Épuisement professionnel : 7 juillet 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11089

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Épuisement professionnel : 7 juillet 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/11089

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT AU FOND

DU 7 JUILLET 2022

N° 2022/

MA

Rôle N° RG 19/11089 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BESKF

[O] [N]

C/

ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCE DE PERSONNES

Copie exécutoire délivrée

le : 07/07/22

à :

Me Talissa FERRER BARBIERI, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NICE en date du 20 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00269.

APPELANT

Monsieur [O] [N], demeurant 558 chemin des Impinniers – 06220 VALLAURIS

représenté par Me Talissa FERRER BARBIERI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCE DE PERSONNES, venant aux droits de l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES, demeurant 21, rue Lafitte – 75009 PARIS CEDEX

représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Charlotte CAREL, avocat au barreau de PARIS, Me Yves TALLENDIER, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Présidente de chambre

Madame Mariane ALVARADE, Conseiller

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022, prorogé au 7 juillet 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022

Signé par Madame Michelle SALVAN, Présidente de chambre et Mme Pascale ROCK, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

M. [O] [N] a été engagé par l’Association de Moyens Assurances, aux droits de laquelle vient l’Association de Moyens Assurance de Personnes, en qualité d’employé sur l’une de leurs plate-forme téléphoniques, à compter du 13 novembre 2000, suivant contrat à durée indéterminée. Il occupait en dernier lieu les fonctions de conseiller TPE/PME et percevait un salaire brut moyen mensuel qui était de 3826,93 euros, hors prime et avantage en nature.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des institutions de retraites complémentaires.

L’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.

M. [N] a été placé en arrêt maladie du 6 mars 2017 au 5 mars 2020.

Le 7 octobre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie lui a notifié une décision d’invalidité de catégorie 2 pour une affection de longue durée pour la période du 9 septembre 2019 au 9 septembre 2024.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 avril 2017, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 20 avril 2017, reporté à sa demande au 22 mai 2017 suivant lettre du 2 mai 2017 et par lettre du 2 juin 2017, adressée sous la même forme, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. [N] a saisi la juridiction prud’homale, le 30 mars 2018 afin d’obtenir diverses sommes tant en exécution qu’au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 20 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Nice a :

– constaté que le licenciement de M. [N] ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence :

– condamné l’Association de Moyens Assurance de Personnes venant aux droits de l’Association de Moyens Assurances à payer au salarié les sommes suivantes :

68.884,74 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

23.025,35 € au titre d’indemnité de licenciement ;

7.653,86 € au titre d’indemnité de préavis ;

765.39€ au titre d’indemnité de congés payés sur préavis ;

3.250 € au titre de la rémunération variable de la prime commerciale de 2017 ;

15.000 € au titre du préjudice lié aux conditions de travail dégradées ;

4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

– ordonné la délivrance des bulletins de salaire et des documents sociaux modifiés ;

– condamné l’Association de Moyens assurances de personnes venant aux droits de l’Association de Moyens assurances aux dépens.

M. [N] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 28 janvier 2022, M. [N], appelant, demande à la cour de voir :

‘- infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de nullité du licenciement et sa demande subséquente de réintégration ;

A défaut, confirmer le jugement en ce qu’il a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– infirmer le jugement quant au quantum des dommages et intérêts alloués au titre du préjudice pour conditions de travail dégradées ;

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre du maintien de la prévoyance ainsi que de sa demande au titre des tickets restaurant ;

– confirmer le jugement sur ses autres dispositions ;

En conséquence,

A titre principal,

– juger nul son licenciement car fondé sur son état de santé ;

– ordonner sa réintégration dans l’entreprise avec maintien des avantages acquis et régularisation de sa situation et règlement de ses salaires indexés au jour de sa réintégration, depuis la rupture de son contrat de travail le 2 juin 2017 au jour de sa réintégration ;

A titre subsidiaire ;

– juger que son licenciement ne repose pas sur une faute grave ni une cause réelle et sérieuse, et condamner la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES au paiement des sommes suivantes à son profit :

– Indemnité à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 82.548,8 €, soit 18 mois de salaire brut ;

– Indemnité de licenciement 27 592,43 €

– Indemnité de préavis 9172 €

– Indemnité de congés payés sur préavis 917 € ;

En tout état de cause,

– condamner la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES venant aux droits de la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES au paiement des sommes suivantes à son profit :

– au titre du maintien de la prévoyance durant l’arrêt maladie : 5571,99 € ;

– au titre des tickets restaurants plus la valeur monétaire de 3 d’entre eux 128,88 € ;

– au titre de la rémunération variable, prime commerciale de l’année 2017 : 3250 € ;

– condamner la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES venant aux droits de la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES au paiement de la somme de 150 000 € au titre du préjudice subi du fait des conditions de travail dégradées ;

– ordonner la délivrance des bulletins de salaire, attestation ASSEDIC et l’ensemble des documents sociaux modifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard, avec faculté de liquidation par la cour ;

– dire que les créances salariales porteront intérêt au taux légal capitalisé à compter de la demande en justice ;

– débouter la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES venant aux droits de la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES de l’ensemble des demandes et fins ;

– condamner la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES venant aux droits de la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES à lui verser la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES venant aux droits de la société ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 9 février 2022, l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES, intimée, demande à la cour de voir :

‘A titre principal :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nice en date du 20 juin 2019 en ce qu’il a :

dit que le licenciement de M. [N] [O] ne repose pas sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ;

condamné L’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCE DE PERSONNES venant aux droits de l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES en la personne de son représentant légal à payer les sommes suivantes à M. [N] :

*68.884,74 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*23.025,35 € au titre d’indemnité de licenciement ;

*7.653,86 € au titre d’indemnité de préavis ;

*765.39€ au titre d’indemnité de congés payés sur préavis ;

*3.250 € au titre de la rémunération variable, prime commerciale de 2017 ;

*15.000 € au titre du préjudice des conditions de travail dégradées ;

*4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouté l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCE DE PERSONNES venant aux droits de l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ordonné la délivrance des bulletins de salaires et des documents sociaux modifiés ;

condamné l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCE DE PERSONNES venant aux droits de l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES aux dépens.

En conséquence :

– juger que le licenciement de M. [N] est bien fondé sur une faute grave ;

– juger que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de sécurité ;

– débouter M. [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner le salarié à payer à l’ASSOCIATION DE MOYENS D’ASSURANCES la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le salarié aux entiers dépens.

A titre subsidiaire :

– requalifier la rupture du contrat de travail de M. [N] en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

fixé le salaire moyen de référence de M. [N] à hauteur de 3.826,93€ brut ;

fixé l’indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de : 23.025,35€ ;

fixé l’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de : 7653,86€ brut ;

fixé l’indemnité de congés payés sur préavis à hauteur de : 765,38€ brut ;

– infirmer la décision du Conseil de prud’hommes de Nice pour le surplus ;

En conséquence,

– débouter M. [N] de sa demande relative à l’indemnisation de la rupture de son contrat de travail ;

– débouter le salarié de sa demande indemnitaire relative au prétendu manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;

A titre infiniment subsidiaire :

– apprécier les demandes indemnitaires formulées par M. [N] au titre de la rupture de son contrat de travail dans de bien plus justes proportions, et notamment à hauteur de 22.951,68 € brut (correspondant à 6 mois de salaires).

