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Évaluation de la nationalité française : enjeux de preuve et de filiation dans un contexte transnational

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Évaluation de la nationalité française : enjeux de preuve et de filiation dans un contexte transnational

M. [D] [E], né le 28 mai 1988 à [Localité 4] (Algérie), a demandé un certificat de nationalité française, revendiquant cette nationalité par filiation paternelle. Le 13 mars 2019, sa demande a été refusée par le tribunal de Paris, car il n’avait pas fourni les éléments complémentaires requis. En réponse, M. [D] [E] a assigné le Procureur de la République en février 2023, affirmant qu’il était de nationalité française par descendance de son grand-père, [E] [I], qui avait acquis la nationalité française en 1957. Il a également soutenu avoir la possession d’état de français, en présentant divers documents, dont des certificats d’identité et des actes de naissance.

Le Procureur a contesté la nationalité de M. [D] [E], arguant que les documents fournis étaient insuffisants pour prouver son état civil et sa filiation. Il a souligné des irrégularités dans les actes de naissance et l’absence de preuves concernant la nationalité de ses ancêtres. Le tribunal a finalement débouté M. [D] [E] de ses demandes, constatant son extranéité et ordonnant la mention de cette décision dans les registres d’état civil.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 octobre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille
RG n°
23/01782
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/379 du 10 Octobre 2024

Enrôlement : N° RG 23/01782 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3BDC

AFFAIRE : M. [D] [E]( Me Ali BADECHE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l’audience Publique du 11 Juillet 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente
BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente, juge rapporteur

Greffier lors des débats : ALLIONE Bernadette

En présence de LOURGOUILLOUX Jean-Yves, Procureur de la République Adjoint

Vu le rapport fait à l’audience

A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 10 Octobre 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [D] [E]
né le 28 Mai 1998 à [Localité 4] (ALGERIE) (ALG)
de nationalité Française, domicilié : chez MADAME [Y] [M], [Adresse 1]

représenté par Me Ali BADECHE, avocat au barreau de MARSEILLE,

CONTRE

DEFENDEUR

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, dont le siège social est sis [Adresse 5]

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE :

M. [D] [E], se disant né le 28 mai 1988 à [Localité 4] (Algérie) a présenté une demande de délivrance de certificat de nationalité française.

Le 13 mars 2019, une décision de refus lui a été opposée par le directeur des services de greffe judiciaire du tribunal judiciaire de Paris, pôle de la nationalité française, au motif que “Vous revendiquez la nationalité française par filiation paternelle. Or, il vous a été demandé de produire des éléments complémentaires à votre demande par courrier du 13/02/2013, demande relancée le 27/08/2015. Ces courriers sont restés sans réponse. Dès lors, il convient de constater que vous ne rapportez pas la preuve de votre nationalité française, alors même qu’obligation vous en est faite en application de l’article 30 du code civil.”

Par assignation en date du 13 février 2023, M. [D] [E] a assigné le Procureur de la République aux fins de :
– Dire et juger qu’en tant que descendant de M. [E] [I], il est de nationalité française par filiation suivant les dispositions des articles 23-1 du Code de la nationalité et 18 et suivants du Code Civil pour avoir bénéficié de l’effet collectif attaché à la déclaration souscrite par son grand-père paternel ;
– Dire et juger qu’il a conservé la nationalité française sur le fondement de l’article 32-1 du Code Civil ;
– Dire que la mention du jugement à intervenir sera portée en marge de son acte de naissance à l`état civil consulaire du Ministère des Affaires Etrangères à [Localité 3] conformément à l`article 28 du Code Civil ;
– Statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 19 janvier 2024, M. [D] [E] maintient ses demandes ; y ajoutant, il demande au tribunal de constater qu’il a la possession d’état de français.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir que son père et son grand-père paternel sont français ; que son grand-père, [E] [I], né le 22 mai 1942 à [Localité 2] ([Localité 4]) Algérie, a acquis la nationalité française suivant déclaration souscrite le 24 juillet 1957 devant le Juge de Paix d’Oran, en vertu de l’article 54 du Code de la Nationalité française et enregistrée le 11 juin 1958 par le Ministère chargé des Naturalisations ; qu’au moment de cette déclaration, il avait un autre nom, [I] [N] ; que par décision portant le numéro 1998 /EC /8304 en date du 15 février 1999, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande lnstance de Nantes a ordonné la rectification de 1’état civil de Monsieur [I] [N], lui permettant de recouvrer son patronyme [E] et de conserver [I] comme prénom ; que son père, [E] [A] [X], est ressortissant français, fils de [E] [I], et de [Y] [F], née le 27 août 1941 à [Localité 4] (Algérie) ; que le 21 mai 2007, le Greffier en chef du Tribunal d’lnstance de Nîmes, où il résidait, lui a délivré un certificat de nationalité française ; que ses parents [E] [A] [X] et [Y] [M] ont divorcé suivant jugement rendu par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande lnstance de Nîmes le 03 septembre 1998 ; qu’il justifie de son état civil en versant aux débats la copie du registre de l`état civil algérien, certifiée conforme à l’original et une attestation d’accouchement délivrée par la maternité dans laquelle sa mère a accouché ; que l’acte de naissance qu’il produit remplit pleinement les conditions visées par l’ordonnance algérienne sur 1’état civil de 1970 mais aussi les dispositions de l’article 47 du Code Civil.
Il indique en outre qu’il remplit les conditions de la possession d’état ; qu’il a obtenu une carte nationale d’identité le 1er août 2003, renouvelée le 13 mai 2014 ; qu’une autre carte nationale d’identité lui a été délivrée le 19 décembre 2019 ; qu’il a obtenu un passeport le 12 mars 2019 ; qu’il a usé de la faculté d’option en faveur de 1’accomplissement du service militaire en France (Article 3 de l’accord franco-algérien relatif aux binationaux du 1 octobre 1983) en souscrivant une déclaration dès le 26 août 2015 et en participant a la journée Défense ; qu’il a obtenu une carte d’électeur pour le scrutin du 10 avril 2022 et une carte européenne d’assurance maladie ; que son comportement correspond objectivement à celui d’un français.

Par conclusions signifiées le 1er décembre 2023, le Procureur de la République demande au tribunal de :
– dire que le récépissé prévu par l’article 1040 du code de procédure civile a été délivré;
– dire que M. [D] [E], se disant né le 28 mai 1998 à [Localité 4] (Algérie) n’est
pas de nationalité française ;
– ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil.

Il fait valoir que pour justifier de son état civil, le requérant produit une copie de l’acte de naissance, transcrit au service central de l’état civil de [Localité 3] ; qu’il n’y a toutefois pas de déclarant ; qu’à l’appui de sa demande de certificat de nationalité française, l’intéressé a produit la copie, délivrée le 6/01/2021, de l’acte de naissance n°4910, dressé le 28 mai 1998, le disant né le même jour à 20h55, sur déclaration de [B] [O] ; que cet acte ne porte pas l’indication de l’heure à laquelle l’acte a été dressé, ni l’âge et la qualité du déclarant, ce qui ne permet pas de vérifier s’il avait qualité pour déclarer la naissance, conformément à l’article 62 de l’ordonnance du 19 février 1970 en vigueur ; que l’attestation d’accouchement du 22 août 2023, délivrée par le CHU d’[Localité 4], disant que [D] [E] est né le 28/05/1998 à 20H55 n’a aucune valeur probante ; qu’elle n’est prévue par aucun texte ; qu’elle n’est pas concomittante à l’acte de naissance puisque rédigée en 2023, et ne permet pas de pallier aux insuffisances de la copie présentée relativement à l’heure de naissance ; que de même, la traduction de la copie du registre n’est pas recevable faute d’être revêtue d’un tampon lisible en français de l’autorité dont elle émane, conformément au protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962 ; que le nom du déclarant n’est pas identique que sur la copie délivrée en 2021, puisqu’il se nomme « [B] [O] » alors qu’ici c’est« [B] [J] » ; que la mention de la profession d’employé ne permet pas de justifier de la qualité pour déclarer une naissance ; que l’acte n’a donc pas été dressé régulièrement, en conformité avec les textes en vigueur ; que de plus, s’agissant de la chaîne de filiation à l’égard de [I] [E] et de la nationalité revendiquée, il ne produit ni l’acte de naissance de [I] [E], ni celui de [F] [Y] ; que seul leur acte de mariage (le 14 juin 1966 à [Localité 4] (Algérie) qui porte mention d’une rectification par décision du procureur de la République du nom [I] [N] en [I] [E], est communiqué ;
Il indique que [I] [E], né le 22 mai 1942 à [Localité 2] ([Localité 4]), grand-père paternel du requérant, aurait souscrit une déclaration de nationalité le 24 juillet 1957, en application de l’article 54 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 ; que la déclaration aurait été enregistrée le 11 juin 1958, sous le numéro 3350/38 ; qu’il serait donc devenu français par l’effet de cet enregistrement, rétroactivement à la date du 24 juillet 1957 ; que toutefois, s’agissant d’une déclaration souscrite pendant la minorité de [I] [E], il était nécessaire de justifier a minima de l’identité du représentant légal ayant souscrit en son nom, ce qui n’est pas fait ; qu’en outre, la seule copie simple de la déclaration souscrite devant le juge de paix d’Oran est insuffisante ; qu’en effet, la mention de l’enregistrement est absente, ce qui ne permet pas au tribunal de vérifier qu’elle a été valablement enregistrée ; qu’en outre, elle a été souscrite par “[U] [T]” ou “[Z]”, ce qui ne correspond pas au nom de l’ascendant de [A] [S], qui serait “[I] [E]” ; qu’au surplus, il n’est pas justifié du statut civil de droit commun qui aurait permis à [I] [E] de conserver la nationalité française à l’indépendance del’Algérie ; que le statut civil de droit commun ne se présume pas, la charge de la preuve reposant sur le requérant.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024, et l’affaire plaidée à l’audience du 11 juillet 2024

MOTIFS :

Aux termes de l’article 30 du Code Civil :
« La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d’un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants.”

L’article 47 du Code civil dispose que “tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité”.

En application de l’article 36 du protocole judiciaire franco-algérien du 28 août 1962, les documents publics algériens revêtus de la signature et du sceau officiel de l’autorité ayant qualité pour les délivrer, sont admis en France sans légalisation.

En l’espèce, M. [D] [E] communique en pièce N°5 une copie d’acte de naissance qui ne porte pas mention du déclarant, alors que l’acte de naissance produit en pièce N°17 porte mention du nom de M. [B] [J].
Le Ministère public communique quant à lui en pièce N°5 un acte de naissance qui ne mentionne ni l’âge ni la profession des parents, et indique que l’acte a été dressé sur déclaration fait par [B] [O].

Or, non seulement ces actes sont différents ce qui leur ôte toute force probante notamment en ce qu’ils mentionnent l’identité d’un déclarant différent, M. [B] [J], « employé demeurant à [Localité 4] » et [B] [O] dont la qualité n’est pas précisée, alors que l’article 62 de l’ordonnance N°70/20 du 19 février 1970 portant code de l’état civil algérien dispose que « la naissance de l’enfant est déclarée par le père ou la mère ou, à leur défaut, par les docteurs en médecine, sage-femmes ou autre personnes qui ont assisté à l’accouchement ; lorsque la mère aura accouché hors de son domicile, par la personne chez qui elle a accouché ».

En conséquence, il y a lieu de constater que M. [D] [E] n’est pas de nationalité française, de constater son extranéité et d’ordonner la mention prévue à l’article 28 du code civil.

Les dépens de l’instance resteront à sa charge.

PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DEBOUTE M. [D] [E] de ses demandes ;

CONSTATE l’extranéité de M. [D] [E] ;

ORDONNE la mention prévue par l’article 28 du Code civil ;

DIT que les dépens seront laissés à sa charge.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 10 Octobre 2024

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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