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Attention au calcul des redevances de l’INPI, un avocat qui fait une erreur sur le montant des redevances dues à l’INPI et qui voit, entre temps, la marque de son client déposée par un tiers, peut engager sa responsabilité (prescription toutefois acquise en l’espèce).
Monsieur [I] reproche à maître [E] d’avoir commis une erreur déterminante (sur le montant dû) lors du premier envoi du dépôt de la marque à la délégation de l’INPI à [Localité 6], cette erreur ayant entraîné l’irrecevabilité du dépôt notifié le 20 juin 2003 et ayant permis le dépôt de la marque par monsieur [P] quelques jours après.
Si, par la suite, maître [E] a évoqué avec monsieur [I] la possibilité de solliciter la nullité de l’enregistrement postérieur de sa marque par un tiers, cet état de fait est sans incidence sur l’éventuelle faute au titre du devoir de conseil, laquelle est apparue à monsieur [I] lors de la révélation de la difficulté, à savoir le 5 mars 2005, date à laquelle monsieur [P] a enjoint à monsieur [I] de retirer sa marque au vu de l’antériorité d’un dépôt de marque identique.
Dans ces conditions, le tribunal a parfaitement apprécié les faits de la cause, la prescription ayant commencé à courir le 5 mars 2005 pour se terminer, compte tenu du nouveau délai de prescription entré en vigueur le 19 juin 2008, le 19 juin 2013.
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 20/00145 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OO5Z
Décision déférée à la Cour suite à ordonnance de renvoi du 31 octobre 2019 de la cour d’appel de Nîmes :
Jugement du 4 décembre 2018
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARPENTRAS
N°RG 17/00389
APPELANT :
Monsieur [V] [I]
né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 2] ([Localité 2])
de nationalité Française
[Adresse 5]
Lot 7 ‘les [Adresse 5]’
[Localité 3]
Représenté par Me Christine AUCHE HEDOU de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER,
et assisté à l’instance par Me Véronique GARCIA-LAFORCADE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIME :
Maître [X] [E]
né en à
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Gilles LASRY de la SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 23 Mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
Mme Emmanuelle WATTRAINT, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Camille MOLINA
en présence de Mme [G] [D], greffière stagiaire
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour fixée au 21 septembre 2023 et prorogée au 28 septembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Camille MOLINA, Greffière.
*
* *
EXPOSE DU LITIGE
En juin 2003, monsieur [V] [I] a confié à maître Jean-Marc Cases, avocat au barreau de Nîmes, la mission de procéder auprès de l’INPI au dépôt de la marque EROIK créée par ses soins.
Le 18 juin 2003, maître [E] a adressé à l’INPI le 18 juin 2003 cette demande d’enregistrement accompagnée d’un chèque de provision de 198 euros. Le 20 juin 2003, l’INPI a informé maître [E] de l’irrecevabilité du dépôt de la marque faute de provision suffisante, celle-ci devant être de 215 euros. Le dépôt a été réitéré et la marque EROIK a finalement été enregistrée le 21 juillet 2003.
Dans l’intervalle, un dépôt concurrent a été effectué le 7 juillet 2003 pour un nom de marque identique par monsieur [U] [P].
Face au refus de monsieur [V] [I] de retirer sa marque, et ce dernier ayant créé et immatriculé une société EROIK en vue de commercialiser les produits de cette marque, monsieur [U] [P] a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action en contrefaçon à son encontre ainsi qu’à l’encontre de l’EURL EROIK le 18 décembre 2007.
Par jugement du 19 décembre 2008, le tribunal de grande instance de Paris a dit que l’EURL EROIK et monsieur [V] [I] étaient coupables d’actes de contrefaçon et a notamment :
– prononcé la nullité de la marque EROIK déposée par monsieur [I] le 21 juillet 2003 ;
– fait interdiction à la société EROIK et à monsieur [I] de poursuivre leurs agissements sous astreinte de 300 euros par infraction constatée ;
– condamné la société EROIK et monsieur [I] au paiement chacun de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– condamné la société EROIK et monsieur [I] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 7 janvier 2009, monsieur [V] [I] et l’EURL EROIK ont relevé appel de ce jugement.
Par acte du 3 février 2009, ils ont saisi en référé le Premier Président de la cour d’appel de Paris aux fins d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement sur le fondement des conséquences manifestement excessives. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 3 mars 2009.
Selon jugement du 4 mars 2009, l’EURL EROIK a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
Afin de mettre un terme à leur litige, les parties ont formalisé le 20 mai 2009 un accord transactionnel (par lequel monsieur [I] renonçait à ses droits sur la marque moyennant le paiement de royalties) et un contrat de licence de marque au bénéfice de la société EROIK avec prise d’effet au 1er janvier 2009.
