Contexte de la demande de surendettementLe 29 janvier 2024, Madame [L] [B], épouse [X], et Monsieur [W] [X] ont déposé une nouvelle demande de traitement de leur situation de surendettement, après deux précédentes demandes déclarées irrecevables pour absence de bonne foi, respectivement le 11 mars 2022 et le 21 décembre 2023. Décision de la commission de surendettementLe 19 février 2024, la commission de surendettement a de nouveau déclaré leur demande irrecevable, invoquant l’absence de bonne foi, en se référant au jugement de décembre 2023. Cette décision a été notifiée aux époux [X] le 24 février 2024. Recours des époux [X]Le 4 mars 2024, les époux [X] ont formé un recours contre la décision d’irrecevabilité, arguant que celle-ci ne mentionnait pas les éléments factuels justifiant l’absence de bonne foi, comme l’exige la circulaire du 17 janvier 2023. Ils ont également présenté des éléments nouveaux, tels que des décisions administratives et la recevabilité du dossier de surendettement de leur fils. Arguments des époux [X]Les époux [X] ont soutenu qu’ils n’avaient jamais eu l’intention de ne pas rembourser leurs crédits et que leur situation de surendettement était due à des pertes de revenus causées par des décisions du rectorat. Ils ont également mentionné des remboursements effectués et une amélioration de la situation financière de Madame [L] [B]. Audience et absence des époux [X]Lors de l’audience du 10 septembre 2024, les époux [X] n’ont pas comparu, mais ont envoyé une lettre au tribunal demandant l’annulation de la décision d’irrecevabilité et la recevabilité de leur dossier de surendettement, en mettant en avant de nouveaux éléments de bonne foi. Position des époux [A]Les époux [A] ont demandé au tribunal de confirmer la décision d’irrecevabilité et d’actualiser leur créance locative à 66 069,87 euros. Ils ont soutenu que les éléments de mauvaise foi des époux [X] demeuraient valables. Éléments de la décision judiciaireLe tribunal a examiné la recevabilité du recours des époux [X], qui a été jugé recevable. Il a également analysé la bonne foi des époux [X] en tenant compte des éléments nouveaux présentés, ainsi que de leur situation financière actuelle. Conclusion du tribunalLe tribunal a déclaré recevable la demande de surendettement des époux [X] et a renvoyé le dossier à la commission de surendettement, tout en rejetant la demande de condamnation des époux [A] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Les dépens ont été laissés à la charge du Trésor Public. |
Quelles sont les conditions de recevabilité d’une demande de surendettement selon le Code de la consommation ?
La recevabilité d’une demande de surendettement est régie par l’article L711-1 du Code de la consommation, qui stipule que « le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.
La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir.
Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.
Pour être recevable, le débiteur doit donc remplir trois conditions essentielles :
1. Être de bonne foi,
2. Être en situation de surendettement,
3. Ne pas relever d’une autre procédure collective.
La bonne foi est présumée, et la mauvaise foi doit être prouvée par les créanciers.
Il est donc crucial d’examiner les circonstances entourant l’endettement et le comportement du débiteur pour déterminer la bonne foi.
En cas de refus de la demande de surendettement pour mauvaise foi, le débiteur peut toujours présenter une nouvelle demande, à condition de prouver des éléments nouveaux ayant modifié sa situation depuis la décision précédente.
Comment la bonne foi est-elle appréciée dans le cadre d’une procédure de surendettement ?
La bonne foi est une notion clé dans l’appréciation des demandes de surendettement. Selon l’article L711-1 du Code de la consommation, le débiteur doit prouver sa bonne foi pour bénéficier des mesures de traitement des situations de surendettement.
La bonne foi est présumée, mais la mauvaise foi doit être prouvée par les créanciers.
Le juge doit examiner l’ensemble des éléments soumis au dossier pour déterminer si le débiteur a agi de manière à dissimuler sa réelle situation ou s’il a entrepris des efforts pour améliorer sa situation.
