8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°363
N° RG 19/03851 –
N° Portalis DBVL-V-B7D-P252
M. [U] [F]
C/
SA ALLIANZ VIE
Confirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 Mai 2022
En présence de Monsieur [E] [W], Médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [U] [F]
né le 14 Mai 1974 à[Localité 3])
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Ayant Me Stéphane LALLEMENT de la SELARL OCTAAV, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué
INTIMÉE :
La SA ALLIANZ VIE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Myriam HENDERSON substituant à l’audience Me Véronique CHILD de la SELAS DELOITTE SOCIÉTÉ D’AVOCATS, Avocats au Barreau des HAUTS-DE-SEINE
M. [F] a été embauché le 1er mai 2002 par la société AGF VIE devenue SA ALLIANZ VIE selon contrat à durée indéterminée à temps plein en qualités de conseiller en assurances finances à l’embauche puis de conseiller en gestion de patrimoine.
À compter du 16 septembre 2015, M. [F] a été placé en arrêt de travail jusqu’au 16 septembre 2016.
M. [F] a été reconnu en tant que travailleur handicapé pour une période courant du 13 mai 2016 au 30 avril 2018, reconnaissance renouvelée pour une période courant du 1er mai 2018 au 30 avril 2023.
Le 19 septembre 2016, M. [F] a été déclaré apte à la reprise de son poste à temps plein.
Le 30 septembre 2017, M. [F] a été placé en arrêt de travail.
Le 30 octobre 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le 18 mai 2018, M. [F] a déclaré une maladie professionnelle.
Le 16 juillet 2018, M. [F] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 25 juillet 2018.
Le 3 août 2018, la SA ALLIANZ VIE a fait savoir qu’elle maintenait son projet de licenciement et a informé M. [F], le 8 octobre 2018, qu’elle allait réunir à cette fin un conseil de discipline. Le conseil de discipline s’est tenu le 30 octobre 2018.
Par courrier du 29 novembre 2018, reçu le 30 novembre 2018, la SA ALLIANZ VIE a notifié à M. [F] son licenciement pour faute grave. Par requête du 22 février 2019, M. [F] a introduit une seconde instance prud’homale afin de contester son licenciement. Par jugement du 25 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Nantes a sursis à statuer dans le cadre de cette seconde instance, dans l’attente de l’issue de l’appel interjeté à l’encontre du jugement du 13 mai 2019.
Dans sa requête du 30 octobre 2017, M. [F] a demandé au conseil de prud’hommes de Nantes de :
‘ Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur,
‘ Condamner la SA ALLIANZ VIE au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et capitalisation :
– 225.841,65 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de janvier 2016 au 15 novembre 2018,
– 22.584,16 € brut au titre des congés payés afférents,
– 37.508,70 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 3.750,80 € brut au titre des congés payés afférents,
– 113.126,28 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 300.069,70 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 150.034,85 € à titre de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
‘ Ordonner la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes, sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
‘ Exécution provisoire (article 515 du code procédure civile),
‘ Condamner la SA ALLIANZ VIE au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par M. [F] le 13 juin 2019 du jugement en date du 13 mai 2019 par lequel le conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ Dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [F] aux torts exclusifs de l’employeur SA ALLIANZ VIE,
‘ Débouté d’une manière générale M. [F] de toutes ses demandes
‘ Débouté M. [F] de l’ensemble de ses demandes formulées à ce titre,
‘ Débouté M. [F] de sa demande de rappel de salaire pour la période de janvier 2016 au 15 novembre 2018,
‘ Débouté M. [F] de sa demande de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
‘ Débouté les parties de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamné les parties aux dépens partagés.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 2 mai 2022, suivant lesquelles M. [F] demande à la cour de :
‘ Réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
‘ Débouter la SA ALLIANZ VIE de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,
‘ Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [F] aux torts exclusifs de l’employeur,
‘ Condamner la SA ALLIANZ VIE à payer à M. [F] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et capitalisation :
– 232.093,11 € brut à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 30 novembre 2018,
– 23.209,31 € brut au titre des congés payés afférents,
– 37.508,70 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 3.750,80 € brut au titre des congés payés afférents,
