaluation a la liberté de s’écarter de ces chiffres en cas de circonstances particulières, à condition de justifier clairement sa décision.

Ainsi, bien que le barème serve de référence, l’évaluation finale du taux d’IPP dépendra des spécificités de chaque cas, notamment des limitations fonctionnelles observées, de l’impact sur la vie professionnelle et des douleurs résiduelles.

Les juges, en se basant sur les rapports médicaux et les éléments de preuve, peuvent également apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments présentés, ce qui peut conduire à des décisions qui ne suivent pas strictement le barème.

Quelles sont les implications de la décision de la cour sur les dépens ?

La décision de la cour concernant les dépens a des implications financières significatives pour la partie perdante, en l’occurrence la société.

Selon l’article 696 du Code de procédure civile, les dépens comprennent les frais de justice engagés par les parties, tels que les frais d’expertise, les frais de greffe, et d’autres coûts liés à la procédure.

Dans ce cas, la cour a condamné la SAS [4] aux dépens, ce qui signifie qu’elle devra supporter l’ensemble des frais liés à la procédure judiciaire.

Cette décision souligne la responsabilité de la partie qui a perdu le litige, renforçant ainsi l’importance de bien préparer sa défense et de présenter des arguments solides lors des procédures judiciaires.

En conséquence, la société devra non seulement faire face à l’indemnisation de la victime, mais également à des coûts supplémentaires liés à la contestation de la décision initiale.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 décembre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG
22/03262
9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 22/03262 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SY3W

Société [4]

C/

CPAM DES HAUTS DE SEINE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 DECEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 15 Octobre 2024

devant Madame Clotilde RIBET, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Décembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 15 Avril 2022

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de Rennes – Pôle Social

Références : 20/00073

APPELANTE :

La Société [4]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Florence GASTINEAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

[Localité 3]

non représentée, dispensée de comparution

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 12 février 2016, la SAS [4] (la société), a déclaré un accident du travail, concernant Mme [H] [T], survenu le 11 février 2016 dans les circonstances suivantes ‘la salariée aurait trébuché en passant l’aspirateur, son pied se serait pris sur le fil’.

Le certificat médical initial, établi le 11 février 2016 fait état de ‘douleur post traumatique, scapulalgie G, abduction limitée, douleur lombaire et hanche gauche’, avec prescription d’un arrêt de travail jusqu’au 21 février 2016.

Par décision du 15 mars 2016, la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine (la caisse) a pris en charge l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 15 février 2019, après avis du médecin conseil, la caisse a fixé la date de Jonction au 28 février 2019.

Par décision du 20 mai 2019, la caisse a notifié à la société le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué à Mme [T] fixé à 18 % à compter du 1er mars 2019, en raison des séquelles suivantes : ‘limitation fonctionnelle moyenne de l’épaule gauche, gêne au port de charges et à la réalisation des gestes en hauteur, douleur chronique chez une gauchère travailleuse manuelle’.

Par courrier du 31 mai 2019, contestant ce taux, la société a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse, laquelle a rejeté son recours lors de sa séance du 24 octobre 2019.

Elle a alors porté le litige devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes le 21 janvier 2020.

Par jugement du 15 avril 2022, ce tribunal a :

– déclaré recevable le recours de la société ;

– confirmé la décision de la commission médicale de recours amiable du 24 octobre 2019, fixant à 18 % le taux d’IPP de Mme [T] à la date de Jonction du 28 février 2019, en indemnisation des séquelles résultant de l’accident du travail du 11 février 2016 ;

– dit que les séquelles présentées à la date du 28 février 2019 par Mme [T] justifient l’attribution d’un taux médical d’IPP de 18 % à compter du 1er mars 2019 ;

– condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 24 mai 2022 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 27 avril 2022.

Par ses écritures parvenues au greffe le 29 novembre 2022 par le RPVA auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour de :

– dire son recours recevable et bien fondé ;

– en conséquence, réformer la décision entreprise ;

à titre principal,

– fixer, dans le cadre de ses rapports avec la caisse, à 8 % le taux d’IPP devant être attribué à Mme [T] à la suite de son accident du 11 février 2016 ;

à titre subsidiaire,

– ordonner dans le cadre de ses rapports avec la caisse la mise en oeuvre d’une mesure d’instruction qui pourra prendre la forme d’une consultation sur pièces, afin de déterminer le taux d’IPP relatif aux seules séquelles consécutives à l’accident déclaré par Mme [T] le 11 février 2016.

Par ses écritures parvenues au greffe le 26 janvier 2023, la caisse, ayant sollicité une dispense de comparution à l’audience, demande à la cour de :

– débouter la société de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

– dire que l’état de santé de Mme [T] justifiait la fixation d’un taux d’incapacité de 18 % à la date du 28 février 2019, en indemnisation des séquelles résultant de l’accident du travail dont l’assurée a été victime le 11 février 2016 ;

– déclarer la fixation de ce taux opposable à la société ;

– condamner la société aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’opposabilité du taux d’IPP à l’employeur

L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.

Comme l’a jugé la cour de cassation, il appartient au juge de se prononcer sur l’ensemble des éléments concourant à la fixation de celui-ci. (2e Civ., 11 juillet 2019, pourvoi n° 18-18.938).

Selon l’article R. 434-32 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.

L’annexe I applicable aux accidents du travail est issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006. L’annexe II applicable aux maladies professionnelles est en vigueur depuis le 30 avril 1999.

En son chapitre préliminaire, au titre des principes généraux, il est rappelé à l’annexe I que ce barème répond à la volonté du législateur et qu’il ne peut avoir qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit.

Le barème indicatif a pour but de fournir les bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l’article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d’évaluation suivies par les tribunaux dans l’appréciation des dommages au titre du droit commun.

Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.

Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.

Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :

1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.

2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.

L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.

3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.

On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.

4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.

5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire.

S’agissant des atteintes des fonctions articulaires concernant le membre supérieur, le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d’invalidité en matière d’accident du travail, auquel il est renvoyé, prévoit :

‘Blocage et limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu’en soit la cause.

Epaule :

La mobilité de l’ensemble scapulo-huméro thoracique s’estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d’une main, l’autre main palpant l’omoplate pour en apprécier la mobilité :

– Normalement, élévation latérale : 170° ;

– Adduction : 20° ;

– Antépulsion : 180° ;

– Rétropulsion : 40° ;

– Rotation interne : 80° ;

– Rotation externe : 60°.

La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s’effectuer sans aucune gêne.

Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d’éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d’adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l’amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxilaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.’

Pour une limitation légère de tous les mouvements, le taux médical est proposé entre 10 à 15 % pour le membre dominant et entre 8 à 10 % pour le membre non dominant. Concernant une limitation moyenne de tous les mouvements, le taux médical proposé est de 20 % pour le membre dominant et de 15 % pour le membre non dominant. Le barème admet en outre la majoration du taux de 5 points pour des douleurs résiduelles de type périarthrite scapulo-humérale.

Il ressort de la notification de la décision attributive de rente adressée à la société que le taux d’IPP de 18 % a été fixé au regard des éléments suivants : ‘Limitation fonctionnelle moyenne de l’épaule gauche, gêne au port de charges et à la réalisation des gestes en hauteur, douleur chronique chez une gauchère travailleuse manuelle’.

La société conteste ce taux, s’appuyant pour ce faire sur deux mémoires de ses médecins de recours, l’un du docteur [C] en date du 20 août 2019 et l’autre du docteur [Y] en date du 21 juillet 2021 complété par une note du 22 novembre 2022 qui proposent un taux de 8% en raison d’un état antérieur à savoir une rupture du sus épineux en 2013 ayant justifié un arrêt de travail en 2013, d’une arthropathie acromio-claviculaire sans relation avec l’accident mais participant à la limitation fonctionnelle de l’épaule et de la limitation très modérée ou très légère suivant les mouvements sans étude des mouvements complexes ni de la rotation interne.

Ces médecins contestent également la date de l’examen médical d’évaluation des séquelles qui a été réalisé le 8 février 2019, avant la Jonction qui a été fixée au 28 février 2019. Toutefois, cet examen a été réalisé à la date la plus proche de la Jonction fixée par le médecin conseil lui-même alors que l’état de santé de Mme [T] pouvait être considéré comme stable sans amélioration des amplitudes articulaires attendue, les séances de kinésithérapie relevant de soins post-Jonction pour maintenir cet état stable.

Il ressort des mémoires des deux médecins précités que :

– l’IRM pratiquée le 25 février 2016 suite à l’accident du travail a mis en évidence une fracture du massif trochitérien, une rupture partielle linéaire du sus épineux, une séquelle de rupture transfixiante du sus épineux, un épanchement de la bourse sous acromio-deltoïdienne et une arthrose acromio-claviculaire ;

– une immobilisation coude au corps pour 1 mois a été prescrite puis de la rééducation ;

– une autre IRM a été pratiquée le 24 février 2017 montrant une rupture transfixiante du sus épineux et une bursite sous acromio-deltoïdienne.

Contrairement à ce qui a été soutenu à l’audience, une réparation chirurgicale du sus épineux s’est avérée nécessaire en septembre 2017, la lésion osseuse s’étant, quant à elle, consolidée sans complication par le bandage coude au corps.

Les deux médecins de recours indiquent que le médecin conseil a mesuré l’antepulsion et l’abduction à 100°, la rétropulsion à 30° pour 40° à droite, la rotation externe à 50° pour 70° à droite, une force musculaire diminuée en cohérence avec l’amyotrophie du cône brachial, qu’il a relevé des douleurs dans les amplitudes extrêmes des mouvements d’élévation, de la rétropulsion et de la rotation externe. Ils indiquent aussi que Mme [T] a été déclarée inapte à son poste de travail puis licenciée.

La commission médicale de recours amiable a, par décision du 24 octobre 2019, confirmé l’attribution du taux de 18% en concluant : ‘Compte tenu de la diminution des amplitudes de tous les mouvements de l’épaule gauche chez une gauchère, ayant une activité professionnelle manuelle, ayant conduit à un licenciement, le taux d’IP de 18% doit être maintenu et indemnise justement les séquelles de son accident du travail.’

Il convient de rappeler que cette commission est composée d’un médecin expert judiciaire et d’un médecin conseil étranger à la décision contestée et qu’elle s’est prononcée connaissance prise de l’intégralité du rapport médical ayant conduit à proposer le taux d’IPP et de l’avis du docteur [C], médecin de recours de la société.

Il convient de rappeler que le barème de maladie professionnelle n’est qu’indicatif et que les juges apprécient souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits aux débats et des rapports d’expertise. En application de ces principes, la Cour de cassation n’a pas entendu censurer les juges qui ont estimé que le barème, qui prévoit pour une limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante un taux d’incapacité partielle de 10 à 15 %, ne retient pas de réduction dans les cas où tous les mouvements ne sont pas atteints. (Civ.2, 13 mars 2014, 13-13.291)

Dès lors, l’interprétation restrictive du barème telle que proposée par la société ne peut être entérinée, le barème demeurant en tout état de cause indicatif et n’exigeant nullement que soit constatée une limitation de toutes les amplitudes articulaires. Il appartient en effet au médecin conseil de moduler le taux en fonction de l’atteinte, totale ou partielle qu’il objective des amplitudes articulaires, ou de l’une ou de l’autre de ces amplitudes.

Le médecin conseil a constaté :

– une limitation modérée de l’abduction mesurée à 100° pour une norme à 170° et de l’antepulsion mesurée à 100° pour une norme à 180° ;

– des limitations légères de l’épaule gauche pour la rétropulsion et la rotation externe ;

– une amyotrophie en regard de la fosse supra épineuse ainsi qu’une nette diminution de la force de serrage.

En outre, ces séquelles ont eu un impact professionnel puisqu’il n’est pas contesté que Mme [T] a été déclarée inapte à son poste de travail puis licenciée pour inaptitude.

L’évaluation qu’il a effectuée est conforme au barème indicatif précité qui prévoit un taux de 20% en cas de limitation modérée et de 10 à 15 % en cas de limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante, Mme [T] étant gauchère et ce d’autant plus que la limitation retenue est douloureuse.

S’agissant de l’arthropathie acromio-claviculaire révélée par l’IRM du 25 février 2016 dont se prévalent les médecins de recours, il s’agit d’un phénomène dégénératif qui s’installe sur le long terme. Toutefois, cette arthropathie n’avait pas empêché jusqu’à l’accident du travail une activité à temps complet, ni entraîné d’arrêt de travail. Le médecin conseil a ainsi pu fixer le taux d’IPP sans en tenir compte dans l’estimation du taux d’incapacité.

Il en va de même pour la rupture du sus épineux en 2013 qui n’a pas empêché une reprise de travail à temps complet, sans séquelles connues.

Il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l’opportunité d’ordonner les mesures d’instruction demandées. Le fait de laisser ainsi au juge une simple faculté, sans qu’il ne soit contraint d’y donner une suite favorable, ne constitue pas en soi une violation des principes du procès équitable, tels qu’issus de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou du principe du contradictoire.

Au regard de l’ensemble des pièces produites, qui sont suffisantes pour trancher le litige soumis à la cour, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande d’expertise sollicitée.

Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement qui a déclaré le taux d’incapacité de 18% opposable à l’employeur.

Sur les dépens

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de la société, partie perdante.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a déclaré bien fondé le recours de la société ;

Condamne la SAS [4] aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


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