Évaluation de la conformité des travaux réalisés et nécessité d’une expertise technique sur les menuiseries installées.

·

·

Évaluation de la conformité des travaux réalisés et nécessité d’une expertise technique sur les menuiseries installées.

Monsieur [H] [Z] et Madame [N] [D] ont engagé la SARL Béarn Menuiserie Fermetures pour la pose de menuiseries PVC et aluminium dans leur appartement, pour un montant de 5 574,40 euros TTC. Les travaux ont été réalisés en janvier 2022, mais le Syndicat des copropriétaires a demandé la dépose des menuiseries, jugées non conformes au règlement de copropriété en raison de leur couleur. Les époux [Z] ont également signalé que les menuiseries posées n’étaient pas celles commandées. En août 2022, la SARL Béarn Menuiserie Fermetures a mis en demeure les époux de régler le solde de la facture, ce qu’ils ont contesté. La SARL a ensuite assigné les époux et son fournisseur en justice. Le tribunal a jugé que la SARL n’avait pas livré des menuiseries conformes et a débouté ses demandes, tout en condamnant la SARL à verser des indemnités aux époux et à son fournisseur. La SARL a fait appel et a demandé une expertise judiciaire pour déterminer la conformité des menuiseries. Le tribunal a ordonné une expertise, fixant une provision à 2 000 euros à consigner pour couvrir les frais d’expertise.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

11 septembre 2024
Cour d’appel de Pau
RG
24/00288
CF/SH

Numéro 24/02660

COUR D’APPEL DE PAU

1ère Chambre

ORDONNANCE

du 11 septembre 2024

Dossier : N° RG 24/00288 – N° Portalis DBVV-V-B7I-IXY3

Affaire :

S.A.R.L. BÉARN MENUISERIE FERMETURES

C/

[N], [G] [Z]

[H] [Z]

S.A.S. POITOU MENUISERIES

– O R D O N N A N C E –

Caroline FAURE, magistrate chargée de la mise en état,

Assistée de Sylvie HAUGUEL, greffière.

à l’audience des incidents du 03 juillet 2024

Vu la procédure d’appel :

ENTRE :

S.A.R.L. BÉARN MENUISERIE FERMETURES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Maître LOPEZ, avocat au barreau de PAU

APPELANTE

ET :

Madame [N], [G] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Monsieur [H] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés et assistés de Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU

S.A.S. POITOU MENUISERIES prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Maître DUTERTRE, avocat au barreau de PAU

INTIMES

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Selon devis du 9 septembre 2021 et facture du 7 janvier 2022, Monsieur [H] [Z] et son épouse, Madame [N] [D], ont confié la pose de menuiseries PVC et aluminium dans leur appartement situé à [Localité 5] (64) à la SARL Béarn Menuiserie Fermetures, moyennant le prix de 5 574,40 euros TTC.

Le 16 novembre 2021, un procès-verbal de livraison a été signé entre la SARL Béarn Menuiserie Fermetures et son fournisseur, la SAS Poitou Menuiseries.

Les travaux ont été réalisés les 4 et 5 janvier 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 janvier 2022, le Syndicat des copropriétaires de la résidence des époux [Z], représenté par son syndic en exercice, a sollicité la dépose des menuiseries installées, en ce qu’elles ne sont pas conformes au règlement de copropriété et à l’harmonie de l’immeuble du fait de leur couleur.

Par courrier recommandé du 28 janvier 2022, les époux [Z] ont informé la SARL Béarn Menuiserie Fermetures que les menuiseries posées étaient de couleur blanche, et donc non conformes à celles qu’ils avaient commandées.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 août 2022, la SARL Béarn Menuiserie Fermetures a mis en demeure les époux [Z] de lui régler le solde de la facture du 7 janvier 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 2022, les époux [Z] ont contesté devoir le règlement du solde de la facture dès lors que les réserves émises n’avaient pas été levées.

Par actes du 29 septembre 2022, la SARL Béarn Menuiserie Fermetures a fait assigner les époux [Z] et la SAS Poitou Menuiseries devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Pau en responsabilité contractuelle et en paiement.