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 10 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral

En application de l’article L 4121-1 du code du travail l’employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Cette obligation, non seulement lui interdit de prendre, dans l’exercice de son pouvoir de direction, toutes mesures de nature à compromettre la santé physique et mentale des travailleurs mais lui impose de mener des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d’information et de formation, outre la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes du même article et de l’article L.1154-1 du code du travail, en sa rédaction applicable à la cause, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Manque à son obligation de sécurité, l’employeur qui, tenu d’en assurer l’effectivité, s’abstient de mettre en oeuvre les mesures nécessaires aux fins de prévenir de tels agissements et les faire cesser.

Il revient en conséquence à la cour de rechercher :

– si M. [N] rapporte la preuve de faits qu’il dénonce au soutien de son allégation d’un harcèlement moral,

– si les faits qu’il présente, appréhendés dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral,

– dans l’affirmative, si l’employeur justifie que les agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses allégations de dégradation de ses conditions de travail provoquée par des faits de harcèlement moral, M. [N] fait valoir :

que dès 2016, à l’occasion de son entretien annuel au titre de 2015, il a alerté son employeur sur la surcharge de travail à l’origine de la dégradation de son état de santé et sur l’inadéquation des missions effectivement accomplies avec sa fiche emploi,

que la situation s’est considérablement dégradée à partir de novembre 2016, date de l’arrivée de Mme [J] [I], nommée responsable de la délégation de Nice en remplacement de M. [GV] [B], alors que l’ensemble du personnel se trouvait déjà en souffrance depuis le début de l’année 2016 du fait du management de l’ancien directeur, M. [D] [V],

que les méthodes de travail ont été remises en cause et de nouvelles procédures imposées, la nouvelle responsable se targuant d’avoir « viré » des salariés dans son ancien poste,

qu’au départ de son assistante en arrêt maladie, Mme [G] [L], le 16 décembre 2016, seul salarié présent à 100 %, il est devenu le bouc émissaire de la responsable, laquelle tenait des propos dévalorisants sexistes et discriminants à son égard,

qu’il a dû s’adapter en février 2017 à un secteur clientèle plus élargi à la suite du départ en retraite de Mme [WL] [W], laquelle n’a pas été remplacée, et se charger en outre de la clientèle de l’ancien responsable occupé à de nouvelles fonctions syndicales, aux fins d’atteindre les objectifs imposés,

qu’à compter du 6 mars 2017, il était placé en arrêt maladie pour troubles dépressifs en relation avec un épuisement professionnel,

que la DIRRECTE et la médecine du travail ont été alertées par la déléguée du personnel, Mme [A] [C],

qu’en raison des risques psychosociaux encourus, les membres du CHSCT ont sollicité une réunion exceptionnelle avec pour ordre du jour une demande d’expertise pour risques graves sur la situation des salariés, qui sera en définitive réalisée par le cabinet SECAFI (procès-verbal du 20 avril 2017), le CHSCT et la direction menant également une enquête conjointe,

que l’employeur initiait une procédure de licenciement à son encontre, refusant de reporter l’entretien en dépit de la dégradation de son état de santé liée aux conditions de travail, prononçant la mesure par lettre du 2 juin 2017, alors qu’il avait été officiellement alerté dès le 29 mars 2017,

que ses arrêts de travail, qui ont fait l’objet de prolongations jusqu’au 5 mars 2020, ont tous été prescrits en raison d’un épuisement professionnel et d’une situation de harcèlement moral,

que l’employeur a préféré licencier un salarié lanceur d’alerte et un salarié harcelé afin de ne pas faire face à ses responsabilités.

Il produit à l’appui de ses allégations :

-le dossier collectif établi en février 2017 par l’ensemble des salariés de la délégation de Nice ([T] [P], [G] [L], [U] [M] et [O] [N]) dénonçant les agissements de la nouvelle responsable, Mme [I], adressé par courriel à la hiérarchie et à la délégation du personnel le 14 mars 2017,

– les échanges de courriels avec la délégation du personnel en mars avril et mai 2017,

– le courriel adressé le 17 mars 2017 par M. [K], délégué syndical central et secrétaire du CE au siège parisien à la délégation du personnel Marseille, indiquant : «Compte tenu de la situation décrite cela pourrait constituer du harcèlement. De plus cela n’est pas seulement une situation individuelle mais bien collective.

Il faut selon moi aller au-delà de la question DP qui ne concernait que [G]. Il ne faut pas aborder cas par cas car cela permet à la Direction d’individualiser les situations et par-là même d’essayer d’inverser les responsabilités. Mettre en lumière qu’il s’agit d’une situation collective permet au contraire de bien situer les responsabilités dans le management… il faut que le CHSCT soit saisi et qu’une alerte soit rédigée et transmise à l’inspection du travail. L’employeur ne peut alors rester inactif »,

– l’alerte du 29 mars 2017 par la délégation du personnel à la direction relativement à la souffrance au travail des salariés de la délégation de Nice,

– les courriers d’alerte adressés en recommandé par la déléguée du personnel à l’inspection du travail et à la médecine du travail le 6 avril 2017,

– le rapport SECAFI mettant l’accent sur un fonctionnement en mode dégradé depuis 2016, un manque de reconnaissance par l’employeur des efforts consentis dans la gestion de la période de vacance de la direction, et concluant à la nécessité d’agir rapidement, en ces termes :

« Cette situation de changement a eu très rapidement des conséquences en matière de santé physique et mentale :

-Trois salariés sur cinq ont eu un arrêt maladie estimant que leur pathologie a un lien direct avec le travail.

-La totalité des salariés (encadrement et membre de l’équipe) de la délégation évoquent l’apparition et/ou l’intensfication de certains symptômes en lien avec leur activité professionnelle (troubles du sommeil, troubles de la digestion, anxiété, angoisse, sensation de mal-être au réveil…).

-un climat de méfiance et de peur s’est installé entre la hiérarchie et les membres de l’équipe se traduisant par un renforcement des communications par mail au détriment de l’informel (échange téléphonique, discussion…) dans une logique de protection individuelle. »

– le compte-rendu de réunion extraordinaire du CHSCT du 27 septembre 2017, restituant le rapport d’expertise du cabinet SECAFI, qui a relevé que le fonctionnement de la délégation s’effectuait en mode dégradé, avec des glissements de tâches, la délégation de Nice étant en sous-effectif récurrent, des périodes de surcharge, la non appropriation de nouvelles procédures, ces changements s’étant avérés importants dans un cadre non stabilisé,

-les avis d’aptitude avec surveillance émis suite aux convocations des 14 avril 2014 et 6 novembre 2014 auprès du médecin du travail,

-les avis d’arrêt de travail initial et de prolongation, délivrés par le docteur [Y], psychiatre,

– le certificat établi par ce même médecin le 29 septembre 2017, indiquant que « l’état de santé du patient est en relation étroite avec son activité professionnelle, épuisement travail, d’une part et gestion d’une problématique relationnel complexe qui amenait par la suite le CHSCT, l’inspection du travail et la médecine du travail à une intervention qui se poursuit d’ailleurs. M. [N] est en arrêt de travail pour maladie professionnelle, éléments reconnus par le médecin de la CPAM et cette maladie professionnelle se poursuit à l’heure actuelle »,

– ses ordonnances de prescription médicale.

