Évaluation de la Proportionnalité des Engagements Financiers Personnels

·

·

Évaluation de la Proportionnalité des Engagements Financiers Personnels

Le 9 janvier 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire et Haute-Loire a accordé un prêt de 135.000 euros à la société Boulangerie [B] et Frediere, garanti par un engagement de caution de M. [B] à hauteur de 100.000 euros. Un second prêt de 10.000 euros a été consenti le 20 mars 2015, également garanti par M. [B] pour 13.000 euros. Le 5 septembre 2018, la société a été placée en liquidation judiciaire. La Caisse a déclaré sa créance et a mis en demeure M. [B] de payer 102.144,75 euros. Le 12 avril 2019, elle l’a assigné en justice. Le tribunal de commerce de Lyon a rendu un jugement le 15 mars 2021, déboutant M. [B] de plusieurs demandes, tout en condamnant la Caisse à être déchue de ses intérêts échus depuis le 31 mars 2015 et lui accordant un délai de paiement de 24 mois. M. [B] a interjeté appel le 7 avril 2021, demandant la confirmation de certaines décisions et l’infirmation d’autres. La Caisse a également demandé la confirmation du jugement en appel. Les débats sont fixés au 19 juin 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

26 septembre 2024
Cour d’appel de Lyon
RG
21/02503
N° RG 21/02503 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NQF7

Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 15 mars 2021

RG : 2019j00724

[B]

C/

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE H AUTE-LOIRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 26 Septembre 2024

APPELANT :

M. [I] [C] [Y] [B]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6] (LOIRE)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et plaidant par Me Jean-Claude DESSEIGNE de la SCP J.C. DESSEIGNE ET C. ZOTTA, avocat au barreau de LYON, toque : 797

INTIMEE :

LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL LOIRE H AUTE-LOIRE société coopérative à capital variable, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le n° B 380 386 854, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE, postulant et par Me Grégoire MANN de la SELARL LEX MENSA AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 02 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 19 Juin 2024

Date de mise à disposition : 19 Septembre 2024 puis prorogé au 26 Septembre, les parties ayant été avisées

Audience tenue par Aurore JULLIEN, présidente, et Viviane LE GALL, conseillère, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Aurore JULLIEN, conseillère

– Viviane LE GALL, conseillère

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 9 janvier 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire et Haute-Loire a octroyé un prêt à la société Boulangerie [B] et Frediere pour l’acquisition d’un fonds et différents matériels, pour un montant de 135.000 euros remboursable en 103 mensualités.

Ce prêt était garanti par un engagement de caution de M. [B] à hauteur de 100.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant des intérêts de retard pour une durée de 144 mois.

Le 20 mars 2015, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire et Haute-Loire a consenti un nouveau prêt de 10.000 euros pour l’achat d’un véhicule utilitaire. Ce prêt a été garanti par un engagement de caution de M. [B] à hauteur de 13.000 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts, et le cas échéant des intérêts de retard pour une durée de 120 mois.

Le 5 septembre 2018, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Boulangerie [B] et Frediere.

Le 17 septembre 2018 la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire et Haute-Loire a déclaré sa créance à la procédure, et a parallèlement mis en demeure M. [B] de lui payer la somme de 102.144.75 euros en exécution de son engagement de caution.

Le 12 avril 2019, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire et Haute-Loire a assigné M. [B] devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par jugement contradictoire du 15 mars 2021, le tribunal de commerce de Lyon a :

débouté M. [B] de sa demande de voir considérer son engagement de caution du 2 décembre 2014 et 19 février 2015 comme manifestement disproportionnés,

débouté M. [B] de sa demande du non-respect de l’obligation de mise en garde en tant que caution non avertie,

condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à être déchue de son droit aux intérêts conventionnels échus depuis le 31 mars 2015, lesquels seront affectés prioritairement au règlement du principal de sa créance,

débouté M. [B] de sa demande d’incertitude de la créance,

condamné M. [B] au paiement de 102.144,75 euros en l’exécution de ses engagements de caution,

accordé à M. [B] un délai de paiement de 24 mois sur les montant réclamés,

débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de sa demande de dommage et intérêts pour résistance abusive,

débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes,

ordonné l’exécution provisoire du jugement,

condamné M. [B] au versement de 500 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné solidairement M. [B] aux entiers dépens.