Le 20 juillet 2009, maître [E] a signifié à la cour d’appel de Paris des conclusions de désistement.
La société EROIK a été placée en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 24 avril 2012.
Estimant que maître [E] avait failli dans l’exécution de ses missions, monsieur [V] [I] l’a assigné le 30 janvier 2017 devant le tribunal de grande instance de Carpentras aux fins de voir engager sa responsabilité professionnelle.
Par un jugement contradictoire rendu le 4 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Carpentras a :
– déclaré irrecevable l’action de monsieur [V] [I] ;
– condamné M. [V] [I] aux entiers dépens de l’instance ;
– rejeté toutes les autres demandes des parties.
Par acte du 6 mars 2019, monsieur [V] [I] a interjeté appel de ce jugement.
Maître [E] exerçant son activité professionnelle d’avocat dans le ressort de la cour d’appel de Nîmes, l’affaire a été renvoyée devant la cour d’appel de Montpellier suivant ordonnance du 31 octobre 2019.
Par ses conclusions remises au greffe le 26 novembre 2020, monsieur [V] [I] sollicite l’infirmation du jugement et la condamnation de maître [E] à lui payer la somme de 200 000 euros majorée d’intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation initiale.
A titre subsidiaire, il sollicite la désignation d’un expert comptable avec mission, après s’être fait remettre l’ensemble des pièces comptables et financières relatives à l’exploitation de la marque EROIK, d’évaluer les bénéfices raisonnables escomptés de l’exploitation de cette marque à compter de l’année 2009 et sur six années, et de proposer la valeur de cette marque et le prix de cession du fonds de commerce.
Il demande en outre la condamnation de maître [E] à payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 5 janvier 2021, maître [X] [E] conclut à la confirmation du jugement.
A titre subsidiaire, maître [E] demande à la cour de juger que seul le liquidateur judiciaire de la société EROIK a qualité à demander l’indemnisation du préjudice subi, et donc de dire que monsieur [V] [I] est irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir.
Très subsidiairement, il fait valoir que sa responsabilité ne saurait être retenue en l’absence de faute commise (il estime avoir rempli ses obligations de conseil et d’information et avoir défendu monsieur [I] au mieux de ses intérêts), et demande à la cour de rejeter la demande d’expertise judiciaire formée par ce dernier et de le débouter de l’intégralité de ses demandes.
En tout état de cause, il demande à la cour de condamner monsieur [I] aux entiers dépens et à lui payer les sommes de :
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
– 7 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée au 23 mai 2023.
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS
Sur la prescription de l’action
Le tribunal a jugé l’action en responsabilité dirigée par monsieur [I] contre maître [E] irrecevable car prescrite :
– au titre de l’activité juridique de l’avocat (prescription de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer selon l’article 2224 du code civil), puisque le courrier de monsieur [P] informant monsieur [I] des difficultés liées à sa marque du 5 mars 2005 marque selon le tribunal le point de départ du délai de prescription, de sorte que l’action en responsabilité devait être engagée avant le 19 juin 2013 ;
– au titre de l’activité judiciaire de l’avocat (prescription de cinq ans à compter de la fin de la mission, article 2225 du code civil), la signification du jugement du 19 décembre 2008 à la cour d’appel de Paris le 20 juillet 2009 marquant la fin de mission, de sorte que l’action en responsabilité devait être engagée avant le 20 juillet 2014.
Monsieur [I] conteste cette analyse. S’agissant du dépôt initial de la marque, il soutient que maître [E] n’aurait eu de cesse de le convaincre non seulement qu’aucune erreur n’avait été commise mais encore qu’il allait être possible de solliciter la nullité de l’enregistrement postérieur de sa marque par un tiers. S’agissant de la période postérieure à la signature du protocole, monsieur [I] estime que maître [E] a failli dans son activité de conseil concernant le contrat de licence de marque, acte à exécution successive, alors que sa mission de conseil s’est poursuivie jusqu’au 24 avril 2012, date de la liquidation judiciaire de la société Eroik. S’agissant enfin de l’activité judiciaire de l’avocat, monsieur [I] prétend n’avoir jamais été informé de la date à laquelle la mission de l’avocat a pris fin, alors que l ‘accord transactionnel n’a pas mis fin au litige, lequel s’est poursuivi quant à l’exploitation de la marque créée.
