Épuisement professionnel : 7 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02103

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Épuisement professionnel : 7 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02103

AFFAIRE PRUD’HOMALE

DOUBLE RAPPORTEUR

N° RG 20/02103 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M5UI

[Y]

C/

Association HÔPITAL CENTRE PÉRINATAL DE L'[Localité 1]

APPEL D’UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON

du 20 Février 2020

RG : F17/03721

COUR D’APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRET DU 07 Juin 2023

APPELANT :

[V] [Y]

né le 20 Septembre 1971 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représenté par Me Ouarda TABOUZI, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Association HOPITAL CENTRE PÉRINATAL DE L'[Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON

et ayant pour avocat plaidant Me Jérôme CHOMEL DE VARAGNES de la SELARL EQUIPAGE, avocat au barreau de LYON

DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 21 Mars 2023

Présidée par Joëlle DOAT, présidente et Nathalie ROCCI, conseiller, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Morgane GARCES, greffière

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

– Joëlle DOAT, présidente

– Nathalie ROCCI, conseiller

– Anne BRUNNER, conseiller

ARRET : CONTRADICTOIRE

rendu publiquement le 07 Juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Morgane GARCES, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 15 novembre 2001, à effet du 19 novembre 2001, M. [V] [Y] a été embauché par l’association Hôpital Centre périnatal de l'[Localité 1], en qualité de médecin adjoint non spécialisé.

Le salarié a bénéficié, à sa demande, d’un congé sabbatique d’une année, de juillet 2014 à juillet 2015.

Il a été placé en arrêt de travail à compter du 13 septembre 2016.

Le 27 mars 2017, il a déposé une déclaration de maladie professionnelle.

A l’issue de la seconde visite de reprise du 27 juillet 2017, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude du salarié à un emploi.

L’association a convoqué M. [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, par lettre du 10 octobre 2017 auquel celui-ci ne s’est pas présenté.

Par requête du 20 octobre 2017, M. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant :

– de condamner l’association à lui verser diverses sommes à titre de rappels d’heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos compensateur et pour non-respect du droit au repos journalier, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et de rappel de salaires au titre du maintien de salaire durant sa période d’arrêt de travail

– de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamner en conséquence l’association à lui verser diverses sommes à titre d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Par lettre du 25 octobre 2017, l’employeur a notifié au salarié son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de la maladie du salarié, par décision du 6 mars 2018.

Un procès-verbal de partage de voix a été dressé le 16 mai 2019.

Par jugement du 20 février 2020, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [V] [Y] aux torts de l’employeur

– dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de 1’envoi de la lettre de licenciement, soit le 25 octobre 2017 

– condamné en conséquence l’association hôpital centre périnatal de l'[Localité 1] à verser à Monsieur [V] [Y] les sommes de :

– 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos journalier,

– 37 087,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 3 708,79 euros au titre des congés payés afférents,

– 21 107,48 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

– 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le salarié du fait des circonstances de la rupture 

– débouté Monsieur [V] [Y] du surplus de ses demandes 

– condamné l’association Hôpital centre périnatal de l'[Localité 1] à verser à Monsieur [V] [Y] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile 

– débouté l’association Hôpital centre périnatal de l'[Localité 1] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile 

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire

– fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire dans le cadre de l’exécution provisoire de plein droit du jugement à la somme de 6 181,32 euros 

– condamné l’association Hôpital centre périnatal de l'[Localité 1] aux dépens de l’ instance.

M. [Y] a interjeté appel de ce jugement, le 16 mars 2020.

Il demande à la cour :

– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a :

* prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur,

* dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, soit le 25 octobre 2017,

* condamné l’association hospitalière centre périnatal de l'[Localité 1] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de |l’article 700 du code de procédure civile

* mis les dépens à la charge de l’association hospitalière centre périnatal de l'[Localité 1]

statuant à nouveau :

Sur l’exécution du contrat de travail

– de condamner l’association à lui verser :

* la somme de 64 416,46 euros de rappels d’heures supplémentaires outre 6 441 euros de congés afférents de congés afférents pour la période allant d’août 2015 à septembre 2016,

* la somme de 46 285 euros outre 4 628 euros de congés payés afférents, à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos compensateur,

* la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos journalier,

* la somme de 2 076,48 euros à titre de rappel d’astreintes, outre la somme de 207,64 euros de congés afférents pour la période d’août 2015 à septembre 2016,

* la somme de 14 465,60 euros à titre de rappel de salaires sur le maintien de salaire durant sa période d’arrêt de travail, outre la somme de 1 446,56 euros au titre des congés payés y afférents

* la somme de 45 767,28 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sur le fondement de l’article L8223-1 du code du travail 

– de fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire à la somme de 7 627,88 euros 

– de condamner l’Association hôpital centre périnatal de l'[Localité 1] à lui remettre les bulletins de salaire rectifiés 

Sur la rupture du contrat de travail

– de condamner l’Association hospitalière centre périnatal de l'[Localité 1] à lui verser les sommes suivantes, en conséquence de la résiliation judiciaire du contrat de travail, subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

* 45 767,28 euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 4 576,72 euros à titre de congés payés afférents

* 58 471 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement

* 103 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– de condamner l’association hospitalière centre périnatal de l'[Localité 1] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’association Hôpital centre périnatal de L'[Localité 1] demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ses dispositions rejetant les demandes de M. [Y]

– d’infirmer le jugement :

* en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [V] [Y] aux torts de l’employeur et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, soit le 25 octobre 2017

* en ce qu’il l’a condamnée à verser à Monsieur [V] [Y] les sommes de :

– 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect du droit au repos journalier,

– 37 087,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 3 708,79 euros au titre des congés payés y afférents

– 21 107,48 euros au titre de l’indemnité spéciale de licenciement

– 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par le salarié du fait des circonstances de la rupture

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile 

statuant à nouveau,

– de débouter Monsieur [Y] de l’intégralité de ses demandes

en tout état de cause,

– de condamner Monsieur [Y] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.

SUR CE :

Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires et les demandes connexes

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des dispositions de l’article précité et de celles des articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le contrat de travail de M. [Y] stipule que le salarié exerce à temps plein pour un équivalent de 35 heures par semaine, soit 151,67 heures mensuelles, que l’organisation du planning et des horaires de travail du contractant peut être modifiée à l’initiative de la direction dans le respect du délai de prévenance légal et conventionnel et que le salarié doit consacrer à l’ensemble des tâches qui lui sont confiées le temps nécessaire à leur bonne exécution.

M. [Y] revendique sur la période d’août 2015 à septembre 2016 l’accomplissement de 52h30 de travail par semaine, selon un planning journalier de 8h15 à 18h45.

Il produit à cet effet les éléments suivants :

– deux lettres ouvertes du personnel du 27 novembre 2014 et du 20 avril 2015, un procès-verbal de réunion entre l’inspection du travail, la direction et la délégation syndicale en date du 8 septembre 2015 et un projet d’accord d’entreprise sur l’aménagement du temps de travail du 2 janvier 2017, documents qui ne contiennent aucune indication sur ses horaires de travail

– ses plannings de rendez-vous avec ses patients pour la période du 7 avril 2014 au 13 septembre 2016, dont il ressort qu’il assurait ses rendez-vous principalement une demi-journée par jour, que les rendez-vous du matin commençaient à 8 heures 45, 8 heures 30, 10 heures ou 10 heures 30, ceux de l’après-midi se terminaient à 15 heures, 15 heures 40, 16 heures 15, 17 heures, 17 heures 30, 17 heures 40, 18 heures 10,18 heures 40, 18 heures 45 ou 18 heures 50

– des attestations de collègues médecins (MM. [R], [O], [K], [N]) selon lesquelles pour les deux premiers, le docteur [Y] était présent le matin entre 8 heures et 8 heures 30 et le soir entre 18 heures 30 et 19 heures, pour assurer la relève entre les équipes de jour et de nuit (les horaires de garde de nuit commençant à 18 heures 30 le soir et se terminant à 8 heures 30 le matin), pour le troisième, il était généralement présent jusqu’à 20 heures et pour le quatrième, il ne quittait pas l’hôpital avant 20 heures, 21 heures

– un tableau contenant un décompte des heures travaillées sur les semaines 32 à 52 en 2015 et les semaines 1 à 37 en 2016 faisant apparaître le plus souvent 52 heures 30 travaillées sur les semaines considérées et un calcul du rappel de salaire correspondant par semaine (laissant à la cour le soin de faire le total du nombre d’heures supplémentaires reprises dans une colonne et le total des sommes mentionnées dans la colonne ‘différence dûe’).

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant ses propres éléments.

L’employeur répond que :

– les plannings montrent que M. [Y] travaillait en totale autonomie dans l’organisation de ses rendez-vous, par exemple, le 21 juillet 2015 : pause de 14 heures 30 à 15 heures, puis de 16 heures 15 à 16 heures 30, fin du travail à 17 heures, aucune consultation entre le 23 et le 26 juillet 2015 etc…

– M. [Y] bénéficiait d’une grande latitude pour adapter ses horaires de travail, conformément à son niveau de cadre échelon 14 coefficient 937 (avant l’entrée en vigueur de l’avenant n°2017-02), la convention collective prévoyant qu’il exerce notamment par délégation la direction médicale effective de son service

– il n’était pas le médecin assurant le plus de consultations en addictologie puisque les autres médecins en effectuaient entre 100 et 200 de plus que lui chaque année

– M. [Y] bénéficiait de 18 jours de RTT et de plus de 10 jours de repos supplémentaires pour son activité d’enseignement

– il suivait régulièrement des formations (du 10 au 12 mars 2016 par exemple)

– des incohérences apparaissent dans le décompte : par exemple, M. [Y] indique qu’il a travaillé 52 heures 30 la semaine 43 de l’année 2015 (19 au 25 octobre 2015) alors qu’ il était en congés payés les 19 et 20 octobre 2015 et en congé scientifique le 21 octobre 2015 comme en atteste le bulletin de paie

– M. [Y] récupérait systématiquement les heures dépassant éventuellement sa durée hebdomadaire de travail en posant des RTT et des récupérations

– les horaires de fin de journée mentionnés dans les attestations ne sont pas les mêmes que ceux qui sont désormais revendiqués par le salarié (18 heures45).

Au vu des éléments apportés de part et d’autre, étant observé que M. [Y] était en congé sabbatique de juillet 2014 à juillet 2015 de sorte que les plannings à son nom sur cette période ne peuvent s’appliquer à lui, qu’il était autonome dans l’organisation de son temps de travail et notamment de ses rendez-vous avec ses patients, qu’il avait des jours de récupération et de RTT, qu’il suivait et prodiguait des formations, dont il n’est pas soutenu qu’elles se terminaient au-delà de 17 heures, que les rendez-vous avaient lieu soit le matin, soit l’après-midi,que les médecins auteurs des attestations n’étaient pas de garde de nuit toutes les nuits, la preuve n’est pas rapportée de ce que M. [Y] a accompli des heures supplémentaires non rémunérées ou non récupérées sur la période revendiquée.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en paiement d’heures supplémentaires, d’une indemnité de contrepartie en repos, d’une indemnité pour travail dissimulé et d’un rappel au titre du maintien de salaire.

Sur la demande en paiement des astreintes

Le salarié fait valoir que ses astreintes à domicile ont été payées sur la base d’un forfait brut d’un montant inférieur à celui prévu par la convention collective (116 euros par semaine au lieu de 264,30 euros).

L’association fait valoir que les astreintes du salarié étaient payées sur la base d’un forfait brut de 116,66 euros par semaine, en parfaite conformité avec les règles applicables.

****

Il est prévu par l’article 20 de la convention collective de l’hospitalisation privée à but non lucratif qu’une heure d’astreinte de jour = 15 minutes de travail au tarif normal et 1 heure d’astreinte de nuit, dimanche et jour férié = 20 minutes de travail au tarif normal.

M. [Y] ne précise pas le nombre d’heures d’astreinte sur lequel porte sa demande.

Il ne produit pas ses bulletins de salaire des mois d’août 2015 à juin 2016 alors que sa revendication porte sur la période d’août 2015 à septembre 2016.

Au vu des bulletins de salaire de juillet, août et septembre 2016, M. [Y] n’a pas effectué d’astreinte à domicile au cours de ces trois mois.

Sa demande n’est en conséquence pas justifiée et le jugement qui l’a rejetée doit être confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur le non-respect du repos journalier

Dans la mesure où le salarié sollicite l’allocation de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice dont il affirme qu’il a commencé en août 2015 et s’est poursuivi jusqu’à la dernière garde de septembre 2016, ce dernier fait constitue le point de départ du délai de prescription et sa demande n’est pas prescrite.

M. [Y] fonde sa demande en paiement de dommages et intérêts exclusivement sur le non-respect par l’employeur de son temps de repos journalier de 11 heures, en faisant valoir qu’à l’issue des 21 gardes de nuit qu’il a effectuées sur la période d’août 2015 à septembre 2016, les 27 juillet,10 août, 24 août 2015, 8 février, 22 février, 7 mars, 21 mars 2016 (…) il a dû enchaîner une journée de travail normale comme en attestent ses plannings de consultations de patients ou les courriels montrant qu’il a dû participer à des réunions de travail, et n’a donc pas pu prendre son repos quotidien.

Il ressort des bulletins de salaire de juillet, août et septembre 2016, seuls produits sur la période litigieuse, que M. [Y] a effectué une garde en juillet, une garde en août et deux gardes en septembre, lesquelles ont été rémunérées.

En vertu de la convention collective, les gardes dans l’établissement s’effectuent soit la nuit soit le dimanche ou les jours fériés; chacune des gardes donne lieu à une rémunération forfaitaire ou à une récupération d’une demi-journée.

L’accord du 27 janvier 2000 relatif à la réduction et à l’aménagement du tems de travail du secteur de l’hospitalisation privée et du secteur social et médico-social à caractère commercial prévoit que les médecins salariés pourront être affectés à des services de gardes et que cette durée de présence n’est pas assimilée à du temps de travail effectif.

Le manquement de l’employeur tel qu’allégué par le salarié n’est en conséquence pas établi.

M. [Y] invoque également son épuisement professionnel en se fondant sur le certificat du 18 avril 2017 dressé par son médecin psychiatre et sur l’avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP).

Le médecin psychiatre mentionne une surcharge de travail qui ne peut résulter que des déclarations du patient lui-même.

Le CRRMP relève dans son avis l’existence d’un syndrome dépressif dans le cadre d’un ‘burn out’ en précisant que l’étude du dossier montre des relations très dégradées entre le corps médical de l’hôpital privé employant M. [Y] et la direction et des difficultés matérielles à assumer les tâches pour le corps médical. Il conclut que la dégradation des conditions de travail et le type de management hiérarchique sont à l’origine de l’affection.

La preuve d’un non-respect par l’employeur du temps de repos quotidien du salarié n’est pas rapportée par ces deux éléments.

Il convient de rejeter la demande en paiement de dommages et intérêts et d’infirmer le jugement qui a accueilli ce chef de demande.

Sur la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail

Le salarié soutient que l’employeur n’a pas respecté son obligation de santé et de sécurité en ne prenant pas de mesure de prévention des risques psycho-sociaux.

Il fait également valoir que les manquements de la direction, notamment à la durée du travail, ont eu pour conséquence une dégradation de son état de santé.

Il résulte de ce qui précède que la surcharge de travail et le non-respect par l’employeur du droit au repos de M. [Y] ne sont pas établis.

M. [Y] déclare dans ses conclusions qu’il n’a jamais pu bénéficier d’entretiens et de suivis de son activité malgré ses nombreuses demandes, dont toutefois il ne justifie pas.

Ses échanges épistolaires avec la direction (notamment ses lettres du 11 décembre 2016 et 3 juillet 2017 envoyées pendant la période de suspension du contrat de travail) démontrent cependant qu’il s’est entretenu avec la nouvelle directrice de l’hôpital le 26 septembre 2016 et le 24 novembre 2016, tandis qu’aux termes d’une réponse faite au salarié le 13 juin 2017, la directrice lui rappelle qu’un entretien professionnel lui a bien été proposé le 20 août 2015 dans le prolongement de son congé sabbatique et qu’il en a contesté l’opportunité avant de se raviser sans pour autant l’honorer.

M. [Y] expose pourl’essentiel dans sa lettre du 11 décembre 2016 que sa reprise de fonction à son retour de congé sabbatique a été très difficile, puisqu’il avait été remplacé par un autre médecin, que, malgré la réorganisation opérée, il a toujours eu l’impression d’être en surplus des autres médecins et que son absence de place définie s’est traduite par une absence de reconnaissance des personnels de service (notamment infirmier). Il reproche à la direction d’avoir ignoré ses propositions alors qu’il s’était investi dans les projets de l’établissement.

Lors de la visite médicale du 29 octobre 2015, trois mois après sa reprise, le salarié a indiqué que l’ambiance au travail était mauvaise et qu’il avait du mal à trouver sa place, mais le médecin du travail a mentionné ‘psychisme, moral, sommeil : OK’. Apte.

Les visites médicales suivantes sont toutes postérieures à l’arrêt de travail du 9 septembre 2016.

M. [Y] écrit lui-même le 11 décembre 2016 qu’une situation de ‘clash’ est survenue le 9 septembre 2016 avec des propos tenus par certaines infirmières très durs à son égard et que ces propos ont été le facteur déclenchant de son arrêt de travail.

Or, il ne démontre pas avoir alerté sa hiérarchie de cette situation, pas plus que des agissements qu’il dénonce dans sa correspondance du 11 décembre 2016 : perte de responsabilité dans le service et modification de ses tâches professionnelles et missions, mise à l’écart, surcharge de travail, changement sans son avis de bureau, dénigrement de son travail par une administration passive résistante, étant observé que les pièces qu’il verse aux débats sont des documents présentant un caractère collectif, dont certains sont antérieurs à sa reprise de poste en août 2015 (lettre ouverte du 27 novembre 2014) ou immédiatement postérieurs (réunion du 8 septembre 2015 avec l’inspection du travail), ne faisant pas état de sa situation particulière.

Dans sa réponse du 29 décembre 2016, la directrice de l’hôpital confirme à M. [Y] qu’il continuera à exercer ses responsabilités en qualité de médecin généraliste de façon pleine et entière et lui propose de lui adresser les documents relatifs aux projets médicaux innovants ayant fait l’objet d’une réflexion de sa part pour qu’elle puisse en prendre connaissance dans le cadre de la préparation du projet médical et du projet d’établissement 2017-2021.

La directrice demande en outre à M. [Y] de factualiser les éléments qu’il décrit, relatifs à une éventuelle tentative de harcèlement moral qui aurait été en lien avec l’épuisement professionnel dont il lui a parlé, afin qu’elle puisse poursuivre son enquête sur ce sujet pour bien comprendre le contexte et sa situation.

Cette demande n’a pas été suivie d’effet.

Au vu de ces éléments, il n’est pas établi de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité vis à vis de M. [Y], ni de faute commise par l’employeur à son égard, de sorte que la demande aux fins de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur doit être rejetée et le jugement infirmé en ce qu’il l’a accueillie.

Sur la demande subsidiaire tendant à voir déclarer le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse

Le salarié fait valoir en premier lieu que son inaptitude résulte des manquements de son employeur consécutifs à l’absence de moyens humains et matériels.

Il n’a pas été démontré de manquements de l’employeur à ses obligations, notamment à son obligation de sécurité.

M. [Y] n’établit pas en conséquence que son inaptitude résulte d’un manquement de l’employeur qui l’a provoquée.

Le salarié fait valoir en second lieu que son employeur n’a pas respecté son obligation en matière de reclassement puisqu’il n’a pas tenté de le reclasser sur un autre établissement partenaire. Il se prévaut sur ce point de la convention de rapprochement conclue en juin 2016 entre l’hôpital de L'[Localité 1] et l’hôpital [6] et d’échanges de médecins déjà opérationnels.

L’employeur répond qu’il n’avait pas à rechercher un reclassement, compte-tenu de l’avis émis par le médecin du travail, et qu’il ne faisait pas partie d’un groupe au sens du code du travail.

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En application de l’article R4624-42 dernier alinéa du code du travail issu du décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016, le médecin peut mentionner dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi ou dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ou dans l’emploi.

L’article L1226-2-1 et l’article L1226-12du code du travail disposent que l’employeur est dispensé de son obligation de reclassement en cas de mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

A l’issue de la seconde visite de reprise du 27 juillet 2017, le médecin du travail a rendu l’avis suivant :

« inapte ‘ emploi préjudiciable à la santé ;

Etude de poste et des conditions de travail réalisée le 20 juillet.

Demande d’indemnité temporaire d’inaptitude complétée et remise au salarié.

Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé (article R.4624-42 al. 4 du code du travail)

Salarié inapte à son poste de travail, mais peut travailler à un poste similaire dans un environnement différent ».

En conséquence de cet avis, l’employeur n’avait pas l’obligation de proposer au salarié un poste de reclassement dans l’établissement.

Le licenciement de M. [Y] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du licenciement doit être rejetée.

Sur les demandes en paiement d’un solde d’indemnité de licenciement et d’une indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis

Le salarié admet que la juridiction prud’homale n’est pas liée par la qualification retenue par la caisse primaire d’assurance maladie lorsque celle-ci s’est prononcée sur le caractère professionnel de la maladie ou de l’accident, mais soutient que les manquements de la direction, notamment à la durée du travail, dont il a été victime, ont eu pour conséquence une dégradation de son état de santé entraînant son inaptitude.

L’employeur soutient que M. [Y] a été déclaré inapte pour une origine non professionnelle à la suite de six mois d’arrêt de travail d’origine non professionnelle, que la caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge très tardivement l’arrêt de travail de celui-ci au titre de la législation sur les risques professionnels et que, M. [Y] ayant saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Lyon d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, le 28 juillet 2020, il a contesté le caractère professionnel de la maladie.

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L’association a été informée le 10 avril 2017 de la déclaration de maladie professionnelle établie par M. [Y] le 27 mars 2017, accompagnée d’un certificat médical indiquant maladie professionnelle hors tableau, syndrome dépressif.

Toutefois, l’origine professionnelle, même partielle de l’inaptitude, n’est pas démontrée, en l’absence de faute de l’employeur qui l’aurait provoquée.

Le salarié n’est pas en droit de prétendre à l’indemnité spéciale de licenciement, ni à l’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis prévues par l’article L 1226-14 du code du travail.

Il convient d’infirmer le jugement qui a fait droit à ces demandes.

Le salarié, partie perdante, doit être condamné aux dépens de première instance et d’appel.

Il convient de rejeter sa demande en paiement d’une indemnité de procédure de première instance.

Pour des raisons d’équité, il n’y a pas lieu de condamner M. [Y] à payer à l’association Hôpital Centre périnatal de l'[Localité 1] une indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel exposés par elle.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

CONFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de M. [V] [Y] en paiement d’un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, d’une indemnité de contrepartie en repos, d’une indemnité pour travail dissimulé, d’un rappel au titre du maintien de salaire et d’un rappel au titre de la rémunération des astreintes

INFIRME le jugement pour le surplus de ses dispositions

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,

REJETTE la demande de dommages et intérêts fondée sur le non-respect du droit au repos journalier

REJETTE la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail

REJETTE la demande subsidiaire tendant à voir dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

REJETTE les demandes en paiement d’un complément d’indemnité de licenciement, d’une indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts consécutifs au licenciement

CONDAMNE M.[V] [Y] aux dépens de première instance et d’appel

REJETTE la demande de M. [Y] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en première instance

REJETTE la demande de l’association Hôpital Centre périnatal de l'[Localité 1] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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