Mme [K] [X] a exercé une activité de e-commerce et a conclu deux contrats de location financière avec la société Locam pour un système d’alarme et un système de vidéo-surveillance, chacun d’un montant de 90 euros TTC par mois pendant 5 ans. Elle a cessé de payer les loyers à partir de novembre 2017. Locam a mis en demeure Mme [K] [X] pour le paiement des arriérés, et en l’absence de règlement, les contrats ont été résiliés. Locam a ensuite obtenu une ordonnance d’injonction de payer pour un montant total de 8 361,90 euros, que Mme [K] [X] a contestée. Le tribunal a déclaré son opposition recevable, a jugé non écrit un article des conditions générales des contrats, et a condamné Mme [K] [X] à payer 720 euros pour les loyers échus. Locam a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et le paiement d’un montant total de 9 198,09 euros. Mme [K] [X] a demandé la confirmation du jugement initial. La cour a confirmé la recevabilité de l’opposition, mais a infirmé le jugement pour le surplus, condamnant Mme [K] [X] à payer 8 339,59 euros à Locam, tout en déboutant Locam de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 12 Septembre 2024
N° RG 22/01153 – N° Portalis DBVY-V-B7G-HAZA
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de THONON LES BAINS en date du 06 Avril 2022, RG 2020J00024
Appelante
S.A.S. LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS dont le siège social est sis [Adresse 4] – [Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée par la SELURL BOLLONJEON, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et la SELARL LEXI CONSEIL ET DEFENSE, avocat plaidant au barreau de SAINT-ETIENNE
Intimée
Mme [K] [X]
née le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 5] – CONGO, demeurant [Adresse 6] – [Localité 3]
Représentée par Me Margaux MEDIELL, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C73065-2022-002473 du 21/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 14 mai 2024 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l’appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [K] [X] a exercé, à titre individuel, une activité de e-commerce de vente de fourniture de bureau et de cartes de visite à [Localité 3].
Elle a équipé son local professionnel d’un système d’alarme et de vidéo-surveillance. A cette fin, elle a conclu avec la société Locam deux contrats de location financière :
– un contrat souscrit le 23 mai 2017 portant sur la location d’un système d’alarme, aux termes duquel Mme [K] [X] devait régler la SAS Locam des loyers d’un montant de 90 euros TTC par mois, pendant une durée de 5 ans,
– un contrat souscrit le 4 juillet 2017 portant sur la location d’un système de vidéo-surveillance, aux termes duquel Mme [K] [X] devait régler à la SAS Locam des loyers d’un montant de 90 euros TTC par mois pendant une durée de 5 ans.
Souhaitant mettre fin à son activité, Mme [K] [X] a cessé de régler les loyers à compter du mois de novembre 2017.
Suivant courriers du 5 février 2018, la SAS Locam a mis en demeure Mme [K] [X] de lui payer sous huitaine les sommes de 405,25 euros et 406,46 euros au titre de l’arriéré de loyers impayés pour chacun des deux contrats.
Faute de paiement spontané, les contrats de location se sont trouvés résiliés de plein droit.
Par la suite, la SAS Locam a déposé une requête en injonction de payer auprès du tribunal de commerce de Thonon-les-Bains.
Par ordonnance d’injonction de payer du 30 avril 2018, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a enjoint Mme [K] [X] de payer à la SAS Locam la somme en principal de 8 361,90 euros, outre la somme de 836,19 euros au titre de la clause pénale, la somme de 40 euros à titre d’indemnité forfaitaire et la somme de 37,07 euros au titre des dépens.
Mme [K] [X] a formé opposition à l’encontre de cette ordonnance, le 28 janvier 2020.
Par jugement contradictoire du 6 avril 2022, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a :
– dit que le jugement se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer rendue en date du 30 avril 2018 sous le numéro 2018IP01203,
– déclaré l’opposition formée par Mme [K] [X] le 28 janvier 2020 recevable,
– dit et jugé non écrit l’article 12 des conditions générales des deux contrats de location n°1354083 et n°1353101 conclus entre la SAS Locam et Mme [K] [X],
– débouté la société Locam de sa demande au titre des loyers à échoir,
– condamné Mme [K] [X] à payer à la société Locam la somme de 720 euros outre intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 5 février 2018 au titre des loyers échus impayés,
– laissé les dépens à la charge de la SAS Locam,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Par déclaration du 28 juin 2022, la société Locam a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société Locam demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
jugé non écrit l’article 12 des conditions générales de location,
débouté la concluante de ses demandes au titre des indemnités contractuelles de résiliation et de la clause pénale de 10% sur les sommes dues,
laissé les dépens à sa charge,
Statuant à nouveau,
– condamner Mme [K] [X] à lui régler la somme totale de 9 198,09 euros outre intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 5 février 2018,
Subsidiairement,
– si, par impossible, la cour devait confirmer l’inopposabilité de l’article 12 des conditions générales de location à l’intimée, elle actualisera le montant de sa créance de loyers échus et impayés et condamnera en conséquence Mme [K] [X] à lui payer la somme totale de 8 361,90 euros (4 174,65 + 4 187,2575) correspondant aux échéances courus jusqu’au terme contractuel des deux contrats (10 juillet 2021).