Par jugement contradictoire du 14 décembre 2023 (RG n°22/00279), le tribunal a :

– dit que la SARL Béarn Menuiserie Fermetures n’a pas livré des menuiseries conformes à la commande passée,

– débouté la SARL Béarn Menuiserie Fermetures de l’ensemble de ses demandes à l’égard des époux [Z] et de la SAS Poitou Menuiseries,

– dit que les époux [Z] étaient en droit de refuser de payer les menuiseries non conformes,

– condamné la SARL Béarn Menuiserie Fermetures à payer 1 000 euros aux époux [Z] et 1 000 euros à la SAS Poitou Menuiseries sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SARL Béarn Menuiserie Fermetures aux entiers dépens,

– débouté les parties de toutes autres demandes non satisfaites,

– rappelé l’exécution provisoire de droit.

Par déclaration du 23 janvier 2024 (RG n°24/00288), la SARL Béarn Menuiserie Fermetures a relevé appel, critiquant le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté les parties de toutes autres demandes insatisfaites, et rappelé l’exécution provisoire de droit.

Par conclusions d’incident du transmises le 15 avril 2024, la SARL Béarn Menuiserie Fermetures a saisi le magistrat chargé de la mise en état d’une demande d’expertise judiciaire, et d’octroi d’une provision portant sur les travaux effectués et non critiqués.

Dans ses dernières conclusions d’incident du 1er juillet 2024, la SARL Béarn Menuiserie Fermetures a maintenu sa demande d’expertise judiciaire, mais a abandonné sa demande de provision du fait du paiement effectué par les époux [Z], correspondant aux travaux non contestés. Elle sollicite en outre le rejet des demandes des intimés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et que les dépens soient réservés et joints au fond.

Elle soutient, au visa des articles 789 du code de procédure civile, et 1103, 1104,1217, 1231-1, 1231-2, 1231-6, 1604 et 1792-6 du code civil, que les éléments produits par les époux [Z], notamment le constat de commissaire de justice, ne permettent pas de démontrer si les menuiseries qui ont été posées sont conformes à la commande qu’ils ont passée, si elles sont affectées ou non d’un vice de fabrication, et si la nuance de teinte peut être considérée comme une non conformité technique qui lui serait imputable, de sorte qu’elle a un intérêt légitime à voir ordonner une mesure d’expertise judiciaire.

Par conclusions notifiées le 28 juin 2024, M. [H] [Z] et Mme [N] [D] concluent au débouté de la demande d’expertise judiciaire et sollicitent l’octroi d’une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation de la SARL Béarn Menuiserie Fermetures aux dépens.

Au visa de l’article 146 du code de procédure civile, ils font valoir que la mesure d’instruction sollicitée est inutile, et ne se justifie que par la nécessité pour la SARL Béarn Menuiserie Fermetures de pallier sa carence à rapporter la preuve qu’elle a respecté ses engagements contractuels, dès lors qu’ils démontrent la non conformité par le procès-verbal de constat, lequel établit de manière objective que l’aspect bicolore des menuiseries, tendant vers le blanc, ne correspond pas à la couleur grise contractuellement due.

Par conclusions du 28 juin 2024, la SAS Poitou Menuiseries, tout en formulant ses protestations et réserves d’usage, ne s’oppose pas à la mesure d’expertise, aux frais avancés de la SARL Béarn Menuiserie Fermetures, et sollicite un complément de la mission qui sera confiée à l’expert, outre l’octroi d’une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamnation de la partie succombante au paiement des dépens.

L’affaire a été retenue à l’audience du 3 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, dont les dispositions sont applicables en cause d’appel conformément à l’article 907 du code de procédure civile, ‘lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :

5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction’.

En l’espèce, le devis établi par la SARL Béarn Menuiserie Fermetures et signé par les époux [Z] le 9 septembre 2021 prévoit la pose de portes-fenêtres et d’un oscillo-battant de ‘coloris PVC teinté dans la masse : gris’.

Il ressort du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 18 novembre 2022 que visuellement, il est impossible d’affirmer que la couleur des menuiseries PVC installées par la SARL Béarn Menuiserie Fermetures est grise. Leur aspect, notamment extérieur, est même majoritairement blanc.

