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Une note émise par France Télévisions, régissant les conflits d’intérêts des journalistes de l’audiovisuel, a été déclarée inopposable à ses salariés, le document a été qualifié d’adjonction au règlement intérieur qui aurait dû faire l’objet d’une consultation.
La note diffusée intitulée ‘Articulation entre fonction au sein de France Télévisions et mandat électoral’ avait pour objet de compléter la charte éthique, la charte des antennes, l’accord collectif et le guide des bonnes pratiques sur les réseaux sociaux, intégrant un corpus plus large comprenant les recommandations du CSA et le cahier des charges de France Télévisions, dans l’objectif de prévenir les conflits d’intérêt résultant de l’engagement politique des journalistes salariés qui apportent une contribution éditoriale à l’antenne.
La note comportait plusieurs tableaux détaillant des règles d’interdiction, notamment sur le passage à l’antenne et la diffusion de contributions sur les réseaux sociaux, et de déclarations de conflits d’intérêts, fixées aux salariés de la société, de manière variable selon leur qualité de candidat, de soutien explicite, ou de conjoint, et selon le moment auquel l’obligation ou l’interdiction doit s’appliquer : avant les recommandations du CSA, après ces recommandations, pendant la campagne officielle, après l’élection, et selon la nature du poste : présentateur, autre collaborateur contribuant éditorialement à l’antenne, encadrement éditorial.
Poursuivant l’objectif de compléter les principes déontologiques déjà énoncés dans plusieurs textes internes et réglementaires, la société France Télévisions a ainsi défini pour les journalistes s’engageant dans un démarche électorale, ou conjoints de candidats ou d’élus, des règles nettement plus précises que les guides qu’elle estimait devoir compléter, qui énonçaient des règles générales de conduite.
Il ressortait à l’évidence de l’examen de ces documents que la société France Télévisions a mis en place des règles générales et permanentes applicables à l’ensemble de ses collaborateurs, comportant un risque disciplinaire, corollaire du non-respect des interdictions et obligations édictées par la note et son annexe. A ce titre, la note était soumise aux exigences de l’article L. 1321-4 du code du travail, nécessitant la consultation des élus du comité social et économique pour avis, supposant une démarche de concertation préalable sur la pertinence et l’adaptation des règles énoncées par ce document, procédure qui n’a pas été engagée par la société qui s’est limitée à une simple information du CSE du réseau France 3 en novembre 2019.
La société France Télévisions a invoqué en vain une circulaire du ministère du travail du 19 novembre 2008 relative aux chartes éthiques, qui loin d’écarter ces chartes du champ du règlement intérieur, énonçait au contraire la complexité de la portée juridique de ces documents, qui selon cette administration, nécessitent un examen du contenu des mesures prises par l’employeur pour leur qualification juridique.
La société se prévalait à tort d’un engagement unilatéral de l’employeur qui prescrit une sujétion nouvelle pour les salariés, permise en dehors du cadre du règlement intérieur, une telle argumentation devant être rejetée dès lors que la note litigieuse comporte dans son contenu des règles générales et précises en matière de conflits d’intérêts et d’engagement électoral des journalistes ou de leurs conjoints, cette note ayant bénéficié d’une large diffusion auprès de l’ensemble des managers de la société peu avant la période électorale de mars 2020.
Le non-respect de la procédure organisée par l’article L. 1321-4 du code du travail en matière de règlement intérieur, permet au juge des référés de constater le trouble manifestement illicite résultant de la mise en oeuvre de la note dès sa diffusion, sans consultation préalable du comité social et économique ni communication à l’inspection du travail et respect des formalités de publicité.
Pour mémoire, l’article L. 1321-1 du code du travail énonce que le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe exclusivement :
1° Les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l’entreprise ou l’établissement, notamment les instructions prévues à l’article L. 4122-1 ;
2° Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l’employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu’elles apparaîtraient compromises ;
3° Les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.
L’article L. 1321-5 du code du travail ajoute que les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L. 1321-1 et L. 1321-2 sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre.
L’article L. 1321-2-1 précise en outre que le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché.
Enfin l’article L. 1321-4 édicte des règles devant être observées préalablement à la mise en oeuvre du règlement intérieur qui doit être soumis à l’avis du comité social et économique et au respect de formalités de dépôt et de publicité, au plus tard un mois avant son entrée en vigueur.
Le règlement intérieur doit être communiqué à l’inspecteur du travail avec l’avis du comité social et économique.
Ces dispositions s’appliquent également en cas de modification ou de retrait des clauses du règlement intérieur.