En tout état de cause,
– débouter Mme [K] [X] de toutes ses demandes,
– la condamner à lui régler une indemnité de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel avec application pour les dépens d’appel des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la Selurl Bollonjeon, avocat associée.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 6 avril 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [K] [X] demande à la cour de :
– dire et juger l’appel régularisé par la société Locam à l’encontre du jugement déféré infondé et injustifié,
En conséquence,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Si par extraordinaire, votre cour devait réformer ou infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé non écrit l’article 12 des conditions générales des deux contrats de location n°1354083 et n°1353101 et la lui dire opposable,
– dire et juger son appel incident régularisé par les présentes conclusions à l’encontre du jugement déféré parfaitement recevable et bien fondé,
Y faisant droit,
– dire et juger que l’article 12 des conditions générales des deux contrats de location n°1354083 et n°1353101 doit s’analyser comme une clause pénale susceptible de modération en cas d’excès manifeste,
– dire et juger que l’indemnité sollicitée en application dudit article est manifestement excessive, au regard du préjudice éventuel que peut avoir subi le loueur, des circonstances ayant amené Mme [X] à mettre fin au règlement des loyers et de la valeur du matériel à restitution,
En conséquence,
– réduire à 1 euro les autres sommes réclamées par la SAS Locam au titre des loyers à échoir et des indemnités de 10%, lesdites sommes étant des indemnités dues en application des clauses pénales,
– prendre acte qu’elle se reconnaît débitrice envers la SAS Locam de la somme de 720 euros au titre des loyers échus impayés,
– condamner la SAS Locam aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024.
A titre liminaire, la cour constate que la recevabilité de l’opposition à injonction de payer n’est pas contestée à hauteur d’appel. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point.
1. Sur l’article 12 des conditions générales de location
La société Locam précise que l’article 12 de ses conditions générales de location prévoyant les cas de résiliation de plein droit pour inexécution sans réciprocité n’est pas une clause abusive, la Cour de cassation ayant jugé que ce défaut de réciprocité tenait à la nature des obligations auxquelles sont respectivement tenues les parties. Elle en déduit que la clause litigieuse n’est pas réputée non écrite et qu’elle est donc opposable à Mme [K] [X]. Elle rappelle le rôle purement financier qui est le sien et le fait qu’elle a intégralement payé le prix du matériel qu’elle loue ensuite. Elle a donc mobilisé un capital ayant vocation à s’amortir sur toute la durée du contrat de location. La rupture unilatérale des paiements par Mme [K] [X] provoque pour elle également un préjudice lié au manque à gagner. Elle en déduit que les pénalités de 10% sont parfaitement justifiées et correspondent aux dommages subis.
Mme [K] [X] expose que l’arrêt auquel se réfère la société Locam ne s’oppose pas à considérer que la clause litigieuse, outre le défaut de réciprocité, prévoit des pénalités de 10% du montant des sommes dues. Selon elle ce point crée un déséquilibre significatif entre les parties à son détriment. Elle estime donc que c’est à bon droit que le tribunal a jugé la clause non écrite.
Sur ce :
L’article 1171 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 dispose que, dans un contrat d’adhésion, toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties à un contrat est réputée non écrite. Il est constant que l’appréciation du déséquilibre ne porte ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation.
L’article 12 des conditions générales de location des contrats litigieux prévoit que le contrat pourra être résilié de plein droit par le loueur, 8 jours après une mise en demeure infructueuse notamment en cas de non paiement d’un loyer. Cette résiliation entraîne la restitution immédiate du matériel loué ainsi que le paiement au loueur du montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d’un clause pénale de 10%, ainsi que d’une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat telle que prévue à l’origine majorée d’une clause pénale de 10%.