Il en résulte que la SARL Béarn Menuiserie Fermetures justifie d’un motif légitime de voir ordonner une mesure d’expertise, aux fins de déterminer si l’aspect blanc des menuiseries, à certains endroits, était apparent lors de la réception de la marchandise par la SARL Béarn Menuiserie Fermetures et de la pose au domicile des époux [Z], s’il résulte de la non conformité des menuiseries à la commande passée par les époux [Z], d’un vice de fabrication, ou est dû à d’autres facteurs tels que notamment la configuration des lieux, l’éclairage, ou la perception des couleurs par l’oeil humain en intérieur et en extérieur, suivant l’angle de vision.

Il sera donc fait droit à la demande d’expertise, qui n’a pas pour objet de suppléer la carence de la SARL Béarn Menuiserie Fermetures au sens de l’article 146 du code de procédure civile, dès lors que le procès-verbal de constat susvisé démontre que seul un technicien peut se prononcer sur la couleur réelle des menuiseries installées chez les époux [Z].

L’équité ne commande pas l’octroi d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de l’incident seront réservés et joints au fond.

PAR CES MOTIFS

Caroline Faure, magistrat chargé de la mise en état, par ordonnance non susceptible de recours,

ORDONNE une expertise judiciaire, tous droits et moyens des parties réservés,

DÉSIGNE pour y procéder Monsieur [Y] [T],

[Adresse 4]

[Localité 6]

Tél : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX02]

Mèl : [Courriel 8]

avec pour mission de :

– se rendre sur les lieux, au domicile des époux [Z], sis [Adresse 3], à [Localité 5], en présence des parties et de leurs conseils ou après les avoir dûment convoquées ; se faire communiquer, dans le délai qu’il estimera utile de fixer, tous documents et pièces qu’il jugera nécessaires à l’exercice de sa mission,

– décrire les menuiseries posées par la SARL Béarn Menuiserie Fermetures,

– vérifier la conformité des menuiseries installées à la commande passée par les époux [Z], au référentiel et aux échantillons de la SAS Poitou Menuiseries, et à la commande de la SARL Béarn Menuiserie Fermetures à la SAS Poitou Menuiseries,

– dire si les nuances de teintes qui peuvent être observées proviennent d’un simple effet d’optique ou de toute autre cause, tel un défaut de conformité ou de fabrication,

– le cas échéant, donner tous éléments sur les responsabilités techniques en cause, et sur le caractère apparent ou caché des non conformités ou vices, lors de la livraison de la marchandise et de la pose au domicile des époux [Z],

– constater l’éventuelle conciliation des parties sans manquer dans ce cas d’en aviser le juge chargé du contrôle des expertises,

– établir une note de synthèse et la communiquer aux parties et les inviter à formuler leurs dires et observations récapitulatifs dans un délai de deux mois

pour ce faire, et répondre aux dires et observations formulés dans ce délai,

RAPPELLE que, en application de l’article 276 du code de procédure civile, les observations et dires précédents dont les termes ne seraient pas sommairement repris dans les dires récapitulatifs, seront réputés abandonnés par les parties,

FIXE à la somme de 2 000 euros la provision que la SARL Béarn Menuiserie Fermetures devra consigner entre les mains du régisseur du greffe de la cour d’appel de Pau dans le délai de deux mois, faute de quoi l’expertise pourra être déclarée caduque,

DIT que l’expert doit établir un devis prévisionnel, l’ajuster en tant que de besoin en fonction de l’évolution de l’expertise, et veiller à ce que la somme consignée corresponde toujours aux coûts prévisibles de l’expertise, au besoin en demandant des consignations complémentaires,

DIT que l’expert devra déposer son rapport en deux exemplaires au greffe de la cour d’appel de Pau, dans le délai de quatre mois suivant la date de la consignation,

DIT que le président de la présente chambre qui a ordonné l’expertise judiciaire sera en charge du suivi de celle-ci,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

RÉSERVE les dépens.

Fait à Pau, le 11 septembre 2024

LA GREFFIÈRE, LA MAGISTRATE CHARGÉE

DE LA MISE EN ETAT

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x