09/09/2022
ARRÊT N° 2022/406
N° RG 21/01638 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OC5O
MD/KS
Décision déférée du 23 Février 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01095)
ANDRE CHAPUIS
SECTION COMERCE CH 1
[X] [N]
C/
S.A.S. SUSHI SHOP RESTAURATION
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU NEUF SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [X] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Frédérique BELLINZONA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.S. SUSHI SHOP RESTAURATION venant aux droits de Sushi
SPHOP DÉVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Cédric GUILLON de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de PARIS et par Me Sophie CREPIN de la SELARL SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE:
M. [X] [N] a été embauché le 8 janvier 2013 par la Sarl Sushi Shop [Localité 8] Lapeyrouse en qualité d’équipier suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale de la restauration rapide.
Par avenant du 1er juin 2015signé par la société Sushi Shop Restauration
à [Localité 7], M. [N] a été promu adjoint responsable boutique, position agent de maitrise et travaillait au sein du restaurant dénommé ‘[Localité 8] 1″.
Le 27 janvier 2017, M. [N] a été sanctionné d’une mise à pied disciplinaire de 3 jours pour avoir falsifié un planning.
Le 17 septembre 2018, M. [N] a fait l’objet d’un rappel à l’ordre.
Le 2 janvier 2019, M. [N] a été placé en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 31 janvier.
Lors de la visite de reprise du 5 février 2019, le médecin du travail a envisagé de revoir M. [N] le 12 février, le salarié étant à nouveau placé en arrêt de travail jusqu’au 11 février.
Lors de la visite médicale du 12 février, le médecin du travail a prévu une nouvelle visite le 9 avril 2019.
Par courrier du 9 mai 2019, M. [N] a pris acte de la rupture du contrat aux torts de la société.
M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 11 juillet 2019 pour voir reconnaitre à sa prise d’acte les effets d’un licenciement dépourvu de cause et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Commerce, par jugement
du 23 février 2021, a :
-dit que la prise d’acte de M. [N] produit les effets d’une démission,
-en conséquence,
-condamné M. [X] [N] à régler à la Sas Sushi Shop Restauration (venant aux droits de la société Sushi [Localité 8] Développement) la somme de 4 666,34 euros au titre du préavis,
-condamné la SAS Sushi Shop Restauration (venant aux droits de la société Sushi [Localité 8] Développement) et prise en la personne de son représentant légal, à régler à M. [X] [N] les sommes suivantes :
*2 047,72 euros brut au titre de la garantie de maintien de salaire,
*323,07 euros brut au titre des jours fériés,
-rejeté les plus amples demandes,
-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
-mis les dépens à charge de M. [N].
Par déclaration du 12 avril 2021, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 7 juillet 2021, M. [X] [N] demande à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu’il condamne la société Sas Sushi Shop Restauration venant aux droits de Sushi [Localité 8] Développement à payer à M. [N] :
*2 047,72 euros au titre du maintien de salaire pendant l’arrêt maladie,
*323,07 euros au titre du paiement des jours de récupération pour travail les jours fériés,
-l’infirmer pour le surplus,
-constater que la prise d’acte est aux torts de l’employeur, juger qu’elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-et, en toutes hypothèses, qu’il n’y a pas lieu de verser une indemnité de préavis à l’employeur,
-condamner la société à régler à M. [N] les sommes de :
*4 978,42 euros au titre de l’indemnité de préavis,
*497,84 euros au titre des congés payés sur l’indemnité de préavis,
*3 941,24 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
*17 424,47 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
*10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le préjudice moral distinct,
*4 283,73 euros au titre de rappel de salaire de manager,
*428,37 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférente,
*3 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 1er octobre 2021, la SAS Sushi Shop Restauration, venant aux droits de Sushi Shop Développement, demande à la cour de :
-confirmer le jugement en ce qu’il a :
*dit que la prise d’acte de M. [N] produit les effets d’une démission,
*condamné M. [N] à régler à la société la somme de 4 666,34 euros au titre du préavis,
*débouté M. [N] de ses plus amples demandes,
*mis les dépens à la charge de M. [N],
-infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à régler à M. [N] la somme de 2 047,72 euros bruts à titre de garantie de maintien de salaire,
-condamner M. [N] à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 6 mai 2022.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS:
I/ Sur la demande de rappel de salaire en contrepartie des fonctions de manager exercées:
Monsieur [N] soutient qu’il a exercé, en l’absence de manager sur la structure sur la période de février 2016 à juillet 2016 ces fonctions, comme étant placé dans la même situation d’autonomie que la responsable qu’il remplaçait. Il fait valoir que si sa fonction d’adjoint manager relève d’un contrôle discontinu de son activité avec obligation d’en rendre compte fréquemment pendant sa séquence de travail, cela n’était pas possible en l’absence de responsable hiérarchique sur site.
Il réclame paiement d’un rappel de salaire de 4283,73 € au titre de la différence entre ce qu’il a perçu en tant qu’adjoint et le salaire dû au titre des fonctions de manager exercées sur cette période.
L’employeur soulève dans les motifs de ses conclusions la prescription de la demande mais à défaut de prétention à cette fin dans le dispositif, la cour n’en est pas saisie.
Au fond, il est conclu au débouté.
Sur ce:
Monsieur [N] était adjoint Responsable Boutique, statut agent de maîtrise, niveau IV, échelon 2, travaillant au sein du restaurant dénommé ‘[Localité 8] 1″.
Selon l’avenant au contrat de travail, il exerçait notamment les fonctions suivantes :
« – Coordination du travail des équipes du restaurant (assistants, cuisiniers, serveurs, livreurs) ;
– Organiser et planifier le travail des équipes, établir et afficher les plannings de
travail ;
– Assurer la formation et l’intégration des nouvelles recrues ;
– Prendre et enregistrer les commandes téléphoniques ;
– Assurer la gestion quotidienne du restaurant, notamment :
o Vérification et suivi de la caisse, des stocks de marchandises, du linge mis à la disposition du personnel (..)
o Assurer l’ouverture et la fermeture du restaurant ;
– Assurer et veiller au bon fonctionnement des activités du restaurant.’
Il est précisé que le salarié devra rendre compte de sa mission aussi souvent que nécessaire auprès du Responsable de la Boutique « Manager » ou à toute personne qui pourrait lui être substituée.
Le manager adjoint assure donc des fonctions d’animation du service client, de gestion opérationnelle et d’encadrement d’équipe, il travaille en autonomie avec un contrôle discontinu de son activité et est responsable du fonctionnement du restaurant pendant sa prestation de travail, devant prendre toute décision nécessaire pour garantir la satisfaction du client.
Les fonctions de manager relèvent de la classification cadre niveau V
« catégorie 1 » (échelon A) de la convention collective de la restauration rapide, définies ainsi qu’il suit:
. Activité étendue à plusieurs aspects de l’organisation, de la gestion et de l’animation d’équipe.
Propose ses objectifs qui sont arrêtés par l’échelon supérieur, assure leur suivi comme leur réalisation, contrôle et gère les écarts. Peut exercer une activité de représentation.
. Autonomie: Contrôle discontinu de son activité appréciée en termes de résultat, mais obligation d’en rendre compte suivant une fréquence déterminée en collaboration avec son supérieur hiérarchique. Le temps de travail est nécessairement régi par une convention de forfait en jours compte tenu de l’autonomie dont il dispose.
. Responsabilité des activités d’organisation, de gestion, de relations et/ou d’encadrement d’une unité, dans les limites de la délégation qu’il a reçue et responsable du choix des moyens de mise en oeuvre.
Peut, en outre, être titulaire d’une délégation étendue à plusieurs domaines.
. Relation client: Maîtrise totalement l’animation et le développement de l’activité de son périmètre d’intervention.
La société oppose qu’entre février 2016 et juillet 2016, l’intéressé était placé sous la supervision directe du franchisé Monsieur [P] jusqu’au recrutement
fin mai 2016 de Monsieur [J] manager senior.
Le fait qu’il n’y ait pas eu pendant une période de 4 mois de manager sur site n’exclut pas en soi un contrôle et un rendu-compte, le contrat prévoyant expressément la possibilité d’un contrôle par une personne substituée au manager et l’appelant ne remet pas utilement en cause la supervision mentionnée par l’employeur.
Monsieur [N] ne justifie pas avoir établi des objectifs à atteindre, ni avoir reçu une délégation de pouvoir étendue éventuellement aux fins de représentation.
Aussi il ne peut être considéré comme ayant exercé les fonctions de cadre-manager.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce chef.
II/ Sur les demandes en paiement en exécution du contrat:
1/ Sur les heures de récupération pour les jours fériés :
Monsieur [N] explique qu’il n’a pas bénéficié d’heures de récupération ni d’un paiement pour les journées fériées travaillées du 1er et 11 novembre 2018 et
du 1er janvier 2019 pour lesquelles la société était redevable de 323.07 € et a été condamnée à ce titre par le conseil de prud’hommes.
L’intimée n’a pas sollicité l’infirmation de cette condamnation qui est acquise au salarié.
2/ Sur le non-paiement du maintien du salaire:
L’article 19 de la Convention collective nationale de la restauration rapide
du 18 mars 1988 prévoit:
« Après trois ans d’ancienneté dans l’entreprise, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie dûment constatée par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, les salariés bénéficieront des dispositions suivantes à condition :
‘ d’avoir justifié dans les 48 heures son incapacité ;
‘ d’être pris en charge par la sécurité sociale ;
‘ d’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres pays de la Communauté économique européenne.
Pendant trente jours ils recevront 90% de la rémunération brute qu’ils auraient gagnée s’ils avaient continué à travailler. Pendant les trente jours suivants, ils recevront 70% de leur rémunération.
Les temps d’indemnisation seront augmentés de dix jours par période entière de cinq ans d’ancienneté en sus de celle requise à l’alinéa 1er sans que chacun d’eux puisse dépasser 90 jours.
Lors de chaque arrêt de travail, les délais d’indemnisation commenceront à courir à compter du onzième jour d’absence. (..)
Les garanties ci-dessus accordées s’entendent déduction faite des allocations que l’intéressé perçoit de la sécurité sociale et des régimes complémentaires de prévoyance, mais en ne retenant, dans ce dernier cas, que la part des prestations résultant des versements de l’employeur. (..)».
Monsieur [N] allègue qu’il n’a reçu aucun complément durant la période où il était en arrêt maladie du 01 janvier 2019 au 31 mars 2019.
Il réclame paiement d’un rappel de salaire de 2 047.72 € selon calcul précisé
dans la pièce 38-1.
La société rétorque que Monsieur [N] n’a pas justifié de ses arrêts dans le délai prescrit de 48 heures, ni de la prise en charge par la sécurité sociale.
Ainsi, s’agissant de l’arrêt de travail du 2 janvier au 31 janvier 2019, il n’a pas transmis les relevés d’indemnisation nécessaires de la CPAM. Après le 12 février 2019, il a cessé de justifier de ses absences et l’employeur l’a mis en demeure de le faire par courriers du 20 février 2019 et du12 mars 2019, mais il est resté taisant, ne répondant pas aux mails.
Sur ce:
Aux termes des échanges de courriels entre Monsieur [N] et la CPAM,
. à la date du 19 janvier 2019, le salarié avait transmis son arrêt maladie mais l’organisme n’avait pas reçu l’attestation de salaire de l’employeur aux fins d’indemnisation,
. au 21 février 2019, la CPAM informait l’assuré de ce qu’il pouvait télécharger le relevé des indemnités journalières sur Internet, avoir enregistré son arrêt de travail
du 5 février au 11 février 2019 mais l’attestation de salaire de l’employeur n’a pas été réceptionnée.
S’agissant du retard allégué par le salarié dans la transmission des attestations de salaire par la société, il ressort de la confrontation de ces échanges avec les mises en demeure de la société, l’existence de difficultés de communication dont il n’est pas établi qu’elles relèvent uniquement de la responsabilité de cette dernière.
La société a adressé le 14 janvier 2019 l’attestation de salaires, jour qu’elle indique être celui de transmission par Monsieur [N] de son arrêt de travail initial.
La CPAM a procédé ensuite à des virements les 17, 18 et 31 janvier et le 14 février tel qu’elle le précise dans son courrier du 21 février.
L’employeur indique qu’il n’a pas à établir une nouvelle attestation de salaire en cas de prolongation dès lors que le motif de l’arrêt est identique.
S’il n’est pas justifié par le salarié de l’envoi des arrêts de travail à l’employeur après
le 11 février 2019, la société n’ignorait pas la situation de maladie de l’intéressé dès lors qu’elle devait adresser le 7 mars une convocation à la visite médicale devant avoir lieu le 9 avril 2019 et que par courrier du 12 mars, elle conviait l’intéressé à un rendez-vous sur sa situation professionnelle après avoir échangé avec la médecine du travail.
Compte tenu du contexte de suivi par le médecin du travail à compter
du 12 février 2019, il sera fait droit à la demande de maintien de salaire de l’appelant.
Comme le souligne la société, Monsieur [N] a perçu pour le mois de janvier 2019 des indemnités à hauteur de 1102,95 € ( tel qu’il ressort de l’attestation de la CPAM communiquée) et non 776,15 € comme porté dans son décompte pièce 38-1. Pour cette période, le rappel de salaire est fixé à 315,85€.
Il sera alloué pour la période postérieure les sommes réclamées par le salarié selon le décompte joint à défaut de contestation pertinente de leur montant par l’employeur.
En effet, lorsqu’une convention collective prévoit un maintien de salaire sous déduction des indemnités journalières, ces indemnités doivent être déduites pour calculer le montant du maintien de salaire mais leur versement n’est pas une des conditions de ce maintien.
Aussi la société sera condamnée à payer une somme de 1720,92 € au titre du maintien de salaire.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc réformé sur le quantum.
III/ Sur la prise d’acte:
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit dans le cas contraire d’une démission.
Les faits invoqués par le salarié doivent non seulement être établis mais constituer des manquements suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle.
La lettre de prise d’acte du 09 mai 2019 adressée par M. [N] est ainsi libellée:
‘ Les faits suivants dont la responsabilité incombe entièrement à Sushi Shop me contraignent à vous notifier la présente prise d’acte de la rupture de contrat de travail.
Je subis depuis plusieurs mois:
– non-paiement de certaines heures travaillées
– non-respect des heures légales et contractuelles
– transmission très tardive des documents nécessaires au versement des indemnités journalières par la sécurité sociale,
– non-paiement de l’indemnité complémentaire pendant mon arrêt maladie
du 2 janvier 2019 au 31 janvier 2019 ainsi que depuis le 5 février 2019.
Vous trouverez ci-dessous une liste des motivations de mon épuisement professionnel qui a conduit à des problèmes graves de santé et donc l’arrêt maladie :
– déloyauté par de fausses illusions au poste de manager
– rétrogradation de mon poste d’adjoint manager
– discrédit face à mon équipe dans celle-ci contre moi
– discrédit auprès de la direction
– mise à l’écart/ isolement
– intimidation, pression quotidienne et sexiste
– affaiblissement psychologique
– avertissement et rappel à l’ordre douteux
ajouté à cela:
– aucune considération apportée à ma situation
– aucune empathie, bienveillance ni aide ne m’a été formulée en réponse à ma lettre de détresse du 24 janvier 2019
– influencer la décision du Docteur [W] quant à mon état de santé avec une lettre accusatrice et mensongère,
– m’avoir poussé vers une démission avant, pendant et après mon arrêt maladie
– rétention d’information en ma défaveur.
L’ensemble de ces faits évoqués ont entraîné une dégradation sévère et rapide de mes conditions de travail, de mon état de santé, me plongeant dans une précarité financière et donc réduisant fortement ma qualité de vie.
Cette rupture est entièrement imputable à Sushi Shop France puisque les effets précités constituent un grave manquement aux obligations contractuelles de l’entreprise Sushi Shop France considérant le contenu de mon contrat de travail à durée indéterminée en tant que responsable adjoint Sushi Shop. (..)’
Monsieur [N] expose que si les incidents intervenus entre 2015 et 2016 ont cessé, des difficultés sont apparues de nouveau dans le cadre du management à compter d’août 2018, à la suite d’un changement de manager, Madame [H] ayant remplacé Monsieur [J], en ce que:
– des tâches lui ont été retirées alors que sa situation évoluait vers une augmentation
des responsabilités, il a été mis à l’écart,
– sa supérieure n’a aucune considération, elle lui adressait des remarques méprisantes ou des railleries, elle pratiquait la menace, un management infantilisant.
L’appelant rappelle avoir informé pendant son arrêt de travail par courrier
du 24 janvier 2019 sa direction d’une situation très dégradée.
Il énonce que l’employeur a remis en cause ses griefs de même que le caractère médical de ses arrêts maladie du fait de l’absence d’avis d’inaptitude.
Il explique avoir refusé de se rendre à l’invitation à un entretien le 21 mars 2019 compte tenu de la défiance et des reproches de l’employeur à son égard et que les manquements persistants de l’employeur l’ont contraint à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de celui-ci, devant emporter les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société conteste le bien fondé et en tout état de cause le caractère suffisamment grave des manquements allégués pour emporter une rupture des relations contractuelles à ses torts. Elle conclut que la prise d’acte doit s’analyser en une démission du salarié.
1/ Sur les heures non payées de travail et le dépassement horaire:
– Si la lettre de prise d’acte ne précise aucune période, l’appelant indique dans ses conclusions qu’en juin 2016, pour obtenir le degré de satisfaction de près de 100 % pour les services du midi et du soir, il a dû s’impliquer jusqu’à effectuer 70 heures de travail par semaine.
Il s’évince des échanges de mails concernant la semaine du 06 juin 2016 entre M. [N] et son superviseur qu’il a effectué 70 heures de travail mais cette situation est isolée et le superviseur lui a rappelé que les heures supplémentaires ne peuvent être accomplies sans son accord.
Par ailleurs il ne justifie d’aucune heure de travail qui n’aurait pas été rémunérée et ne réclame aucun paiement dans le cadre de la procédure à ce titre.
– Monsieur [N] expose qu’il a dû travailler plus de 11 jours consécutifs sans jour de repos et il verse la feuille de badgeage pour la période du 6 au 11 juin 2016, ce qui concerne donc la même période de temps que pour le dépassement horaire.
Il indique également que le 7 décembre 2016, il a déplacé le service du mercredi pour celui du samedi de la même semaine plus chargé pour porter assistance aux équipes, et le lendemain, il est arrivé en retard.
Par peur d’un avertissement de sa direction, il a modifié le planning a posteriori, ce que l’employeur a constaté et il a fait l’objet d’une mise à pied de 3 jours le 27 janvier 2017.
Le courrier d’avertissement fait mention de ce que les 7 et 8 décembre 2016, le salarié était planifié sur 2 services mais il a modifié a posteriori sur le logiciel de badgeage la planification pour couvrir son absence au poste de travail sur le service du
matin le 7 décembre et ses retards le 8 décembre.
La salarié n’a pas adressé de lettre de contestation.
Les griefs allégués par l’appelant sont anciens, isolés ou non fondés et n’ont pas empêché la poursuite de la relation contractuelle.
2/ Sur les griefs concernant les indemnités journalières et le non-paiement de l’indemnité complémentaire pendant la maladie de janvier à mars 2019:
Tel qu’il ressort des développements précédents, le retard dans la transmission des attestations de salaire n’est pas de la seule responsabilité de l’employeur et le salarié a perçu les indemnités journalières pour les périodes concernées, sans démontrer un retard de versement qui en résulterait, dès lors qu’il ne produit pas les justificatifs de perception de ces indemnités .
Le non paiement du maintien de salaire résultant à la fois d’une rupture des relations par le salarié après le 11 février et d’une interprétation inadéquate par l’employeur ne constitue pas un manquement grave justifiant la rupture des relations contractuelles aux torts exclusifs de l’employeur.
3/ Sur les autres griefs reprochés quant au comportement de l’employeur (déloyauté par de fausses illusions au poste de manager, absence de considération, discrédit, mise à l’écart, intimidation, rappel à l’ordre douteux, pression vers une démission, rétention d’information):
Par courrier du 24 janvier 2019, Monsieur [N] s’est plaint auprès de la direction des opérations France d’une dégradation de ses conditions de travail suite au changement de direction sur le shop [Localité 8] 1.
Il fait part de ce que:
. pendant 5 mois en 2016 il a tenu le restaurant en l’absence de son supérieur hiérarchique sur le site avec des résultats remarquables,
.pendant 3 ans, il s’est beaucoup investi pour démontrer sa motivation et son aptitude à intégrer le poste de manager à temps plein, l’ancien responsable l’ayant recommandé pour ce poste mais sous la nouvelle direction ce poste ne lui a pas été accordé : «j’ai compris que le poste m’avait été présenté depuis le début comme une illusion destinée à toujours plus me pousser vers le dépassement de mes objectifs et le dévouement envers votre entreprise. ».
Il dénonce : ‘sous la direction actuelle, s’en est suivie une pression quotidienne, un harcèlement moral et sexiste en vue de me retrouver en situation de faiblesse et de me pousser vers la démission’.
Il ajoute que l’employeur lui a retiré une grande partie de ses responsabilités (responsable des services midi et soir, réalisation des plannings, réalisation des bilans hebdomadaires, recrutement malgré la formation du 11 décembre 2018 (..) et l’a rétrogradé vers un poste d’équipier (livraison des commandes, rangement et nettoyage des locaux, tâches secondaires de préparation).
Il conclut que de ce fait son état de santé s’est rapidement dégradé et sa santé psychologique ne lui permet plus d’exercer ses fonctions.
La Cour relève que si Monsieur [N] évoque le terme ‘harcèlement’, il ne se réfère dans ses conclusions ni à l’article L 1252-1 du code du travail ni au processus de preuve qui en découle, il ne sollicite pas que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement nul mais seulement sans cause réelle et sérieuse et il ne réclame pas de dommages et intérêts pour harcèlement moral mais pour un préjudice lié à une rupture vexatoire.
* Sur le poste de manager:
Monsieur [J], son manager depuis 2 ans, a recommandé l’intéressé à ce poste
le 29 juin 2018 selon formulaire de cooptation.
Mais il a été remplacé à compter d’août 2018 par Madame [H], dont il se plaint du comportement à son égard.
La société réplique par courrier du 8 février 2019, qu’elle a accompagné l’appelant dans son souhait d’évolution professionnelle malgré l’incident du mois de janvier 2017 sanctionné par une mise à pied. Ainsi au cours du second semestre 2018, l’appelant a fait l’objet d’un encadrement par un manager multi-sites Madame [H] et d’un rappel à l’ordre sur les bases de ses missions en matière d’hygiène le 17 septembre 2018. Un poste de manager sur [Localité 5] avec période probatoire lui a été proposé qu’il a refusé de même une évolution sur[Localité 6]e en novembre 2018.
En décembre 2018 il a été inscrit à une formation au siège sur le recrutement, il lui a été proposé de finaliser un processus d’évolution en janvier 2019 par la réalisation d’un plan d’action sur la vente sur place dans son établissement. Ce plan devait être soutenu le 15 janvier 2019 et sous réserve de validation lui permettre de passer manager en période probatoire.
Le 12 décembre 2018, le salarié a sollicité le report du lancement de ce plan d’un mois.
Au vu de ces éléments non contestés, il ne peut être reproché à la société un comportement déloyal dans son processus d’évolution professionnelle, le salarié ne justifiant pas d’une promesse effective de l’employeur à lui faire bénéficier du poste de manager sur le site de [Localité 8] 1, même si une recommandation a été établie en sa faveur par son ancien manager.
* Sur la rétrogradation des fonctions d’adjoint manager :
L’appelant verse aux débats un mail de Madame [H] du 24 août 2018 lui demandant de saisir les plannings cuisine, un mail du 15 septembre 2018 de Madame [O] [R] ( assistante ) à Madame [H] lui joignant le prévisionnel d’octobre et indiquant adresser novembre et décembre et un courriel du 18 septembre 2018 par lequel Madame [H] transfère le dit message à l’appelant.
Les termes de ces courriels ne permettent pas de connaître le rédacteur effectif des plannings, ni de démontrer que l’appelant n’exerce plus cette tâche, ce que l’employeur conteste, ce d’autant que:
. à la suite de leur réception, l’appelant ne justifie pas avoir interrogé sa supérieure hiérarchique sur une modification éventuelle de ce fait de ses attributions,
.les 16 et 28 novembre 2018, le directeur régional lui rappelait ainsi qu’à Madame [H] la nécessité de réaliser des plannings dans les délais légaux,
. le 12 décembre 2018, Madame [H] lui a rappelé ses missions dont celle de saisie des plannings cuisine.
Monsieur [N] ne rapporte pas d’élément probant sur les autres tâches dont il aurait été dessaisi,
la société apportant par ailleurs les réponses objectives suivantes:
. il conservait la responsabilité des services sous le contrôle du manager du restaurant,
. il ne réalisait plus certains bilans hebdomadaires suite à sa demande de bénéficier de son repos hebdomadaire chaque dimanche et lundi, jours de réalisation ne pouvant être reportés,
. la gestion de la masse salariale ne lui a jamais été confiée, cette mission relevant du manager,
. la gestion des heures de travail et les droits d’accès ont été suspendus temporairement fin décembre 2018 à la suite de la découverte de falsifications de pointages le concernant,
. les tâches relatives aux commandes ont été temporairement confiées en
décembre 2018 aux assistants manager dans le cadre de leur évolution interne,
. il n’avait pas la responsabilité des recrutements et il a bénéficié d’une formation à ce titre en décembre 2018.
Enfin s’agissant de tâches que l’appelant considère relever des missions d’un équipier, le contrat de travail prévoit que le manager adjoint apporte si besoin est, une aide et une assistance aux équipes.
Si la nouvelle supérieure hiérarchique a voulu asseoir son nouveau statut en instaurant certains changements ( elle écrit dans un mail du 20 novembre 2018: ‘je vais faire tourner les tâches de gestion dans les shops’), il y a lieu de souligner que dans la même période de temps, l’appelant a bénéficié d’un accompagnement et d’une formation pour acquérir de nouvelles responsabilités en vue d’un poste de manager, ce qui contredit une volonté de rétrogradation par l’employeur.
Les éléments ci-dessus ne caractérisent donc pas une rétrogradation des missions de l’appelant.
*Sur le discrédit, la mise à l’écart, les pressions sexistes ou pour le pousser à la démission, l’absence de considération et la rétention d’information:
L’appelant ne rapporte pas d’élément établissant qu’il aurait fait l’objet de pressions de quelque nature que ce soit, ni d’une rétention d’information à son préjudice, ni d’une mise à l’écart ou d’un discrédit auprès de la direction ou face à son équipe en liguant celle-ci contre lui.
N’ont pas plus un caractère dénigrant:
– la phrase ‘J’espère que ton petit séjour parisien t’a aidé à prendre du recul et à remettre toutes les idées en ordre’ en tête d’un courriel de Madame [H] à Monsieur [N] en formation et lui rappelant les missions des prochains jours,
– l’une des 4 citations écrites par la manager sur une carte de v’ux de Noël en décembre 2018 au titre de ‘sages conseils’ pour la future année: ‘l’évolution personnelle commence à partir du moment où vous acceptez vos faiblesses’,
que le salarié, déçu de ne pas avoir obtenu le poste de manager, a pu ressentir comme une remise en cause de ses capacités.
L’employeur a été réactif à la suite du courrier de l’appelant en répondant de façon précise et objective à ses griefs et par courrier du 12 mars 2019, il lui a proposé un rendez-vous pour un entretien sur sa situation que le salarié a refusé. Il ne peut être reproché à la société, qui a en outre accompagné l’appelant dans son souhait d’évolution professionnelle, un manque de considération.
* Sur l’affaiblissement psychologique:
S’il n’est pas contestable que le salarié soit en souffrance, il convient de relever qu’il a fait l’objet d’arrêts pour maladie non professionnelle et que le médecin du travail n’a pas conclu à une inaptitude médicale.
Le docteur [W], sur lequel le salarié ne démontre aucune pression par l’employeur, écrivait le 12 février 2019 à un confrère à la suite de la visite de reprise de Monsieur [N]:
‘Il est clair que ce salarié ne puisse pas rester dans cet environnement de travail car cela aurait des effets néfastes sur sa santé à long terme. Malgré cela l’inaptitude médicale ne peut se justifier malheureusement que sous couvert de séquelles médicales clairement identifiées avec dossier médical.
Je n’ai pas pu m’entretenir avec ses responsables afin de comprendre la situation. J’ai par ailleurs reçu un courrier expliquant les différends entre le salarié et l’employeur, ma position est de rester neutre et de ne pas juger parti.
J’ai donc trop peu d’éléments ce jour pour prononcer une inaptitude médicale, que ce soit au niveau du dossier médical ou au niveau de l’employeur. Inaptitude médicale qui peut facilement être contestée par l’employeur si l’employeur n’est pas d’accord avec ma décision. (..)’.
Un mal-être peut résulter de difficultés relationnelles avec l’employeur sans qu’une faute soit imputable à ce dernier.
En l’absence de manquement grave de l’employeur pouvant empêcher la poursuite de la relation contractuelle et justifier une rupture du contrat de travail aux torts de celui-ci, la prise d’acte par Monsieur [N] s’analyse en une démission.
Le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce chef, en ce qu’il a débouté Monsieur [N] de ses demandes afférentes à une prise d’acte emportant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’a condamné au paiement d’une indemnité de 2 mois de salaire pour non respect du préavis, l’employeur n’ayant pas à justifier d’un préjudice.
Sur les demandes annexes:
Monsieur [N] sera condamné aux dépens d’appel.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
La condamnation de Monsieur [N] aux dépens par le conseil de prud’hommes est confirmée.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le quantum du maintien de salaire,
Statuant sur le chef réformé et y ajoutant,
Condamne la Sas Sushi Shop Restauration venant aux droits de la société Sushi [Localité 8] Développement à payer à Monsieur [X] [N] la somme
de 1720,92 € au titre du maintien de salaire,
Condamne Monsieur [X] [N] aux dépens d’appel,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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