M. [B] a interjeté appel par déclaration du 7 avril 2021.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 13 décembre 2021, M. [B] demande à la cour, de :

le juger recevable en son appel,

confirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il a statué comme suit :

condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à être déchu de son droit aux intérêts conventionnels échus depuis le 31 mars 2015, lesquels seront affectés prioritairement au règlement du principal de sa créance,

déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

infirmer le jugement rendu le 15 mars 2021 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il a statué comme suit :

déboute M. [B] de sa demande de voir considérer son engagement de caution du 2 décembre 2014 et 19 février 2015 comme manifestement disproportionnés,

déboute M. [B] de sa demande de non-respect de l’obligation de mise en garde en tant que caution non avertie,

déboute M. [B] de sa demande d’incertitude de la créance,

condamne M. [B] au paiement de la somme de 102.144,75 euros en l’exécution de ses engagements de caution,

accorde à M. [B] un délai de paiement de 24 mois sur les montants réclamés,

déboute les parties de l’ensemble de leurs autres demandes,

ordonne l’exécution provisoire du jugement,

condamne M. [B] au versement de 500 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne solidairement M. [B] aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau :

à titre principal

juger que les engagements de caution de M. [B], des 2 décembre 2014 et 19 février 2015, étaient manifestement disproportionnés par rapport à sa situation financière et patrimoniale, à la date de souscription de chacun d’eux,

juger, dans l’hypothèse où les engagements de caution litigieux seraient considérés comme non disproportionnés à la date de leur souscription, que la situation actuelle de M. [B] ne lui permet pas de faire face aux demandes en paiement de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à ce titre,

juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire n’a pas respecté son obligation de mise en garde à l’égard de M. [B], caution non avertie, au regard de l’inadaptation des engagements de caution litigieux par rapport à ses capacités financières, lui causant ainsi un préjudice qu’il convient de réparer,

en conséquence :

juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire ne peut se prévaloir des engagements de caution de M. [B], des 2 décembre 2014 et 19 février 2015, à son encontre,

débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de ses demandes en paiement à l’encontre de M. [B],

condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à payer à M. [B], la somme de 102.144,75 euros, à titre de dommages et intérêts, pour manquement à son obligation de mise en garde.

À titre subsidiaire

juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire ne justifie pas des sommes perçues, en sa qualité de créancier privilégié, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Boulangerie [B] et Frediere, ni de l’exigibilité de sa créance au titre des deux prêts à l’égard de M. [B], faute d’en justifier l’admission au passif de la liquidation judiciaire de la société Boulangerie [B] et Frediere,

en conséquence :

juger que la créance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire invoquée à l’encontre de M. [B] est incertaine et son caractère exigible non justifié, et ne peut donc valablement fonder sa demande en paiement,

débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de toutes ses demandes, fins et conclusions,

ordonner à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire, dans l’hypothèse où sa créance serait jugée certaine et exigible à l’encontre de M. [B], de produire un décompte de sa créance au titre du prêt du 2 décembre 2014 et du 19 février 2015, expurgé des intérêts conventionnels depuis le 31 mars 2015, faute pour elle d’avoir respecté son obligation d’information annuelle,

À titre infiniment subsidiaire

juger que la fragilité de la situation financière actuelle de M. [B] ne lui permet pas de faire face aux demandes en paiement de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire,

en conséquence :

accorder à M. [B], des délais de paiement en 24 mois pour lui permettre de régler les condamnations qui pourraient être prononcées contre lui, à quelque titre que ce soit.