Si tant est que ces éléments objectivement pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral, l’employeur, aux fins de justifier que les faits avancés par le salarié sont étrangers à tout harcèlement moral, fait valoir qu’ils ne visent qu’un prétendu manquement de l’employeur à son obligation de sécurité collective et en aucun cas un comportement individuel mené à son encontre, insusceptible de justifier la nullité du licenciement,

que M. [N] avait visiblement déjà rencontré des problèmes de santé en 2015, soit bien avant qu’il s’estime lui-même victime de harcèlement moral,

qu’aucun lien entre son état de santé et ses conditions de travail n’a jamais été établi par le médecin du travail, y compris lors de la visite périodique du 3 janvier 2017, soit deux mois après l’arrivée de Mme [I] et moins de deux mois avant son arrêt de travail,

que la CPAM, puis le Tribunal judiciaire de Marseille ont refusé la demande de reconnaissance de maladie professionnelle formulée par le salarié,

que le rapport SECAFI présenté comme établissant clairement les responsabilités, et identifiant Mme [I], en tant qu’élément moteur du problème d’épuisement professionnel et de harcèlement moral des salariés de la délégation de NICE, ne démontre nullement sa responsabilité ou celle de tout directeur ou salarié de la société, comme poursuivant un comportement pathogène à l’encontre d’un salarié déterminé mais, bien au contraire, une situation collective difficile du fait de méthodes de travail en évolution, ces dernières visant au respect des procédures en vigueur de façon sans doute plus stricte que ce qui a été toléré par le passé au sein de la délégation de Nice,

que loin de démontrer l’existence d’un harcèlement moral mené à l’encontre de M. [N], ce rapport fait état d’une situation collective de transition au sein de l’agence de Nice en lien avec un renforcement de l’application de processus qui ont toujours existé et la transformation du marché sur lequel intervient l’AMAP en raison d’évolutions légales, l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 repris dans la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 ayant créé l’obligation pour toutes les entreprises de mettre en place à compter du 1er janvier 2016, une couverture collective de frais de santé pour leurs salariés,

que si le cabinet SECAFI a préconisé dans ce contexte des mesures d’accompagnement de la structure pour restaurer une ambiance de travail sereine, cela ne peut en aucun cas s’interpréter comme la reconnaissance par un expert d’une prétendue situation de harcèlement moral initiée à l’encontre de M. [N].

La cour ajoute qu’outre le surcroît de travail avéré, dénoncé par le salarié, ayant conduit à l’épuisement, mais qui n’a pas nécessairement pour origine une situation de harcèlement moral, ce dernier fait état de propos dévalorisants, sexistes et discriminants qui auraient été tenus par Mme [J] [I] à son endroit, à un comportement odieux ou encore une attitude inappropriée à son égard, celle-ci n’ayant eu de cesse de l’accabler, que cependant, aux fins d’étayer ses allégations, il ne cite qu’un seul exemple concernant une autre salariée, Mme [L], qu’il ne présente par ailleurs aucun fait précis à l’appui d’un management abusif, dépassant le cadre du pouvoir hiérarchique, que par ailleurs, l’altération de son état de santé n’apparaît pas à elle seule suffisante pour caractériser l’existence d’agissements de harcèlement moral, de sorte que M. [N] ne saurait se prévaloir d’une telle situation pour fonder sa demande en nullité du licenciement. Il n’est par ailleurs pas établi que le salarié a été sanctionné pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral qui auraient été commis par la responsable de la délégation de Nice, ne pouvant au demeurant se prévaloir du statut de lanceur d’alerte, alors que celle-ci a été initiée par les délégués du personnel le 29 mars 2017, suite à son courriel du 28 mars 2017.

La cour considère toutefois que les nouvelles méthodes de travail appliquées par l’employeur ont généré un stress important chez le salarié et conduit à un épuisement professionnel, que le lien entre son état de santé et les conditions de travail dégradées ressort clairement des pièces du dossier et en particulier du rapport du cabinet SECAFI, des avis et certificats médicaux, la caisse primaire d’assurance maladie l’ayant par ailleurs placée en invalidité de catégorie 2 par décision du 7 octobre 2020, avec effet rétroactif au 6 mars 2020 et reconnu une affection longue durée,

qu’il est manifeste que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en imposant à son salarié une surcharge de travail ayant provoqué la dégradation de son état de santé, en ne prenant pas les mesures préventives et d’information suffisantes, l’ayant ainsi exposé aux risques psychosociaux, et ce indépendamment d’une situation de harcèlement moral, non caractérisée en l’espèce.

La somme de 15.000 euros octroyée par les premiers juges correspond à une juste réparation du préjudice subi.

Sur le licenciement pour faute grave :

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

La faute grave, dont la preuve incombe à l’employeur, se définit comme un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Pour qualifier la faute grave, il incombe donc au juge de relever le ou les faits constituant pour le salarié licencié une violation des obligations découlant de son contrat de travail ou des relations de travail susceptible d’être retenue, puis d’apprécier si le fait allégué était de nature à exiger le départ immédiat du salarié.

Par ailleurs, en matière de licenciement de nature disciplinaire, l’article L.1332-4 du code du travail énonce qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».

La lettre de licenciement en date du 2 juin 2017 est ainsi motivée :

‘(…)

Nous vous notifions par la présente notre décision de vous licencier pour faute grave.

Embauché au sein du groupe depuis le 13 novembre 2000, vous occupez depuis février 2013 le poste de Conseiller Commercial Entreprise au sein de la Délégation Régionale de Nice.

Nous avons eu connaissance au cours du mois de mars 2017 de carences graves dans la gestion de plusieurs dossiers dont vous avez la charge. En effet, en raison de votre absence à votre poste de travail, vos collègues et votre hiérarchie ont traité directement les sollicitations des clients de votre portefeuille. C’est à cette occasion et suite à la réception de plaintes de certains de vos clients que nous avons été amenés à constater les fautes que nous listons ci-dessous.

Vous n’avez pas enregistré plusieurs des contrats, et ce depuis 2015. Ce type de carence a plusieurs conséquences :

nous ne pouvons procéder à un appel de cotisations, ce qui engendre une perte financière pour notre Groupe,

– les entreprises ayant adhéré à un contrat se croient couvertes à tort, ce qui a pour conséquence de les exposer à une condamnation URSSAF, et à un risque de contentieux avec leurs salariés. En effet, la loi du 14 juin 2013 a rendu obligatoire pour tout employeur du secteur privé de proposer à ses salariés une couverture complémentaire santé.

– les salariés des entreprises concernées se croient également couverts à tort au titre de leurs garanties prévoyance et frais de santé.

Cette carence ternit fortement la relation de confiance que nous devons développer en tant qu’assureur de personnes et augmente notre risque de résiliation.

La procédure d’enregistrement vous a été communiquée le 18 novembre 2014 et a fait l’objet d’un rappel le 8 novembre 2016. Dés lors vous ne pouvez ignorer votre responsabilité en tant que conseiller et avez sciemment omis de vous conformer à cette procédure au détriment des clients concernés.

