Par contrat du 15 mars 2006, plusieurs parties ont convenu de la construction d’une maison individuelle par la SA MAISONS FRANCE CONFORT, pour un montant total de 145.044 euros TTC. La réception de l’ouvrage a eu lieu le 23 juillet 2008, avec des réserves. En 2015, un sinistre a été déclaré pour des remontées d’humidité, suivi d’autres déclarations en 2017 et 2018 concernant des dégradations de la façade. Les consorts [N] / [A] / [V] ont assigné la SA HEXAOM et la SA AXA devant le tribunal pour obtenir réparation de préjudices liés à des inondations récurrentes, demandant des indemnités pour divers préjudices matériels et moraux. Le tribunal a condamné la SA HEXAOM et la SA AXA à verser des sommes pour les préjudices matériels, tout en déboutant certaines demandes des consorts et de la SA HEXAOM. La société MAAF a été condamnée à relever indemne HEXAOM et AXA pour un préjudice spécifique. Les frais de justice ont également été répartis entre les parties.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
DE DRAGUIGNAN
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Chambre 3 – CONSTRUCTION
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DU 08 Octobre 2024
Dossier N° RG 18/04817 – N° Portalis DB3D-W-B7C-IC47
Minute n° : 2024/269
AFFAIRE :
[U] [N], [I] [P] [N] née [A], [Z] [V] C/ La S.A HEXAOM anciennement dénommée S.A.S. MAISONS FRANCE CONFORT, S.A. AXA FRANCE IARD, en saqualité d’assureur de la SAS MAISONS FRANCE CONFORT, Société POGGIOLI/VADELL, S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, [X] [D], ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la Société LSTP, S.A. MAAF ASSURANCES
JUGEMENT DU 08 Octobre 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
PRÉSIDENT : Monsieur Frédéric ROASCIO
JUGES : Monsieur Guy LANNEPATS
Madame Olivia ROSE
GREFFIER : Madame Peggy DONET, Greffier
DÉBATS :
A l’audience publique du 11 juin 2024
A l’issue des débats, les parties ont été avisées que le jugement serait prononcé par mise à disposition au greffe le 10 septembre 2024, puis prorogé au 26 septembre 2024, puis prorogé au 08 octobre 2024.
JUGEMENT :
Rendu après débats publics par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en premier ressort.
copie exécutoire à :
Me DE CAZALET
Me FOURMEAUX
Me ADAGAS-CAOU
Me LEFEBVRE
Me GUENOT
Délivrées le 08 Octobre 2024
Copie dossier
NOM DES PARTIES :
DEMANDEURS :
Madame [U] [N], demeurant [Adresse 7]
Madame [I] [P] [N] née [A], demeurant [Adresse 7]
Monsieur [Z] [V], demeurant [Adresse 7]
représentés par Maître Annabelle LEFEBVRE, avocat au barreau de TOULON
D’UNE PART ;
DÉFENDEURS :
La S.A HEXAOM anciennement dénommée S.A.S. MAISONS FRANCE CONFORT, dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Cyril DE CAZALET de la SELARL BLUM-ENGELHARD-DE CAZALET, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A. AXA FRANCE IARD, en saqualité d’assureur de la SAS MAISONS FRANCE CONFORT, dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Sébastien GUENOT de la SCP SEBASTIEN GUENOT, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
Société POGGIOLI/VADELL, dont le siège social est sis [Adresse 5]
Non représentée
S.A. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Maître Jean Philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat postulant au barreau de DRAGUIGNAN et Maître Jean Jacques DEGRYSE de la SELARL CABINET DEGRYSE MASSUCO, avocat plaidant au barreau de Toulon
Maître [X] [D], ès-qualités de mandataire judiciaire à la liquidation de la Société LSTP, demeurant [Adresse 4]
non représenté
S.A. MAAF ASSURANCES, dont le siège social est sis [Adresse 6], prise en la personne de son représentant légal en exercice.
représentée par Maître Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
D’AUTRE PART ;
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat sous seing privé du 15 mars 2006, Monsieur [N] [F], Madame [N] [U], Madame [A] épouse [N] [I] [P] et Monsieur [V] [Z] ont convenu de la construction par la SA MAISONS FRANCE CONFORT (la SA HEXAOM suivant sa nouvelle dénomination) d’une maison individuelle de type « Olivia 115 Confort » sur le lot 6 du [Adresse 7] » à [Localité 8] d’une superficie de 1202 m2.
Le montant total de la construction a été fixé à 145.044 euros TTC, comprenant un prix forfaitaire révisable de 136.804 euros TTC, pour la rémunération de tout ce qui serait à la charge du constructeur en ce compris le coût de la garantie de livraison, et un prix de 8.240 euros TTC, correspondant aux travaux à la charge du maître de l’ouvrage.
La SA AXA ASSURANCES IARD (la SA AXA) a été désignée comme assureur responsabilité civile professionnelle et décennale. Le constructeur a en outre été mandaté pour obtenir l’assurance « dommages-ouvrage » obligatoire dont le coût était compris dans le prix convenu.
Il a été prévu que les travaux commenceraient dans le délai de trois mois à compter de la réalisation des conditions suspensives dans les 24 mois après la signature du contrat et que la durée d’exécution des travaux serait de 12 mois à compter de l’ouverture du chantier.
Le contrat a été assorti d’une notice descriptive de travaux.
Pour la réalisation des travaux, la SA MAISONS France CONFORT a notamment sous-traité avec trois entreprises distinctes :
– avec la société SDF POGGIOLI/VADELL pour le lot terrassement par contrat signé le 15 juillet 2009 ;
– avec la société EMA pour le lot plomberie par contrat signé le 02 février 2007, assurée auprès de la société d’assurances mutuelles MAAF (la MAAF), mais radiée depuis le 17 juin 2013 ;
– avec la société LSTP pour le lot assainissement drainage par contrat signé le 11 juillet 2008, qui est en liquidation judiciaire et assurée pour la responsabilité civile décennale auprès de la société d’assurances mutuelles MMA (la MMA).
La réception de l’ouvrage a été prononcée le 23 juillet 2008 avec des réserves sans rapport avec le présent litige.
Le 10 février 2015, Mme [N] a déclaré un sinistre auprès de l’assureur « dommages-ouvrage » s’agissant de remontées d’humidité sur le placo dans le séjour et la cuisine. Selon notification de garantie en date du 08 avril 2015, l’assureur « dommages-ouvrage » a accepté de prendre en charge les travaux de reprise ayant pour objet de mettre fin à une fuite sur le réseau d’eau froide encastrée à l’origine des remontées d’humidité.
Le 27 avril 2017, un nouveau sinistre a été déclaré auprès de la SA AXA. L’assureur « dommages-ouvrage » a adopté une position de non-garantie du désordre trouvant son origine dans la fuite précédemment identifiée et indemnisée.
Le 29 mai 2018, une nouvelle déclaration de sinistre a été faite suite à une dégradation de la façade entraînant des décollements ainsi que la présence de fissures et de moisissures.
Suivant exploit d’huissier en date du 11 juillet 2018, Madame [N] [U], Madame [N] née [A] [I] [P] et Monsieur [V] [Z] (les consorts [N] / [A] / [V]) ont fait assigner la SA HEXAOM et la SA AXA devant le Tribunal de grande instance de Draguignan aux fins d’obtenir l’indemnisation de leurs préjudices causés par un phénomène d’inondation récurrente de leur construction pour un montant de 30.000 euros, outre 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Suivant acte en date du 20 juillet 2018, la SA HEXAOM a appelé en cause les intervenants à l’acte de construire, à savoir la SA AXA, assureur dommages-ouvrage et décennal, la société POGGIOLI/VADELL, sous-traitant en charge du lot terrassement et drains, la société QEP, sous-traitant en charge du lot de gros œuvre, la société EMA, sous-traitant du lot plomberie, assurée par la SA MAAF, la société DA CRUZ, sous-traitant du lot cloisons et doublages, et la société LSTP, chargée de travaux ponctuels de drainage, assurée par MMA et en cours de liquidation, ainsi que Maître [X] [D] en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société LSTP.