La jurisprudence a établi que la bonne foi peut être reconnue même en cas de souscription de plusieurs prêts, tant que cela ne résulte pas d’une volonté délibérée de créer une situation d’endettement excessif.
Il est également important de noter que la bonne foi est une notion évolutive, appréciée in concreto, et que le juge doit se baser sur les circonstances particulières de chaque cas.
Ainsi, des éléments nouveaux, tels que des changements de situation professionnelle ou des remboursements de dettes, peuvent influencer l’appréciation de la bonne foi du débiteur.
Quelles sont les conséquences d’une décision d’irrecevabilité en matière de surendettement ?
Une décision d’irrecevabilité en matière de surendettement a des conséquences significatives pour le débiteur. Selon l’article R. 722-1 du Code de la consommation, la commission de surendettement doit motiver sa décision d’irrecevabilité, qui est notifiée au débiteur.
Cette décision peut faire l’objet d’un recours dans un délai de quinze jours suivant sa notification.
Si le recours est jugé recevable, le tribunal peut examiner le bien-fondé de la demande de surendettement.
En cas de confirmation de l’irrecevabilité, le débiteur se voit refuser l’accès aux mesures de traitement de la situation de surendettement, ce qui peut aggraver sa situation financière.
De plus, si le débiteur a déjà été déclaré en mauvaise foi dans une précédente demande, cette décision a autorité de chose jugée, ce qui complique davantage la possibilité de présenter une nouvelle demande.
Il est donc crucial pour le débiteur de prouver des éléments nouveaux ou de démontrer que sa situation a changé depuis la dernière décision pour espérer une issue favorable.
Quels éléments peuvent être considérés comme des éléments nouveaux dans une demande de surendettement ?
Les éléments nouveaux dans une demande de surendettement sont des faits ou des circonstances qui n’étaient pas pris en compte lors de la précédente décision d’irrecevabilité.
Ces éléments doivent être de nature à modifier l’appréciation de la situation du débiteur.
Par exemple, un changement de situation professionnelle, comme une nouvelle embauche ou une augmentation de revenus, peut être considéré comme un élément nouveau.
De même, des remboursements significatifs de dettes ou des décisions judiciaires favorables dans des litiges antérieurs peuvent également être pris en compte.
Il est essentiel que ces éléments soient documentés et prouvés par le débiteur lors de la nouvelle demande.
La jurisprudence a également reconnu que des changements dans la situation familiale, comme la prise en charge d’une dette par un tiers ou des changements dans les charges familiales, peuvent constituer des éléments nouveaux.
En somme, tout changement substantiel dans la situation financière ou personnelle du débiteur peut être considéré comme un élément nouveau, à condition qu’il soit pertinent et documenté.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
de VERSAILLES
[Adresse 7]
[Localité 11]
Tél : [XXXXXXXX01]
[Courriel 42]
SURENDETTEMENT
N° RG 24/00015 – N° Portalis DB22-W-B7I-R74A
BDF N° : 000124004072
Nac : 48A
JUGEMENT
Du : 13 Novembre 2024
[W] [X],
[L] [B] épouse [X]
C/
[25],
CA [30], [23], [37],
[E] [A], [41](STE [34]),
[26], [36],
[47],
[21],
[O] [T]
expédition exécutoire
délivrée le
à
expédition certifiée conforme
délivrée par LRAR aux parties et par LS à la commission de surendettement des particuliers
le :
Minute : 24/565
JUGEMENT
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le 13 Novembre 2024 ;
Sous la Présidence de Viviane BRETHENOUX, Première Vice-Présidente au Tribunal Judiciaire de Versailles, chargée des fonctions de juge des contentieux de la protection statuant en matière de surendettement, assistée de MORVAN Julie, Greffière placée ;
Après débats à l’audience du 10 Septembre 2024, le jugement suivant a été rendu ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
M. [W] [X]
[Adresse 4]
[Localité 16]
non comparant, ni représenté
Mme [L] [B] épouse [X]
[Adresse 4]
[Localité 16]
non comparante, ni représentée
ET :
DEFENDEUR(S) :
[25]
Chez [27]
[Adresse 33]
[Localité 9]
non comparante, ni représentée
[24]
[18]
[Adresse 22]
[Localité 10]
non comparante, ni représentée
[23]
[17]
[Adresse 46]
[Localité 9]
non comparante, ni représentée
[37].