En tout état de cause

ordonner, en tant que de besoin, la compensation des sommes éventuellement dues réciproquement par M. [B] et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire,

débouter la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de toutes ses demandes, fins et conclusions,

condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à payer à M. [B], la somme de 5.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

rejeter toues demandes, fins et conclusions contraires,

condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire aux dépens d’appel et de première instance avec droit de recouvrement.

*

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 30 septembre 2021, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, et 2298 du code civil et des articles L.343-4 et L.332-2 du code de la consommation, de :

confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 15 mars 2021 en ce qu’il a statué comme suit :

débouté M. [B] de sa demande de voir considérer son engagement de caution du 2 décembre 2019 et du 19 février 2015 comme manifestement disproportionnés,

débouté M. [B] de sa demande de non-respect de l’obligation de mise en garde en tant que caution non avertie,

débouté M. [B] de sa demande d’incertitude de la créance,

condamné M. [B] au paiement de la somme de 102 144,75 euros en l’exécution de ses engagements de caution,

condamné M. [B] au versement de 500,00 euros à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné solidairement M. [B] aux entiers dépens.

Statuant a nouveau :

réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lyon en date du 15 mars 2021 pour le surplus,

dire et juger que les engagements de caution de M. [B] étaient proportionnés à ses revenus et patrimoine,

dire et juger que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire peut se prévaloir de ces engagements de caution,

dire et juger que la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire est recevable et bien fondée,

débouter, en conséquence M. [B] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions. en conséquence,

condamner M. [B] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire la somme de 102.144,75 euros, en exécution de ses engagements de caution sus cités et 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

condamner M. [B] à verser à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Loire Haute-Loire la somme de 3.000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 mars 2022, les débats étant fixés au 19 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des moyens et motifs des parties, renvoi sera effectué à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de Procédure Civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la proportionnalité des engagements de caution

M. [B] fait valoir que :

s’agissant de l’engagement de caution du 2 décembre 2014, il a rempli une fiche en indiquant son patrimoine ainsi que celui de sa concubine, indiquant avoir deux enfants à charge, supporter la charge d’un prêt immobilier de 7.600 euros annuels avec un capital restant dû de 104.500 euros, et rembourser un prêt auto avec un capital restant dû de 2.200 euros,

il a indiqué être propriétaire d’une maison locative dont la valeur est estimée à 95.000 euros financée par un prêt de 119.000 euros,

il supportait un endettement de 106.700 euros pour un revenu annuel locatif de 4.200 euros et un revenu mensuel de 350 euros, soit un endettement représentant plus de 30 fois le montant de ses revenus mensuels,

la souscription du cautionnement de 100.000 euros portait son endettement total à 206.700 euros soit 50 fois son revenu mensuel,

ses revenus mensuels de 350 euros ne lui permettaient pas de couvrir l’échéance mensuelle de son prêt immobilier ni de faire face seul à une seule échéance du prêt consenti à la boulangerie pour un montant de 1.741,52 euros,

il ne peut être tenu compte pour apprécier la proportionnalité de son engagement de caution du patrimoine de sa concubine puisque l’engagement de caution a un caractère personnel, la situation ne pouvant être assimilée à celle d’un couple marié, et que le concernant, seul le bien mis en location pouvait être pris en compte pour apprécier sa situation, soit à hauteur de 95.000 euros outre le prêt souscrit pour l’acquérir,

concernant l’engagement de caution du 19 février 2015, il avait un enfant à charge, percevait un revenu annuel à titre professionnel de 7.620 euros, devait encore la somme de 102.600 euros au titre de l’acquisition de son bien immobilier, et remboursait également un prêt auto et un prêt à la consommation, que lui avait consenti la société intimée en janvier 2015 avec un encours de 4.755,89 euros,

il percevait des loyers du bien locatif pour un montant annuel de 4.200 euros,

lors de la souscription de cet engagement, son endettement total était de 221.655,89 euros et il ne disposait que de revenus mensuels de 1.850 euros et d’un patrimoine valorisé à 95.000 euros,