Par ordonnance rendue le 11 janvier 2019, le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux instances.
Suivant ordonnance du 03 septembre 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande provision faute d’avoir établi l’existence d’une obligation non sérieusement contestable et Madame [G] [S] a été désignée en qualité d’expert suite à un incident de mise en état sollicité par les consorts [N] / [A] / [V]. Sa mission a été fixée comme suit :
– rechercher les conventions verbales et écrites entre les parties, étudier les documents contractuels et les annexer a son rapport ;
– se rendre sur les lieux sis [Adresse 7] au [Localité 8], examiner et décrire les travaux réalisés par la SA MAISONS FRANCE COMFORT et pour son compte ;
– indiquer la date d‘ouverture du chantier, les dates d‘exécution et d’achèvement des travaux, la date de prise de possession, le cas échéant les dates des procès-verbaux de réception, en mentionnant les réserves éventuellement formulées, ainsi que la notification écrite des désordres qui se sont révélés postérieurement à la réception ;
– dire si les travaux réalisés présentent les malfaçons, non-façons, ou non conformités aux normes techniques en vigueur, ou aux conventions entre les parties, visées dans le constat d’huissier du 13 juin 2018 et l’assignation du 11 juillet 2018 ;
-si ces désordres sont constatés :
○les décrire ;
○en rechercher la cause, en précisant s’ils proviennent d’une erreur de conception, d’un vice de matériau, d’un défaut ou d’une erreur d’exécution, d’une mauvaise surveillance du chantier, négligence dans l‘entretien ou l’exploitation des ouvrages ou de toute autre cause ;
○dire s’ils sont imputables à des vices apparents ou cadres lors de la prise de possession, ou lors des procès-verbaux de réception ;
○dans l‘hypothèse où les vices auraient été cachés, préciser la date à laquelle ils se sont révélés ;
○préciser la nature des désordres en donnant notamment son avis sur les points suivants :
•si l’entrepreneur a satisfait à la garantie biennale de parfait achèvement, en procédant à la réparation des désordres signalés, lors de la réception ou par notification écrite postérieure ;
•s’il a été satisfait à la garantie biennale de bon fonctionnement des éléments d’équipement de l’ouvrage ne faisant pas accord avec lui ;
•si les désordres constatés compromettent la solidité de l’ouvrage ou l’affectent dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ces éléments d’équipement, et le rendent impropre à sa destination ; dire si les éléments d’équipement défectueux font ou non indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert.
○fournir tous éléments de nature à permettre de déterminer les responsabilités encourues par chacune des parties ;
○identifier les travaux de reprise à réaliser, et en chiffrer le coût après avoir sollicité des parties la remise de devis qui seront examinés par l’expert et annexes à son rapport ;
○donner toute indication relative au préjudice subi par [U] [N], [I] [P] [N], [Z] [V], notamment leur préjudice de jouissance, en précisant la durée des travaux de reprise ;
○en cas d’urgence, proposer les travaux indispensables qui seront réalisés par la partie demanderesse à ses frais avancés ;
○proposer un compte entre les parties ;
○faire toute observation jugée utile à la manifestation de la vérité.
Un premier accedit a été fixé le 03 février 2021, l’expert a préconisé la réalisation d’investigations complémentaires et le versement d’une provision complémentaire d’un montant de 9.900 euros.
Le 15 décembre 2021, en l’absence de règlement de la provision complémentaire, l’expert a déposé son rapport.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2023, les consorts [N] / [A] / [V] ont, sur le fondement des articles 1147, 1792 et 1792-4 du Code Civil ainsi que de l’article L. 241-1 du Code des Assurances, demandé au Tribunal de :
-A titre principal :
○juger que le maître de l’ouvrage a réceptionné les ouvrages litigieux le 23 juillet 2008 après que le constructeur, ayant reconnu sa responsabilité dans le phénomène d’inondation récurrente du bâti, avait réalisé un drain ;
○juger la responsabilité décennale non prescrite de la SA HEXAOM qui est engagée pour les dommages décennaux affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ;
○juger que le maître de l’ouvrage subit du fait de ces désordres d’inondations et de ses conséquences un préjudice actuel et certain résultant des conditions d’occupation et de la perte de valeur évidente en cas de revente du bien ;
○juger que la SA HEXAOM a engagé sa responsabilité civile décennale et qu’ainsi la police responsabilité civile décennale auprès de la SA AXA selon contrat n° 915 806 104 est mobilisable ;
○juger que la SA HEXAOM est fautive et de mauvaise foi en ce qu’elle a refusé la communication de pièces sollicitées par l’expert judicaire lors des opérations expertales ;
○condamner in solidum la SA HEXAOM et son assureur responsabilité civile décennale la SA AXA à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 42.000 € en réparation du préjudice matériel ;
○condamner in solidum la SA HEXAOM et son assureur responsabilité civile décennal la SA AXA à payer à aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 18.260 € en réparation du préjudice matériel subi dans la cuisine.
-A titre subsidiaire :
○juger que le maître de l’ouvrage a réceptionné les ouvrages litigieux le 23 juillet 2008 après que le constructeur, ayant reconnu sa responsabilité dans le phénomène d’inondation récurrente du bâti, avait réalisé un drain ;
○juger la responsabilité civile non prescrite de la SA HEXAOM qui est engagée pour les dommages décennaux affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ;
○juger que le maître de l’ouvrage subit du fait de ces désordres et de ses conséquences un préjudice actuel et certain résultant des conditions d’occupation et de la perte de valeur évidente en cas de revente du bien ;
○juger que la SA HEXAOM a engagé sa responsabilité civile contractuelle en :
■ s’abstenant de faire une étude de sol avant construction et pendant construction ;
■ mettant en place un système de drainage inefficace avant réception et après réception ;
■ commettant une faute d’altimétrie ;
■ en procédant à des remodelages de surface opérés lors de la construction sur des terrains argileux provenant des terrassements régalés en surface en substitution des terrains de couverture peut être plus perméables.
○Condamner in solidum la SA HEXAOM et son assureur responsabilité civile décennale la SA AXA à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 42.000 euros en réparation du préjudice matériel ;
○Condamner in solidum la SA HEXAOM et son assureur responsabilité civile décennale la SA AXA à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 18.260 euros en réparation du préjudice matériel subi dans la cuisine.
– En tout état de cause :
○juger que les concluants n’ont jamais perçu les sommes réclamées par la SA MAAF qui n’étaient que des propositions :
■3021,70 euros TTC correspondant au coût des travaux de réparation ;
■4950,00 euros TTC par une seconde indemnisation.