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 15]
non comparante, ni représentée
[35]
SERVICE SURENDETTEMENT
[Adresse 32]
[Localité 6]
non comparante, ni représentée
M. [E] [A]
[Adresse 2]
[Localité 12]
représenté par Me Nathalie JOURDE-LAROZE, avocat au barreau de VERSAILLES
[41](STE [34])
Chez [24]
[Adresse 19]
[Localité 10]
non comparante, ni représentée
[26]
Chez [Localité 40] CONTENTIEUX
[Adresse 5]
[Localité 14]
non comparante, ni représentée
[28]
CHEZ [43]
[Adresse 31]
[Localité 9]
non comparante, ni représentée
[36]
CHEZ [27]
[Adresse 33]
[Localité 9]
non comparante, ni représentée
[47]
Service Recouvrement
[Adresse 45]
[Localité 15]
non comparante, ni représentée
[21]
Chez [Localité 40] Contentieux
[Adresse 5]
[Localité 14]
non comparante, ni représentée
M. [O] [T]
[Adresse 3]
[Localité 13]
non comparant, ni représenté
A l’audience du 10 Septembre 2024, le Tribunal a entendu les parties et mis l’affaire en délibéré au 13 Novembre 2024.
Le 29 janvier 2024, Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X] ont saisi pour la troisième fois la [29] de leur situation de surendettement.
Deux jugements précédents en date des 11 mars 2022 et 21 décembre 2023 ont déclaré leurs demandes en surendettement irrecevables pour absence de bonne foi.
Leur nouvelle demande a été déclarée irrecevable par la commission de surendettement le 19 février 2024 pour absence de bonne foi en référence au jugement de décembre 2023. Cette décision a été notifiée à Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X] (ci-après les époux [X]) le 24 février 2024.
Par lettre recommandée envoyée le 4 mars 2024, les époux [X] ont formé un recours contre cette décision d’irrecevabilité de leur demande de traitement de leur situation de surendettement.
En substance, les époux [X] reprochent à la décision d’irrecevabilité de ne pas mentionner les éléments factuels caractérisant l’absence de bonne foi, contrairement aux termes de la circulaire du 17 janvier 2023.
Ils évoquent également des éléments nouveaux justifiant le nouveau dépôt d’un dossier de surendettement, à savoir :
– des décisions définitives intervenues dans les procédures contentieuses administratives à l’encontre du rectorat et des mesures d’exécution,
– la recevabilité du dossier de surendettement de leur fils [V] ayant pour conséquence de supprimer la créance de Monsieur [O] [T] d’un montant de 26 082 euros.
Ils rappellent encore qu’ils n’ont pas souscrit les crédits en ayant l’intention de ne pas les rembourser. Ils ajoutent qu’ils sont passés d’une situation d’endettement supportable à une situation de surendettement qui s’est manifestée à partir du mois de juillet 2018 suite à des pertes de revenus dans le cadre de l’éviction de Monsieur [W] [X] du lycée [38] de [Localité 44], de la suspension de son traitement et de l’annulation de son congé longue maladie décidées par le rectorat à l’encontre desquelles ils ont intenté des procédures administratives. Ils étaient sûrs de pouvoir rembourser les crédits avec les dédommagements qu’ils obtiendraient des décisions du rectorat qu’ils estiment fautives.
Les parties ont été convoquées par lettre recommandée avec avis de réception à l’audience du 10 septembre 2024.
A l’audience, les époux [X] n’ont pas comparu. Ils ont écrit au tribunal par lettre en date du 30 juillet 2024 en sollicitant du tribunal de bien vouloir :
– annuler la décision d’irrecevabilité de la [29] en date du 19 février 2024,
– et déclarer la recevabilité de leur dossier de surendettement.
Les époux [X] expliquent que de nouveaux éléments viennent au soutien de leur bonne foi en établissant qu’ils n’avaient pas souscrits les crédits ayant entraîné leur situation de surendettement à partir du mois de juillet 2018, avec l’intention de ne pas pouvoir les rembourser mais que leurs difficultés de remboursement s’expliquent principalement par le comportement fautif du rectorat de l’académie de [Localité 11].
Ils ajoutent que les décisions illégales du rectorat de l’académie de [Localité 11] (congés d’office, suspension de traitement et congés de longue maladie d’office) sont à l’origine de leur situation de surendettement et que le rectorat a refusé de tirer les conséquences financières de ces décisions jusqu’au début de l’année 2024. Ils précisent que ces décisions illégales ont fait perdre à Monsieur [W] [X] le tiers de ses revenus, ont retardé l’évolution de sa carrière et ont provoqué une sérieuse dégradation de son état de santé l’empêchant de réaliser certaines mutations.
Ils soutiennent que la souscription des crédits, qui a entraîné leur situation de surendettement à partir du mois de juillet 2018, était fondée sur la certitude de pouvoir les rembourser, étant donné que l’illégalité des décisions rectorales impliquait nécessairement des réparations financières.
Ils relèvent qu’ils n’ont jamais eu l’intention de se mettre volontairement en situation de surendettement.
Ils font état des remboursements de la dette locative et des prêts.
Ils ajoutent que la recevabilité du dossier de surendettement de leur fils [V] [X] dont Monsieur [W] [X] était caution et qui a été placé sous tutelle entraîne la soustraction de cette dette de leur état des créances.
Monsieur [W] [X] précise que les revenus de son épouse, qui s’élèvent actuellement à la somme de 4 000 euros nets avant impôts, ont augmenté et qu’elle va chercher un appartement plus petit et moins cher en raison de l’installation de son époux en Guyane afin de diminuer le montant de son loyer de 1 254,73 euros.
Ils ont également écrit au tribunal par lettre en date du 9 septembre 2024. Ils indiquent notamment que Monsieur [W] [X] a été muté en Guyane au lycée [39] de [Localité 16] et est installé dans cette commune depuis le 31 juillet 2024. Ils précisent que cette nouvelle situation vient au soutien de leur bonne foi estimant que les effets néfastes sur la santé de Monsieur [W] [X] des décisions illégales du rectorat ont empêché la réalisation de ce projet pour la rentrée de septembre 2015, soit neuf ans plus tôt, ce qui leur aurait permis d’éviter de se retrouver dans une situation de surendettement à partir du mois de juillet 2018.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues à l’audience du 10 septembre 2024, Monsieur [E] [A] et Madame [U] [J], épouse [A] (ci-après les époux [A]), sollicitent du tribunal de :
– recevoir les époux [A] en leurs conclusions, et les y disant bien fondés,
– A titre principal, confirmer la décision d’irrecevabilité au bénéfice du surendettement prise par la [20] le 19 février 2024,
– Subsidiairement, actualiser la dette locative à la somme de 66 069,87 euros au 3 septembre 2024 inclus avant renvoi à la Commission de surendettement,
– condamner les époux [X] à payer aux concluants la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les éventuels dépens de l’instance.
Au soutien de leurs demandes, les époux [A] représentés par leur avocate lors de l’audience du 10 septembre 2024, actualisent le montant de leur dette à la somme de 66 069,87 euros au 3 septembre 2024, précisent que les causes de la mauvaise foi existent toujours et s’en rapportent à leurs conclusions.
A l’audience, les autres créanciers n’ont pas comparu, certains d’entre eux ayant fait parvenir un courrier faisant état de leur créance et/ou de ce qu’ils s’en remettent à la décision du tribunal.
L’affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2024 par mise à disposition au greffe.
1- Sur la recevabilité du recours
L’article R. 722-1 du code de la consommation dispose : « La commission examine la recevabilité de la demande et se prononce par une décision motivée. La décision de recevabilité est notifiée au débiteur, aux créanciers, aux établissements de paiement et aux établissements de crédit teneurs de comptes du déposant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La décision d’irrecevabilité est notifiée au seul débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La lettre de notification indique que la décision peut faire l’objet d’un recours, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au secrétariat de la commission. ».
Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X] ont reçu notification de la décision de la commission le 24 février 2024 et a exercé un recours le 4 mars 2024.
Ce recours, ayant été formé dans le délai précité, est par conséquent recevable.
2- Sur le bien-fondé du recours
a – Sur la procédure
Sur la décision d’irrecevabilité de la commission de surendettement
Par décision en date du 19 février 2024, la commission de surendettement a prononcé l’irrecevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement des époux [X] pour le motif suivant : « Absence de bonne foi. La Commission respecte la décision du jugement de décembre 2023. ».
Dans leurs recours en date du 4 mars 2024 contre la décision d’irrecevabilité de la commission de surendettement en date du 19 février 2024, les époux [X] font observer que la commission a indiqué de manière laconique l’absence de bonne foi. Ils se fondent sur la circulaire du 17 janvier 2023 qui précise que l’absence de bonne foi relevée par la commission, et les éléments factuels la caractérisant, doivent figurer dans la décision d’irrecevabilité et sur l’article R 722-1 du code de la consommation. Ils estiment que la décision d’irrecevabilité ne pouvait se fonder sur le simple renvoi au jugement du 21 décembre 2023.
Aux termes de l’article R. 722-1 du code de la consommation, la commission examine la recevabilité de la demande et se prononce par une décision motivée.
La décision d’irrecevabilité de la commission en date du 19 février 2024 est motivée par l’absence de bonne foi et par référence au jugement du 21 décembre 2023 qui contient les considérations de droit et de fait.
Dès lors, l’exception de nullité de la décision de la commission soulevée par les époux [X] doit être rejetée.
Il convient de rappeler aux époux [X] que la procédure de surendettement ne concerne pas uniquement un débiteur et la commission de surendettement mais bien l’ensemble des créanciers déclarés à la procédure qui deviennent défendeurs lorsqu’un recours est exercé par le débiteur.
Le demandeur du recours se doit ainsi de respecter le principe du contradictoire énoncé par l’article 15 du code de procédure civile.
En cas de recours contre une décision d’irrecevabilité, le juge doit convoquer ou recueillir les observations de toutes les parties, y compris des créanciers, même si cette décision n’est notifiée qu’au seul débiteur conformément à l’article R. 722-1 du code de la consommation (2e Civ., 21 janvier 2016, n°15 15.761).
Dès lors, les convocations aux audiences en matière de surendettement sont adressées à toutes les parties avec une copie du recours. En l’espèce, le recours des époux [X] en date du 4 mars 2024 était joint aux convocations à l’audience du 10 septembre 2024.
Par ailleurs, l’article R. 713-4 du code de la consommation dispose que : « Lorsque les parties sont convoquées, la procédure est orale. En cours d’instance, toute partie peut aussi exposer ses moyens par lettre adressée au juge à condition de justifier que l’adversaire en a eu connaissance avant l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile».
Sur l’autorité de la chose jugée du jugement du 21 décembre 2023
Dans leur recours du 4 mars 2024, les époux [X] évoquent l’absence d’autorité de la chose jugée du jugement du 21 décembre 2023 et précisent avoir déposé une demande d’aide juridictionnelle auprès de la Cour de cassation le 21 janvier 2024.
Sur interrogation du juge, les époux [X] ont confirmé ne pas avoir déposé un pourvoi en cassation à l’encontre du jugement du 21 décembre 2023, ce qui a été confirmé par la Cour de cassation par courriel en date du 12 septembre 2024.
Dès lors, le jugement du 21 décembre 2023 est définitif et un nouveau dossier de surendettement pouvait être déposé, sous conditions examinées ci-dessous, alors que le juge des contentieux de la protection n’aurait pu se prononcer si un pourvoi était en cours dans l’attente de l’arrêt de la Cour de cassation.
b – Sur la bonne foi
Aux termes de l’article L711-1 du code de la consommation, « le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. (…) ».
Pour être recevable au bénéfice d’une procédure de surendettement, le débiteur doit donc réunir trois conditions, à savoir :
– être de bonne foi,
– être en situation de surendettement,
– et ne pas relever d’une autre procédure collective.
Il est rappelé que la bonne foi du débiteur est présumée et que la mauvaise foi doit s’apprécier au regard de l’ensemble des éléments soumis au juge et de la véracité des déclarations faites par le débiteur manifestant une éventuelle volonté de dissimulation de sa réelle situation, ou des efforts entrepris par ce dernier pour améliorer sa situation.
Ainsi, la bonne foi est personnelle à chaque débiteur et doit conduire le juge à rechercher la volonté réelle de ce débiteur au travers des éléments du dossier et de ceux qui lui sont soumis au moment où il statue et doit établir que les faits constitutifs de mauvaise foi sont en rapport avec la situation de surendettement.
La notion de bonne foi reste une notion évolutive et doit donc être appréciée in concreto, la notion de mauvaise foi pouvant être à la fois une mauvaise foi contractuelle, manifestée à l’égard d’un créancier lors de la souscription d’un contrat, mais aussi une mauvaise foi procédurale révélée à l’occasion de la procédure de surendettement.
L’exigence de bonne foi conduit à apprécier les circonstances dans lesquelles l’endettement a été contracté et le comportement du débiteur, notamment pour déterminer s’il avait conscience ou non de créer un endettement excessif ou d’aggraver son surendettement, sans avoir ni la possibilité, ni la volonté d’y faire face.
Il est constant que le bénéfice d’une procédure de surendettement peut être refusé au débiteur qui, en fraude aux droits de ses créanciers, a organisé ou aggravé son insolvabilité en augmentant son passif par des dépenses ou un appel répété aux moyens de crédit dans une proportion telle, au regard de ses ressources disponibles, qu’elle manifeste le risque consciemment pris de ne pas pouvoir exécuter ses engagements ou la volonté de ne pas pouvoir les exécuter.
Toutefois, il est également constant que la souscription successive de plusieurs prêts personnels ou crédits permanents, pour faire face à des difficultés persistantes (mensualités antérieures amputant trop largement le budget familial, nécessité de faire face aux dépenses courantes en cas de baisse de revenus…) n’est pas exclusive de bonne foi. La bonne foi a même été retenue au profit de « débiteurs imprévoyants ou insouciants qui ont vécu consciemment au-dessus de leurs moyens, mais sont devenus prisonniers d’une spirale d’endettement à laquelle ils n’ont pu se soustraire en dépit de leur bonne volonté » (CA Versailles, 13ème ch., 28 juin 1990 : D. 1991, p. 53).
Dès lors, le comportement du débiteur reste un élément primordial dans l’appréciation de cette notion.
Le juge ne peut pas statuer par voie de référence à des causes déjà jugées et doit se déterminer, pour apprécier la bonne foi du débiteur, d’après les circonstances particulières de la cause, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis au jour où il statue.
Enfin, si une précédente décision a constaté l’irrecevabilité à la procédure de surendettement d’un débiteur pour mauvaise foi, cette décision a autorité de chose jugée si le débiteur dépose un nouveau dossier de surendettement sans justifier d’éléments nouveaux dans sa situation depuis la décision précédente, de nature à conduire à une analyse différente.
Il appartient donc au débiteur présentant une nouvelle demande de rapporter la preuve de faits nouveaux ayant modifié sa situation depuis la précédente décision, de nature à conduire à une analyse différente.
L’absence de bonne foi n’est pas définitivement acquise et peut ainsi disparaître du fait de la survenance d’éléments nouveaux apparus postérieurement à la première demande, les juges appréciant souverainement la portée des éléments nouveaux qui leur sont soumis, pouvant ainsi également décider que la mauvaise foi du débiteur reste toujours d’actualité.
En l’espèce, le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 21 décembre 2023 a prononcé l’irrecevabilité de la demande en surendettement formée par Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X] le 29 janvier 2024 jugeant que les éléments nouveaux avancés par les époux [X] n’étaient pas de nature à modifier l’appréciation qui avait été faite quant à la caractérisation de leur mauvaise foi aux termes du jugement en date du 11 mars 2022.
Il a énoncé les agissements caractéristiques de la mauvaise foi des époux [X], à savoir la souscription d’un nombre très élevé de crédits en ayant nécessairement conscience de créer un endettement excessif ou d’aggraver leur surendettement sans avoir la possibilité d’y faire face, notamment à compter du 15 octobre 2012, date de la diminution des revenus de Monsieur [X] qu’il considère comme la cause de son surendettement, puisqu’à cette date leur endettement était déjà important (onze crédits à la consommation souscrits antérieurement et 22 postérieurement, selon l’état détaillé des dettes).
Le jugement du 21 décembre 2023 est en l’état définitif et revêtu de l’autorité de la chose jugée, de sorte qu’il convient d’apprécier si les époux [X] rapportent la preuve de la survenance d’éléments nouveaux de nature à remettre en cause les éléments ayant conduit à caractériser leur mauvaise foi.
Au demeurant, la situation des époux [X] a évolué.
Monsieur [W] [X] a été muté dans l’académie de Guyane au lycée [39] de [Localité 16] et vit dans cette commune depuis le 31 juillet 2024.
Dès lors, Monsieur [W] [X] travaille à nouveau et va percevoir des ressources tout en bénéficiant des avantages de l’outre-mer, augmentant ainsi sa capacité de remboursement.
Monsieur [W] écrit lui-même dans sa lettre en date du 30 juillet 2024 que les fonctionnaires de l’État exerçant en métropole et mutés en outre-mer bénéficient d’une nette augmentation de leurs revenus qui permet de faire des économies substantielles en adoptant un train de vie strict, comportement attendu de sa part.
Il ressort du décompte de la dette locative en date du 3 septembre 2024 que des versements d’un montant mensuel de 500 euros sont intervenus depuis le 29 janvier 2024 faisant diminuer la dette.
La poursuite du dossier de surendettement de leur fils [V] permettra également, en cas d’issue favorable, de supprimer la dette de caution.
Les paiements aux bailleurs et aux organismes de prêts démontrent la volonté des débiteurs de réduire leur endettement et constituent également des éléments de nature à avoir une incidence sur l’appréciation de leur bonne foi.
Les explications apportées sur leur certitude du succès des différents recours engagés contre le rectorat permettant de faire face aux crédits souscrits démontrent également l’absence de volonté de créer une situation de surendettement.
Ainsi, les paiements réalisés par Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X] en règlement de certaines dettes et la nouvelle situation professionnelle de Monsieur [W] [X] constituent des efforts entrepris par les débiteurs pour améliorer leur situation et des éléments nouveaux de nature à retenir, à ce jour, leur bonne foi.
En conséquence, les époux [A] échouant à démontrer la mauvaise foi de Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X], il y a lieu de déclarer la demande de traitement de sa situation de surendettement recevable et de renvoyer le dossier à la [29].
Compte tenu de la recevabilité, il convient de rejeter la demande de condamnation des époux [A] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Enfin, les dépens seront laissés à la charge du Trésor Public.
Le Juge des contentieux de la protection, statuant par jugement réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Déclare recevable en la forme le recours formé par Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X], contre la décision en date du 19 février 2024 de la commission de surendettement ;
SUR LE FOND,
Déclare recevable la demande en surendettement de Madame [L] [B], épouse [X] et Monsieur [W] [X] ;
Renvoie le dossier à la [29],
Rejette la demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que le présent jugement sera notifié aux parties par le Greffe par lettre recommandée avec avis de réception et que le dossier sera renvoyé à la commission avec une copie de la présente décision ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
LE GREFFIER LE PRESIDENT