Sommaire Notification de Pénalité AdministrativeLe 14 mars 2023, la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône a informé Madame [C] [E] d’une pénalité administrative de 1.180 € en raison d’une dissimulation de vie commune depuis juin 2019. Contestations de Madame [C] [E]En réponse, Madame [C] [E] a déposé une requête le 20 mars 2023 auprès du tribunal judiciaire de Marseille pour contester cette décision. Lors de l’audience du 9 octobre 2023, elle a demandé l’annulation de la pénalité et a précisé qu’elle n’avait pas de vie commune avec Monsieur [H], mais qu’elle l’avait hébergé temporairement en raison de ses difficultés financières. Position de la CAFLa CAF, représentée par un inspecteur juridique, a demandé au tribunal de se déclarer incompétent pour examiner la demande d’exonération de la pénalité et a demandé le rejet des demandes de Madame [C] [E]. Elle a également demandé une condamnation de cette dernière à verser 100 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La CAF a soutenu que des contrôles avaient révélé une dissimulation de la situation de vie commune et une absence de déclaration d’une activité professionnelle depuis janvier 2021. Éléments de PreuveLa CAF a produit un rapport d’enquête indiquant que Monsieur [H] était déclaré à la même adresse que Madame [C] [E] et qu’il y avait des virements financiers entre eux. Cependant, Madame [C] [E] a contesté l’existence d’une vie commune, affirmant qu’elle l’aidait financièrement sans partager de vie affective. Analyse du TribunalLe tribunal a examiné les éléments fournis par la CAF et a noté qu’aucune preuve suffisante n’établissait une vie affective entre Madame [C] [E] et Monsieur [H]. Concernant la dissimulation de revenus, les preuves présentées par la CAF n’étaient pas suffisantes pour justifier la pénalité, notamment en raison de l’absence de corroboration des déclarations de revenus. Décision du TribunalEn conséquence, le tribunal a annulé la pénalité de 1.180 € infligée à Madame [C] [E] et a condamné la CAF des Bouches-du-Rhône aux dépens de l’instance. Le recours de Madame [C] [E] a été déclaré recevable, et le tribunal a précisé que le délai pour un éventuel pourvoi en cassation était de deux mois à compter de la notification de la décision. |
Questions / Réponses juridiques :
Quelle est la base légale de la pénalité administrative imposée par la CAF ?La pénalité administrative imposée par la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône repose sur l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. Cet article stipule que : « I.- Peuvent faire l’objet d’un avertissement ou d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d’assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l’organisme concerné : 1° L’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée ; 2° L’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée ; 3° L’exercice d’un travail dissimulé, constaté dans les conditions prévues à l’article L. 114-15, par le bénéficiaire de prestations versées sous conditions de ressources ou de cessation d’activité ; 4° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme mentionné au premier alinéa, même sans en être le bénéficiaire ; 5° Les actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées, en application de l’article L. 114-10 du présent code et de l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par les agents mentionnés au présent article, visant à refuser l’accès à une information formellement sollicitée, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d’information, d’accès à une information, ou à une convocation, émanant des organismes chargés de la gestion des prestations familiales et des prestations d’assurance vieillesse, dès lors que la demande est nécessaire à l’exercice du contrôle ou de l’enquête. » La pénalité est donc justifiée par des éléments tels que l’inexactitude des déclarations ou l’absence de déclaration d’un changement de situation. Quels sont les critères de contestation d’une pénalité administrative ?La contestation d’une pénalité administrative, comme celle imposée par la CAF, repose sur plusieurs critères, notamment la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés. L’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale précise que : « Le directeur de l’organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d’un mois. » Il est également établi que le juge du contentieux de la sécurité sociale doit vérifier l’adéquation du montant de la pénalité à l’importance de l’infraction commise. La jurisprudence indique que la bonne foi de la personne concernée est présumée, mais cette présomption peut être renversée si des éléments établissent « l’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations ». Ainsi, pour contester une pénalité, il est essentiel de démontrer soit la bonne foi, soit l’absence de faits constitutifs d’une infraction. Comment la communauté de vie est-elle définie dans le cadre des prestations sociales ?La communauté de vie, dans le cadre des prestations sociales, est définie par l’article 515-8 du code civil, qui stipule que : « La communauté de vie implique une communauté affective et matérielle, qui sous-entend notamment une communauté de lit et une communauté de ménage. » Cette définition implique que la communauté de vie ne se limite pas à la simple cohabitation, mais inclut également des éléments tels que : – Une volonté de vivre ensemble, Dans le cas de Madame [C] [E], la CAF a tenté de prouver l’existence d’une communauté de vie avec Monsieur [H] par des éléments tels que leur adresse commune et des transactions financières. Cependant, le tribunal a conclu que ces éléments ne suffisaient pas à établir une vie affective commune. Quelles sont les conséquences d’une décision annulant une pénalité administrative ?Lorsqu’une décision annulant une pénalité administrative est rendue, comme dans le cas de Madame [C] [E], plusieurs conséquences en découlent. Tout d’abord, l’annulation de la pénalité signifie que la personne concernée n’est plus tenue de payer le montant de la pénalité, qui était de 1.180 € dans ce cas. De plus, selon l’article 700 du code de procédure civile, la partie qui succombe, ici la CAF, peut être condamnée aux dépens de l’instance. Cela signifie que la CAF devra rembourser les frais engagés par Madame [C] [E] pour sa défense. Enfin, le tribunal a précisé que le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la réception de la notification de la décision. Cela permet à la CAF de contester la décision si elle le souhaite. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
JUGEMENT N°24/04388 du 11 Décembre 2024
Numéro de recours: N° RG 23/01017 – N° Portalis DBW3-W-B7H-3IE5
AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [C] [E]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Barka CHAIAHELOUDJOU, avocat au barreau de MARSEILLE
c/ DEFENDERESSE
Organisme CAF DES BOUCHES-DU-RHONE
Service Contentieux
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Monsieur [I] [G] (Agent audiencier), muni d’un pouvoir spécial
DÉBATS : À l’audience publique du 09 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :
Président : BOUAFFASSA Myriam, Juge
Assesseurs : MOLINO Patrick
MARTOS Francis
L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy
À l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 11 Décembre 2024
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en dernier ressort
Par lettre en date du 14 mars 2023, la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) des Bouches-du-Rhône a notifié à Madame [C] [E] une pénalité administrative d’un montant de 1.180 € au motif tiré d’une dissimulation de vie commune depuis juin 2019.