Maître [X] [E] fait quant à lui valoir que, s’agissant de l’activité juridique de l’avocat, monsieur [I] a été mis en demeure par monsieur [P] le 5 mars 2005, puis le 15 juillet 2005, de retirer le nom EROIK pour les classes 18 et 25, et a été alerté par son conseil, par lettre du 4 mai 2005 du fait que, la marque ayant une notoriété relative, il allait être difficile de l’exploiter, de sorte qu’il a été informé de la difficulté relative au dépôt de sa marque et de la demande de retrait dès le 5 mars 2005 et au plus tard le 15 juillet 2005. S’agissant de l’activité juridique de l’avocat, il prétend que la mission de l’avocat prend fin au jour du prononcé de la décision de justice et qu’en l’espèce, il y a été mis fin par la transaction, signée le 20 mai 2009 et le 25 juin 2009 mettant fin au processus judiciaire. Il ajoute que les relances qu’il a faites entre septembre 2009 et juillet 2010 concernent la société EROIK non présente aux débats, tout comme les formalités relatives au dépôt de bilan de la société, et qu’en tout état de cause ces lettres ont cessé en juillet 2010, de sorte que l’action devait être introduite au plus tard en juillet 2015.
Concernant l’activité judiciaire de l’avocat
Monsieur [I] reproche à maître [E] d’avoir commis une erreur déterminante (sur le montant dû) lors du premier envoi du dépôt de la marque à la délégation de l’INPI à [Localité 6], cette erreur ayant entraîné l’irrecevabilité du dépôt notifié le 20 juin 2003 et ayant permis le dépôt de la marque par monsieur [P] quelques jours après.
Si, par la suite, maître [E] a évoqué avec monsieur [I] la possibilité de solliciter la nullité de l’enregistrement postérieur de sa marque par un tiers, cet état de fait est sans incidence sur l’éventuelle faute au titre du devoir de conseil, laquelle est apparue à monsieur [I] lors de la révélation de la difficulté, à savoir le 5 mars 2005, date à laquelle monsieur [P] a enjoint à monsieur [I] de retirer sa marque au vu de l’antériorité d’un dépôt de marque identique.
Dans ces conditions, le tribunal a parfaitement apprécié les faits de la cause, la prescription ayant commencé à courir le 5 mars 2005 pour se terminer, compte tenu du nouveau délai de prescription entré en vigueur le 19 juin 2008, le 19 juin 2013.
Le jugement sera confirmé.
Concernant l’activité judiciaire de l’avocat
L’accord transactionnel, signé par monsieur [I] le 25 juin 2009 a entraîné le désistement de ce dernier de la procédure d’appel en cours à l’encontre du jugement rendu le 19 décembre 2008 par le tribunal de grande instance de Paris, désistement signifié le 20 juillet 2009.
Toutefois, postérieurement, maître [E] a adressé à la société EROIK des courriers jusqu’en juillet 2010. Ces courriers concernant les difficultés liées à l’exécution du protocole d’accord, monsieur [I] ne peut valablement soutenir qu’ils relèveraient de l’activité de conseil de maître [E] relativement au contrat de licence de marque.
C’est en vain que maître [E] prétend que ces courriers concernerait une partie non présente à la présente procédure, la société EROIK étant représentée par son gérant, monsieur [I].
Il apparaît dans ces conditions que la mission de l’avocat, au titre de son activité judiciaire, a pris fin en juillet 2010, et non le 20 juillet 2009 comme retenu par le tribunal.
Le délai de prescription a donc commencé à courir en juillet 2010 pour prendre fin en juillet 2015.
Au jour de l’assignation en justice, le 30 janvier 2017, l’action était par conséquent prescrite.
Le jugement sera confirmé, par substitution de motifs.
Sur la demande de dommages et intérêts de maître [X] [E]
Maître [E] soutient que le jugement déféré a parfaitement éclairé monsieur [I] sur l’acquisition de la prescription, de sorte que le présent appel revêtirait un caractère abusif. Il ajoute avoir subi une perte d’image et de notoriété du fait de la présente procédure.
En l’espèce, la prescription, très largement acquise, ne pouvait juridiquement être combattue avec succès eu égard aux faits de l’espèce. Elle a été explicitée dans des motifs très clairs par le jugement de première instance.
Dans ces conditions, le positionnement de monsieur [I] s’inscrit dans une volonté procédurale irrationnelle, car nécessairement vouée à l’échec, et nuisible, car entraînant pour son adversaire des tracas procéduraux injustifiés.
L’appel a ainsi dégénéré dans le cas d’espèce en abus de droit.
S’agissant de la perte d’image et de notoriété évoquée par maître [X] [E], elle n’est en revanche nullement démontrée aux termes des pièces versées aux débats.
Monsieur [I] sera condamné à payer à maître [E] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.
Sur les demandes accessoires
Eu égard à l’issue du litige, le jugement sera confirmé.
Monsieur [I], succombant, sera condamné à payer à maître [E] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Carpentras ;
Y ajoutant,
Condamne monsieur [V] [I] à payer à maître [X] [E] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;
Condamne monsieur [V] [I] à payer à maître [X] [E] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne monsieur [V] [I] aux dépens d’appel.
La greffière, Le président,