○débouter la SA HEXAOM et la SA AXA de leurs demandes, fins et conclusions ;
○juger prescrite la demande de règlement des 5 % réclamée par la SA HEXAOM ;
○condamner in solidum la SA HEXAOM et son assureur responsabilité civile décennale la SA AXA les défendeurs, à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice de jouissance ;
○condamner in solidum la SA HEXAOM et son assureur responsabilité civile décennale la SA AXA les défendeurs à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 15.000 euros, soit 5.000 euros pour chaque défendeur en réparation du préjudice moral ;
○condamner in solidum les défendeurs à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise ;
Au soutien de leurs demandes d’indemnisation, les consorts [N] / [A] / [V] se sont appuyés sur le rapport d’expertise ayant constaté les désordres à l’intérieur de la maison et préconisé des réparations pour remettre la maison en état. Ils ont mis en avant la validation dès 2018 de ces préconisations par la SA AXA, assureur dommages-ouvrage pour un montant de 25.811,36 euros TTC, mais le non-règlement de cette somme ayant conduit à l’impossibilité de financer les travaux et ainsi à l’impossibilité de déterminer les causes d’humidité. Ils ont ainsi reproché à la SA AXA sa mauvaise foi pour avoir refusé de régler la somme convenue et avoir ainsi volontairement empêché l’expert de pouvoir mener ses investigations complémentaires. Les demandeurs ont par ailleurs rappelé que la SA MAISONS FRANCE CONFORT devait assumer une mission complète de conception, réalisation et suivi des travaux et qu’elle n’a pas produit volontairement de nombreuses pièces réclamées par l’expert pour la réalisation de sa mission alors que la date maximale de remise de pièces avait été fixée au 11 mars 2021.
Les consorts [N] / [A] / [V] ont mis en avant les multiples problèmes rencontrés dans le cadre de l’exécution du chantier en lien avec l’incompétence des professionnels :
-le fait que malgré la présence d’un terrain argileux, le constructeur n’avait pas jugé utile de procéder à une étude de sol ;
-un problème d’altimétrie du bâti dès juin 2007 (différentiel d’environ 20 cm) suite à une erreur du bureau d’études du constructeur : la dalle du rez-de-chaussée était sous le niveau du terrain naturel ;
-pendant la réalisation du gros œuvre, l’envahissement du vide sanitaire par les eaux (plus de 20 cm) constaté par huissier le 05 décembre 2007 ;
-l’absence d’étude hydraulique malgré le caractère particulièrement sensible du site aux venues des eaux, telle que mise en avant le 23 mai 2008 par l’expert [T] mandaté par le constructeur à la demande des maîtres de l’ouvrage.
Les maîtres de l’ouvrage ont expliqué ne pas avoir réservé le poste de drainage à la réception du 23 juillet 2008, en ce qu’en tant que non-professionnels, ils avaient pensé que les travaux réalisés par coupure hydraulique grâce à un drain, tels que préconisés par l’expert [T], étaient efficaces pour remédier au problème précédemment constaté. Ils ont ainsi relevé que le vice n’était pas apparent au moment de la réception.
Pour retenir la responsabilité civile décennale de la SA HEXAOM, les demandeurs ont soutenu que la maison était devenue impropre à sa destination, en ce qu’elle n’était pas destinée à baigner sans discontinuer dans l’eau et en ce que la façade et les crépis avaient été détruits.
A titre subsidiaire, pour engager la responsabilité contractuelle de droit commun de la SA HEXAOM, les consorts [N] / [A] / [V] ont rappelé l’absence d’étude de sol et la faute d’altimétrie commise. Malgré l’intervention sur le drain de l’entreprise POGGIOLI-VADELL post-réception en juillet 2009, pour reprendre le drain qui fonctionnait mal et relier le drain au regard d’évacuation des eaux pluviales, les demandeurs se sont plaints d’un problème récurrent d’ennoyage du vide sanitaire et de saturation des sols autour de la maison, notamment constaté en mai 2021 pendant l’expertise, suite à un épisode pluvieux. Au vu des constatations faites six jours après l’épisode de pluie, les maîtres de l’ouvrage ont conclu qu’en l’absence de nappe phréatique en dessous du terrain, il pouvait être considéré que le terrain était devenu imperméable en raison des travaux de construction réalisés par la SA HEXAOM. Selon eux, le constructeur a commis une faute en remodelant la surface de la sorte alors que le terrain initial comportait une pente régulière, et en régalant en surface les terrains argileux provenant des terrassements en substitution des terrains de couverture peut-être plus perméables. Ils ont outre invoqué le rapport d’expertise qui a retenu les fautes commises par la SA HEXAOM, à savoir des fautes concernant l’altimétrie et le sur terrassement.
Pour justifier du montant réclamé à titre de réparation du préjudice matériel subi, les demandeurs se sont appuyés sur le rapport d’expertise et les devis de reprise au niveau du vide sanitaire pour des montants situés entre 41.833 euros et 42.570 euros, ainsi que le devis de reprise de la cuisine suite aux fuites du lot plomberie se chiffrant à 18.260 euros.
Pour justifier d’un préjudice de jouissance, ils ont fait état de l’ancienneté du dossier depuis la survenance du sinistre constaté par huissier le 05 décembre 2007.
Pour justifier d’un préjudice moral, ils ont mis en avant leur souffrance depuis toutes ces années en lien avec les conditions de la construction de la maison, mais surtout l’attitude du constructeur tant après la réception qu’au moment de l’expertise.
Pour conclure au débouté de la SA HEXAOM de sa demande de paiement des 5% du chantier restant dû, les demandeurs ont invoqué la prescription de la demande, en ce que la livraison a eu lieu en juillet 2008.
Pour finir, ils ont contesté avoir perçu une quelconque indemnisation de la part de la MAAF et ont fait sommation à la SA AXA et à la société d’assurances mutuelles MAAF d’avoir à produire la justification du règlement des montants avancés.
Par secondes conclusions notifiées par RPVA le 27 mars 2024, la SA HEXAOM a sollicité du Tribunal :
– A titre principal :
○constater que Madame [N] fait état de problème d’humidité et de présence d’eau survenus en cours de chantier et avant la réception de l’ouvrage ;
○constater qu’à la date du 23 juillet 2008, Madame [N] avait donc parfaitement connaissance des difficultés concernant sa construction ;
○constater qu’aucune réserve n’a été formulée lors de la livraison prononcée le 12 juillet 2018 ni dans les 8 jours suivants cette réception ;
○constater qu’en l’absence de détermination de la cause des désordres, la requérante n’est pas fondée à solliciter la responsabilité du constructeur. ;
○constater que Madame [N] sollicite la somme de 30.000 euros de manière purement arbitraire sans aucun rapport ni devis ;
○débouter Madame [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
○condamner Madame [N] à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.
-A titre subsidiaire :
○constater que la SA HEXAOM a sous-traité les travaux de terrassement, plomberie et drainage ;
○dire et juger que la décision à intervenir sera déclarée commune et opposable aux requis ;
○dire et juger bien fondé l’appel en garantie à l’encontre à la société SDF POGGIOLI VADELL, à l’encontre de la MAAF et de la MMA ;
○condamner les requis à relever et garantir la société HEXAOM de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;
○condamner tous succombants à payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens y compris les frais d’expertise.
Pour écarter toute responsabilité décennale, la SA HEXAOM a mis en avant :
-l’absence de réserve par les maîtres de l’ouvrage lors de la livraison, ni dans les 8 jours suivants la réception, alors qu’ils avaient parfaitement connaissance de l’existence de vices apparents, au vu des problèmes d’humidité et de présence d’eau survenus en cours de chantier et avant la réception de l’ouvrage ;
-la nature des désordres dont se plaignent les demandeurs, qui ne sont pas susceptibles de compromettre la solidité ou la destination de l’ouvrage, étant précisé que l’expert n’a pas pu se prononcer sur la nature des désordres :
○des fuites sur l’installation de plomberie qui ont eu pour conséquence la présence de traces, mais qui ont été résolues par la réparation effectuée en mai 2015, aucune humidité résiduelle n’étant à déplorer selon l’expert ;
○des traces d’humidité n’affectant que l’extérieur de l’ouvrage ;
○un défaut de calage altimétrique à l’origine d’une humidité anormale dans leur villa, alors que la présence d’humidité dans les murs a permis de constaté que ces derniers étaient secs.
Pour réclamer les 5% du prix consigné jusqu’à la levée des réserves, la SA HEXAOM a rappelé que les maîtres de l’ouvrage étaient tenus de procéder au règlement du solde 8 jours après la réception, soit dès le 1er août 2008, étant précisé que cette somme a produit intérêts de 1% par mois.
A titre subsidiaire, en cas de condamnation mise à sa charge, la SA HEXAOM a invoqué la responsabilité des sous-traitants tenus d’une obligation de résultat.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 21 septembre 2023, la SA AXA a demandé au Tribunal de :
– juger que les consorts [N] / [A] / [V] ne démontre pas le bien-fondé de leurs demandes de condamnation à hauteur d’une somme de 30.000 euros ;
– juger que les demandes des consorts [N] / [A] / [V] à l’encontre de la SA AXA, prise en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, sont irrecevables, dès lors que la SA AXA n’a pas été assignée en cette qualité ;
– juger que les consorts [N] / [A] / [V] ne démontre pas que le défaut d’implantation altimétrique examiné par l’expert judiciaire puisse être à l’origine de désordres affectant la solidité ou rendant la villa impropre à sa destination dès lors que l’expert judiciaire a indiqué qu’après avoir fait des mesures d’humidité que les murs étaient secs ;
– débouter les consorts [N] / [A] / [V] de leurs prétentions tendant à obtenir la condamnation des constructeurs au titre de ce désordre ;
– condamner sur le fondement des dispositions de l’article 1147 du Code civil la MAAF, assureur de la société EMA PLOMBERIE à relever et garantir la SA AXA de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre du chef des désordres et des conséquences liées à la fuite de l’installation de plomberie, lesquels relèvent de la responsabilité du sous-traitant de la SA HEXAOM ;
-condamner tout succombant au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ;
-condamner tout succombant aux entiers dépens que Maître Sébastien GUENOT pourra recouvrer sous sa due affirmation de droit.
A l’appui de ses conclusions, la SA AXA a tout d’abord rappelé avoir accepté de servir sa garantie en qualité d’assureur dommages ouvrage suite aux déclarations de sinistre faites par les consorts [N] / [A] / [V] et avoir ainsi mandat un cabinet d’expertise et formulé plusieurs propositions d’indemnisation et pour finir le 21 juin 2019, la somme de 21.219,66 euros TTC, auxquelles il n’a pas été donné de suite favorable par les maîtres de l’ouvrage malgré une sommation d’avoir à prendre position en date du 18 septembre 2019. Pour autant, elle a insisté sur l’absence d’obligation de préfinancement de sa part, et donc de mauvaise foi la concernant, n’ayant pas été au contradictoire de la mesure d’expertise.
Sur l’irrecevabilité des demandes formulées par les consorts [N] / [A] / [V] sur le fondement contractuel, la SA AXA a fait valoir qu’elle n’a pas été assignée en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, mais seulement en sa qualité d’assureur de la responsabilité civile décennale de la SA HEXAOM. Elle a en outre relevé la prescription de toute demande à son encontre sur le fondement de l’article L. 144-1 du Code des assurances.
S’agissant des demandes formulées par les consorts [N] / [A] / [V] à l’encontre de la SA AXA en qualité d’assureur décennal, cette dernière a mis en avant l’absence de constatation par l’expert du fait que le défaut d’implantation altimétrique était susceptible de compromettre la solidité ou la destination de l’ouvrage, au vu de la présence de traces d’humidité seulement à l’extérieur de l’ouvrage et de l’absence d’humidité résiduelle à l’intérieur depuis la réparation de l’installation de plomberie.
Quant au quantum des demandes des consorts [N] / [A] / [V], la SA AXA leur a reproché la production d’un devis unilatéral pour le chiffrage de leur préjudice matériel en l’absence de conclusions expertales sur ce point, et l’absence d’élément quelconque pour démontrer le préjudice moral invoqué.
En cas de condamnation à son encontre, la SA AXA a rappelé que la société EMA plomberie, assurée par la MAAF, avait été désignée comme responsable des désordres constatées (fuite sur une canalisation encastrée d’arrivée d’eau) par le cabinet CECA le 27 novembre 2018, alors qu’elle était redevable d’une obligation de résultat vis-à-vis de l’entreprise principale.
Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 septembre 2023, la SA MMA, a demandé à la juridiction de :
-A titre principal :
○juger que la SA HEXAOM a sous-traité les travaux de drainage-géotextile-ballast-busage-remblais à la société LSTP ;
○juger que la société LSTP n’a pas souscrit de garantie facultative de la responsabilité du sous-traitant en cas de dommage de nature décennale auprès de la SA MMA ;
○juger que les dispositions des articles 1792, 1792-4 du code civil et L241-1 du Code des assurances ne concernent ni la société LSTP ni a fortiori son assureur, la SA MMA ;
○débouter les consorts [N] / [A] / [V], la SA HEXAOM, la SA AXA, la MAAF, Maître [D], la société POGGIOLI et plus généralement tous demandeurs de leurs demandes, fins et conclusions, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la concluante, la SA MMA.
-A titre subsidiaire :
○juger que les consorts [N] / [A] / [V] et la SA HEXAOM succombent dans l’administration de la preuve qui leur incombe en ce qui concerne la réalité et l’étendue des préjudices dont ils sollicitent indemnisation ;
○débouter les consorts [N] / [A] / [V], la SA HEXAOM, la SA AXA, la MAAF, Maître [D], la société POGGIOLI et plus généralement tous demandeurs de leurs demandes, fins et conclusions, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la concluante, la MMA.
– En tout état de cause :
○condamner la SA HEXAOM, les consorts [N] / [A] / [V] et/ou tout succombant à payer à la MMA la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
○condamner la SA HEXAOM, les consorts [N] / [A] / [V] et/ou tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL CABINET FOURMEAUX ET ASSOCIES, représentée par Maître Jean Philippe FOURMEAUX, Avocat aux offres de droit.
Pour écarter toute condamnation à son encontre, la SA MMA a fait valoir qu’elle est l’assureur de la société LSTP, qui était sous-traitant pour les travaux de drainage, et que la responsabilité de cette société relève du régime de responsabilité de droit commun et non de responsabilité décennale.
A titre subsidiaire, la SA MMA s’est appuyée sur les conclusions de l’expertise pour affirmer que rien n’a mis en cause la responsabilité de la société LSTP dans les désordres constatés. De plus, elle a reproché aux demandeurs de ne pas avoir justifié de la réalité de leur préjudice moral, ayant rappelé que qu’ils n’avaient donné aucune suite à la proposition d’indemnisation formulée par la SA AXA, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, en date du 29 juin 2019 à hauteur de 21.219,66 euros.
S’agissant des frais irrépétibles, elle a indiqué avoir été contrainte d’exposer des frais pour faire valoir ses droits alors qu’elle ne pouvait faire l’objet d’une condamnation sur le terrain de la responsabilité décennale.
Par conclusions récapitulatives notifiées par RPVA le 17 mars 2023, la MAAF a demandé au tribunal de:
A titre principal et à titre subsidiaire :Débouter les consorts [N] / [A] / [V], la SA HEXAOM, la SA AXA, et tous demandeurs de leurs demandes dirigées à l’encontre de la MAAF ;Mettre purement et simplement hors de cause la MAAF.A titre infiniment subsidiaire : condamner la SA HEXAOM et la SA AXA à relever et garantir la MAAF de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;En tout état de cause : condamner tout succombant à verser à la MAAF la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.La MAAF a tout d’abord invoqué le fait que la responsabilité de la société EMA, chargée du lot plomberie en qualité de sous-traitante, relève du droit commun dans ses rapports avec le maître d’ouvrage et non de la responsabilité décennale.