Par requête adressée au greffe le 20 mars 2023, Madame [C] [E] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de contestation de la décision de la CAF des Bouches-du-Rhône d’appliquer une pénalité administrative.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 9 octobre 2023.
À l’audience, Madame [C] [E], représentée par son conseil, demande au tribunal d’annuler la pénalité financière et de statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de sa demande, elle conteste toute vie commune avec Monsieur [H] mais indique l’avoir hébergé à titre gratuit en raison des difficultés financières de ce dernier, de sa précarité et de ses problèmes de santé.
La CAF des Bouches-du-Rhône, représentée par un inspecteur juridique, demande au tribunal de se déclarer incompétent pour connaître d’une demande d’exonération d’une créance de pénalité fraude et, subsidiairement, de rejeter les demandes de Madame [C] [E] et de la condamner à lui verser la somme de 100 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la CAF des Bouches-du-Rhône fait valoir qu’un contrôle a permis de démontrer que Madame [C] [E] avait volontairement dissimulé une situation d’intérêt de vie en communauté avec Monsieur [H], qui était connu à la même adresse qu’elle auprès des banques et des services fiscaux et dont le nom figurait sur les taxes d’habitation et factures d’énergie. La caisse ajoute que Madame [C] [E] n’a pas déclaré une activité à temps complet depuis janvier 2021.
Il sera expressément référé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 11 décembre 2024.
Sur le bien-fondé de la pénalité financière
L’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale dispose que » I.- Peuvent faire l’objet d’un avertissement ou d’une pénalité prononcée par le directeur de l’organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou des prestations d’assurance vieillesse, au titre de toute prestation servie par l’organisme concerné :
1° L’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée ;
2° L’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée ;
3° L’exercice d’un travail dissimulé, constaté dans les conditions prévues à l’article L. 114-15, par le bénéficiaire de prestations versées sous conditions de ressources ou de cessation d’activité ;
4° Les agissements visant à obtenir ou à tenter de faire obtenir le versement indu de prestations servies par un organisme mentionné au premier alinéa, même sans en être le bénéficiaire ;
5° Les actions ou omissions ayant pour objet de faire obstacle ou de se soustraire aux opérations de contrôle exercées, en application de l’article L. 114-10 du présent code et de l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par les agents mentionnés au présent article, visant à refuser l’accès à une information formellement sollicitée, à ne pas répondre ou à apporter une réponse fausse, incomplète ou abusivement tardive à toute demande de pièce justificative, d’information, d’accès à une information, ou à une convocation, émanant des organismes chargés de la gestion des prestations familiales et des prestations d’assurance vieillesse, dès lors que la demande est nécessaire à l’exercice du contrôle ou de l’enquête.
Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Tout fait ayant donné lieu à une sanction devenue définitive en application du présent article peut constituer le premier terme de récidive d’un nouveau manquement sanctionné par le présent article. Cette limite est doublée en cas de récidive dans un délai fixé par voie réglementaire. Le directeur de l’organisme concerné notifie le montant envisagé de la pénalité et les faits reprochés à la personne en cause, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites ou orales dans un délai d’un mois. A l’issue de ce délai, le directeur de l’organisme prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l’intéressé en lui indiquant le délai dans lequel il doit s’en acquitter ou les modalités selon lesquelles elle sera récupérée sur les prestations à venir.
La mesure prononcée est motivée et peut être contestée devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. La pénalité ne peut pas être prononcée s’il a été fait application, pour les mêmes faits, des articles L. 262-52 ou L. 262-53 du code de l’action sociale et des familles. « .