– 113.370,08 € au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 300.069,70 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 150.034,85 € à titre de dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
‘ Condamner la SA ALLIANZ VIE à remettre à M. [F] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 75 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la signification de la décision à intervenir,
‘ Condamner la SA ALLIANZ VIE à payer à M. [F] la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Vu les écritures déposées le 9 décembre 2019, suivant lesquelles la SA ALLIANZ VIE demande à la cour de :
‘ La recevoir en ses écritures et y faire droit,
A titre principal,
‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [F] de l’intégralité de ses demandes,
‘ Débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes,
‘ Dire que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est infondée,
‘ Dire que la SA ALLIANZ VIE a respecté les dispositions de l’accord collectif ‘Handicap’ et dire la demande de rappel de salaire sans objet,
‘ Débouter M. [F] de ses demandes de rappel de salaire pour la période de janvier 2016 à septembre 2017 avec congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages-intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence,
A titre subsidiaire,
‘ Limiter le montant d’une éventuelle condamnation comme suit :
– 32.799,79 € à titre d’indemnité de licenciement,
– 21.022,80 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 21.022,80 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,
A titre reconventionnel,
‘ Condamner M. [F] à verser à la SA ALLIANZ VIE la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 5 mai 2022.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions, il est expressément renvoyé aux écritures des parties transmises par voie du RPVA, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire « juger » utilisé comme synonyme des verbes précédents pour introduire dans le dispositif des moyens relevant de la discussion.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Sur la demande au titre du rappel de salaires
M. [F] pour infirmation fait valoir qu’en application de l’accord collectif en faveur de l’emploi des personnes handicapées en vigueur au sein du groupe ALLIANZ, l’employeur est tenu de mettre en ‘uvre au profit du salarié handicapé toutes solutions utiles permettant le maintien de sa rémunération et évitant qu’il ne soit pénalisé par sa situation de handicap’; qu’en l’espèce, la rémunération de M. [F] est composée pour près de 70% d’une part variable, liée à ses résultats commerciaux’; que cette rémunération a été gravement affectée par la détérioration de son état de santé’; que la société ALLIANZ VIE n’a pas mis en ‘uvre les mesures nécessaires pour pallier cette difficulté, se contentant pendant une période limitée (d’octobre 2016 à janvier 2017) d’accorder à M.[F] une rémunération minimale garantie très inférieure à sa rémunération antérieure’; que M. [F] est donc fondé aujourd’hui à solliciter un rappel de salaire correspondant au différentiel entre sa rémunération antérieure et la rémunération perçue postérieurement à son arrêt de travail du 16 septembre 2015.
La société ALLIANZ VIE A cet égard soutient pour confirmation que les dispositions de l’accord collectif ne garantissent en aucun cas le paiement automatique des primes variables aux salariés ayant le statut de travailleurs handicapés’; que les moyens mis en ‘uvre par la Société ont permis à M. [F] d’être performant ; que le caractère variable de sa rémunération est inhérent au type de poste occupé par M. [F], qui a d’ailleurs pu réaliser de bons résultats sur certains mois après sa reprise en mai et juin 2017 par exemple’; que si la rémunération du salarié a quelque peu diminué par rapport à une année précise, cette diminution n’est en aucun cas imputable à la société qui n’a aucune obligation légale ou conventionnelle de maintenir à un certain niveau la rémunération de son salarié.
M. [F] se réfère au «’troisième accord UES ALLIANZ en faveur de l’emploi des personnes handicapées’» (sa pièce n°26) dont il cite les dispositions suivantes [article 5, page 12] :
« Une analyse approfondie de l’impact du handicap sur le temps de travail, sur l’exécution des tâches requises, ou sur la possibilité d’atteindre les objectifs pourra être menée, eu égard notamment à la nature du handicap du collaborateur, afin de préconiser des solutions adaptées (‘) Lorsque ces solutions seront mises en ‘uvre, la rémunération du collaborateur sera maintenue (cas d’un collaborateur à rémunération fixe) ou adaptée (cas d’un collaborateur à rémunération variable) pour que la solution mise en ‘uvre ne pénalise pas le collaborateur. »
Il ressort d’abord de ces dispositions qu’il n’en résulte pas l’obligation pour l’employeur de maintenir la rémunération d’un salarié s’agissant de sa part variable.
Il ressort ensuite des circonstances de l’espèce M. [F], après une reprise de son activité à temps plein à la suite d’un avis du médecin du travail du 19 septembre 2016 le déclarant apte sans réserve (sa pièce n°32), a bénéficié pour une période limitée de 4 mois, d’octobre 2016 à janvier 2017, d’une rémunération brute minimale garantie de 8.600 € par mois (sa pièce n°11).
M. [F] se contente, au soutien de sa demande, de soutenir que sa rémunération «’a été gravement affectée par la détérioration de [son] état de santé’» et que «’la société ALLIANZ VIE n’a pas mis en ‘uvre les mesures nécessaires pour pallier cette difficulté’» mais ne démontre pas en quoi consisterait le manquement de la société employeur au regard des dispositions invoquées, les seules mesures d’adaptation qu’il a formulées auprès de son employeur portant concrètement sur le montant de sa rémunération variable pour maintenir le niveau de ses revenus antérieurs.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur
M. [F] pour infirmation soutient que la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur est motivée par les manquements graves de l’employeur à son obligation de sécurité et doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir qu’il s’est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé par décision du 13 mai 2016, de sorte que la société ALLIANZ VIE était parfaitement informée de sa situation et de son statut de travailleur handicapé’; qu’elle n’a cependant pris aucune initiative quant au nécessaire aménagement de ses conditions de travail. Il dénonce au contraire les circonstances dans lesquelles il a été soumis à un entretien préalable au cours duquel il lui a été demandé de se justifier sur des faits datant de plus de dix ans et qui lui a infligé de nouvelles souffrances.
La SA ALLIANZ VIE soutient pour confirmation qu’elle a toujours pris toutes les mesures nécessaires à la protection de la santé du salarié et n’a pas manqué à son obligation de sécurité à son égard. Elle dénonce l’absence de lien avéré entre l’état de santé du salarié et ses conditions de travail. Enfin, elle soutient que la mise en ‘uvre d’une procédure disciplinaire de licenciement pour fautes graves, justifiée par des manquements déontologiques, ne constitue pas une atteinte à la santé du salarié ni un manquement à son obligation de sécurité. Subsidiairement, l’employeur dénonce le caractère disproportionné des demandes indemnitaires du salarié.
Par application des articles L.1231-1 et suivants du code du travail, le contrat de travail peut être résilié en cas de manquements graves de l’employeur dans l’exécution de ses obligations, qu’il appartient au salarié de démontrer.
Selon l’article L.4121-1 du code du travail, en sa rédaction applicable au litige :
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Aux termes de l’article L.4121-2 du code du travail également visé par le salarié, en sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 :
L’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L.1152-1 et L.1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L.1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
M. [F] verse aux débats des échanges de courriers électroniques intervenus entre juin et août 2016 entre lui et la direction des ressources humaines (pièce n°9) dont il retient (page 7 de ses écritures) qu’ils «’démontrent que l’employeur n’a aucunement anticipé la situation’» concernant sa reprise prévue en septembre 2016 à l’issue de son arrêt de travail régulièrement prolongé depuis le 16 septembre 2015 (pièce n°5 de l’appelant). M. [F] soutient encore qu’il a «’toujours été contraint de prendre lui-même l’initiative des démarches incombant normalement à l’employeur, ce qui a bien sûr eu pour effet de fragiliser davantage encore son état de santé’» (page 7 de ses écritures).
Mais force est de constater que les pièces produites justifient que les échanges préalables à son retour en septembre 2016 se sont déroulés dans des circonstances dont lui-même a pu se féliciter (conf son courriel du 16 juin dans lequel il évoque l’échange du 15 juin «’très humain et transparent’»), la circonstance qu’il en aurait pris l’initiative ne pouvant être imputée à tort à l’employeur. En outre, si à l’occasion de la visite de reprise du 12 septembre 2016 le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude «’temporaire’» et évoqué la nécessité d’un passage à mi-temps thérapeutique à compter du 19 septembre (pièce n°31), l’avis suivant (pièce n°32 précitées) à la suite de la visite du 19 septembre 2016 le déclare apte sans aucune réserve, de sorte qu’aucun manquement de l’employeur ne peut être relevé à ce stade concernant l’aménagement du poste de M. [F].
M. [F] fait en outre valoir (toujours page 7 de ses écritures) que c’est à sa propre demande, «’compte-tenu de l’impact négatif d’un tel mi-temps sur sa rémunération » qu’a été rendu cet avis d’aptitude pour une reprise à temps plein. Il ajoute qu’il a alors sollicité de son employeur le maintien de la rémunération antérieure à la survenance de son handicap, «’conformément aux dispositions de l’accord en faveur de l’emploi des personnes handicapées en vigueur au sein du groupe ALLIANZ.’», les échanges de courriers démontrant selon lui que l’employeur «’n’a tenu aucun compte de la situation de santé » de son salarié.
Mais ainsi qu’il a déjà été évoqué ci-dessus, il n’est démontré aucun manquement de l’employeur au regard des dispositions conventionnelles applicables, de sorte que la seule circonstance que la rémunération brute minimale garantie de 8.600 € par mois serait sensiblement inférieure à la rémunération que la salariée percevait avant la survenance de son burn-out ne peut caractériser le manquement de l’employeur au regard de son obligation de sécurité à l’égard du salarié.
Or les revendications formées par M. [F] dans les échanges de courriers auxquels il se réfère (sa pièce n°33) portent uniquement sur le calcul de sa rémunération dont il indique ne pas comprendre le calcul s’agissant de la «’garantie’» mise en place et dont il critique le montant au regard des sommes perçues au cours de mois précédant son arrêt de travail et ce, non pas en fonction des dispositions contractuelles applicables (pièce n°1 du salarié incluant le contrat de travail du 13 mai 2002 et les «’conditions de rémunération des vendeurs assurfinance’» auxquelles il renvoie) mais uniquement en considération du montant insuffisant de ses rémunération au regard des sommes perçues antérieurement (en 2015).
Il en est de même dans la «’lettre d’un salarié en détresse’» (pièce n°36 de M. [F]) dans laquelle il répond manifestement aux arguments développés par son employeur lors de l’audience devant le conseil des prud’hommes. Dans ce document M. [F] ne reproche pas à l’employeur d’avoir fait appel à une collègue ([I] [O]) pour répartir la gestion de son portefeuille mais reproche à l’employeur de s’attribuer l’initiative de ce travail en «’binôme’» alors qu’il en aurait manifesté le souhait dès février 2016 afin d’une part de « mutualiser » leurs compétences et d’autre part de le «’soulager par rapport à [s]on état de santé» . Ainsi M. [F] ne peut soutenir que cette réorganisation aurait été inadaptée.
En outre M. [F] ne justifie par aucune pièce d’une telle demande formée (en particulier dès février 2016) auprès de l’employeur, ni par conséquent du manquement consécutif de l’employeur à son obligation de sécurité dans le fait de n’avoir pas satisfait plus tôt à sa demande. M. [F] ne justifie pas non plus avoir formulé auprès de son employeur une demande de «’diviser ses objectifs par 2 afin de déclencher [s]on calcul de variable plus vite’», la seule circonstance qu’il n’ait pas été procédé à cette adaptation du calcul de sa rémunération ne pouvant en tout état de cause suffire à caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Ainsi, M. [F], s’il se plaint de la diminution de ses revenus, n’explique pas en quoi elle découlerait d’un manquement de l’employeur à son obligation, ni de l’absence de prise en considération par l’employeur du handicap de son salarié.
M. [F] produit également un courrier électronique du 12 juillet 2017 par lequel il a formellement sollicité un rendez-vous urgent en présence de son supérieur hiérarchique, de la responsable des ressources humaines et du médecin du travail (pièce n°12) et dont il affirme que l’employeur n’a pas tenu compte. Étant observé que M. [F] était ensuite en congés payés au mois d’août 2017 et qu’il a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 30 septembre 2017, la seule circonstance qu’il n’ait pas été satisfait à sa demande sur cette période ne peut caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, en l’absence de toute autre circonstance relative à une quelconque autre modification de ses conditions de travail ou inversement d’un défaut de réponse à une demande d’aménagement en considération de son état de santé.
M. [F] produit en outre les pièces attestant la persistance de son état de santé’:
– avis du 19 avril 2018 par le médecin du travail, sollicitant le renouvellement de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé au regard d’une situation de « trouble anxio-dépressif ‘ souffrance au travail ‘ burn-out » (pièce n°14)
– décision de renouvellement de la RQTH jusqu’au 30 avril 2023 (pièce n°15)
– pièces relatives à sa demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie (pièces n°16 et 17) ‘ dont les suites ne sont pas précisées.
– justificatif d’un suivi durant plusieurs mois par une psychologue clinicienne du travail, laquelle décrit (pièce n°34) les troubles subis par M. [F] (notamment poussées d’angoisse à l’évocation de sa situation de travail, troubles du sommeil, cauchemars centrés sur le travail entraînant le réveil immédiat, ruminations fréquentes sur le travail, état de fatigue important, atteintes cognitives, difficultés de mémorisation des informations, oublis, troubles de l’attention et de la concentration, fatigabilité intellectuelle, etc.)
Aucune de ces pièces, si elles démontrent la gravité non contestée de l’état de santé de M. [F], ne rapporte la preuve d’un manquement de l’employeur à l’origine de l’état de santé du salarié.
M. [F] fait enfin valoir que la société a engagé en juillet 2018 une procédure de licenciement pour faute à son encontre alors même qu’il souffre d’atteintes cognitives en raison de son handicap et qu’il lui a été en particulier «’demandé, au cours de l’entretien préalable qui s’est tenu le 25 juillet 2018, de se justifier séance tenante sur des faits anciens de plus de dix ans’» (page 8 des conclusions de l’appelant).
M. [F] soutient qu’il s’est vu infliger à cette occasion de nouvelles souffrances et produit le compte-rendu d’entretien préalable rédigé par l’employeur lui-même qui montre qu’il en avait alerté ses interlocuteurs (pièce n°19) en ces termes : « C’est très compliqué de répondre. Je suis en arrêt de travail, en épuisement professionnel. Et vous me demandez de répondre par rapport à mes capacités de mémorisation. Je ne suis pas capable par rapport à cela. Ce n’est pas possible. »
Mais force est de constater d’abord que la cour, par l’effet dévolutif de l’appel, n’est pas saisie dans le cadre de la présente instance, d’une quelconque demande relative au licenciement, prononcé pour faute grave, de M. [F] qui lui a été notifié le 30 novembre 2018 et dont la contestation devant le conseil des prud’hommes par requête de M. [F] a donné lieu à une décision de sursis à statuer qui n’a donné lieu à aucune contestation.
Force est de constater ensuite que le seul fait pour l’employeur d’exercer son pouvoir disciplinaire ne peut dans les circonstances décrites, aucune discrimination ni mauvaise foi n’étant invoquées, constituer une faute’; qu’il ressort des pièces de la procédure que les faits ayant motivé la convocation à l’entretien préalable n’étaient pas connus de l’employeur avant la réclamation de deux clients en février 2018′; que M. [F] a pu être convoqué à entretien préalable aux fins de recueillir ses explications dans le cadre d’une procédure dont il n’est pas démontré le caractère vexatoire ni allégué le caractère irrégulier.
Dans ces conditions, cette procédure ne peut caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat à l’égard de Monsieur [F].
Au vu de l’ensemble de ces éléments d’appréciation, il n’est donc pas démontré qu’un manquement particulier de la société ALLIANZ VIE à ses obligations en matière de sécurité et de protection de la santé du salarié serait à l’origine de l’inaptitude de M. [F] ou aurait rendu impossible la poursuite de son contrat de travail.
En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail.
Sur la validité de la clause de non-concurrence
M. [F] soutient que la clause de non-concurrence prévue à l’article 7 de son contrat de travail est nulle pour défaut de contrepartie financière.
La SA ALLIANZ VIE, pour confirmation, soutient que la nullité de la clause n’entraîne pas automatiquement un préjudice au salarié, l’octroi de dommages-intérêts étant subordonné à la preuve par ce dernier de l’existence d’un préjudice subi, dont il revient au juge du fond d’évaluer la réalité et l’étendue. Or, en l’espèce, alors que la présente instance ne concerne pas la contestation du licenciement prononcé, le salarié n’apporte comme apprécié en première instance aucune preuve d’un quelconque préjudice.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence.
Sur les frais irrépétibles
Par suite du principal, M. [F], qui succombe en appel, doit être débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et tenu au paiement des frais irrépétibles auxquels la société intimée a été exposée pour faire valoir ses droits, dans les conditions précisées au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant au fond en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe, dans les limites de sa saisine,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;
CONDAMNE M. [F] à payer à la SA ALLIANZ VIE une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [F] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.