A titre d’illustration :

– La société SAS Fungames aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er Avril 2016. Toutefois et malgré 2 relances du service d’enregistrement des contrats en octobre 2016 et février 2017, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat de prévoyance. Du fait de votre carence, la société SAS Fungames n’a pu être couverte qu’à compter du 14« janvier 2017 et non du ler avril 2016 comme initialement demandé.

– La société S2B Productions aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er juin 2016. Toutefois et malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en juillet 2016, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat de prévoyance. Du fait de votre carence, la société S2B n’est toujours pas assurée à ce jour.

– La société BV2A Architectes aurait dû bénéficier d’une couverture santé depuis le 9 mai 2016. Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en juin 2016, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat de prévoyance. Du fait de votre carence, la société 13V2A n’est toujours pas assurée à ce jour. Et, comme vous ne pouvez l’ignorer s’agissant d’une couverture santé, cette société est donc actuellement exposée à une condamnation URSSAF du fait de votre carence. Cette situation est d’autant plus préjudiciable que cette société, se croyant de bonne foi couverte, a déjà réglé certaines cotisations.

– La société Teletrans Assistance aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er avril 2016.

Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en mai 2016, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat de prévoyance. Du fait de votre carence, la société Teletrans Assistance n’a pu être assurée qu’à compter du 1er janvier 2017.

– La société Changing Up aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 6 juillet 2015. Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en octobre 2015 vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat de prévoyance. Du fait de votre carence, la société Changing Up n’a pu être assurée qu’à compter du 1er janvier 2017.

– La société You first aurait du bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2015. Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en janvier 2015, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat de prévoyance. Du fait de votre carence, la société Changing Up n’est toujours pas assurée à ce jour.

Ces carences sont inacceptables de la part d’un conseiller commercial de votre niveau. Elles causent un préjudice à nos clients et engendrent un risque Important puisque ces sociétés ne sont pas assurées en cas de sinistre. En conséquent cette situation nous cause non seulement un préjudice financier direct, mais elle nous expose également à un risque de contentieux. De plus elles occasionnent une surcharge de travail importante pour le reste de votre équipe qui doit donc régulariser la situation et faire face au mécontentement justifié de plusieurs des clients de votre portefeuille.

Nous avons été contraints de constater que vos manquements vont plus loin. En effet, pour certains de vos clients, vous avez non seulement fait preuve d’une carence fautive en n’enregistrant pas leur contrat mais vous avez pourtant déclaré le contrat comme étant complet et vous l’avez Intégré à ce titre dans votre résultat

commercial annuel, déterminant le montant de votre rémunération variable.

A titre d’illustration :

– La société COSCO aurait dû bénéficier d’une couverture santé et prévoyance depuis le 1er Octobre 2016.

Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en novembre 2016, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat Prévoyance et Santé. Cette société a donc été exposée au risque d’une condamnation URSSAF du fait de votre carence. Toutefois, bien que n’ayant fait aucune des démarches qu’il vous incombait dans le cadre de vos missions et ayant ainsi mis ce client dans une situation difficile, vous avez déclaré ce contrat dans vos statistiques le 30 novembre 2016, contrairement à la procédure qui stipule que l’enregistrement d’une statistique ne peut se faire qu’une fois le contrat complet. Ainsi, à la réception de la relance du service d’enregistrement de novembre 2016, vous auriez du annuler cette statistique le temps de régulariser la situation.

– La société TS2M aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2016. Le contrat n’a été renvoyé signé que le 25 janvier 2016. Vous n’avez pas pris en charge ce dossier et ce contrat n’a jamais pu être enregistré. Or, vous avez enregistré une statistique te 2 décembre 2015, soit bien avant la signature du contrat.

De plus, l’expert comptable en charge de cette société nous a informé avoir tenté de vous joindre à nombreuses reprises pour le suivi de son dossier. N’ayant aucun retour de votre part cette société a résilié son contrat le 31 décembre 2016. L’expert comptable n’a pas manqué de nous faire part également de son exaspération quant à la manière dont vous aviez géré la mise en place de la couverture de son client

– [R] [H], expert comptable de profession aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2016. Là encore, vous n’avez pas pris en charge ce dossier et ce contrat n’a jamais pu être enregistré, malgré les relances du service d’enregistrement des contrats du février 2015 et janvier 2016. Or, vous avez enregistré une statistique le 2 décembre 2015, soit bien avant que le contrat ne soit complet Il ressort des statistiques que vous avez effectuées par deux fois une statistique sur ce contrat alors que l’outil permettant l’enregistrement des statistiques signifie systématiquement lorsqu’une statistique a déjà été enregistrée. Dés lors, vous ne pouvez ignorer avoir déjà effectué une statistique, faisant là encore preuve d’une négligence inacceptable pour un conseiller commercial de votre niveau. A ce jour, ce client n’est toujours pas couvert alors même que se croyant couvert, il a déjà procédé au règlement de ses cotisations.

– La société Le Petit Train aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2014. Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en décembre 2014, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat Prévoyance. Toutefois, bien que n’ayant fait aucune des démarches qu’il vous incombait dans le cadre de vos missions et ayant ainsi mis ce client dans une situation difficile, vous avez déclaré ce contrat dans vos statistiques te 30 janvier 2015. De plus les éléments que vous avez renseignés dans la statistique sont supérieurs, notamment concernant la moyenne des salaires, à ceux correspondant à la réalité de la société. Ce client n’a pu être couvert qu’en janvier 2017, soit prés de trois ans après sa demande initiale.

– La société Pragmatas aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis juillet 2014. Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en Octobre 2014, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat Prévoyance. Toutefois vous avez déclaré ce contrat dans vos statistiques le 4 août 2015 alors qu’à ce jour le service d’enregistrement des contrats nous a confirmé n’avoir reçu aucune des pièces complémentaires demandées.

Nous constatons que vos manquements ne s’arrêtent pas à de la négligence fautive mais vous avez également adopté une attitude frauduleuse. En effet, vous avez effectué sciemment de fausses déclarations de rendez-vous auprès de vos clients et de fausses déclarations de présence, étant rappelé que le nombre de rendez vous rentre en ligne de compte dans le calcul de votre rémunération variable.

A titre d’illustration :

– Vous avez déclaré un rendez-vous chez le client société civile immobilière d’attribution Villa Sophia le 26 janvier 2015 sans toutefois vous y rendre, déclarant ainsi un rendez-vous qui n’a jamais eu lieu. Par ailleurs, ce client aurait du bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 28 avril 2014, la comptable de la société vous ayant remis un dossier d’adhésion en août 2014. Vous avez été relancé par le service d’enregistrement en février 2015 et par une de vos collègues de la délégation en janvier 2015, mais là encore vous n’avez pas pris en charge le dossier. Cela ne vous a pas empêché de déclarer à nouveau une double statistique le 30 janvier 2015. Ce client n’a pu être couvert qu’en janvier 2017, alors qu’il vous a remis un dossier d’adhésion plus de deux ans auparavant.

– vous avez notifié avoir eu un contact avec le Directeur de la société HERNING SHIPPING France le 10 août 2016. Toutefois, ce client nous a confirmé par mail n’avoir jamais été contacté par vous. Ce client, affilié chez nous depuis 2007, nous a également informé attendre de votre part un tableau de garanties depuis Mars 2016.