L’article R. 114-14 du code de la sécurité sociale dispose que » Le montant de la pénalité est fixé proportionnellement à la gravité des faits reprochés, en tenant compte notamment de leur caractère intentionnel ou répété, du montant et de la durée du préjudice et des moyens et procédés utilisés « .
Il est de jurisprudence constante qu’il appartient au juge du contentieux de la sécurité sociale saisi d’un recours formé contre la pénalité prononcée de vérifier la matérialité, la qualification et la gravité des faits reprochés à la personne concernée ainsi que l’adéquation du montant de la pénalité à l’importance de l’infraction commise par cette dernière.
Il est de jurisprudence constante que l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale ne nécessite nullement la preuve d’une intention frauduleuse mais seulement la preuve de » l’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations, l’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations « . La qualification de fraude ne présente d’intérêt qu’en matière de prescription, d’éventuelles poursuites pénales et d’inscription au BNFA, le tribunal étant en outre incompétent sur ce dernier point.
Si la bonne foi reste présumée en vertu de l’article 2274 du code civil, cette disposition générale doit être écartée au profit de la disposition spéciale de l’article L. 114-17 du code de la sécurité sociale, laquelle inverse la charge de cette preuve lorsque notamment est établi « l’inexactitude ou le caractère incomplet des déclarations faites pour le service des prestations, ou l’absence de déclaration d’un changement dans la situation justifiant le service des prestations ».
Il est constant que la communauté de vie ne se réduit pas à la cohabitation. La communauté de vie implique une communauté affective et matérielle qui sous-entend notamment une communauté de lit et une communauté de ménage. Elle inclut également une certaine communauté intellectuelle, une volonté de vivre à deux, et une affection. Ainsi, la communauté de vie se caractérise par la continuité et la stabilité des relations ainsi que par une communauté d’intérêts existant dans le couple, telle que prévue à l’article 515-8 du code civil.
En l’espèce, il ressort des pièces produites par la CAF des Bouches-du-Rhône que celle-ci a notifié à Madame [C] [E] une pénalité financière d’un montant de 1.180 € au motif tiré d’une dissimulation de vie commune depuis juin 2019 et d’une dissimulation d’une activité professionnelle depuis janvier 2021.
Il est constant que Madame [C] [E] a déclaré vivre seule avec ses enfants.
La CAF des Bouches-du-Rhône produit un rapport d’enquête diligentée en septembre 2022 aux termes duquel il existerait une communauté de vie entre Madame [C] [E] et Monsieur [H] qui serait établie par les éléments suivants :
Monsieur [H] est déclaré à l’adresse de Madame [C] [E] auprès de son établissement bancaire depuis juin 2019, sur les avis d’imposition et taxes d’habitation depuis janvier 2019 et sur les factures d’électricité ;Madame [C] [E] a effectué plusieurs virements sur le compte de Monsieur [H] en février 2020 ;Madame [C] [E] règle le parking loué par Monsieur [H].
Il résulte des éléments du dossier que Madame [C] [E] a contesté toute vie commune avec Monsieur [H] et précisé qu’elle l’aidait financièrement et lui permettait d’utiliser son adresse.
Si ce rapport d’enquête permet de constater une communauté d’intérêt financier entre Madame [C] [E] et Monsieur [H], aucun élément n’établit en revanche l’existence d’une vie affective.
Ces éléments sont donc insuffisants à établir que Madame [C] [E] aurait dissimulé une communauté de vie avec Monsieur [H].
S’agissant de la dissimulation des revenus, au titre de l’année 2021, si la CAF des Bouches-du-Rhône produit les déclarations trimestrielles de revenus mentionnant une absence de revenu, elle se contente de verser aux débats une capture d’écran intitulé » ressources » mentionnant un salaire annuel de 16.126 € au titre de l’année 2021.
Or, cette capture, qui n’est corroborée par aucun élément, ne permet, à elle seule, de caractériser une dissimulation de revenus au titre de l’année 2021.
S’agissant de l’année 2022, la CAF des Bouches-du-Rhône se borne à produire une déclaration de revenus au titre du 1er trimestre 2022 alors qu’il résulte du bulletin de paie versé aux débats que Madame [C] [E] est entrée dans l’entreprise le 16 mai 2022.
Ces éléments ne permettent donc pas d’établir une dissimulation de revenus pour l’année 2022.
Il en résulte que la décision notifiant une pénalité financière n’est pas justifiée.
Cette pénalité financière sera annulée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La CAF des Bouches-du-Rhône, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l’instance.
Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe après en avoir délibéré, par jugement contradictoire et en dernier ressort :
DÉCLARE recevable le recours formé par Madame [C] [E] ;
ANNULE la décision de la CAF des Bouches-du-Rhône du 14 mars 2023 portant notification à Madame [C] [E] d’une pénalité financière d’un montant de 1.180 € ;
CONDAMNE la CAF des Bouches-du-Rhône aux dépens ;
DIT que le délai à peine de forclusion pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la réception de la notification de la présente décision.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE