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I – Clôture de l’instruction et audienceUne ordonnance datée du 2 avril 2024 a mis fin à l’instruction de la procédure, et l’affaire a été plaidée lors de l’audience du 4 juin 2024. II – Régularité de la procédure de rectificationL’administration fiscale doit justifier la valeur vénale réelle d’un bien lors d’une rectification, en se basant sur des éléments comparatifs de biens similaires. Le premier juge a confirmé que cette méthode comparative ne nécessite pas que les biens soient identiques, mais simplement comparables. A – Accès à l’information pour le contribuableL’article L 107 B du livre des procédures fiscales permet aux contribuables d’accéder à des informations sur les mutations de biens immobiliers comparables. Les consorts [Z] ont contesté l’accès à des données appropriées pour leur terrain non bâti, mais l’administration a fourni une liste de 109 transactions pertinentes. Malgré des demandes répétées pour élargir le périmètre de recherche, l’administration a maintenu que les informations fournies étaient suffisantes. B – Nom de l’inspecteur divisionnaire dans la proposition de rectificationLa proposition de rectification ne mentionnait pas le nom de l’inspecteur divisionnaire, mais la réponse aux observations du contribuable contenait cette information. La procédure a été jugée régulière, car la motivation des sanctions fiscales n’est pas requise dans la proposition de rectification. C – Respect du contradictoireLa jurisprudence impose que tous les redevables solidaires soient informés des actes de l’administration fiscale. Dans cette affaire, la notification de la décision de rejet de la réclamation des consorts [Z] n’a pas été adressée à l’un des débiteurs solidaires, ce qui constitue une violation des principes de procédure contradictoire. Par conséquent, la décision de rejet a été déclarée irrégulière. III – Demandes accessoiresL’administration, ayant perdu en appel, est condamnée aux dépens. Les demandes d’indemnité procédurale des consorts [Z] ont été rejetées, et la cour a confirmé le jugement en ce qui concerne cette demande tout en infirmant la décision sur le fond. IV – Conclusion de la courLa cour a déclaré irrégulière la notification de la décision de rejet de la réclamation des consorts [Z] et a ordonné que les parties soient replacées dans leur état antérieur. L’administration a été condamnée aux dépens, et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ont été rejetées. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile – Première section
Arrêt du Mardi 22 Octobre 2024
N° RG 22/00205 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G5B2
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 09 Décembre 2021
Appelants
M. [T] [Z]
né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 14] (99), demeurant [Adresse 6]
Mme [E] [N] épouse [Z]
née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 15], demeurant [Adresse 6]
Mme [V], [C] [Z]
née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 11], demeurant [Adresse 7]
M. [R], [Y] [Z]
né le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 16], demeurant [Adresse 6]
Représentés par la SELARL HELENE BOVIO AVOCAT, avocats au barreau de CHAMBERY
Intimée
ADMINISTRATION DES FINANCES PUBLIQUES, dont le siège social est situé [Adresse 12]
Représentée par la SELARL EUROPA AVOCATS, avocats au barreau de CHAMBERY
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Date de l’ordonnance de clôture : 02 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 04 juin 2024
Date de mise à disposition : 22 octobre 2024
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Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre régulièrement empêchée, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Mme Inès REAL DEL SARTE, Magistrate Honoraire, avec l’assistance de Mme Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes, au dépôt des dossiers et communication de la date du délibéré,
Et lors du délibéré, par :
– Mme Hélène PIRAT, Présidente,
– M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
– Madame Inès REAL DEL SARTE, Magistrate honoraire
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Faits et procédure
Par acte du 27 juillet 2012, publié le 12 novembre 2012 au Service de la Publicité Foncière d'[Localité 9], M. [T] [Z] et Mme [E] [N] ont consenti, au bénéfice de leurs enfants Mme [V] et M. [R] [Z] (ci-après les consorts [Z]), une donation-partage de la nue-propriété d’une parcelle, appartenant en propre à la donatrice, sise [Adresse 13] à [Localité 8], cadastrée AH [Cadastre 5] de la zone urbaine du PLU de la commune, d’une surface de 1 324 m².
Ce bien immobilier a été valorisé par les intéressés dans l’acte de donation-partage à la somme de 20 000 euros en pleine propriété, soit 15,11 euros le m².
Le 17 septembre 2014, la Direction Départementale des Finances Publiques de la Haute-Savoie a adressé aux donateurs et donataires une proposition de rectification au motif d’une sous-évaluation du bien, retenant une valeur de 283,27 euros/m², soit une valeur arrondie du terrain à 375 000 euros.
Le 17 novembre 2014, prenant en compte partiellement les observations formulées par les intéressés le 10 octobre2014, l’administration fiscale a considéré qu’un abattement de 5 % pouvait s’appliquer et a retenu en conséquence une valorisation du terrain à hauteur de 356 250 euros.
Sur la base de cette valorisation, la Direction Générale des Finances Publiques leur a adressé le 6 février 2015 un avis de mise en recouvrement d’un montant de 56 606 euros et le 25 février 2015 un commandement de payer cette somme.
Le 2 mars 2015, les consorts [Z] ont adressé une réclamation préalable à la Direction Générale des Finances Publiques aux fins d’obtenir l’annulation de l’ensemble des rappels et pénalités mis à leur charge. Par décision du 3 mai 2016 de la Direction Générale des Finances Publiques a rejeté cette réclamation.
La Direction Générale des Finances Publiques a de nouveau rejeté le 14 juin 2017 et le 1er avril 2019, les contestations ultérieures des consorts [Z].
Par acte d’huissier du 31 mai 2019, les consorts [Z] ont fait assigner la Direction Générale des Finances Publiques de Provence-Alpes Côte d’Azur et du Département des Bouches du Rhône devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains, notamment aux fins de voir prononcer la décharge du rappel de l’ensemble des droits, taxes et frais associés, ainsi que les majorations de pénalité et intérêts de retard réclamés.
Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal de grande instance de Thonon-les-bains, devenu le tribunal judiciaire, a :
– Rejeté la demande des consorts [Z] tendant à voir prononcer la décharge du rappel de l’ensemble des droits, taxes et frais associés, ainsi que les majorations de pénalités et intérêts de retard réclamés par la Direction Générale des Finances Publiques dans les avis de mise en recouvrement du 6 février 2015 ;
– Condamné les consorts [Z] aux entiers dépens ;
– Débouté les consorts [Z] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté les parties de toutes leurs autres demandes, comprenant les demandes plus amples et contraires ;
– Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Au visa principalement des motifs suivants :
‘ L’administration fiscale a valablement motivé sa décision ;
‘ Compte tenu de l’importance de la somme éludée lors de la déclaration de mutations à titre gratuit, il y a lieu de constater que les demandeurs ont commis un manquement délibéré fondant l’application par l’administration fiscale de la pénalité de 40 %.
Par déclaration au greffe du 7 février 2022, les consorts [Z] ont interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 6 novembre 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, les consorts [Z] sollicitent l’infirmation de la décision et demandent à la cour de :
– Juger que les valeurs de comparaison, fournies par la Direction Générale des Finances Publiques, ne correspondent pas à des biens intrinsèquement similaires en fait et en droit au terrain en litige ;
– Juger que l’administration des finances publiques n’a pas valablement apporté la preuve de l’insuffisance de la valeur déclarée en s’appuyant sur des ventes de biens non enclavés et accessibles, viabilisables, viabilisés, libres d’occupation et disposant d’un emplacement avec une vue dégagée pour contester la valeur d’un terrain enclavé, non viabilisable, non viabilisé, occupé et ne disposant d’aucune vue et qu’en tout état de cause le pourcentage de 5% ne peut suffire à titre « d’ajustement » ;
– Juger que l’administration des finances publiques a porté atteinte à leurs droits de la défense ;
– Juger que l’administration des finances publiques a dissimulé des mutations qu’ils étaient en droit d’obtenir, au titre des articles L 107-B, R*107-B-1 et R*107-B2 du livre des procédures fiscales, pour préparer leur défense ;
– Juger que l’absence du nom de l’inspectrice divisionnaire sur la proposition de rectification entraîne la nullité des majorations de 40% dites de « manquements délibérés » ;
– Juger que l’administration des finances publiques n’a pas établi la preuve de ce qu’ils ont délibérément réduit la base soumise aux droits de mutation ;
– Prononcer la décharge du rappel de l’ensemble des droits, taxes et frais associés ainsi que les majorations de pénalités et intérêts de retard que l’administration des finances publiques leur réclame dans les avis de mise en recouvrement du 6 février 2015 ;
– Condamner l’administration des finances publiques à leur verser la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner l’administration des finances publiques aux entiers dépens de première instance et d’appel avec distraction au profit de Me Bovio, avocat.
Au soutien de leurs prétentions, les consorts [Z] font valoir notamment que :
‘ Le tribunal a admis à tort que l’administration puisse établir la valeur vénale d’un bien enclavé par comparaison avec des biens désenclavés librement constructibles ;
‘ Le tribunal a admis à tort que l’administration puisse établir la valeur vénale d’un bien non viabilisable au jour du fait générateur de l’impôt, non viabilisé, par comparaison avec des biens viabilisés et qu’un abattement de 5% puisse suffire
‘ L’application d’un abattement de 5% n’est pas pertinente et suffisante pour corriger les différences entre les termes retenus et leur terrain ;
‘ En s’abstenant de notifier ses décisions de rejet à chacune des parties solidairement responsables, l’administration fiscale n’a pas respecté la loyauté des débats et du contradictoire lors de sa procédure de rectification ;
‘ Leurs droits ont été lésés dès lors qu’ils n’ont pu avoir accès à des données relatives à des cessions de biens enclavés non viabilisés ;
‘ L’absence de nom de l’inspecteur divisionnaire, constitutive d’une irrégularité de procédure, a pour conséquence la nullité des majorations concernées.
Par dernières écritures du 23 mars 2023, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la Direction Générale des Finances Publiques demande à la cour de :
– Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté les consorts [Z] de l’ensemble de leurs demandes et les a condamnés aux entiers dépens ;
– Débouter les consorts [Z] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
– Rejeter la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner solidairement les consorts [Z] à verser à l’État la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner solidairement les consorts [Z] aux entiers dépens d’appel, dont distraction pour ces derniers au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.
Au soutien de ses prétentions, la Direction Générale des Finances Publiques fait valoir notamment que :
‘ Dans le cadre de l’évaluation par la méthode par comparaison, la jurisprudence n’exige pas une identité stricte des biens comparés mais considère que des biens similaires doivent être retenus ;
‘ La situation d’enclavement de la parcelle AH [Cadastre 5] ayant été créée par la division de la parcelle antérieure, une solution de désenclavement, par voie amiable ou judiciaire, existe dans la mesure où une servitude de passage a déjà été constituée par acte authentique en date du 31 mars 2019 et cet enclavement ne peut en aucune façon interdire, dans le temps, l’édification d’une construction sur ce terrain ;
‘ Les consorts [Z] ne démontrent en rien que l’ensemble des termes de comparaison étaient viabilisés au jour de la transaction ;
‘ La parcelle étant située en zone constructible, elle doit être comparée aux parcelles de même classification alors même qu’elle serait occupée à des fins d’exploitation agricole ;
‘ Les consorts [Z] se contentent de critiquer les termes retenus sans pour autant verser aux débats, aucune preuve, ni aucun nouveau terme de comparaison de nature à remettre en cause l’évaluation du bien résultant des termes de comparaison communiqués ;
‘ Les garanties des contribuables ont régulièrement été respectées dans le cadre de la procédure ;
‘ Les consorts [Z] ne pouvaient méconnaître le fait que le terrain objet de la donation était un terrain à bâtir, classé en zone constructible et non un terrain agricole et ne pouvaient, en outre, méconnaître que sur la parcelle, une servitude de passage a déjà été constituée par acte authentique du 31 mars 1989 et une mise en réalisation de sa viabilisation.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l’audience ainsi qu’à la décision entreprise.
I – Sur la régularité de la procédure de rectification diligentée par l’administration fiscale
A – Sur le respect du principe d’égalité des armes et d’accès à l’information
En application de l’article 17 du livre des procédures fiscales, lorsque l’administration fiscale entend substituer à la valeur déclarée dans un acte de mutation soumis aux droits d’enregistrement, la valeur vénale réelle du bien concerné, il lui appartient, dès la notification du redressement, de justifier de l’évaluation qu’elle retient au moyen d’éléments de comparaison tirés de la cession, avant la mutation, de biens intrinsèquement similaires.
Ainsi que l’a retenu le premier juge, cette méthode comparative exige qu’il soit procédé à des comparaisons tirées de la cession de biens intrinsèquement similaires mais sans que, cependant, cette exigence n’implique que les biens ainsi pris en considération soient strictement identiques, dans le temps, dans l’environnement et dans l’emplacement à ceux qui constituent l’objet du litige.
S’agissant de l’accès pour le contribuable aux éléments d’information relatifs aux mutations à titre onéreux de biens immobiliers comparables, l’article L 107 B du LPF, dans sa version applicable aux faits, dispose que :
« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 135 B, toute personne physique faisant l’objet d’une procédure d’expropriation ou d’une procédure de contrôle portant sur la valeur d’un bien immobilier ou faisant état de la nécessité d’évaluer la valeur vénale d’un bien immobilier pour la détermination de l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune ou des droits de mutation à titre gratuit peut obtenir, par voie électronique, communication des éléments d’information relatifs aux mutations à titre onéreux de biens immobiliers comparables intervenues dans un périmètre et pendant une période déterminée et qui sont utiles à la seule appréciation de la valeur vénale du bien concerné. Les biens immobiliers comparables s’entendent des biens de type et de superficies similaires à ceux précisés par le demandeur.
Les informations communicables sont la rue et la commune, ainsi que la superficie, le type et les caractéristiques du bien immobilier, la nature et la date de mutation ainsi que la valeur foncière déclarée à cette occasion et les références de publication au fichier immobilier.
Ces informations sont réservées à l’usage personnel du demandeur.
La consultation de ces informations est soumise à une procédure sécurisée d’authentification préalable, aux fins de laquelle le demandeur doit justifier de sa qualité et accepter les conditions générales d’accès au service ainsi que l’enregistrement de sa consultation.
La circonstance que le prix ou l’évaluation d’un bien immobilier ait été déterminé sur le fondement d’informations obtenues en application du présent article ne fait pas obstacle au droit de l’administration de rectifier ce prix ou cette évaluation suivant la procédure contradictoire prévue à l’article L.55.
Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les modalités d’application du présent article, notamment les conditions de communication d’informations par voie électronique. »
Les consorts [Z] font valoir que le service « Patrim », accessible depuis l’espace personnel des particuliers sur le site impots.gouv.fr permettant à ces derniers d’effectuer eux-mêmes des recherches ne leur a pas permis de disposer de termes de comparaison appropriés s’agissant d’un bien de type terrain non bâti.
Or, il sera constaté qu’à leur demande l’administration fiscale a fourni le 15 novembre 2017, la liste des cessions de terrains d’une surface comprise entre 500 m2 et 2000 m2 sur l’ensemble des 17 communes que comptait le canton de [Localité 15] en 2012 pour la période comprise entre le 1er janvier 2009 et le 31 juillet 2012 (antérieurs à la date du fait générateur) représentant 109 transactions qui leur permettaient d’appréhender la valeur du terrain litigieux à la date du fait générateur.
Estimant ces éléments trop restrictifs, par courrier du 11 mars 2018 les consorts [Z] ont sollicité auprès de l’administration fiscale la communication des cessions intervenues concernant des terrains non bâtis, d’une superficie de 500 à 2148 m2 dans un rayon de 40 km autour de la commune d'[Localité 8] sur la période allant du 01/01/2009 au 31/12/2013 et ont saisi la Commission d’accès aux documents administratifs qui a rendu le 22 mars 2018 un avis défavorable sur cette demande, à laquelle l’administration fiscale a répondu négativement par courrier du 9 avril 2018.
Les 15 avril et 9 août 2018 les consorts [Z] ont réitéré leur demande auprès de l’administration et ont, par ailleurs, saisi le Médiateur du Ministère de l’économie et des finances qui a répondu le 26 juillet 2018 que :
dans le cadre des dispositions de l’article L 107 B du LPF, seules les informations utiles à la seule appréciation de la valeur vénale du bien concerné peuvent être obtenues par toute personne faisant l’objet d’une procédure de contrôle en communiquant directement des éléments détaillés (109 mutations), en dehors de la mise en ‘uvre du service dématérialisé, l’administration ne pouvait être considérée comme méconnaissant les dispositions précitées qui organisent la transparence des informations détenues par l’ administration au bénéfice des contribuables.
Les consorts [Z] ont alors saisi le 31 juillet 2019 le conciliateur fiscal de Haute-Savoie du différend relatif à la demande de communication des documents, lequel par courrier du 26 février 2019 a adressé la réponse suivante :
« D’après l’article L 107-B du livre des procédures fiscales, toute personne physique faisant l’objet d’une procédure de contrôle portant sur la valeur d’un bien immobilier peut obtenir communication des éléments d’information relatifs aux mutations à titre onéreux de biens comparables qui sont utiles à la seule appréciation de la valeur vénale du bien concerné.
Conformément à ce dispositif et en réponse à votre demande du 16 octobre 2017, la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie vous a communiqué, le 15 novembre 2017, une liste de 109 mutations à titre onéreux relevées sur le territoire de 17 communes.
Estimant cette liste trop limitative, vous avez à plusieurs reprises demandé à ce que le périmètre de recherche soit élargi à 40 km. Puis vous avez saisi le médiateur du ministère de l’économie et des finances qui vous a signifié que les éléments fournis n’étaient pas restrictifs et que le traitement de votre dossier n’avait pas été contraire au droit ou manifestement anormal eu égard à l’objectif poursuivi.
L’administration n’étant pas tenue de donner suite aux requêtes abusives conformément au dernier alinéa de l’article L 311-2 du code des relations entre le public et l’administration, je ne peux que confirmer la réponse qui vous a été apportée par la division des affaires publiques de la direction départementale des finances publiques de la Haute-Savoie dans son courrier du 11 février 2019. »
Au vu de l’ensemble de ces éléments les allégations des consorts [Z] relatives au non-respect par l’administration du principe d’égalité des armes et d’accès à l’information ne peuvent être retenues.
B – Sur l’absence du nom de l’inspecteur divisionnaire dans la proposition de rectification
Selon l’article L 80 D du LPF, dans sa version issue de la loi du 30 décembre 2009, applicable aux faits de l’espèce :
« Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées au sens des articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l’administration, quand un document ou une décision adressés au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable.
Les sanctions fiscales ne peuvent être prononcées avant l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification du document par lequel l’administration a fait connaître au contribuable ou redevable concerné la sanction qu’elle se propose d’appliquer, les motifs de celle-ci et la possibilité dont dispose l’intéressé de présenter dans ce délai ses observations. »
Selon l’article L 48 du même code :
« A l’issue d’un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l’impôt sur le revenu ou d’une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l’administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l’article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu’à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l’administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai ».
L’article L 80 E du livre des procédures fiscales, applicable aux faits de l’espèce, énonce :
« La décision d’appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. »
Cette décision se matérialise par l’apposition du nom et de la signature de l’agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire sur l’un des documents constitués par la proposition de rectification, la réponse aux observations du contribuable ou par une lettre spéciale.
En l’espèce, si le visa prévu par ce dernier texte apposé dans la proposition de rectification du 17 septembre 2014 ne comporte que la signature de l’agent ayant au moins le grade d’inspecteur divisionnaire et ayant supervisé le dossier, sans mention de son identité, force est de constater que dans la réponse aux observations du contribuable en date du 17 novembre 2014, figurent l’identité de l’agent, son grade et qu’il y a apposé sa signature.
Par ailleurs les lettres du 17 novembre 2014 adressées aux consorts [Z] « réponse aux observations du contribuable » comportent en page 5 la motivation des pénalités et en première page la mention exigée par les textes selon laquelle le contribuable dispose d’un délai de trente jours pour adresser ses éventuelles observations sur les sanctions fiscales mentionnées. Enfin les impositions ont été mises en recouvrement le 6 février 2015, soit plus de trente jours après.
Or, ainsi que le fait valoir l’administration fiscale aucun texte n’impose que les sanctions soient motivées dans la proposition de rectification.
Dès lors, il sera retenu que la procédure relative aux pénalités appliquées est régulière.
C – Sur le non respect du contradictoire
Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 1705 du code général des impôts que toutes les parties ayant figuré dans un acte sont tenues solidairement des droits d’enregistrement auxquels cet acte est soumis, l’article1712 du même code ayant pour seul objet de régler les recours des parties entre elles à l’occasion du paiement de ces droits.
Il s’ensuit et il est jugé depuis 2008 de manière constante par la Cour de cassation que si l’administration fiscale peut choisir d’adresser la proposition de rectification à l’un seulement des redevables solidaires de la dette fiscale, la procédure ensuite suivie doit être contradictoire et la loyauté des débats l’oblige à notifier les actes de celles-ci à tous les redevables (Com. 18 novembre 2008, n° 07 19762, Com 12 juin 2012 n° 11 30.396).
Cette jurisprudence initialement applicable à la procédure de rectification visée aux articles L 54 B à L 64 C du LPF a été étendue à la phase contentieuse préalable auprès de l’administration visée à l’article L 198 A du même livre (Com. 12 décembre 2018, n° 17 11.861) et à la procédure de recouvrement visée aux articles L 252 à L 283 F du LPF (Com. 25 mars 2014 n° 12 27.612).
S’agissant des conséquences de l’irrégularité, il est jugé depuis août 2023 (Com 30 août 2023 n° 20 23.653 et n°21-12.307) que désormais l’irrégularité n’atteint la procédure, à quelque stade que celle-ci se trouve, qu’après l’acte qui n’a pas fait l’objet d’une notification régulière de sorte que l’administration fiscale dispose, tant que la prescription n’est pas acquise, de la faculté de régulariser cette procédure en procédant à une nouvelle notification de l’acte en cause à l’ensemble des redevables solidaires.
En l’espèce, il existe quatre débiteurs solidaires : [T] [Z] et son épouse Mme [E] [N] domiciliés tous deux [Adresse 6] à [Localité 10] ; [R] [Z] domicilié [Adresse 6] à [Localité 10] ; Mme [V] [Z] domiciliée [Adresse 7] à [Localité 9].
Chacune de ces personnes a déposé une première réclamation contentieuse le 2 mars 2015, avec cette précision que la réclamation des époux [Z] a été conjointe mais signée de chacun d’eux (pièce 14 [Z])
Elle a fait l’objet d’une décision de rejet le 3 mai 2016 adressée aux époux [Z] ainsi qu’à chacun de leurs deux enfants (pièce 21 [Z]).
A la suite de la mise en demeure de payer n° 2016/10 /PP faisant suite à l’avis de mise en recouvrement du 6 février 2015 adressé à chacun des redevables, le conseil des consorts [Z] adressait à l’administration fiscale une réclamation le 1er décembre 2016 pour le compte des époux [Z], de M. [R] [Z] et de Mme [V] [Z].
Par trois courriers en date du 14 juin 2017, concernant l’un les époux [Z], les deux autres chacun de leurs deux enfants, l’administration fiscale a rejeté cette réclamation (pièces 22, 23, 24)
Enfin, en réponse à une nouvelle réclamation du 16 octobre 2017, la Direction Générale des finances publiques, par courrier en date du 1er avril 2019 rejetait cette dernière par un courrier posté aux consorts [Z], [Adresse 6] à [Localité 10] mais adressé à « Mademoiselle » sans autre précision et envoyait copie de ce courrier à M. [R] [Z] à l’adresse du [Adresse 6] à [Localité 10] (pièces 25 et 26 [Z]).
Il en résulte que cette décision de rejet n’a pas été adressée à Mme [V] [Z] domiciliée sur [Localité 9], ce en violation des principes relatifs au respect de la procédure contradictoire et de la loyauté des débats.
Il y a donc lieu, en application de la jurisprudence précitée, de déclarer irrégulière la notification de la décision du 7 octobre 2016 rejetant la réclamation contentieuse des consorts [Z] et de dire que les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant la notification de cette décision.
Il n’y a donc pas lieu de statuer en l’état sur le bien fondé du redressement et le jugement sera infirmé en ce sens.
II – Sur les demandes accessoires
L’administration qui succombe en ses prétentions est tenue aux dépens exposés tant en première instance qu’en appel.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une des parties.
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité procédurale des consorts [Z],
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrégulière la notification de la décision du 7 octobre 2016 de la Direction Générale des Finances Publiques rejetant la réclamation contentieuse des consorts [Z],
Dit que les parties sont replacées dans l’état où elles se trouvaient avant la notification de cette décision,
Condamne la Direction Générale des Finances Publiques aux dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 22 octobre 2024
à
la SELARL HELENE BOVIO AVOCAT
la SELARL EUROPA AVOCATS
Copie exécutoire délivrée le 22 octobre 2024
à
la SELARL HELENE BOVIO AVOCAT