– vous avez notifié avoir effectué une visite chez le client PCCF le 19 avril 2016, visite pendant laquelle vous auriez présenté Malakoff Médéric et fait un tour d’horizon des régimes en place. Or en mars 2017, le client nous a affirmé qu’il ne vous avait jamais rencontré. De plus, ce client aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2016. Malgré une relance du service d’enregistrement des contrats en avril 2016, vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires à l’enregistrement de son contrat Prévoyance. Du fait de votre carence, ce client n’a pu être couvert qu’à compter du 1er janvier 2017 et non du 1er janvier 2016 comme initialement demandé.

– vous avez notifié avoir eu prés de 5 visites entreprises au sein de l’entreprise NEODITEL, ce client nous a informé vous avoir rencontré une seule fois en 2016. L’assistante de gestion de cette entreprise nous a également fait part de son mécontentement sur la manière dont vous avez géré son dossier, Elle nous a notamment fait part « d’insatisfactions depuis le début de la prestation » et elle nous a reproché à plusieurs reprises de ne pas l’avoir informé de l’existence de plusieurs options complémentaires, notamment le forfait naissance, une des salariées de l’entreprise demandant à ce titre un dédommagement.

Nous constatons également que ce n’est pas la seule cliente se plaignant de vos carences :

– la société Medico France nous accuse, par courrier, du 3 mars 2017 «d’inertie et de faute grave », car vous n’avez pas effectué les démarches nécessaires pour permettre la modification de certains bénéficiaires, la mise en place de la portabilité et le versement d’indemnités journalières, ces demandes datant de janvier, mars et décembre 2016.

– M. [F] [X], vous a rencontré le 14 février 2017 afin de souscrire un nouveau contrat prévoyance.

Le 8 mars 2017, ce client nous a contacté pour nous informer être toujours dans l’attente de son contrat Il nous a également Informé avoir dû vous transférer à nouveau son questionnaire médical car vous auriez été dans l’incapacité de retrouver le premier. Nous tenons à souligner que les questionnaires médicaux sont hautement confidentiels et doivent donc faire l’objet d’une vigilance particulière, ce que vous ne pouvez ignorer en tant que conseiller commercial.

– vous avez notifié une visite au sein de l’entreprise ITALPOLLINA le 3 février 2017. La cliente nous a néanmoins informé que vous aviez annulé ce rendez-vous pour des raisons personnelles, toutefois à ce jour ce rendez-vous est toujours enregistré dans Feuillet vous n’avez fait aucune demande de déclaration d’absence sur le période.

– vous avez fait preuve de manière volontaire et récurrente de carences fautives dans la gestion de vos dossiers, ce qui a pour conséquence une situation hautement préjudiciable pour nos clients, tant par rapport à leurs obligations réglementaires, qu’à leurs engagements envers leurs salariés et ce qui nous cause également un préjudice financier et nuit fortement à notre image; notamment auprès des experts comptables,

– vous avez adopté une attitude frauduleuse, faussant vos déclarations de statistiques, déclarant de faux rendez-vous et de fausses déclarations de présence.

Cette situation entrave le bon fonctionnement du service et porte atteinte au lien de confiance vis-à-vis de nos clients et de votre hiérarchie. Or, cette situation résulte directement des manquements et man’uvres frauduleuses dont vous avez fait preuve dans la gestion des dossiers dont vous aviez la charge.

Compte tenu de la gravité des faits et de leur récurrence, nous vous notifions donc notre décision de mettre un terme à votre contrat de travail et de prononcer votre licenciement pour faute grave. Votre maintien dans l’entreprise étant impossible, votre licenciement sans indemnité de préavis ni de licenciement prend donc effet à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile(…).’

Il est reproché au salarié

– un défaut d’enregistrement récurrent des contrats dont il se devait d’assurer le suivi,

– l’intégration dans le résultat commercial annuel déterminant la rémunération variable de contrats non enregistrés,

– une attitude frauduleuse du salarié consistant à effectuer de fausses déclarations de rendez-vous et déclarations de présence auprès de ses clients,

– les plaintes reçues de différents clients relativement au défaut de suivi de leur compte.

Au soutien des griefs allégués, l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES produit :

sur le défaut d’enregistrement des contrats dont il devait d’assurer le suivi, en dépit des relances du service d’enregistrement alors qu’il apparaît en qualité de destinataire des éléments contractuels, dossiers SAS FUNGAMES, S2B Productions, BV2A ARCHITECTES, SAS TELETRANS ASSISTANCE, CHANGING UP, YOU FIRST, avec en première page une fiche synthétique rappelant la procédure suivie et les conséquences en résultant, comprenant les contrats, des copies de capture d’écrans, des notes ou échanges internes,

et plus particulièrement,

le bulletin individuel d’affiliation reçu de l’entreprise BV2A.

le bulletin d’adhésion de la SAS TELETRANS ASSISTANCE transmis au salarié le 28 octobre 2015 par l’assistante commerciale et plusieurs courriels attestant qu’il en était le destinataire,

sa pièce CHANGING UP (copie d’écran) démontrant qu’il était le seul interlocuteur de cette société et que ce dossier relevait bien de sa responsabilité et non de celles de Mme [Z], salariée de la plate-forme téléphonique Malakoff Médéric,

concernant la société YOU FIRST, le contrat formule conventionnelle ainsi qu’un bulletin d’adhésion signés attestant qu’aucun acte commercial n’avait été conclu.

M. [N] rétorque que les faits listés aux termes de la lettre de licenciement ne constituent pas une faute sérieuse, objective ne permettant pas au salarié d’être maintenu dans l’entreprise,

que les griefs dont il est fait état, non seulement ne sont pas fautifs, mais relèvent, s’ils avaient été avérés, de l’insuffisance professionnelle,

que pour démontrer ses prétendues carences, l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES produit un résumé de chaque dossier, sans le nom du rédacteur, sans signature et sans date et aucun compte-rendu de la prétendue réunion réalisée à la suite n’est joint, ni aucun élément permettant de dater les faits,

qu’il est prétendu que les manquements auraient été mis à jour le 8 mars 2017 alors que Mme [I] cherchait le dossier de M. [F],

que toutefois, les captures d’écran TEMPO qui doivent retracer fidèlement l’ensemble des interactions entreprise/client, ne font aucunement mention d’un contact de M. [F] à cette date, de sorte que ces faits sont prescrits,

qu’aucun acte de Mme [I] n’apparaît pas non plus sur les captures d’écran concernant les autres dossiers, ce qui ne justifie pas de leur découverte à cette date,

que l’équipe de Nice n’appliquait pas la procédure officielle aux fins de compléter les dossiers et en particulier s’agissant de la récupération des extraits K BIS,

que les six entreprises visées, ne comprenant qu’un salarié, ne faisaient pas partie de son portefeuille, étant précisé qu’il devait vendre de la protection sociale aux entreprises et aux particuliers sur une segmentation d’entreprises de 5 à 9 salariés,

qu’elles étaient en outre dédiées à la plate-forme vente à distance ‘ collective PHP (plate-forme téléphonique de vente à distance commerciale nationale basée à Saint Quentin en Yvelines, à Angers ou à Nice),

qu’en examinant ces dossiers et pièces plus en détail, il est permis de constater que le logiciel ne mentionne aucun acte de l’équipe de Nice, ou aucune demande de l’entreprise, ou encore aucune relance du service d’enregistrement,

que s’agissant en particulier du client « You First », il a mené personnellement 3 actions par téléphone, les 16/01/2015, 29/01/2015, et 05/02/2015, date à laquelle l’entreprise a donné son accord pour une adhésion prévoyance,

qu’il n’a pu recevoir de relance du service enregistrement des contrats en janvier 2015, alors que le client a été contacté pour la première fois que le 29 janvier 2015 et qu’il n’a reçu son accord pour adhésion que le 05 février 2015.

Il précise à toutes fins que, sur la période visée, il a contribué au chiffre d’affaires à hauteur de 550.300 euros, représentant plus de 300 contrats, alors que les 6 entreprises mentionnées réalisent un chiffre d’affaires d’environ 6000 euros.

Les pièces produites ne permettent pas de retenir les manquements allégués, en ce

qu’il n’est pas justifié de leur découverte à la date du 8 mars 2017, alors qu’il est fait état de relances adressées dès fin 2016,

que le rapport du cabinet SECAFI a mis en évidence que le changement de système informatique de gestion des affiliations en 2015 a généré de « nombreux dysfonctionnements chronophages pour les délégations au moment du basculement sur le 1er semestre 2016,

que l’affectation des dossiers n’apparaît pas clairement définie,

que le salarié allègue l’existence d’une procédure locale mise en place par l’ancien responsable, M. [B], permettant de limiter la charge administrative liée à la demande des extraits K BIS, en la confiant à l’assistante, ce jusqu’au 8 novembre 2016, date de l’envoi du courriel par l’assistant de la responsable rappelant la procédure officielle, l’employeur reconnaissant bien qu’il s’en défende que des procédures plus souples étaient appliquées,

que lesdits manquements doivent en outre être re-situés dans un contexte avéré et récurrent de sous effectif.

Sur l’intégration des contrats dans le résultat commercial annuel servant de base au calcul de la rémunération variable de M. [N], ce dernier les ayant enregistrés en statistique, alors qu’ils étaient incomplets et non enregistrés.

M. [N] rappelle l’existence d’une procédure de contrôle de tous les enregistrements des contrats des commerciaux réalisé par l’assistant du responsable de Nice, lequel procédait en cas de besoin aux rectifications nécessaires directement sur le logiciel TEMPO.

Concernant les sociétés et entreprises visées, soit :

– la société COSCO, qui aurait dû bénéficier d’une couverture santé et prévoyance depuis le 1er octobre 2016, alors que le contrat apparaît dans les statistiques du salarié le 30 novembre 2016, M. [N] justifie que le client avait rempli le dossier « prévoyance et santé » et procédé à la signature le 17 octobre 2016, avec une date d’effet au 1er octobre 2016.

– la société TS2M qui aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2016, enregistrée en statistique le 2 décembre 2015, M. [N] soutient que cette société faisait partie du portefeuille client de son précédent responsable, M. [B], et était par suite géré par son assistant [T] [P],

qu’il est intervenu à la demande de son responsable pour effectuer une mise en conformité de son contrat prévoyance à la convention de mars 1947, avec effet au 1er janvier 2016, et non dans le cadre de la souscription d’un contrat, ainsi qu’il en justifie par la production de courriels du service enregistrement et de l’assistant à l’origine de la proposition.

– M. [R] [H] (expert-comptable), qui aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2016, alors que son contrat figure en statistique le 2 décembre 2015, M. [N] observe que le service d’enregistrement des contrats n’a pu faire une relance en février 2015 alors que la demande est une mise en place de contrat au 1er janvier 2016, ainsi que cela ressort des propres pièces de l’employeur et que la date d’enregistrement de la statistique du contrat de prévoyance indiquée est inexacte, la date réelle étant le 17 décembre 2015, ce qui rend les faits reprochés matériellement inexacts, que la statistique enregistrée à hauteur de 684 euros concerne le contrat santé alors que le grief a trait à la prévoyance, une seule statistique prévoyance ayant été enregistrée à hauteur de 176 euros.

– la société le petit train, qui aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2014, dont le contrat a été déclaré dans les statistiques le 30 janvier 2015, M. [N] rappelle que l’usage était d’enregistrer la statistique dès la réception du bulletin d’adhésion de l’entreprise, avant même de recevoir l’extrait de K BIS dont se chargeait l’assistante, selon la procédure mise en oeuvre par M. [GV] [B],

qu’il reconnaît une erreur collective alors que la vérification du dossier complet était effectuée entre le responsable et l’assistante,

qu’en tout état de cause, il n’est caractérisé aucune fraude, alors qu’il n’en est résulté aucune incidence sur sa rémunération en 2015, n’ayant pas reçu de rémunération variable sur le critère d’objectif prévoyance, qu’aucune observation ne lui avait été faite dans le cadre de son entretien d’appréciation et d’évaluation professionnelle annuel au titre de 2016.

– la société PRAGMATAS qui aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis juillet 2014, dont le contrat a été déclaré dans ses statistiques le 4 août 2015, M. [N] indique que ce client lui a retourné le contrat signé le 14 octobre 2014, lequel a été retourné au service d’enregistrement des contrats pour enregistrement, que la statistique a été enregistrée le 6 janvier 2015 et non le 4 août 2015 comme le prétend l’employeur, de sorte que ses allégations sont inexactes.

A la lumière des observations et justifications présentées par le salarié, que l’employeur ne vient pas utilement combattre, la cour retient un doute légitime quant à la caractérisation des faits reprochés, qui recèlent quelques approximations, et si tant est qu’il pourrait être relevé une erreur du salarié (société le petit train), elle apparaît insuffisante à fonder un licenciement pour faute grave, alors qu’il est par ailleurs fait état d’un contrôle exercé par le responsable de la délégation et son assistant.

Sur les fausses déclarations de rendez-vous,

M. [N] observe en préambule que le nombre de rendez-vous en entreprise, n’entre pas dans le calcul de la rémunération variable des salariés depuis fin 2014.

– S’agissant de la Société Civile Immobilière d’attribution Villa Sophia, il est mentionné un rendez-vous le 26 Janvier 2015 qui n’a jamais eu lieu, alors que ce client aurait dû bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 28 Avril 2014.

M. [N] indique que la codification du contact dans le logiciel TEMPO en «visite entreprise » a été faite par sa collègue, Mme [W] laquelle a spécifié « à revoir », qu’il a géré l’appel et codifié dans TEMPO le 26 janvier 2015 en « appel sortant » réclamant l’envoi à son assistante, Mme [G] [L], d’un nouvel extrait K bis de moins de 3 mois.

Il explique l’enregistrement d’une double statistique le 30 janvier 2015, par le fait d’avoir voulu opérer une rectification du montant du chiffre d’affaires et de la date de signature du contrat soit le 28 avril 2014 au lieu du 16 janvier 2015, la première statistique n’ayant pu être annulée et ajoute que l’employeur ne peut caractériser aucune fraude, les faits datant au surplus de 2015.

– S’agissant de la Société HERNING SHIPPING FRANCE, qui a confirmé par courriel n’avoir jamais été contactée le 10 août 2016 pour un rendez-vous dans ses locaux ou par téléphone, et être restée dans l’attente de garantie depuis mars 2016, alors que les éléments avaient été transmis par Mme [L] au salarié, M. [N] indique avoir contacté ce client le 20 Juin 2016 et commis une erreur de date, soit un rendez-vous sur les 384 dans l’année, en saisissant le rendez-vous dans TEMPO, sans conséquence sur la réalité du rendez-vous.

– Concernant la Société PCCF, au sein de laquelle il aurait effectué une visite le 19 avril 2016, non confirmée par cette dernière, alors qu’elle devait bénéficier d’une couverture prévoyance depuis le 1er janvier 2016, M. [N] répond que son assistante Mme [L] avait contacté cette entreprise le 18 avril 2016 et obtenu un rendez- vous téléphonique le jour même, (Source TEMPO), qu’il n’a pas rencontré physiquement cette entreprise mais a eu la cliente ou son expert-comptable au téléphone le 18 avril 2016 et a par suite confié le dossier à son assistante aux fins de le compléter et de procéder à l’envoi des pièces manquantes au service d’enregistrement des contrats,

que n’étant pas le supérieur hiérarchique de l’assistante commerciale, il n’a aucune autorité sur celle-ci.

S’agissant de la société NEODITEL, M. [N] indique avoir effectué près de 5 visites au sein de l’entreprise laquelle affirme ne l’avoir rencontré qu’une seule fois en 2016, qu’en 2015, 2016 et 2017, il a saisi exactement 7 visites en entreprises, produisant les échanges de courriels.

Il relève que l’employeur interprète les pièces de façon biaisée, soutenant ainsi que Mme [E] n’a confirmé qu’un seul rendez-vous en 2016, alors qu’elle indique en réalité:« il me semble que c’est le seul RENDEZ-VOUS ».

– L’e

ntreprise ITALPOLINA, l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES indique que le salarié a renseigné une visite le 3 février 2017, qui a cependant été annulée pour raisons personnelles, mais maintenu sur le compte client.

M. [N] explique que le rendez-vous, prévu le 3 février à 14h30 a été décalé à la demande de Mme [I] qui exigeait une présence des commerciaux chaque vendredi matin et justifie de sa présence en réunion l’après-midi avec sa responsable et un collègue, M. [M], et précisé dans le logiciel TEMPO « : « Visite entreprise / Indisponible » – « à revoir », un nouveau rendrez-vous ayant été reprogrammé au 15 Mars 2017.

Au vu des observations du salarié, le caractère mensonger de ses déclarations n’est pas établi, la cour relevant que certains griefs sont plus assimilables à des erreurs ou négligences (HERNING SHIPPING FRANCE, Société PCCF), mais qui rapportées au nombre de rendez-vous apparaissent anodines.

Sur les plaintes des clients

– la société NEODITEL a fait part à l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES de son mécontentement sur la manière dont M. [N] a géré son dossier, ainsi que « d’insatisfactions depuis le début de la prestation », lui reprochant en outre, à plusieurs reprises, de ne l’avoir pas informée de l’existence de plusieurs options complémentaires, produisant le courriel adressé par la cliente le 22 mars 2017, indiquant « Cela fait plus d’un mois que j’ai demandé un RENDEZ-VOUS à M. [N] mais je n’ai pas de retour de sa part depuis (j’ai vu son message d’absence).

Je souhaiterais savoir s’il serait possible d’avoir un RENDEZ-VOUS avec une autre personne de Malakoff Médéric. En effet, pour vous dire ce qu’il en est, il y a depuis le début de la prestation, des insatisfactions et nous avons besoin d’en parler afin de pouvoir régler certains points. .. ».

M. [N] rétorque que de nombreux clients ont exprimé leur mécontentement, face à la lourdeur de gestion de l’entreprise des dossiers clients, insatisfaction générale éprouvée lors de la mise en gestion des clients exprimée dans un courriel du Directeur adjoint du 12 février 2016 faisant notamment état de 500 réclamations en stock, ces difficultés ayant également été mises en évidence par le rapport SECAFI du 27 septembre 2017. Il produit toutefois des courriels de satisfaction (courriel du client EURODEV du 29 juin 2015).

Il explique l’absence de réponse par le fait qu’il était en congé le 24 février 2017 et qu’il a été placé en arrêt maladie à compter du 6 mars 2017, que les actes ultérieurs ont été effectués par Mme [I], soit le premier contact téléphonique le 21 mars 2017 et la résiliation du contrat du 3 avril 2017.

– MEDICO FRANCE a reproche à l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES son inertie (courriel du 3 mars 2017 faisant référence à deux autres courriers de 21 décembre 2016 et 26 décembre 2016).

M. [N] fait valoir que sa seule responsabilité était de transférer les documents reçus par courrier interne au service correspondant à chaque demande,

que les reproches sont adressés aux différents services qui ont fait défaut dont Mme [I],

qu’en tout état de cause, les faits étaient prescrits, puisque portés à la connaissance de l’employeur le 27 décembre 2016, alors que la procédure de licenciement a été engagée le 3 avril 2017.

– M. [X] [F], a indiqué avoir rencontré M. [N] le 14 février 2017 afin de souscrire un nouveau contrat prévoyance, qu’il l’a contacté le 8 mars 2017, pour l’informer être toujours dans l’attente de son contrat, et qu’il avait été contraint de transférer à nouveau son questionnaire médical, alors qu’il s’agit d’un document confidentiel.

M. [N] répond que ce client était géré par Mme [W]. puis au 1 janvier 2017, par Mme [I] qui avait repris son secteur, qu’elle a rencontré le client le 3 janvier 2017 et lui a demandé d’assurer le suivi,

qu’il a rencontré la première fois ce client le 5 janvier 2017 (et non le 14 février 2017), lequel a signé sur place le bulletin d’adhésion pré rempli le 4 janvier 2017 et remis une copie du questionnaire médical déjà rempli le même jour,

qu’il n’avait aucunement perdu le questionnaire médical comme prétendu alors qu’il avait été envoyé signé du 4 janvier 2017 par courrier interne au service gestion et par courriel le 9 février 2017 à la responsable GCI Malakoff Médéric, Mme [S],

que M. [F] qui s’est présenté à la délégation le 14 février 2017 n’a aucunement fait état d’une perte du questionnaire médical,

que Mme [I] ne peut prétendre avoir reçu un appel de Mr [F] puisqu’il n’y a aucune action dans le logiciel TEMPO de sa part, ni avoir vu M. [F] signer l’ensemble des documents : adhésion et questionnaire médical le 14 février 2017 et rempli un nouveau questionnaire le 16 février 2017.

La cour observe que pour une part les faits sont prescrits (MEDICO FRANCE), pour une autre part insuffisamment caractérisés ou encore insusceptibles de justifier un licenciement pour faute grave, alors qu’il convient de les situer dans un contexte de surcharge de travail, la hiérarchie n’ayant pas estimé utile d’adresser au salarié des remarques ou observations sur la gestion et le suivi des dossiers clients, qu’il était par ailleurs envisagé lors de l’entretien annuel au titre de 2016 qui s’est déroulé le 14 février 2017, de lui confier un nouveau portefeuille clients composé d’entreprises de 5 à 50 salariés,

En considération de l’ensemble de ces éléments, le licenciement n’est justifié, ni par une faute grave, ni même par une cause réelle et sérieuse. Le salarié est donc fondé à obtenir paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, d’une indemnité compensatrice de congés payés afférente, d’une indemnité de licenciement et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement :

Il sera retenu un salaire à hauteur de 4586 euros reconstitué selon les éléments produits par le salarié (Salaire mensuel brut de base + ancienneté + avantage en nature pour 3706,66€ X 13,8 mois = 51151,91€ (rémunération brute annuelle hors prime commerciale), soit 55032,53 euros, incluant la prime commerciale), la conséquence étant l’infirmation du jugement quant au montant des condamnations prononcées.

En application des articles L 1234-1 et suivants du code du travail et compte tenu des circonstances de l’espèce, M. [N] a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire soit 9172 euros, outre une somme de 917 euros au titre des congés payés y afférents.

En application de l’article L1234-9 du code du travail et des dispositions de la convention collective, le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Il sera alloué à M. [N] une somme de 27.592,43 euros de ce chef.

Au moment de la rupture de son contrat de travail M. [N] comptait près de dix sept ans d’ancienneté et l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, M. [N] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l’espèce un salaire de 4586 euros.

En raison de l’âge du salarié au moment de son licenciement, comme étant né en 1974, de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il lui sera octroyé une somme de 60.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice matériel et moral qu’il a subi.

Sur la demande au titre des congés payés

M. [N] fait valoir que l’employeur ne lui a pas réglé les cinq jours de congés exceptionnels mentionnés à son compteur, conformément aux dispositions conventionnelles (Chapitre 6, Congés exceptionnels, Article 22, 2 bis).

Il sollicite de ce chef une somme de 820,85 euros (5×164,1699 brut).

La somme en cause, non contestée, lui sera accordée.

Sur la demande au titre de la prime commerciale 2016

M. [N] indique qu’il pouvait légitimement prétendre au versement de cette prime pour un total de 3250 euros, au regard des résultats obtenus :

– Résultat Prévoyance 129 % de l’objectif 2016 = prime due de 1000 €

– Résultat Epargne en Chiffre d’affaires 145 %de l’objectif 2016 = prime due de 500 €.

– Résultat Chiffre d’affaires 2016 Santé Prévoyance Epargne Services/ => 35 services : réalisation de plus de 50 services (résultat à octobre 2016, les 15 autres services ont été vendus entre novembre et décembre 2016) = prime due de 750€.

– Résultat chiffre d’affaires issu des démarches vers prescripteur >20 % comptable (salarié classé N°1 National sur ce critère, 103000€ de chiffre d’affaires réalisé sur la globalité de chiffre d’affaires Santé Prévoyance réalisé. Objectif atteint de 40 % = prime due de 1000 €.

A l’appui de sa demande, M. [N] produit une pièce 43, compilant ses résultats. L’employeur pour sa part, se contente de contester la valeur probante de cette pièce soutenant qu’elle fait référence aux résultats des années 2012 à 2015, sans pour autant démontrer que le salarié n’a pas atteint ses objectifs en 2016, alors qu’il est en possession des éléments permettant de déterminer la prime éventuellement due au salarié.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande.

Sur le remboursement des cotisations tickets restaurant :

M. [N] fait valoir que l’employeur lui a facturé des tickets restaurants ou ne les lui a pas remis, alors qu’il était absent pour maladie du 6 mars 2017 au 6 juin 2017, qu’il a été prélevé sur salaire les sommes suivantes :

mars 2017 : 22 Tickets => 78,76 €

avril 2017 : 12 Tickets => 42,96 €

mai 2017 : 0

juin 2017 : 2 Tickets => 7,16 €

et n’a pas reçu les trois tickets restaurant correspondant à sa présence dans l’entreprise du 1er au 3 mars 2017,

qu’il lui est dû une somme de 128,88 €, outre trois tickets restaurant ou leur équivalent monétaire.

L’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES justifie du remboursement des cotisations afférentes aux tickets restaurant des mois d’avril et de juin 2017, mais non du remboursement des tickets restaurant prélevés en mars, ni de leur remise pour les trois premiers jours de mars 2017.

Il lui sera en conséquence accordé une somme de 89,50 euros (78,76 € + 3,58 X 3).

Sur le rappel de salaire au titre du maintien de la prévoyance

M. [N] se prévaut des dispositions de la convention collective applicable, et en particulier exposées au Titre 2, garanties obligatoires, article 2 ‘ Incapacité de Travail/Invalidité, article 24,

L’article 2 précité énonce que le salarié qui doit interrompre son activité pour cause de maladie ou d’accident reçoit au 91ème jour d’arrêt de travail, des indemnités complémentaires de celle dues par la sécurité sociale et destinées à lui garantir un minimum de ressources tant que l’incapacité subsiste. La rupture du contrat de travail n’interrompt pas le paiement des indemnités qui continuent d’être versées à l’intéressé jusqu’à l’expiration des droits ouverts avant ladite rupture

M. [N] indique qu’il a perçu son salaire mensuel habituel du 6 mars 2017 au 6 juin 2017, qu’après sa sortie des effectifs de l’entreprise à partir du 7 juin 2017, il a perçu jusqu’au 26 août 2017, uniquement les indemnités de la sécurité sociale, soit 50% de son salaire et qu’à compter du 27 août 2017, il a perçu les indemnités journalières de l’assureur Malakoff Médéric,

que contrairement à ce que soutient l’employeur, le fait de faire droit à sa demande ne reviendrait pas à le remplir deux fois de ses droits, n’ayant perçu que 50% de son salaire du 7 juin 2017 au 26 août 2017.

L’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES rappelle avoir précisé dans un courrier adressé au salarié le 6 février 2018, que l’organisme assureur, Malakoff Médéric Prévoyance, a versé des indemnités journalières en complément de celles servies par la sécurité sociale à compter du 27 août 2017.

Il ne sera pas fait droit à la demande en l’état du délai de carence de 180 jours entre l’arrêt maladie du salarié et le déclenchement de la prévoyance, peu important donc la rupture du contrat de travail qui est sans incidence sur la garantie prévue par le régime de prévoyance.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande.

Sur les intérêts :

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.

Les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 devenu 1343-2, du code civil.

Sur les autres demandes :

La cour ordonnera à l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES de remettre à M. [N] les documents de fin de contrat rectifiés: l’attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.

Il n’est pas nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les dépens et les frais non-répétibles :

L’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de le condamner à payer à M. [N] une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse et qu’il a condamné l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES à payer à M. [O] [N] la somme 15.000 € au titre du préjudice lié aux conditions de travail dégradées ;

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne l’Association de Moyens Assurance de Personnes venant aux droits de l’Association de Moyens Assurances à payer à M. [O] [N] les sommes suivantes :

60.000 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

27.592,43 € à titre d’indemnité de licenciement ;

9172 € au titre d’indemnité de préavis ;

917 € au titre d’indemnité de congés payés sur préavis ;

3250 € au titre de la prime commerciale pour 2016 ;

820,85 € au titre des congés exceptionnels ;

89,50 euros au titre du remboursement des cotisations tickets restaurant,

Ordonne à l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES de remettre à M. [O] [N] ses bulletins de salaire, le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu de prononcer une astreinte,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris sur les sommes qui y sont mentionnées et du présent arrêt sur le surplus,

Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 devenu 1343-2, du code civil,

Y ajoutant,

Condamne l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES à payer à M. [O] [N] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’ASSOCIATION DE MOYENS ASSURANCES DE PERSONNES aux dépens,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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