là encore, il convient de ne pas tenir compte du patrimoine de sa concubine étant rappelé que l’engagement de caution est un engagement à titre personnel,

la totalité de son endettement par rapport au montant de son patrimoine et de ses revenus est manifestement disproportionné lors de ce second engagement,

lorsqu’il a été appelé en paiement, il n’était pas en capacité de régler les sommes demandées d’autant plus qu’il a été reconnu comme étant en incapacité partielle au métier à compter du 1er décembre 2017, puis en incapacité totale d’exercer son métier ou tout autre métier compte tenu de l’importance de ses pathologies médicales,

sa situation financière s’est dégradée d’autant plus que l’assureur refuse de prendre en charge les mensualités du prêt immobilier,

il a déposé un dossier auprès de la Commission de surendettement qui l’a déclaré recevable et a retenu un endettement de 83.464,58 euros en dehors des sommes demandées par le Crédit Agricole.

Le Crédit Agricole fait valoir que :

concernant l’engagement de caution du 2 décembre 2014, la fiche de renseignements indiquait un patrimoine immobilier de 235.000 euros entre la résidence principale et la résidence secondaire de l’appelant outre un revenu foncier concernant cette dernière,

le montant des crédits restant dus concernant ces biens permettaient, une fois déduits, d’évaluer le patrimoine de l’appelant à la somme de 132.500 euros,

l’appelant a volontairement fait apparaître dans la fiche le patrimoine immobilier de sa concubine pour lui permettre d’obtenir le crédit nécessaire,

concernant l’engagement de caution du 19 février 2015, la fiche remplie indique les deux biens immobiliers de M. [B] et un encours de crédit à hauteur de 72.000 euros qui n’avait pas été mentionné avant, outre les revenus salariaux de l’appelant pour 18.000 euros auxquels s’ajoutent ses revenus locatifs soit un total annuel de 22.200 euros, sans compter que la concubine de l’appelant a indiqué ses propres revenus,

au regard de ces éléments, l’engagement à hauteur de 13.000 euros n’était pas manifestement disproportionné,

pour sanctionner un cautionnement, il faut qu’il soit manifestement disproportionné et pas uniquement disproportionné,

le fait que le montant de la caution donnée soit presque équivalent à la valeur du patrimoine de la caution et de ses revenus ne suffit pas à établir la disproportion manifeste.

Sur ce,

L’article L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose qu’un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Il est rappelé que les renseignements donnés par la personne souscrivant un engagement de cautionnement, le sont sous sa responsabilité, et n’entraînent pas, sauf anomalie manifeste, de vérifications de la part de la banque, et qu’en outre, la preuve du caractère disproportionné ou non d’un engagement repose sur la caution qui entend s’en prévaloir.

Concernant le premier engagement de caution du 2 décembre 2014, il porte sur la somme de 100.000 euros en garantie du principal, des intérêts et des intérêts de retard concernant l’emprunt de 135.000 euros souscrit le 9 janvier 2015, ce, pour une durée de 144 mois.

La lecture exacte de la fiche de renseignements mène à ne tenir compte que des revenus de l’appelant et de ses charges, étant rappelé que les informations concernant sa concubine, Mme [X] n’ont pas à être prises en compte puisqu’il n’existe pas de communauté de patrimoine entre eux.

Ainsi, M. [B] indique des encours de crédit à hauteur de 104.500 euros concernant un bien immobilier locatif avec des charges annuelles de 7.600 euros au titre du remboursement ainsi qu’un crédit à la consommation concernant un véhicule avec un encours de 2.200 euros, et une charge annuelle de 2.000 euros.

Il ressort de la fiche que le bien immobilier peut être valorisé à la somme de 95.000 euros, étant rappelé que ce bien rapporte la somme annuelle de 4.200 euros.

L’appelant déclare dans ses écritures percevoir un revenu mensuel de 1.850 euros lors de l’obtention du prêt et avoir également un enfant à charge.

De fait, lors de la souscription du premier engagement de caution, il est constant que M. [B] ne dispose pas d’un patrimoine puisque son seul bien immobilier ne peut déjà suffire à rembourser le montant du prêt consenti pour l’acquérir, et le prix du véhicule, encore en cours de remboursement, ne suffit pas non plus à rembourser l’endettement existant déjà.

L’ajout à cette situation, d’un engagement de caution à hauteur de 100.000 euros vient encore ajouter à l’endettement de l’appelant qui ne dispose pas lors de sa souscription d’un patrimoine suffisant.

Au regard de l’intégralité de ces éléments, l’engagement de caution du 2 décembre 2014 est manifestement disproportionné par rapport au patrimoine et revenus de l’appelant.

Lorsqu’il a été appelé en paiement, M. [B] se trouvait en situation de surendettement, un endettement de 83.464,58 euros étant retenu au titre des dettes personnelles, entraînant la vente de son bien immobilier pour rembourser le prêt afférent ainsi que le prêt à la consommation.

En outre, la situation personnelle de l’appelant ne lui permet pas de reprendre un emploi, l’intéressé étant placé en invalidité partielle et étant parti à la retraite.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’engagement de caution souscrit le 2 décembre 2014 par M. [B] ne peut lui être déclaré opposable.

Concernant l’engagement de caution du 19 février 2015, à hauteur de 13.000 euros pour garantir un prêt de 10.000 euros, il convient là encore de reprendre les éléments patrimoniaux relatifs à la situation de l’appelant seul, les revenus et patrimoine de Mme [X], concubine sans communauté de patrimoine étant indifférents quant à l’appréciation de la situation.

À cette date, il est relevé que M. [B] dispose d’un revenu annuel professionnel de 7.620 euros, doit encore la somme de 102.600 euros au titre de l’acquisition de son bien immobilier locatif, et rembourse également un prêt à la consommation avec un encours de 4.755,89 euros.

Au regard de ces éléments, et tenant compte du premier engagement de caution, il convient de constater une augmentation de l’endettement de l’appelant, qui ne peut faire face à une demande de paiement étant rappelé que le bien immobilier n’est toujours pas rentable et ne suffit pas à couvrir eu égard à sa valeur et le prêt afférent, les sommes dues. De fait, M. [B] ne dispose d’aucun patrimoine à la date de la souscription du second engagement de caution.

Dès lors, le second engagement de caution du 19 février 2015 est manifestement disproportionné par rapport aux revenus et patrimoine de l’appelant.

À la date de l’appel en paiement, la situation financière de M. [B] est la même qu’indiquée précédemment avec la mise en ‘uvre d’une procédure de surendettement ayant mené à la vente du bien immobilier locatif aux fins de remboursement du prêt le finançant et du prêt à la consommation, sans oublier qu’il perçoit une pension d’invalidité et une pension de retraite.

De fait, aucun retour à meilleure fortune n’est observé.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’engagement de caution souscrit le 19 février 2015 par M. [B] ne peut lui être déclaré opposable.

En conséquence, il convient d’infirmer totalement la décision déférée et statuant à nouveau de déclarer inopposables à M. [B] les engagements de caution souscrits les 2 décembre 2015 et 19 février 2015, et de débouter le Crédit Agricole de l’intégralité de ses demandes.

Sur les demandes accessoires

Le Crédit Agricole échouant en ses prétentions, il convient de le condamner à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel.

L’équité commande d’accorder à M. [B] une indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Crédit Agricole sera ainsi condamné à lui verser la somme de 2.500 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, dans les limites de l’appel

Infirme dans son intégralité la décision déférée,

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déclare inopposables à M. [I] [B] les engagements de caution souscrits le 2 décembre 2014 et le 19 février 2015,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de l’intégralité de ses demandes,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel,

Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire à payer à M. [I] [B] la somme de 2.500 euros à titre d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Loire Haute-Loire de sa demande d’indemnisation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x