Sur l’absence de preuve de l’existence des désordres allégués et des imputabilités par les consorts [N] / [A] / [V], la MAAF a rappelé que l’expert judiciaire n’avait pas été en mesure de répondre s’agissant des éléments permettant de déterminer l’origine des désordres invoqués et donc la responsabilité encourue par chacun des parties. La MAAF a contesté l’existence d’une faute de la société EMA, ayant été précisé que l’absence d’étude hydraulique avait été mentionnée dans le rapport CECA comme un élément significatif et que la société EMA ne pouvait être qu’étrangère au désordre de défaut de calage altimétrique allégué.
S’agissant du quantum des indemnités sollicitées, la MAAF considère que les demandeurs ne justifient aucunement leurs demandes. Elle a en outre mis en avant le fait qu’il leur appartenait de justifier de l’affectation des sommes déjà reçues par l’assurance dommages-ouvrage aux travaux de reprise nécessaires et qu’ils auraient dû répondre à la proposition d’indemnité formulée par la SA AXA.
La MAAF a enfin rappelé que pour que ses garanties soient mobilisables, les critères de la garantie décennale devraient être remplis, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, en ce que les défauts de conformité contractuels et les vices de construction apparents ont été couverts par la réception sans réserve.
Maître [X] [D], en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société LSTP, cité à personne et la société POGGIOLI/VADELL, citée à étude d’huissier de justice, n’ont pas constitué avocat.
La clôture de la procédure a été fixée au 28 mai 2024.
Rappel sur les demandes de « constater que », « juger que » et « dire et juger que »
L’article 4 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
Les demandes de « dire et juger », « juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions sur lesquelles le juge doit se prononcer au sens du code de procédure civile. Il n’y a donc pas lieu à statuer sur les demandes formulées en ce sens, en dehors de celles qui sous ces vocables, portent une véritable prétention.
A ce titre, la demande de la SA AXA de juger que sont irrecevables les demandes à son égard en qualité d’assureur dommages-ouvrage sont sans objet dès lors que les demandeurs l’ont citée en tant qu’assureur de responsabilité décennale de la SA HEXAOM et sollicitent des condamnations de ce chef. La discussion relative à l’absence de préfinancement des travaux de reprise sera seulement évoquée au titre de l’éventuelle réparation du préjudice de jouissance.
Sur la responsabilité décennale de la SA HEXAOM
L’article 1792 du Code civil prévoit que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination.
Il s’en suit que plusieurs conditions cumulatives sont nécessaires pour appliquer la garantie décennale :
– le désordre doit intervenir dans le cadre d’une opération de construction immobilière et affecter un ouvrage immobilier dans ses éléments constitutifs ou sous certaines conditions dans ses éléments d’équipement ;
– le désordre doit ensuite revêtir une certaine gravité, en portant atteinte à la solidité de l’ouvrage ou en le rendant impropre à sa destination, soit en raison de leur ampleur ou de leur nature ;
– le désordre doit être caché lors de la réception des travaux, la réception sans réserve de désordres apparents privant le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage de toute possibilité d’exercer efficacement une action en responsabilité contre les constructeurs.
Il convient d’ajouter que la mise en jeu de la garantie décennale n’exige pas la recherche de la cause précise des désordres. Mais elle suppose que les désordres procèdent de travaux de construction réalisés par le constructeur dont la responsabilité est recherchée. Si les dommages proviennent des causes conjuguées tenant à la fois à des vices cachés et à des désordres apparents lors de la réception, et à défaut de pouvoir distinguer la part imputable à chacune de ces causes, la garantie décennale l’emporte et l’assureur de responsabilité doit dans ce cas régler l’intégralité du coût des travaux de réparation.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise déposé en l’état le 15 décembre 2021 par Madame [G], expert, que dans les désordres suivants ont été constatés au niveau de l’ouvrage des consorts [N] / [A] / [V] :
Le terrain était imbibé d’eau ;Le vide sanitaire était humide (agglos mouillés et condensation sur l’isolant du plancher, terre argileuse gorgée d’eau mais d’eau ruisselante) à la suite de fortes pluies et les calages bois du plancher étaient noirs d’humidité ;La présence de moisissure sur les murs côté intérieur sous l’évier façade nord mais des murs intérieurs secs ;La présence de moisissures et d’une dégradation en pied de la façade extérieure nord-est et pignon est ;L’état de la cuisine était dégradé suite à l’ancien dégât des eaux mais les parois étaient sèches ;La présence de fissures ou micro-fissures non préjudiciables à la stabilité de la maison ni à sa solidité.S’il n’est pas contesté que dès 2007, des désordres ont été mis en évidence s’agissant d’un défaut d’altimétrie de 20 cm, mais également s’agissant du caractère particulièrement sensible du site aux venues d’eau en lien avec la présence d’une veine souterraine, il apparaît que les travaux préconisés par l’expert [T] mandaté par le constructeur pour remédier à ce dernier problème, ont bien été réalisés en 2008, à savoir une coupure hydraulique grâce à une tranchée drainante couplée à une fosse enterrée de 1,2 à 1,5 m remplie de matériau drainant.
Ainsi, les consorts [N] / [A] / [V], qui ne sont pas des professionnels du bâtiment mais des profanes, ont légitimement pu penser que le problème de risque d’inondation avait été résolu, raison pour laquelle la réception de l’ouvrage a été actée le 23 juillet 2008 sans réserve sur ce point.
Or, au-delà de la présence d’eau dans le vide sanitaire qui peut être considérée comme un fait habituel aux dires de l’expert, en particulier s’agissant d’un vide sanitaire enterré suite à une modification du permis, une maison d’habitation n’est pas destinée à se retrouver de manière répétée entourée par un terrain gorgé d’eau.
Il ressort en effet du constat d’huissier établi le 13 juin 2018 et du rapport technique établi le 24 mai 2021 par Madame [B] de BM Conseil expertise, à la demande des consorts [N] / [A] / [V], que cette problématique d’ennoyage du vide sanitaire et de saturation des sols autour de la maison est récurrent en dépit de la coupure hydraulique par drain réalisée en 2008 :
Le 13 juin 2018, après plus de quatre jours sans précipitations :La façade nord (au niveau de la pièce à usage de cuisine) présentait en pied de mur une importante trace d’humidité remontant sur une hauteur d’environ 80 cm et le spectre des agglos était remarquable ;A l’angle de la maison, au niveau du pignon est constituant l’angle nord-est, ainsi que dans le prolongement, en pied de mur à une hauteur d’environ 10 cm, des plaques entières d’enduit étaient tombées ;Sur la façade en partie est, en pied de mur, des traces d’humidité étaient présentes et l’enduit était décollé à certains endroits sur une hauteur de 10 à 15 cm ;Sur la façade, sur toute la hauteur du vide sanitaire (environ 80 cm), des remontées d’humidité étaient constatées ;A l’intérieur du vide sanitaire, la terre était imbibée d’eau, la rigole réalisée sur tout le périphérique du vide sanitaire était totalement remplie d’eau et de l’eau perlait sous le plancher ;A proximité de l’entrée du vide sanitaire, le terrain de la propriété était totalement détrempé, avec de véritables flaques ;Au pied d’un enrochement dans le jardin, l’eau stagnait avec des mousses à sa superficie ;La présence d’eau sur une partie du terrain rendait impossible son utilisation ;A l’intérieur, au niveau de la salle de séjour, étaient observées sur les murs d’importantes remontées d’humidité avec formations de moisissure, tant au niveau du mur correspondant à la partie supérieure du vide sanitaire qu’au niveau du mur est ; les pustules de moisissure entraînaient un phénomène de cloque de l’ensemble de la peinture sur une hauteur d’environ 20 cm.Le 1er mai 2021, suite à un épisode pluvieux, le vide sanitaire était inaccessible avec une hauteur d’eau équivalente à la hauteur d’un parpaing en aggloméré ; le terrain autour de la maison était en outre complètement saturé d’eau ;Le 6 mai 2021, après que la pompe d’évacuation des eaux collectées par la tranchée drainante avait été actionnée deux fois par jour, le terrain était toujours gorgé d’eau.Il résulte de l’ensemble de ces constatations que ces désordres, qui se sont révélés dans leur ampleur postérieurement à la réception, portent bien atteinte à la destination d’habitation de l’immeuble, de sorte qu’ils relèvent de la garantie décennale, le caractère d’ouvrage des travaux de construction exécutés n’étant pas contesté.
Pour la détermination de l’origine des désordres (fuite sur le réseau de distribution d’eau ou remontées d’humidité en lien avec la présence d’eau dans le vide sanitaire), l’expert a conclu à l’impossibilité de la déterminer précisément sans réalisation préalable des travaux de réparation préconisés dans la cuisine. Or ceux-ci n’ont pas été effectués.
L’expert judiciaire a toutefois mis en avant le fait que si le terrain initial naturel comportait une pente régulière et présentait une certaine perméabilité, les excavations des terres provenant du terrassement pour la plateforme de la maison ont été régalées autour de la maison et ont ainsi créé une couche imperméable qui retient l’eau en surface et empêche son évacuation. C’est également ce qu’a relevé l’expert mandaté par les demandeurs s’agissant de l’imperméabilité du terrain consécutivement aux remodelages de surface opérés lors de la construction et au fait que les terrains argileux provenant des terrassements avaient été régalés en surface en substitution des terrains de couverture plus perméables.
Il doit en outre être noté que le constructeur n’a procédé à aucune étude de sols préalable à la construction, malgré la particularité du terrain situé sur le contrefort nord d’un massif calcaire karstifié, constituant un réservoir d’eau très important et alimenté par des précipitations importantes.
S’agissant de la réalité des désordres constatés au niveau de la cuisine suite à un dégât des eaux, ayant donné lieu à déclaration le 10 février 2015 (non communiquée dans le cadre de la présente instance), elle n’est pas contestée, au-delà de la fuite elle-même qui a été réparée dès juin 2015 par la société DFS.
Elle est confirmée par plusieurs pièces versées aux débats et notamment :
Par le procès-verbal de constat réalisé le 13 juin 2018 par la SCP Christian BOURGEONNIER à la demande des Consorts [N] / [A] / [V] s’agissant de l’état dégradé de la cuisine : « sur le mur Nord, la présence de très nombreuses traces de moisissure. Le placoplâtre est totalement détérioré. Celui-ci est couvert de champignons de moisissure. » ;Par le rapport complémentaire n°2 établi le 22 novembre 2018 par le cabinet d’expertise CECA à la demande de la SA AXA s’agissant de constatations faites le 24 octobre 2018 : « Nous constatons que les doublages présentent de nombreuses traces de moisissure et de remontées d’humidité dans la cuisine derrière les meubles et dans le séjour côté est. » Dès lors, il apparaît que l’ensemble des désordres constatés proviennent à la fois d’un défaut de conception des dispositions constructives et d’un défaut d’exécution.
Conformément aux dispositions de l’article 1792-1 du code civil, la SA HEXAOM, en sa qualité de constructeur de l’ouvrage, sera déclarée responsable desdits désordres revêtant un caractère décennal, aucune démonstration n’ayant été faite de ce que les dommages proviendraient d’une cause étrangère ou ne rentreraient pas dans la sphère d’intervention du constructeur. La SA HEXAOM doit donc être condamnée à réparer les dommages causés en totalité, sans qu’il y ait lieu de tenir compte du partage des responsabilités entre les divers responsables, qui n’affecte que les rapports réciproques de ces derniers.
Sur la garantie d’assurance décennale due par AXA
Selon l’article L.124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité de la personne responsable.
La SA HEXAOM a souscrit une police d’assurance couvrant la garantie « responsabilité civile décennale » auprès de la SA AXA, qui ne dénie pas sa garantie.
Les consorts [N] / [A] / [V] sont donc bien fondés à diriger leur action également à l’encontre de la SA AXA qui sera tenue solidairement de régler les sommes mises à la charge de la SA HEXAOM en réparation des préjudices matériels sur le fondement de sa responsabilité décennale.
Sur la garantie due par la société SDF POGGIOLI VADELL, la MAAF et la MMA
En vertu de l’article 1231-1 du Code civil, l’action récursoire de l’entrepreneur principal obéit à un régime probatoire spécifique, procédant de la nature de l’obligation du sous-traitant. Ce dernier est tenu d’une obligation de résultat qui emporte présomption de faute et de causalité.
Il y a lieu tout d’abord de juger que rien ne permet d’établir une quelconque responsabilité dans les désordres invoqués par les consorts [N] / [A] / [V], de la SDF POGGIOLI VADELL, sous-traitant titulaire du lot terrassement, et de la société LSTP, sous-traitant pour des travaux ponctuels de drainage, assurée par la MMA.
Il en est autrement de la société EMA, sous-traitant titulaire du lot plomberie selon contrat signé le 02 février 2007, assurée par la MAAF (police n°13236242D), s’agissant des désordres constatés au niveau de la cuisine, étant précisé que la société EMA est radiée depuis le 17 juin 2013.
C’est bien la société EMA qui a procédé à l’origine à la pose de la canalisation qui a fui dans la cuisine en 2015. Si la fuite a été réparée, il n’en a pas été de même des conséquences directes de la fuite dans la cuisine.
Or la société EMA était tenue d’une obligation de résultat à l’égard de la SA HEXAOM s’agissant de la réalisation de sa propre prestation contractuelle.
Tel qu’il résulte de l’attestation d’assurance produite, la MAAF rappelle que les limites de sa garantie étaient les suivantes : « est comprise dans le contrat la garantie responsabilité civile de l’assuré (la société EMA) dans le cas où celle-ci serait recherchée en qualité de sous-traitant vis-à-vis du locateur d’ouvrage titulaire du marché ou d’un autre sous-traitant, dans les conditions et limites posées par les articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 2270 du Code civil uniquement, et les textes légaux et réglementaires pris pour leur application. »
En l’espèce, la nature décennale des désordres ayant été établie, la garantie MAAF est donc mobilisable s’agissant des désordres constatés au niveau de la cuisine suite à la fuite de plomberie.
La MAAF, en sa qualité d’assureur de la société EMA, sera dès lors tenue de relever indemne la SA HEXAOM et la SA AXA de la condamnation prononcée à leur égard s’agissant du préjudice subi consécutivement à ces désordres uniquement.
Quant aux demandes formées à l’encontre de la société SDF POGGIOLI VADELL et de la MMA par la SA HEXAOM, cette dernière sera purement et simplement déboutée de sa demande d’être relevée et garantie par ces deux sociétés.
Sur l’évaluation des préjudices subis par les consorts [N] / [A] / [V]
Sur les préjudices matériels subis en lien avec les désordres de nature décennale
Au visa des dispositions de l’article 1149 ancien (1231-2 nouveau) du Code civil, les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer l’entier préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit. Le juge doit ainsi cantonner l’indemnisation aux seules prestations nécessaires pour parvenir à la réparation de l’entier préjudice, lequel doit être direct et certain. En matière de construction, le préjudice indemnisable regroupe ainsi tous les travaux nécessaires au relèvement du dommage, y compris ceux dont le coût aurait dû être supporté par le maître de l’ouvrage s’ils avaient été prévus dans le devis initial.
En l’espèce, le Tribunal ne dispose pas d’éléments chiffrés issus de l’expertise judiciaire ordonnée dans le cadre de l’instance, le rapport ayant été déposé en l’état par Madame [G] le 15 décembre 2021.
Toutefois, l’expert [G] a préconisé les travaux de reprise suivants au niveau du vide sanitaire aux fins de relèvement du dommage établi :
« Renforcer la ventilation du vide sanitaire en remplaçant les trappes d’accès au VS par des grilles ajourées et ouvrir de nouvelles ouvertures pour la ventilation du vide sanitaire ;Installer un système de pompage du vide sanitaire à raccorder sur l’évacuation des pluviales du réseau collectif public. »Pour permettre l’évaluation du montant de ces travaux de reprise nécessaires en lien avec les désordres au niveau du vide sanitaire, les consorts [N] / [A] / [V] produisent aux débats deux devis :
Un devis établi par la société Maçonnerie Scotto pour un montant de 42.570 euros TTC comportant les postes de travaux suivants :Démolition d’une dalle béton sur 3,7ml x 7ml X 0,2mh ;Terrassement en rigole sans apport du marteau-piqueur pour drain sur la périphérie de la villa sauf derrière où elle se situera à 4ml do celle-ci sur 16ml x 2 = 32ml + 13ml x 2 = 26ml, soit 58ml sur 1m environ de profondeur ;Terrassement pleine masse sans apport du marteau piqueur sur 2ml x 2ml x 3mh pour réalisation de 2 puisards ;Nettoyage au karcher haute pression des murs sur 39ml x l mh = 39m2 ;Fourniture et pose du goudron liquide sur 39m2 ;Fourniture et pose du delta M5 alvéolé pour protection des murs sur 39m2 ;Fourniture et pose d’un drain sur 58ml, qui comprend : cunette en béton, tuyau spécial drain, balastre et bidim ;Fourniture et pose du balastre pour les 2 puisards sur 1 m de haut, soit un total de 8m3 + bidim ;Rebouchage des tranchées et des puisards ;Création de 4 nouvelles aérations pour le vide sanitaire ;Fourniture et pose d’une pompe de relevage pour les eaux pluviale en remplacement de celle existante ;Fourniture et pose des gouttières en pvc sable sur 26ml + descente + petit accessoire ;Fourniture et pose du treillis soudé pour terrasse sur 7ml x 4ml = 28m2 ;Fourniture et coulage d’une dalle en béton dosé à 300kg sur 28m2 x 0,15mh ;Enlèvement de la terre et des décombres restant soit environ 10m3 ;Nettoyage au karcher haute pression des 2 façades sud et ouest sur 15ml x 3,5mh = 52,5m2 ;Décroutage des parties non tenantes ;Fourniture et pose de l’enduit de façade sur 52m2 en 2 couches ;Nettoyage chantier.
Un devis établi par la société Art du bois pour un montant de 41.833 euros TTC comportant les postes de travaux suivants :
Décaissement périphérique et démolition des deux terrasses existantes ;Dépose du drain, de la buse et de la pompe ;Décroutage et traitements ; Pose du nouveau drain avec buse et nouvelle pompe de relevage, pose de balaste, géotextile, etc… ;Reconstruction des deux terrasses à l’identique (fourniture et coulage béton + treillis soudé soit : 28 m2 + 18 m2 = 46 m2)Pose de gouttières face Sud et Nord pour diminuer les flux d’eau ;Dépose et élargissement des grilles d’aération dans VS et création de nouvelles grilles d’aération ;Pose de barbacanes composées de 2 tuyaux d’aération en diamètre 100 mm par côté : Est/Ouest/Nord, pose de caillebotis sur toute la périphérie ;Revêtement façade.
S’agissant des travaux de reprises à réaliser au niveau de la cuisine, les consorts [N] / [A] / [V] produisent aux débats un devis établi par la société Maçonnerie Scotto pour un montant de 18.260 euros TTC comportant les postes de travaux suivants :
Dépose de tous les meubles de cuisine + mise en sécurité des points d’eau ;Démolition contre-cloison en placoplâtre sur 8,4ml + 4,8 ml = 13,2ml x 2,5mh = 33m2 ;Fourniture et pose des contre-cloisons en placoplâtre sur rail métallique avec laine de verre de 140m, pour isolation sur 33m2 + 3 couches d’enduit de finition avec calicot ;Fourniture et pose d’une couche d’impression + de 2 couches de peinture blanc mat sur mur et plafond soit 85m2 ;Fourniture et pose d’une cuisine comme à l’existant de style d’entrée de gamme élançon de chez howdens cuisines ;Nettoyage chantier.Il y a lieu de relever que les parties défenderesses n’ont quant à elles fait état d’aucun élément permettant de considérer que les devis établis par les entreprises mandatées par les consorts [N] / [A] / [V] ne se référeraient pas aux travaux effectivement nécessaires en l’état pour remédier aux désordres constatés.
Le tribunal retient en l’espèce le devis établi par ART DU BOIS (devis le moins cher des deux) et le devis établi par Maçonnerie Scotto pour les travaux de reprise de la cuisine.
Au vu des désordres établis, le Tribunal considère en effet que ces travaux sont effectivement les seuls propres à remédier utilement aux dommages subis, quand bien même ils n’ont pas été inclus dans le marché initial. En effet, ils apparaissent légitimes, utiles et raisonnables pour la remise en état pérenne de l’ouvrage. Il ne s’agit pas d’une amélioration, ils ne consistent pas non plus dans un avantage qui serait procuré au maître de l’ouvrage mais de la stricte suppression de défauts qui devaient être évités. En les exécutant dans les termes préconisés par les experts, les maitres d’œuvres seront rétablis dans leur droit qui était contractuellement prévu de disposer, en contrepartie de l’exécution de leur propre obligation de paiement, d’un ouvrage définitivement exempt de vice.
En conséquence, le préjudice matériel à réparer s’agissant des désordres en lien avec le vide sanitaire sera évalué à hauteur de 41.833 euros et le préjudice matériel subi dans la cuisine sera évaluée à 18.260 euros.
Sur le préjudice de jouissance
Il ressort de l’ensemble des pièces versées aux débats que les consorts [N] / [A] / [V] ont bien subi un préjudice de jouissance, en particulier depuis 2015 (cf. constats et rapports d’expertise unilatéraux et judiciaire depuis la réalisation des travaux préconisés par l’expert [T]).
Toutefois, il sera rappelé qu’ils n’avaient pas donné de suite à la proposition d’indemnisation complémentaire formulée par la SA AXA d’un montant de 21.219,66 euros TTC qui leur avait été adressée en date du 21 juin 2019, alors que cette indemnisation leur aurait permis de faire réaliser une partie des travaux nécessaires pour jouir a minima normalement de leur cuisine.
Ce préjudice sera limité à une période de quatre années de 2015 à 2019 et évalué sur la base d’une perte de jouissance de 2000 euros par an, correspondant mieux à la nature des désordres.
Le préjudice de jouissance global sera dès lors évalué à 8.000 euros.
Sur le préjudice moral
Il n’est pas contestable qu’une procédure judiciaire puisse être source de stress et d’anxiété chez les parties concernées.
Il ressort des pièces produites aux débats que :
[V] [Z] présentait au 02 novembre 2023 un syndrome anxiodépressif chronique, qui selon son médecin généraliste, serait « en partie réactionnel aux difficultés qu’il rencontre depuis la construction de sa maison. » ;Les douleurs de [N] [U] se seraient, selon son la gérontologue qui la suit, accentuées « en rapport avec une situation de stress majeur » perdurant dans le temps, « occasionnée par des conflits judiciaires importants ».Toutefois, le lien de causalité entre le syndrome anxiodépressif de [V] [Z] et l’accentuation des douleurs chez [N] [U] d’une part, et l’attitude des défendeurs n’est pas établi en l’espèce par les seuls éléments en possession du tribunal. Il y a en effet lieu de rappeler que des travaux ont bien été effectués à titre commercial avec le financement de la SA HEXAOM suite aux conclusions de l’expert [T] et la SA AXA a formulé des propositions d’indemnisation au début de la procédure judiciaire. Les défendeurs ne peuvent être tenus responsables de la longueur de la procédure judiciaire, étant précisé que s’ils n’ont pas adressé certaines pièces réclamées par l’expert, il en a été de même des demandeurs.
En conséquence, les consorts [N] / [A] / [V] seront déboutés de leur demande en réparation d’un préjudice moral qu’ils allèguent avoir subi.
Sur les condamnations de la SA HEXAOM in solidum avec la SA AXA, assureur décennal
La SA HEXAOM et la SA AXA, en qualité d’assureur décennal sous la police n°915806104, seront condamnés in solidum à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 41.833 euros en réparation du préjudice matériel subi en lien avec les désordres relatifs à l’ennoyage du vide sanitaire et à la perméabilité du terrain.
Elles seront également condamnées in solidum à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 18.260 euros en réparation du préjudice matériel subi dans la cuisine.
Il sera précisé que la SA AXA ne justifie pas en l’espèce avoir effectivement versé des indemnités en rapport avec les préjudices sus-visés aux consorts [N] / [A] / [V], à savoir une indemnité de 3.021,70 euros qui aurait été réglée le 27 mai 2015 par la SA AXA aux consorts [N] / [A] / [V] au titre de la garantie dommages ouvrage et une indemnité de 4.950 euros qui aurait été réglée suite à notification de garanties le 20 décembre 2017.
S’agissant du préjudice de jouissance, seule la SA HEXAOM sera condamnée, in solidum avec la SA AXA, à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 8.000 euros.
Les consorts [N] / [A] / [V] seront déboutés du surplus de leurs demandes principales.
Sur la demande de la SA HEXAOM aux fins de règlement des 5% restant dus par les consorts [N] / [A] / [V]
L’article R231-7 du Code de la construction et de l’habitat dispose notamment que le solde du prix est payable par le maître de l’ouvrage dans les 8 jours qui suivent la remise des clés consécutive à la levée des réserves formulées, étant précisé que dans le cas où des réserves sont formulées une somme au plus égale à 5% du prix convenu est, jusqu’à la levée des réserves, consignée entre les mains d’un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal judiciaire.
En l’espèce, l’article 2-7 des conditions générales du contrat de construction par les parties reprend ces dispositions.
Il résulte par ailleurs de l’article L218-2 du Code de la consommation que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Depuis lors, il n’est pas contesté que la somme de 7.004,79 euros correspondant à 5% du prix du chantier n’a pas été réglée par les consorts [N] / [A] / [V].
Toutefois, il apparaît établi que l’action est prescrite, la réception ayant eu lieu en 2008 et la levée des réserves ayant dû suivre dans l’année, faute d’information contraire sur ce point de la part de la SA HEXAOM, qui a fait mention d’une réception sans réserve alors que le procès-verbal de réception du 23 juillet 2008 listait un certain nombre de réserves à lever.
La prescription est une cause d’irrecevabilité de la demande, mais les demandeurs sollicitent seulement de juger que la demande est prescrite et de débouter la société HEXAOM de ses demandes.
La SA HEXAOM sera dès lors déboutée de sa demande en paiement du solde, étant précisé que cette demande n’a pas été reprise dans le dispositif, posant la question du maintien de cette demande.
Sur les dépens
L’article 696 du Code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
L’article 699 du même code précise que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l’avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.
En l’espèce, la SA HEXAOM, la SA AXA et la SA MAAF seront condamnées aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire. Les deux premières seront tenues in solidum à hauteur de 2/3, tandis que la troisième sera tenue à hauteur d’1/3.
Sur les frais irrépétibles
L’article 700 du Code de procédure civile prévoit notamment que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, il apparaît équitable de condamner in solidum la SA HEXAOM, la SA AXA et la SA MAAF à payer aux consorts [N] / [A] / [V] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles. La charge finale sera répartie à hauteur de 2/3 pour les deux premières et 1/3 pour la troisième.
Sur l’exécution provisoire
Eu égard à l’ancienneté de l’affaire et aux difficultés rencontrées par les demandeurs pour jouir de leur habitation, il convient de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.
Le tribunal, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :
CONDAMNE la société anonyme HEXAOM in solidum avec la société anonyme AXA France Iard, en qualité d’assureur décennal sous la police n°915806104, à payer à Madame [U] [N], Madame [A] [I] [P], Monsieur [Z] [V] la somme de 41.833 euros en réparation du préjudice matériel subi en lien avec les désordres relatifs à l’ennoyage du vide sanitaire et à la perméabilité du terrain.
CONDAMNE la société anonyme HEXAOM in solidum avec la société anonyme AXA France Iard, en qualité d’assureur décennal sous la police n°915806104, à payer à Madame [U] [N], Madame [A] [I] [P], Monsieur [Z] [V] la somme de 18.260 euros en réparation du préjudice matériel subi dans la cuisine.
CONDAMNE la société anonyme MAAF, en sa qualité d’assureur de la société EMA, à relever indemne la société anonyme HEXAOM et la société anonyme AXA France Iard de la condamnation prononcée à leur encontre s’agissant du préjudice matériel subi dans la cuisine à hauteur de 18.260 euros.
CONDAMNE la société anonyme HEXAOM in solidum avec la société anonyme AXA France Iard à payer à Madame [U] [N], Madame [A] [I] [P], Monsieur [Z] [V] la somme de 8.000 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.
DEBOUTE Madame [U] [N], Madame [A] [I] [P], Monsieur [Z] [V] de leurs demandes d’indemnisation d’un préjudice moral et sur surplus de ses demandes principales.
DEBOUTE la société anonyme HEXAOM de ses demandes formées à l’encontre de la société SDF POGGIOLI VADELL et de la société anonyme MMA Iard Assurances mutuelles.
DEBOUTE la société anonyme HEXAOM de sa demande en paiement du solde formée à l’encontre de Madame [U] [N], Madame [A] [I] [P], Monsieur [Z] [V].
CONDAMNE la société anonyme HEXAOM, in solidum avec la société anonyme AXA France Iard, et la société anonyme MAAF aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, à hauteur de 2/3 pour la société anonyme HEXAOM, in solidum avec la société anonyme AXA France Iard et d’1/3 pour la société anonyme MAAF.
CONDAMNE in solidum la société anonyme HEXAOM, la société anonyme AXA France Iard et la société anonyme MAAF à payer à Madame [U] [N], Madame [A] [I] [P], Monsieur [Z] [V] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.
DIT que la charge finale des frais irrépétibles se fera à hauteur de 2/3 pour la société anonyme HEXAOM et la société anonyme AXA France Iard et d’1/3 pour la société anonyme MAAF.
DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes plus amples ou contraires.
ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe de la troisième chambre du tribunal judiciaire de Draguignan aux jours, mois et an susdits.
LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,