Il est constant, en jurisprudence, que l’absence de réciprocité dans une telle clause résolutoire de plein droit pour inexécution du contrat se justifie par la nature des obligations réciproques des parties et qu’elle ne présente donc pas un caractère abusif (cass. com. 26 janvier 2022, n°20-16.782). Par ailleurs l’article 12 des conditions générales ne provoque pas, analysé dans son ensemble, c’est-à-dire comprenant les dispositions indemnitaires, un déséquilibre significatif dans les obligations de chacun au profit du bailleur.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a dit abusive et réputée non écrite la clause 12 des contrats litigieux et débouté la société Locam de ses demandes.
2. Sur la clause pénale
La société Locam considère que la clause pénale litigieuse n’est pas excessive en ce qu’elle permet de couvrir tant le préjudice lié au capital mobilisé que celui lié à la rentabilité escomptée de l’opération. Elle estime que la réduction à la somme de 1 euro de cette clause pénale ne lui permettrait pas de récupérer son capital.
Il est constant en jurisprudence que la clause prévoyant la majoration de la charge financière pesant sur le débiteur, résultant de l’anticipation de l’exigibilité des loyers prévus jusqu’au terme du contrat, dès la date de la résiliation, a été stipulée à la fois comme un moyen de contraindre le débiteur à l’exécution et comme l’évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le loueur du fait de la résiliation, de sorte qu’elle constitue une clause pénale susceptible de modération en cas d’excès manifeste
En l’espèce la clause litigieuse impose :
– le paiement du montant des loyers échus ;
– le paiement du montant des loyers à échoir ;
– le paiement d’un indemnité complémentaire représentant 10% du montant de chacune des sommes précédentes.
Le paiement des loyers échus n’est pas contesté par Mme [K] [X], pas plus que les 10% de pénalité s’y rattachant (conclusions p. 5). Un tel paiement de loyers échus ne peut pas être considéré comme excessif.
En ce qui concerne le paiement des loyers à échoir, la cour relève que cela permet à la société Locam de compenser la perte financière que représente la non perception des loyers alors que l’équilibre financier de l’opération se trouve calculé sur la base d’un contrat normalement exécuté jusqu’à son terme. En revanche, à partir du moment où elle percevra in fine le montant total des loyers prévus, elle ne peut plus se plaindre d’une perte de rentabilité ou de capital dans la mesure où ces éléments sont nécessairement pris en compte dans le loyer qu’elle a calculé.
En ce qui concerne la pénalité de 10% affectée tant aux loyers échus qu’aux loyers à échoir, la société Locam les justifie en disant qu’elle permet de compenser les coûts administratifs et de gestion engendrés par les défauts de paiement. A ce titre, la clause litigieuse est manifestement excessive. En effet, au regard des pièces versées au dossier il convient de constater que pour la gestion administrative des impayés, la société Locam a envoyé seulement deux courriers recommandés avec avis de réception à Mme [K] [X] (pièces n°5 et 10) et une lettre simple (pièce 9). En conséquence, la pénalité complémentaire sera ramenée à 2% des loyers échus et à échoir.
3. Sur les sommes dues par Mme [K] [X]
Il résulte de ce qui précède ainsi que des décomptes produits par la société Locam que Mme [K] [X] reste redevable des sommes suivantes :
– pour le premier contrat (pièce n°5) :
– loyers échus = 278,31 euros
– pénalité de 2 % = 5,56 euros
– loyers à échoir = 3 803,57 euros
– pénalité de 2 % = 76,07 euros
soit un total de 4 163,51 euros,
– pour le second contrat (pièce n°10) :
– loyers échus = 279,15 euros
– pénalité de 2 % = 5,58 euros
– loyers à échoir = 3 815,05 euros
– pénalité de 2 % = 76,30 euros,
soit un total de 4 176,08 euros.
Il convient donc de condamner Mme [K] [X] à payer à la société Locam la somme totale de 8 339,59 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 5 février 2018, date de la mise en demeure.
4. Sur les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Mme [K] [X] qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l’article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, la Selurl Bollonjeon, avocat associée, avocats, étant autorisée au besoin à recouvrer directement auprès d’elle ceux d’appel dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.
Aucune considération d’équité ne permet de faire application au profit de la société Locam des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit recevable l’opposition à injonction de payer formée par Mme [K] [X],
Infirme le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [K] [X] à payer à la société Locam la somme de 8 339,59 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 5 février 2018,
Condamne Mme [K] [X] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés le cas échéant en application de l’article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, la Selurl Bollonjeon, avocat associé , étant autorisée à recouvrer directement auprès d’elle ceux d’appel dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision,
Déboute la société Locam de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 12 septembre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente