C9
N° RG 20/04041
N° Portalis DBVM-V-B7E-KU7R
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DECOMBARD & BARRET
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 08 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 19/00032)
rendue par le conseil de prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 1er décembre 2020
suivant déclaration d’appel du 15 décembre 2020
APPELANTE :
Madame [K] [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Emmanuel DECOMBARD de la SELARL DECOMBARD & BARRET, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
SAS SERVICE NETTOYAGE ET MANUTENTION (NETMAN), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,
et par Me Delphine DIEPOIS de la SELAS FIDAL, avocat plaidant au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, présidente,
M. Frédéric BLANC, conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 8 juin 2022,
Monsieur Blanc, conseiller, chargé du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE’:
Mme [K] [O] a été embauchée par la société SIN et STES le 3 mai 1993, en qualité d’agent de service, sur le site de l’entreprise ST MICROELECTRONICS à [Localité 3].
Le 1er mars 2015, la SAS SERVICE NETTOYAGE ET MANUTENTION, dénommée ci-après société NETMAN, a repris le marché de prestations de nettoyage du site de ST MICROELECTRONICS.
Le contrat de Mme [K] [O] a été transféré à la société NETMAN.
Mme [K] [O] était chef d’équipe et sa classification CE1’180, de la convention des collectives des entreprises de propreté et services associés.
Par courrier du 11 juillet 2016, Mme [K] [O] s’est vu notifier un avertissement en raison d’une altercation avec Mme [D], une collègue de travail.
Par lettre du 28 juin 2017, Mme [K] [O] a reçu un nouvel avertissement pour s’être emportée à l’encontre de Mme [W], une autre collègue de travail.
Par courrier du 12 janvier 2018, Mme [K] [O] a été mise à pied pendant une journée pour insubordination.
Par requête en date du 11 janvier 2019, estimant ces sanctions injustifiées et être victime de harcèlement moral, Mme [K] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble.
La société NETMAN s’est opposée aux prétentions adverses.
Par jugement en date du 1er décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
– Dit que les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [K] [O] les 28 juin 2017 et 12 janvier 2018 sont justifiées,
– Dit que le harcèlement moral invoqué par Mme [K] [O] n’est pas avéré,
– Débouté Mme [K] [O] de l’ensemble de ses demandes,
– Débouté la SAS SERVICE NETTOYAGE ET MANUTENTION de sa demande reconventionnelle,
– Condamné Mme [O] aux dépens.
La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées dont l’accusé de réception a été signé le 3 décembre 2020 par les deux parties.
Par déclaration en date du 15 décembre 2020, Mme [K] [O] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.
Mme [K] [O] s’en est remise à des conclusions transmises le 2 mars 2021 et entend voir’:
Vu l’article L 1331-1 du code du travail ;
Vu l’article L. 1333-2 du code du travail
Vu l’article L 1152-1 du code du travail ;
Vu l’article L. 1154-1 du code du travail ;
Vu l’article L2313-3 du code du Travail ;
Vu l’article L. 4121-1 du code du travail ;
Vu l’article L4122-1 du code du travail ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile’;
Vu la jurisprudence ;
Vu les pièces’;
INFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 1er décembre 2020 en ce qu’il :
– DIT que les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [K] [O] les 28 juin 2017 et 12 janvier 2018 sont justifiées.
– DIT que le harcèlement moral invoqué par Mme [K] [O] n’est pas avéré.
– DEBOUTE Mme [K] [O] de l’ensemble de ses demandes.
– CONDAMNE Mme [O] aux dépens.
Statuant à nouveau :
ANNULER les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [K] [O] les 28 juin 2017 et 12 janvier 2018
CONDAMNER la société NETMAN à lui régler la somme de 50.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
CONDAMNER la société NETMAN à lui payer la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre que les entiers dépens.
La société NETMAN s’est en rapportée à des conclusions transmises au greffe le 1er juin 2021 et demande à la cour d’appel de’:
CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 1er décembre 2020 en ce qu’il :
– Dit que les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [K] [O] les 28 juin 2017 et 12 janvier 2018 sont justifiées,
– Dit que le harcèlement moral invoqué par Mme [K] [O] n’est pas avéré,
– Débouté Mme [K] [O] de l’ensemble de ses demandes,
– Condamné Mme [K] [O] aux dépens,
CONDAMNER Mme [K] [O] à payer à la société NETMAN la somme de 3.400 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
La clôture a été prononcée le 5 mai 2022.
EXPOSE DES MOTIFS’:
Sur la demande d’annulation de l’avertissement du 28 juin 2017′:
L’article L. 1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’article L 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l’espèce, la société NETMAN a notifié par courrier en date du 28 juin 2017 un avertissement à Mme [O] au motif qu’elle s’est emportée le 28 juin 2017 à 8h30 à l’égard de Mme [W], cheffe d’équipe en salle blanche et ce, devant une multitude de clients présents sur les lieux et pour avoir refusé de se rendre dans le bureau de son supérieur hiérarchique, M. [J], avec Mme [W] pour recueillir ses explications sur ces faits.
Par courrier du 6 juillet 2017, Mme [O] a contesté les faits en précisant n’avoir pas haussé le ton à l’encontre de Mme [W], qui n’est pas sa supérieure hiérarchique, mais avoir eu, au contraire, peur de cette dernière qui était en colère et s’est adressée à elle sur un ton intimidant et désagréable.
Mme [O] a de nouveau contesté l’avertissement du 1er juillet 2017 par courrier du 22 septembre 2017, que l’employeur a maintenu par lettre datée du 19 octobre 2017.
Les faits allégués ne reposent en définitif que sur le seul compte-rendu du supérieur hiérarchique.
Ledit compte-rendu dactylographié a certes été signé par le témoin, Mme [W], mais l’auteur identifié est le supérieur hiérarchique, M. [J].
Pour autant, il n’est produit aucun témoignage, courrier, courriel ou le moindre écrit émanant de Mme [W] seule.
La cour d’appel observe également que, lors de son audition par les délégués du personnel de la société ST MICROELECTRONICS dans le cadre de leur exercice d’un droit d’alerte portant sur les situations de Mmes [O] et [L], salariées de la société NETMAN, prestataire de leur entreprise sur le site de Crolles, Mme [W], interrogée spécifiquement sur ses rapports avec Mme [O], n’a fait aucune référence à l’incident du 28 juin 2017.
Il existe, dès lors, un doute sur les faits reprochés à Mme [O], qui doit lui profiter.
Il convient, en conséquence, par réformation du jugement entrepris, d’annuler l’avertissement notifié le 28 juin 2017 à Mme [O].
Sur la mise à pied disciplinaire du 12 janvier 2018′:
L’article L. 1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
L’article L 1333-2 du même code précise que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l’espèce, par courrier en date du 12 janvier 2018, Mme [O] a fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire pour avoir le 7 novembre 2017 refusé de former une nouvelle arrivante qui était sous sa responsabilité, dans le cadre d’une réorganisation du service décidée quelques semaines auparavant, l’employeur se prévalant du fait, que M. [Z], son chef d’équipe, a dû réorganiser son équipe ainsi que d’une entrevue en présence de M. [Z], aux termes de laquelle, Mme [O] a reconnu les faits et évoqué une dégradation de son statut, tout en acceptant de reprendre ses fonctions le 8 novembre suivant, l’employeur considérant que Mme [O] avait fait preuve d’une insubordination en refusant d’effectuer une mission rentrant dans le cadre de ses responsabilités.
L’employeur a ensuite rappelé les précédentes sanctions disciplinaires.
Mme [O] a demandé l’annulation de la mise à pied disciplinaire, par courrier en date du 17 janvier 2018, en exposant qu’elle avait eu tort de commencer par refuser de former la nouvelle arrivante, ayant fait cette réponse sous le coup de l’émotion à raison du fait que cette demande s’inscrivait dans le cadre de son changement de poste puisque, passant de l’entretien du laboratoire B1 au nettoyage des toilettes du bâtiment B1 bis, considérant ceci comme une brimade alors qu’elle effectuait bien son travail, mais précisant s’être vite ravisée et avoir téléphoné à [V] ([Z]) pour lui dire qu’elle regrettait et qu’elle était d’accord pour former cette personne dès que possible.
Elle décrit ensuite une scène s’étant produite dans les toilettes des hommes du bâtiment B1 Bis, dont elle procédait au nettoyage’: MM. [B] [J] et [V] ([Z]) l’ont rejointe et le premier l’a interrogée sur le fait qu’elle avait refusé de former sa collègue, précisant avoir eu peur car la porte était fermée, le local inaccessible avec la barre «’nettoyage en cours’» en travers de la porte. Elle ajoute qu’elle a ensuite donné des explications sur son refus (ordre lui paraissant anormal l’ayant mise en colère mais s’étant calmée et ayant rappelé M. [Z] ensuite), que M. [J] lui a répondu qu’elle allait recevoir une sanction, qu’elle avait alors évoqué la pétition initiée à son encontre en juillet 2016, avait «’craqué’» et s’était mise à pleurer et s’était rendue à l’infirmerie, croisant sur le chemin des membres du CHSCT de [Localité 3] 200, l’infirmière l’ayant considérée inapte au travail et l’ayant renvoyée à son domicile.
Par courrier du 24 janvier 2018, l’employeur a maintenu la sanction disciplinaire précisant que le 7 novembre 2017, après avoir dans un premier temps refusé de former une nouvelle arrivante, elle avait effectivement consenti à reprendre ses fonctions à compter du lendemain, se prévalant pour autant de la nécessité pour M. [Z] de réorganiser son équipe.
Il apparaît, par ailleurs, qu’un accident du travail a été déclaré le 7 novembre 2017 à raison d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel à une situation professionnelle résultant du fait que Mme [O] avait arrêté le nettoyage des toilettes quand le gestionnaire et le chef d’équipe étaient entrés dans les toilettes, que M. [J] avait fermé la porte et sur un ton autoritaire et menaçant, avait formulé à son encontre des reproches injustifiés et l’avait menacée de sanction disciplinaire. Cet accident a fait l’objet d’une prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail par la CPAM de l’Isère selon décision du 1er mars 2018.
Si Mme [O] a certes reconnu avoir, dans un premier temps, refusé d’assurer la formation de sa remplaçante, tout en affirmant s’être rapidement amendée en téléphonant à M. [Z], sans apporter d’élément extrinsèque à ses propres déclarations à ce titre, force est, néanmoins, de constater que les motifs ayant déterminé l’employeur à procéder à ce changement de postes ne sont pas explicités dans ses conclusions d’appel mais ressortent du rapport d’enquête en suite de la déclaration d’accident du travail. L’employeur a, en effet, indiqué, dans un courriel du 18 janvier 2018, que ce changement d’affectation de Mme [O] s’inscrivait dans le cadre d’un nouveau contrat permettant de porter à 7 heures de travail les missions des salariés sur le secteur production. L’employeur soutient que Mme [O] donnait lieu à de très bons retours sur le secteur tertiaire mais pas sur celui production. Il avance à ce titre des comportements inadaptés vis-à-vis de collègues ayant donné lieu à des sanctions disciplinaires, qui sont toutefois jugées injustifiées de sorte que ce motif s’avère, en réalité, inopérant.
L’employeur met ensuite l’accent sur l’état de santé fragile de la salariée pour la changer de secteur, sans pour autant s’appuyer sur des restrictions qui auraient été formulées par le médecin du travail, développant même un moyen contradictoire dans ses conclusions d’appel (page 11/25 ultime paragraphe) en faisant valoir que Mme [O] avait toujours été déclarée apte par le médecin du travail, sans restrictions, lors des visites des 23 mai 2016 et 9 octobre 2017. La raison avancée par l’employeur pour opérer ce changement de poste est dès lors parfaitement injustifiée puisque susceptible de procéder d’une discrimination prohibée à raison de l’état de santé dès lors que les conditions de l’article L. 1133-3 du code du travail ne sont pas réunies.
Par ailleurs, l’employeur a omis des informations essentielles dans les éléments fournis à la CPAM lors de l’enquête, en particulier que l »«’entrevue’», évoquée dans le courrier du 12 janvier 2018 notifiant la sanction, entre Mme [O] et MM. [Z] et [J] lors de laquelle, selon M. [J], Mme [O] aurait maintenu son refus de former sa remplaçante, point contesté par la salariée, s’est manifestement déroulée dans un lieu et des conditions anormales et inhabituelles, à savoir dans les toilettes des hommes pendant que Mme [O] effectuait sa prestation de travail. A ce sujet l’employeur relate dans son courriel du 18 janvier 2018 une rencontre avec Mme [O] de M. [J], responsable du site, dans le cadre de sa visite quotidienne sur les secteurs d’interventions, et M. [Z] est particulièrement peu précis sur les conditions et le lieu de la discussion litigieuse dans l’attestation rédigée dans les formes de l’article 202 du code de procédure civile dans le cadre de l’enquête de la caisse.
Or, dans l’annexe 12 au compte-rendu du droit d’alerte exercé par les délégués du personnel de la société ST MICROELECTRONICS, la cour d’appel observe que M. [J] confirme qu’il a interpellé Mme [O] dans les toilettes et il est également intéressant de noter que les explications données sur les raisons l’ayant conduit à changer Mme [O] de poste sont quelques peu différentes (minimiser ses déplacements et mettre à profit ses compétences, admettant par ailleurs que Mme [O] faisait un bon travail).
Mme [O] avance également à juste titre, que contrairement à ce que soutient l’employeur produisant en pièce n°27 une fiche horaire largement postérieure pour l’année 2019 d’après laquelle elle était en charge du nettoyage des toilettes, le descriptif de ses missions lors du transfert de son contrat de travail en 2015 produit en pièces n°13 et 15 ne fait aucunement ressortir l’exécution de cette tâche.
Il s’ensuit que s’il entrait bien en principe dans les missions de Mme [O] au regard de son emploi d’effectuer le cas échéant des missions de nettoyage des toilettes et que la salariée a admis avoir refusé dans un premier temps de former sa remplaçante sur son poste suite à la décision prise par son employeur de réorganiser le service en la changeant d’affectation, aucune faute disciplinaire n’est retenue pour autant en l’espèce à l’encontre de Mme [O]. Le changement de poste, concernant une salariée qui avait alors 24 ans d’ancienneté dans l’entreprise, n’ayant manifestement pas été motivé par des raisons objectives tenant au bon fonctionnement de l’entreprise et les conditions dans lesquelles, ses supérieurs ont exercé à cette occasion leur pouvoir hiérarchique apparaissant parfaitement anormales, à savoir une entrevue dans des toilettes pour hommes avec la salariée se trouvant en présence de MM. [J] et [Z] pendant qu’elle exécutait sa prestation, avec des conséquences particulièrement préjudiciables puisque Mme [O] s’est trouvée à l’issue de la discussion en pleurs, d’après le témoignage de salariés de ST MICROLECTRONICS ([G] et [S]), a dû se rendre à l’infirmerie, qu’un syndrome anxio-dépressif réactionnel a été diagnostiqué, que l’infirmière l’a jugée dans l’incapacité de poursuivre son travail et l’a renvoyée à son domicile, l’incident ayant été pris en charge par la caisse au titre de la législation sur les accidents du travail.
Infirmant le jugement entrepris, il convient d’annuler la mise à pied disciplinaire d’un jour notifiée par courrier du 12 janvier 2018.
Sur le harcèlement moral’:
L’article L. 1152-1 du code du travail énonce qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L. 1152-4 du code du travail précise que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique lorsqu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l’absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l’employeur lui-même ou d’un autre salarié de l’entreprise.
Il n’est en outre pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le Juge de constater la possibilité d’une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L’article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :
Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Dans la rédaction antérieure à la loi du 8 août 2016, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.
La seule obligation du salarié est d’établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l’état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
En l’espèce, Mme [O] n’établit pas la matérialité de fait/éléments de fait suivants’:
– L’employeur aurait adopté à son égard un comportement différencié par rapport à d’autres collègues en lui interdisant de porter des jupes et des boucles d’oreilles. Il est important de souligner que Mme [O], suite à la production par l’employeur de comptes-rendus de causeries de sécurité, ne conteste pas tant l’interdiction mais critique un traitement différencié à son égard par rapport à d’autres employés (page 20/35 § 10 des conclusions d’appel de Mme [O]). Or, l’allégation de Mme [O] ne repose en définitive que sur les déclarations non circonstanciées et imprécises de Mme [F] [I] lors de l’enquête menée par les délégués du personnel de l’entreprise ST MICROLECTRONICS. Aucun événement, incident particulier n’est ainsi évoqué par le témoin.
Par contre, Mme [O] objective les faits/éléments de fait suivants, qui pris dans leur globalité, laissent supposer/présumer l’existence d’agissements de harcèlement moral’:
– Un sondage anonyme sur les conditions de travail effectué en mars 2018 par le CHSCT de la société NETMAN dont il ressort que 20 % des salariés déclarent avoir été victime d’agressions verbales de la part de leur supérieur hiérarchique, 29 % des salariés ont souvent été pressés par le temps à cause d’une forte charge de travail et 50 % rencontrent parfois des difficultés à réaliser leurs prestations de travail devenues plus complexes au fil du temps. Ces données chiffrées fournies par l’employeur lui-même sont de nature à mettre en évidence des conditions de travail dégradées dans l’entreprise à un niveau dépassant de simples problématiques individuelles et constituent à tout le moins des signaux d’alerte évidents relatifs aux risques pesant sur la santé et la sécurité des salariés.
– M. [H], ancien salarié de l’entreprise, témoigne du fait que Mme [UE] a poursuivi Mme [O] en juin 2015 en l’insultant alors que cette dernière ne lui faisait rien. Mme [W], cheffe d’équipe en salle blanche, dans le cadre de l’enquête menée par les délégués du personnel de la société ST MICROELECTRONICS, a dit «’avoir assisté à l’agression physique de Mme [O] par Mme [C] [UE], qu’elle a dû intervenir et a séparé les deux car Mme [UE] était prête »à la tuer »».
– Mme [O] a adressé un courrier daté du 26 juillet 2016 par lequel elle a contesté l’avertissement que lui a notifié l’employeur par lettre datée du 11 juillet 2016 au motif qu’elle a agressé verbalement Mme [D], une collègue de travail le 1er juillet 2016, soutenant au contraire, qu’elle n’était pas l’auteure mais la victime de propos désobligeants de cette salariée, donnant un récit circonstancié de son échange avec cette dernière. Elle verse aux débats une attestation de M. [G], salarié de la société ST MICROELECTRONICS et membre du CHSCT, qui témoigne du fait qu’il a vu Mme [O] au bord des larmes ce jour-là et l’a accompagnée à un entretien avec MM. [J] et [Z], au cours duquel elle s’est plainte d’avoir été victime de propos déplacée de la part de Mme [D], notamment du fait qu’elle l’avait traitée de «’naine’», étant relevé qu’à l’occasion de l’enquête des délégués du personnel de la société ST MICROLECTRONICS, Mme [D] a dit qu’elle avait peut-être traité de naine Mme [O]. Le témoin a précisé, que selon lui, «’j’ai tout de suite compris de par le ton pris par son responsable que Mme [O] n’était pas dans les petits papiers de l’entreprise’», a déploré le fait que son employeur n’ait pas voulu lui remettre le feuillet relatif à un accident du travail alors même que Mme [O] n’était pas en état de reprendre son poste. Après une décision de refus en date du 12 septembre 2016 de prise en charge de l’incident entre les deux salariées en tant qu’accident du travail par la caisse, l’organisme a pris une décision de prise en charge le 17 novembre 2016
– L’employeur admet dans ses écritures que M. [J] a demandé des explications sur la nécessité à la salariée de se rendre fréquemment aux toilettes de sorte que Mme [O] a produit un certificat médical du Dr. [Y], son médecin traitant, en date du 6 novembre 2015 certifiant que «’pour raisons de santé Mme [O] [K] nécessite de pouvoir se rendre aux toilettes aussi souvent que nécessaire’». Une telle de justification est susceptible d’excéder l’exercice normal par l’employeur de son pouvoir de direction, de contrôle et de sanction dès lors que si un employeur est légitime à contrôler un salarié au temps et au lieu de travail et notamment à raison d’un éventuel exercice abusif de brèves pauses pour se rendre aux toilettes, l’employeur ne saurait faire le reproche directement au salarié et lui demander de fournir un justificatif médical alors qu’il s’agit incontestablement d’une compétence exclusive de la médecine du travail, que l’employeur peut saisir à tout moment.
– Mme [O] affirme qu’elle n’était pas en mesure de prendre sa pause, étant rappelé que le salarié ne supporte pas la preuve du respect de la pause légale.
– Mme [O] met en évidence que lors de l’enquête menée par les délégués du personnel de l’entreprise ST MICROELECTRONICS d’autres salariés se sont plaints de propos déplacés tenus par M. [J], le gestionnaire de site ([L], Ellouab, [F] [I]). Il a été objectivé dans le cadre de l’analyse de la mise à pied disciplinaire notifiée le 12 janvier 2018 que M. [J] avait le 7 novembre 2017 fait un usage anormal de son pouvoir hiérarchique en provoquant une ‘entrevue’ avec la salariée pour lui faire un reproche professionnel dans les toilettes des hommes pendant l’exécution de sa prestation de travail, en présence de M. [Z]. Le comportement de M. [J] à cette occasion a donné lieu à la reconnaissance d’un accident du travail par la CPAM selon décision du 1er mars 2018. Mme [N], ingénieure IT, a témoigné du fait que «’fin 2017, il y a 2 ou 3 mois, un matin j’ai vu [K] [O] qui sortait des toilettes hommes situés au B1bis au niveau 3 côté chartreuse. Elle pleurait et avait l’air très affectée. Elle était suivie de deux hommes que je suppose être ses responsables. Surprise par la situation, j’ai demandé ce qu’il se passait. Un des deux hommes m’a répondu que ça allait, me laissant l’impression que je ne devais pas insister, ni me mêler de la situation. Après cet évènement je n’ai plus revu [K], alors que j’avais l’habitude de la croiser régulièrement au niveau 3 du B1bis’».
MM. [S] et [G], membres du CHSCT de l’entreprise ST MICROELCTRONICS, confirment avoir vu Mme [O] en pleurs ce jour-là.
– Mme [L], salariée de la société NETMAN, a indiqué lors de l’enquête des délégués du personnel, que Mme [D] était venue la voir pour qu’elle signe une pétition à l’encontre de Mme [O] dans l’objectif qu’elle se fasse «’virer’», lui demandant de choisir son camp et qu’avec [K], elle aurait les filles et chefs contre elle. Mme [JE], une autre employée de la société NETMAN, a également indiqué dans ce cadre que Mme [W] lui avait demandé de signer la même pétition’; ce qu’elle avait refusé, le témoin précisant par ailleurs avoir entendu une conversation entre Mme [W] et M. [J] au sujet de cette pétition. Mme [F] [I] a déclaré aux représentants du personnel que Mme [W] avait demandé aux salariées présentes de signer la pétition litigieuse lors d’une formation de sécurité. Ces deux dernières salariées se sont plaintes de représailles ensuite de la part de leur hiérarchie. En outre, M. [J] a déclaré aux représentants du personnel détenir la pétition contre Mme [O] mais a refusé de la leur fournir spontanément, sans demande écrite et accord de la direction.
– L’avertissement du 28 juin 2017 relatif à des propos désobligeants qu’aurait tenus Mme [O] à l’égard de Mme [W] a été annulé par le présent arrêt.
– Mme [O] a demandé à son employeur à plusieurs reprises par courriers des 26 juillet 2016, 6 juillet 2017, 18 novembre 2017 et 28 décembre 2017, de «’calmer la situation’», de «’faire cesser cette escalade’», de «’mettre en place les mesures de management nécessaires pour calmer la situation’» et fait part de sa «’grande souffrance’». Les délégués du personnel de la société ST MICROLECTRONICS ont relevé lors de l’audition de M. [J], que celui-ci a indiqué à avoir mis en ‘uvre des solutions concernant les problèmes rencontrés par Mme [O] avec certaines collègues mais a refusé d’expliciter lesquelles.
– Les délégués du personnel de la société ST MICROELECTRONICS ont conclu l’exercice de leur droit d’alerte en constatant notamment que Mme [O] se trouvait dans une situation de grande souffrance psychologique en lien avec ses conditions de travail, les représentants du personnel stigmatisant le rôle prépondérant joué par M. [J] dans l’aggravation de la situation notamment de cette salariée, notant plus loin qu’il avait cautionné et même attisé les rapports conflictuels entre salariés, notant que des salariés non sanctionnées jusqu’alors l’ont été par M. [J] et critiquant les conditions dans lesquelles s’est déroulée la réorganisation du service, faisant état d’un problème généralisé à tout le service avec des personnes en souffrance. Les élus considèrent que le cas de Mme [O] est alarmant et laisse penser qu’elle pourrait être victime de harcèlement moral.
– Pour justifier le fait qu’elle se soit ouverte de sa situation auprès des instances représentatives du personnel de la société ST MICROELECTRONICS, Mme [O] produit une attestation du 27 août 2017 par laquelle elle a choisi d’exercer son droit de vote aux élections professionnelles dans cette entreprise.
– Mme [O] fournit de nombreux éléments relatifs à la dégradation de son état de santé (arrêts de travail multiples pour épuisement, anxiété réactionnelle). Plusieurs personnes l’ont vue pleurer ou en état de souffrance psychologique sur son lieu de travail ([N], [S], [G], [NL], [P], [T], [E] et [R]). Le rapport des délégués du personnel précité fait état du mal-être notamment de Mme [O] et de tendances suicidaires alléguées. Le dossier médical de la médecine du travail décrit des difficultés professionnelles et des souffrances au travail avec l’évocation de prescriptions de seroplex, xanax et d’un suivi psychologique une fois par semaine. Mme [O] produit à ce titre trois certificats de Mme [M] des 3 octobre 2016, 7 janvier et 23 août 2019 confirmant un suivi psychologique depuis le 15 septembre 2016, un certificat du 1er juillet 2016 et un courrier du 19 juillet 2016 du Dr [Y], son médecin traitant, évoquant une détresse psychologique, un épuisement professionnel, avec des pertes de mémoire, trouble de l’attention et la nécessité d’une prise en charge adaptée.
Pris dans leur globalité, ces faits/éléments de fait laissent supposer, présumer l’existence d’un harcèlement moral.
L’employeur n’apporte pas les justifications étrangères à tout harcèlement moral en ce que’:
– Contrairement à ce que soutient l’employeur, Mme [O], qui n’a certes pas sollicité l’annulation de l’avertissement du 11 juillet 2016, mais l’a contesté et a considéré qu’il était injustifié et participait à ce titre du harcèlement moral dont elle indique avoir été victime, apporte des éléments sérieux permettant de remettre en cause les attestations produites aux débats par l’employeur de Mmes [D], [X] et [ST]. En effet, il ne peut qu’être relevé que les attestations des 6 et 7 juillet 2016 de Mme [X], témoin et de Mme [D], protagoniste de l’incident du 1er juillet 2016 relatent des propos quasi identiques et très précis qu’auraient tenus Mme [O], qui a une version totalement différente des faits en considérant qu’elle a été la victime des propos désobligeants de la part de Mme [D]. De son côté, Mme [ST] a une version très proche de celle de Mme [D], alors qu’elle n’était pas signalée comme témoin initialement, et indique que cette dernière est restée très calme. Or, lors de son audition par les délégués du personnel, Mme [D] a admis qu’elle aurait peut-être qualifiée Mme [O] de «’naine’»’; ce qui ne cadre dès lors plus avec le fait qu’elle n’aurait fait que subir les paroles outrageantes de Mme [O]. L’employeur a dès manifestement pris parti en sanctionnant Mme [O], seule, sans effectuer les vérifications suffisantes.
– S’agissant de l’agression dont Mme [O] a été victime, si l’employeur produit un tableau de son personnel au 1er mars 2015 sur lequel la salariée n’émet aucune remarque tendant à démontrer que Mme [UE] ne faisait pas partie de son personnel, la société NETMAN n’explique pas quelle mesure elle a prise à la suite de cette agression, qui s’est déroulée en présence de Mme [W], d’autres mesures qu’une sanction disciplinaire impossible à l’égard d’une personne étrangère à l’entreprise étant parfaitement envisageables (signalement de l’incident à l’employeur de la personne mise en cause par exemple ‘).
– Peu important que la société NETMAN ait respecté le certificat médical du 6 novembre 2015 permettant à Mme [O] de se rendre aux toilettes autant que de besoin, nonobstant les contraintes d’habillage et d’enlèvement de la tenue de protection, l’employeur n’explique aucunement ce qui lui permettait de solliciter un certificat médical de la part de la salariée, en éludant la procédure d’une visite, qu’il peut déclencher à son initiative, à la médecine du travail, pour éclaircir cette difficulté. Il est indifférent que le Dr [A], médecin du travail, n’ait pas formulé de réserves à ce titre dès lors que l’employeur ne l’avait pas saisi de cette question très spécifique liée aux contraintes du poste.
– Une fiche horaire non signée, non émargée, faisant état d’une pause de 20 minutes ne saurait constituer la preuve suffisante incombant à l’employeur que dans les faits Mme [O] ait été en mesure de prendre cette pause.
– S’agissant de l’incident du 7 novembre 2017, l’employeur n’apporte aucune justification utile au fait que l’entretien de Mme [O] avec MM. [J] et [Z], qui souhaitaient entendre la salariée sur son refus exprimé de former sa remplaçante, se soit non seulement tenu pendant qu’elle exécutait son travail mais encore dans les toilettes pour hommes de l’entreprise cliente’; ce qui apparaît être un lieu parfaitement inadapté pour mener un entretien professionnel, même informel, étant relevé qu’un avertissement a ensuite été notifié de sorte que le cadre était disciplinaire, et pouvait objectivement inspirer une crainte légitime de la part de la salariée, se retrouvant dans des toilettes avec deux de ses supérieurs hiérarchiques lui demandant des explications sur son comportement.
– Les moyens critiques développés par l’employeur sur les éléments médicaux produits par la salariée sont inopérants et mal fondés car il est à tout le moins objectivé une dégradation significative de l’état de santé psychique de la salariée de manière concomitante aux agissements de harcèlement moral qu’elle reproche à son employeur.
– Le fait que Mme [O] ne fasse l’objet depuis un an à la date des conclusions d’aucune difficulté relationnelle à son poste ne permet pas d’écarter à la fois l’existence de faits de harcèlement moral antérieurs et que Mme [O] en subisse encore les conséquences péjoratives sur son état de santé et ce d’autant, que l’employeur se prévaut d’une mise en garde versée au dossier disciplinaire du 29 juillet 2019 qu’il a adressée à Mme [O] à raison d’un non-respect allégué de ses horaires de travail qui apparaît pour le moins contestable et contestée par la salariée puisqu’il est fondée uniquement sur les dires de Mme [U], cheffe d’équipe tertiaire, qui a écrit un courriel le 9 juillet 2019 à MM. [Z] et [J] pour les informer que Mme [O] était à 11h58 au rond-point de La Brioche d’Orée, s’interrogeant sur l’heure à laquelle elle avait quitté son poste mais apparaissant en parfaite contradiction avec la fiche de pointage des heures de juillet 2019 visée par les salariées mettant en évidence un départ de Mme [O] à 12 heures le 9 juillet 2019 sur laquelle la société NETMAN ne fait aucun commentaire
– Le compte-rendu du CHSCT en date du 15 décembre 2017 de la société NETMAN n’apparaît pas permettre de pouvoir écarter les faits précis de harcèlement moral objectivés par la salariée. Il est noté que cette instance n’a été présente sur le site que quelques heures pendant deux jours, reste très générales dans ses observations, ne cite aucun salarié nommément et n’a annexé aucun verbatim des entretiens que ses membres ont pu avoir. Les termes conclusifs permettent sérieusement à la cour d’appel de s’interroger sur la finalité, l’impartialité à l’égard de la direction et le sérieux de cette enquête du CHSCT Netman puisqu’il est expliqué que «’le CHSCT ST ne doit plus interférer dans les enquêtes CHSCT Netman car nous nous sommes déplacés pour reprendre le dossier. Pour finir, nous revenons sur l’importance de ce compte-rendu rédigé en toute neutralité, nous n’avons pas à privilégier telle ou telle salariée, notre devoir est justement d’enquêter pour connaître les problèmes de tous les salariés Netman (‘)’».
– Sans même qu’il soit nécessaire de trancher le débat juridique élevé par les parties sur ce point sur les champs de compétences des instances représentatives du personnel d’une entreprise cliente et de l’entreprise prestataire, il est parfaitement inopérant de soutenir que les délégués du personnel de la société ST MICROELECTRONICS n’ont pas compétence pour mener une enquête concernant les salariés de la société NETMAN dès lors que la société NETMAN n’allègue et encore moins ne justifie avoir entrepris la moindre action à l’encontre de cette instance représentative du personnel et que la preuve en matière de harcèlement moral est libre, la recevabilité du rapport des délégués du personnel de la société ST MICROELECTRONICS n’étant pas utilement discutée et aucune demande à ce titre ne figurant au dispositif des conclusions qui seul lie la cour d’appel.
– S’il existe, en principe, une autonomie des décisions de la caisse et de celles rendues en matière de droit du travail, il est parfaitement possible pour un salarié de se prévaloir en tant que faits juridiques d’une reconnaissance d’un accident du travail en lien avec des faits allégués de harcèlement moral, en l’occurrence à deux reprises.
– L’avertissement du 28 juin 2017 et la mise à pied disciplinaire du 12 janvier 2018 sont par ailleurs annulés de sorte que le moyen tiré de leur bien-fondé offert comme justification est sans portée.
Au vu des justifications insuffisantes apportées par l’employeur, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de dire que Mme [O] a été victime de faits de harcèlement moral.
Le préjudice subi est particulièrement significatif en l’espèce eu égard aux éléments médicaux fournis et à la durée de plusieurs années pendant laquelle Mme [O] a dû subir les agissements litigieux alors qu’elle avait jusqu’alors manifestement donné satisfaction, après 22 ans d’exercice professionnel dans l’entreprise, et au vu des attestations nombreuses louant son travail.
Dans ces conditions, il lui est alloué la somme de 15 000 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral subi, le surplus de la demande étant rejeté.
Sur les demandes accessoires’:
L’équité commande de condamner la société NETMAN à payer à Mme [O] une indemnité de procédure de 3 000 euros.
Le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejeté.
Au visa de l’article 696 du code de procédure civile, infirmant le jugement entrepris, il convient de condamner la société NETMAN, partie perdante, aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS’:
La cour d’appel, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
ANNULE les sanctions disciplinaires notifiées à Mme [K] [O] les 28 juin 2017 et 12 janvier 2018
DIT que Mme [K] [O] a été victime de harcèlement moral
CONDAMNE la société NETMAN à payer à Mme [K] [O] la somme de 15 000 € (quinze mille euros) nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral
CONDAMNE la société NETMAN à payer à Mme [K] [O] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société NETMAN aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, présidente et par Mme Carole COLAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente