ARRÊT N° /2022
PH
DU 30 JUIN 2022
N° RG 21/00186 – N° Portalis DBVR-V-B7F-EWNX
Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BAR LE DUC
19/00011
23 décembre 2020
COUR D’APPEL DE NANCY
CHAMBRE SOCIALE – SECTION 2
APPELANTE :
S.C.A. VEOLIA EAU-COMPAGNIE GENERALE DES EAUX prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Aude BLANDIN de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY substitué par Me DJEBARI, avocat au barreau de LYON
INTIMÉ :
Monsieur [X] [D]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Anny MORLOT de la SELAFA ACD AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président :WEISSMANN Raphaël,
Conseillers : STANEK Stéphane,
WILLM Anne-Sophie,
Greffier lors des débats :RIVORY Laurène
DÉBATS :
En audience publique du 05 Mai 2022 ;
L’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 30 Juin 2022 ; par mise à disposition au greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
Le 30 Juin 2022, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES
Monsieur [X] [D] a été engagé sous contrat de travail à durée déterminée, par la société COMPAGNIE GENERALE, devenue société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, à compter du 24 novembre 1983.
Par la suite, la relation contractuelle s’est poursuivie sous contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 janvier 1984.
M. [X] [D] occupait en dernier lieu le poste de responsable services réseaux.
A compter du 08 juin 2016, Monsieur [X] [D] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail pour la période allant du 08 juin 2016 au 30 septembre 2017, à la suite d’un malaise sur son lieu de travail ayant entraîné son hospitalisation.
Par décision du 25 janvier 2018, le médecin du travail, faisant suite à la visite de reprise du 30 novembre 2017, a prononcé l’inaptitude à son poste de Monsieur [X] [D], avec une impossibilité de reclassement à un emploi.
Par courrier du 01 mars 2018, Monsieur [X] [D] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 14 mars 2018.
Par courrier du 19 mars 2018, Monsieur [X] [D] a été licencié pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement.
Par requête du 14 mars 2019, Monsieur [X] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc, aux fins de contestation de son licenciement pour inaptitude et de reconnaissance de la situation de harcèlement moral.
Vu le jugement de la formation de départage du conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc rendu le 23 décembre 2020, lequel a :
– dit que le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement notifié par la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à Monsieur [X] [D] par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mars 2018 est nul,
– condamné la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 60 000 euros à titre des dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail,
– condamné la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice du salarié au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 3 568,84 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées par Monsieur [X] [D] entre le 14 mars 2016 et le 8 juin 2016 et la somme de 356,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 15 380,64 euros au titre des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail,
– condamné la société VEOLIA EAU -COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à remettre à Monsieur [X] [D], dans un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision, une attestation Pôle Emploi rectifiée, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations, sous astreinte provisoire de 50 euros par jours de retard passé ce délai, étant précisé que l’astreinte courra pendant un délai de 1 an,
– dit que le conseil de prud’hommes se réserve le droit de liquider la présente astreinte ;
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– ordonné le remboursement par la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, employeur fautif, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois prévue par l’article L1235-4 du code de travail,
– dit qu’une copie de la présente décision sera transmise à POLE EMPLOI à [Localité 4], par les soins du greffe,
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de sa demande formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux dépens ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail, s’agissant des salaires et accessoires de salaire dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit en l’espèce 1919,16 euros bruts ;
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire pour le surplus du dispositif de la présente décision.
Vu l’appel formé par la société VEOLIA le 20 janvier 2021,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les conclusions de la société VEOLIA déposées sur le RPVA le 22 février 2022, et celles de Monsieur [X] [D] déposées sur le RPVA le 14 février 2022,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 06 avril 2022,
La société VEOLIA demande :
– d’infirmer le jugement rendu entre les parties par le conseil de Prud’hommes de Bar-le-Duc en date du 23 décembre 2020,
– par conséquent,
– de dire et juger que le licenciement de Monsieur [X] [D] pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement repose sur une cause réelle et sérieuse,
– de débouter Monsieur [X] [D] de l’intégralité de ses demandes ;
– de condamner Monsieur [X] [D] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Monsieur [X] [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Monsieur [X] [D] demande :
– de confirmer le jugement devant la formation de départage rendu en date du 23 décembre 2020 en ce qu’il a dit que le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement notifié par la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à Monsieur [X] [D] par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 mars 2018 est nul ;
– d’infirmer le jugement s’agissant du quantum auquel la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a été condamnée à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au titre des dispositions de l’article L 1235-3-1 du code du travail,
– de confirmer le jugement devant la formation de départage rendu en date du 23 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] des dommages et intérêts en réparation du préjudice du salarié au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
– d’infirmer le jugement s’agissant du quantum auquel la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a été condamnée au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice du salarié au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
– de confirmer le jugement devant la formation de départage rendu en date du 23 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX au titre des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail,
– d’infirmer le jugement s’agissant du quantum auquel la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX a été condamnée au titre des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail ;
– de confirmer le jugement devant la formation de départage rendu en date du 23 décembre 2020 en ce qu’il a :
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 3 568,84 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées par Monsieur [X] [D] entre le 14 mars 2016 et le 8 juin 2016 et la somme de 356,88 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– condamné la société VEOLIA EAU -COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à remettre à Monsieur [X] [D], dans un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision, une attestation Pôle Emploi rectifiée, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations, sous astreinte provisoire de 50 euros par jours de retard passé ce délai, étant précisé que l’astreinte courra pendant un délai de 1 an,
– débouté la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de ses demandes plus amples ou contraires,
– ordonné le remboursement par la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX, employeur fautif, aux organismes intéressés, des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois prévue par l’article L1235-4 du code de travail,
– dit qu’une copie de la présente décision sera transmise à POLE EMPLOI à [Localité 4], par les soins du greffe,
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de sa demande formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile – condamné la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux dépens,
– d’infirmer le jugement devant la formation de départage rendu en date du 23 décembre 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur [X] [D] de ses autres demandes,
*
– statuant à nouveau et y ajoutant :
– à titre principal,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au titre des dispositions de l’article L 1235-3-1 du code du travail,
*
– à titre subsidiaire,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison des manquements de l’employeur à l’origine de la dégradation de son état de santé ;
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du défaut de consultation des représentants du personnel,
*
– en tout état de cause,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] les sommes de :
– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice du salarié au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
– 22 492,44 euros au titre des dispositions de l’article L. 8223-1 du code du travail ;
– 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d’information des motifs s’opposant à son reclassement ;
– 2 782,81 euros correspondant à la retenue injustifiée figurant sur le bulletin de paie de mars 2021 ;
– 21 550 euros au titre de la liquidation de l’astreinte prononcée le 23 décembre 2020 par le Conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à remettre à Monsieur [X] [D] une attestation Pôle Emploi rectifiée, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] à la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,
– de débouter la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de l’intégralité des demandes formées à l’encontre de Monsieur [X] [D] ;
– de débouter la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de sa demande de voir condamner Monsieur [X] [D] à la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de débouter la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de sa demande de voir condamner Monsieur [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
SUR CE, LA COUR
Pour plus ample exposé sur les moyens et prétentions des parties, il sera expressément renvoyé aux dernières écritures qu’elles ont déposées sur le RPVA, s’agissant de l’employeur le 22 février 2022, et en ce qui concerne le salarié le 14 février 2022.
Sur le licenciement
– sur le harcèlement et la nullité du licenciement
M. [X] [D] soutient à titre principal que son licenciement est nul au motif d’un harcèlement moral subi de la part de sa direction.
Aux termes des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3, le salarié présente des faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [X] [D] explique qu’en 2012 avec l’arrivée d’un nouveau chef de groupe il a subi des pressions constantes et croissantes afin d’atteindre les chiffres et objectifs demandés.
Il indique également avoir vu sa fonction modifier en 2014, devenant responsable métier travaux, sans avoir été préparé à cette évolution ; il indique avoir dû affronter des tâches plus compliquées ainsi qu’une charge de travail plus lourde.
M. [X] [D] précise que c’est dans ces conditions qu’il s’est épuisé à accomplir de nombreuses heures supplémentaires.
L’intimé précise avoir été victime de deux malaises, en 2015 puis le 08 juin 2016.
Il souligne avoir fait l’objet d’une procédure disciplinaire, avec mise à pied conservatoire, le 05 septembre 2016, et qu’un avertissement lui a été infligé le 03 octobre 2016 . Il estime que cet avertissement n’est pas justifié et est rédigé en des termes vagues et imprécis.
M. [X] [D] fait état des pièces suivantes :
– pièce adverse 5 : entretien individuel du 17 juillet 2015
– pièce adverse 6 : entretien du 16 mai 2016
– pièces adverses 3 et 4 : entretiens individuels 2012 et 2014
– pièce 29 : attestation de M. [T] [H]
– pièce 6 : convocation pour sanction disciplinaire, du 05 septembre 2016
– pièce 7 : nouvelle convocation
– pièce 8 : avertissement du 03 octobre 2016
– pièce 12 : certificat médical du docteur [O] du 24 juin 2016
– pièce 26 : document rédigé par lui-même « récapitulatif du harcèlement »
– pièce 27 : bilan socio-professionnel établi par son psychiatre à la demande de la CPAM
– pièce 32 : attestation médicale de son médecin psychiatre
Les pièces 3 à 6 adverses ne précisent pas toutes la fonction occupée, sauf la pièce 5 (entretien individuel du 17 juillet 2015 qui indique que le poste occupé est celui de responsable local métier travaux).
En pièce 29 de M. [X] [D], M. [T] [H] indique que : « (‘) mr [D] prenait le travail à 7 heures jusqu’à 19 heures et 20 heures, il était présent les samedis et dimanches, très professionnel, soucieux faisant passer son travail avant sa famille . (…) »
La pièce 6 est une convocation de l’employeur du 05 septembre 2016, qui précise que : « nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une sanction pouvant aller jusqu’à votre licenciement ».
La pièce 7 est une nouvelle convocation en date du 15 septembre 2016, qui précise annuler et remplacer la précédente.
La pièce 8 est l’avertissement du 03 octobre 2016, qui motive ainsi la décision : « Malgré les éléments rapportés au cours de cet entretien, il n’en demeure pas moins que vous avez fait preuve de légèreté et de négligence lors de travaux réalisés pour le compte des collectivités. »
La pièce 12 n’est pas un certificat médical du 24 juin 2016 comme indiqué dans les conclusions, mais un certificat d’arrêt de travail du 10 juin 2016.
Les éléments de fait et le certificat d’arrêt de travail présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, ne laissent pas présumer l’existence d’un harcèlement moral.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit nul le licenciement, et en ce qu’il a condamné à ce titre l’employeur à des dommages et intérêts.
– sur l’obligation de sécurité
M. [X] [D] soutient à titre subsidiaire que la dégradation de son état de santé est la conséquence des manquements de l’employeur à son obligation de sécurité.
Il fait valoir que depuis l’année 2012 et l’arrivée d’un nouveau chef de groupe, il a subi des pressions constantes et croissantes afin d’atteindre les chiffres et objectifs demandés. Il ajoute qu’en 2014, il s’est vu modifier sa fonction, pour passer de responsable local métier « exploitation » à responsable local métier « travaux », sans avoir été préparé à cette évolution ni formé en conséquence, et qu’il a dû affronter des tâches plus compliquées ainsi qu’une charge de travail plus importante. Il renvoie sur ce point aux pièces adverses 3 et 4, et 5 et 6.
M. [X] [D] expose s’être ainsi épuisé à accomplir de nombreuses heures supplémentaires, à savoir 10 heures par jour du lundi au vendredi, le samedi matin et même le dimanche.
Il précise avoir été victime de deux malaises, en juin 2015 et le 08 juin 2016.
M. [X] [D] reprend ensuite son argumentaire relatif à un harcèlement moral.
Il vise notamment sa pièce 27 (bilan socio-professionnel de son psychiatre) ainsi que sa pièce 28 (conclusions de son psychiatre sollicitées par le médecin du travail).
En réponse, la société VEOLIA fait valoir que M. [X] [D] se contente de reprendre les allégations invoquées au soutien de sa demande au titre d’un harcèlement moral. Elle invite à se reporter à ses développements à ce titre.
Dans le cadre de ces développements, la société VEOLIA indique que s’agissant de la fonction de responsable local métier, le passage au service travaux ne constitue qu’une simple modification des conditions de travail, qu’il a au demeurant souhaité, ainsi qu’il résulte de son entretien annuel du 11 juin 2014.
Si les pièces 5 et 6 précisent les « missions principales » qui étaient confiées à M. [X] [D], les pièces 3 et 4 ne le font pas, ce qui ne permet pas de comparer les deux postes en termes de charge de travail et de responsabilités.
Contrairement à ce que soutient la société VEOLIA, l’entretien du 11 juin 2014, en pièce 4, ne porte pas mention d’un souhait ou même d’un accord exprimé par M. [X] [D] pour changer de fonction pour celle de responsable travaux.
M. [X] [D] ne produit aucun autre élément susceptible d’établir ce qu’il soutient, à savoir la nécessité d’une formation à la nouvelle fonction occupée.
Il ne produit aucun élément susceptible d’établir un accroissement de ses charges de travail et responsabilités.
L’attestation précitée de M. [T] [H], qui relate le temps passé par M. [X] [D] à travailler, ne suffit pas à rapporter cette preuve.
Les éléments médicaux, produits par M. [X] [D], comme par exemple les observations de son psychiatre en pièce 27 qui fait état d’un « épuisement professionnel progressif à son poste de travail » ne peuvent pallier l’absence de pièces démontrant la nécessité alléguée de formation et l’accroissement allégué de la charge de travail, invoqués au soutien du manquement dénoncé à l’obligation de sécurité.
Dans ces conditions, M. [X] [D] sera débouté de sa demande visant à voir déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l’obligation de sécurité.
– sur l’obligation de reclassement
M. [X] [D] fait valoir que l’employeur s’est dispensé de toute recherche de reclassement au niveau du groupe, entraînant le caractère abusif de son licenciement.
La société VEOLIA fait valoir que les avis d’inaptitude de M. [X] [D] prévoient expressément une dispense de l’obligation de reclassement, et que cette dispense n’est pas restreinte au seul périmètre de l’entreprise.
Dans son avis d’inaptitude du 25 janvier 2018 (pièce 16 de M. [X] [D]) le médecin du travail coche les mentions suivantes : « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » et « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
En application des dispositions de l’article L1226-2-21 du code du travail, le contenu de cet avis dispense l’employeur de toute obligation de reclassement, dans l’entreprise comme dans le groupe.
Dans ces conditions, M. [X] [D] sera débouté de sa demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour violation de l’obligation de reclassement.
– sur la consultation des représentants du personnel
M. [X] [D] considère que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, au motif que les représentants du personnel n’ont pas été consultés.
La société VEOLIA considère qu’elle était dispensée de consultation des représentants du personnel en conséquence de la dispense de reclassement.
Il résulte des dispositions combinées des articles L1226-2 alinéa 3 et L1226-2-1 du code du travail qu’en cas de dispense de reclassement, l’employeur est dispensé de consultation des représentants du personnel.
Dans ces conditions, M. [X] [D] sera débouté de sa demande de voir dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour absence de consultation des représentants du personnel.
Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut d’indication des motifs s’opposant au reclassement
M. [X] [D] fait valoir que l’employeur ne lui a pas fait connaître par écrit les motifs s’opposant à son reclassement.
La société VEOLIA considère qu’en présence d’une dispense de reclassement, elle n’était pas tenue de justifier des motifs s’y opposant.
Il résulte des dispositions combinées des articles L1226-2 et L1226-2-1 du code du travail qu’en cas de dispense de reclassement, l’employeur est dispensé de faire connaître au salarié les motifs d’absence de reclassement.
Dans ces conditions, M. [X] [D] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité
M. [X] [D] expose que l’employeur a failli à son obligation de sécurité, ayant entraîné son inaptitude, du fait d’un harcèlement moral « et à tout le moins de graves manquements de l’employeur ».
Il indique que, de plus, après son accident du travail et pendant sa période d’arrêt de travail, l’employeur a aggravé son état de santé en lui notifiant notamment un avertissement, « auquel s’ajoute la procédure vexatoire qui l’a précédé » .
Il renvoie à ses pièces 5 à 8, 12, et 25 à 29.
La société VEOLIA fait valoir que l’intimé se contente de procéder par renvoi à ses allégations concernant le harcèlement moral dont il fait état, alors que ces faits ne sont pas établis.
M. [X] [D] fait état, à l’appui de sa demande, du harcèlement moral qu’il dit avoir subi, alors qu’il résulte des développements précédents que les éléments qu’il a versés aux débats ne laissent pas supposer l’existence d’un harcèlement moral.
Il invoque également une « procédure vexatoire » qu’il n’explicite pas, et l’avertissement reçu alors qu’il était en arrêt maladie, qui aurait aggravé son état de santé.
La pièce 5 est un courrier du 22 juillet 2016, reçu de son employeur, qui le met en demeure de justificatier de son arrêt maladie pour la période du 25 juin au 15 juillet 2016.
Sa pièce 6 est la convocation du 05 septembre 2016 en vue d’une éventuelle sanction.
Sa pièce 7 est la convocation du 15 septembre 2016 annulant et remplaçant la précédente.
La pièce 8 est l’avertissement du 03 octobre 2016.
La pièce 12 est le document de « données télétransmises du certificat d’arrêt de travail à l’assurance maladie » établi par le Docteur [O] le 10 juin 2016 ; ce document indique dans le paragraphe « constatations détaillées » : « malaise sur le lieu de travail suite harcèlement par hiérarchie, le malaise a entraîné une chute avec petit TC, douleur de l’épaule droit et du genou droit ».
La pièce 25 est un « certificat de suivi » de son suivi au CMP, daté du 26 septembre 2017.
La pièce 26 est le « récapitulatif du harcèlement » rédigé par M. [X] [D].
La pièce 27 est le document par lequel le psychiatre de M. [X] [D] a fait état de ses observations, à la demande de la caisse d’assurance maladie, dans le cadre d’un « bilan médico-socio- professionnel ».
La pièce 28 est un certificat médical du Docteur [K], en date du 21 novembre 2017, adressé au médecin du travail, sur l’état de M. [X] [D] et son traitement.
La pièce 29 est l’attestation précitée de M. [T] [H].
Il résulte des développements qui précèdent que le manquement à l’obligation de sécurité, déjà invoqué au soutien de la critique du licenciement, n’est pas établi ; il ne l’est pas davantage par les pièces précitées visées par le salarié, qui n’établit pas de faits imputables à l’employeur.
S’agissant de l’avertissement du 03 octobre 2016, il ne résulte pas des pièces visées par M. [X] [D] une aggravation consécutive de son état de santé, qu’il invoque, et qu’il n’évoque par ailleurs pas dans son « récapitulatif du harcèlement » en pièce 26.
Faute d’établir la faute et le préjudice en découlant, M. [X] [D] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
La société VEOLIA fait valoir que M. [X] [D] n’étaye pas sa demande, ne visant que l’attestation de M. [T] [H] ; elle indique produire aux débats des feuilles d’heures pour la période du 29 février au 05 juin 2016, dont certaines sont signées par M. [X] [D], et indiquent qu’elles ne laissent pas apparaître la réalisation d’heures supplémentaires.
M. [X] [D] fait valoir que le passage au poste de responsable local métier « travaux » a considérablement compliqué et accru sa tâche ; qu’à partir de cette date, il a effectué de nombreuses heures supplémentaires, à savoir 10 heures par jour, du lundi au vendredi, le samedi matin et même le dimanche, de 7 heures à 11 heures.
M. [X] [D] renvoie à l’attestation de M. [T] [H] en pièce 29, et au document qu’il a rédigé, en pièce 26. Il renvoie également aux entretiens individuels (pièces adverses 3 à 6) et aux pièces médicales 27 et 28.
L’article L. 3171-4 du code du travail dispose qu’ en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction.
Il ressort de cette règle que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties mais que le salarié doit appuyer sa demande en paiement d’heures supplémentaires par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
En l’espèce, M. [X] [D] ne produit aucun élément, suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu’il dit avoir effectuées, qui pourrait permettre à la société VEOLIA d’y répondre.
Dans ces conditions, M. [X] [D] sera débouté de sa demande.
Sur la demande au titre du travail dissimulé
M. [X] [D] sera débouté de sa demande, en conséquence du débouté de la demande pour heures supplémentaires, qui en est le support.
Sur la demande au titre d’une retenue
M. [X] [D] explique que l’employeur a effectué, sur le bulletin de paie de mars 2021, une retenue de 2 782,81 euros, à titre de « remboursement avance sur salaire », qui n’est justifiée par aucun élément.
La société VEOLIA ne répond pas à cette demande.
Le bulletin de paie de mars 2021, produit en pièce 33 par M. [X] [D], contient une ligne « remboursement avance sur salaire » pour un montant déduit de 2 782,81 euros.
L’employeur, dont une des obligations découlant du contrat de travail est le paiement du salaire, ni n’explique ni ne justifie cette retenue de salaire sur le bulletin de paie de M. [X] [D].
A défaut d’en justifier, la société VEOLIA sera condamnée à payer à M. [X] [D] le montant de cette retenue.
Sur la liquidation de l’astreinte
M. [X] [D] demande de liquider l’astreinte prononcée par le conseil des prud’hommes, en faisant valoir qu’il n’a toujours pas reçu l’attestation pôle emploi, et que le bulletin de paie ne lui est parvenu que le 10 mars 2021.
La société VEOLIA fait valoir que dans son jugement, le conseil des prud’hommes n’a pas ordonné l’exécution provisoire sur le fondement des dispositions de l’article 515 du code de procédure civile, de sorte que seule la condamnation au titre des heures supplémentaires, exécutoire de droit à titre provisoire, a été exécutée par elle. Elle estime qu’elle ne pouvait émettre une attestation pôle emploi rectifiée ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations, qui n’ont que partiellement été exécutées en l’absence d’exécution provisoire ordonnée.
Aux termes des dispositions de l’article L131-4 du code des procédures civiles d’exécution, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter.
Le taux de l’astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L’astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s’il est établi que l’inexécution ou le retard dans l’exécution de l’injonction du juge provient, en tout ou partie, d’une cause étrangère.
Il résulte du dispositif du jugement que la condamnation qui pouvait avoir une incidence sur les droits aux allocations chômage, et donc être pertinente dans le cadre de l’attestation pôle emploi, est précisément celle qu’évoque la société VEOLIA, à savoir la condamnation au titre des heures supplémentaires. Cette condamnation était assortie de l’exécution provisoire, comme rappelé par le jugement, sur le fondement des articles R1454-14 et R1454-28.
Dès lors, en l’absence de difficultés à exécuter l’astreinte, il sera fait droit à la demande de liquidation pour le montant réclamé, non critiqué.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société VEOLIA sera condamnée aux dépens, ainsi qu’à la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les condamnations de première instance à ces titres étant par ailleurs confirmées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bar-le-Duc le 23 décembre 2020 en ce qu’il a :
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à remettre à Monsieur [X] [D], dans un délai de 1 mois à compter de la signification de la présente décision, une attestation Pôle Emploi rectifiée, ainsi que le bulletin de salaire correspondant aux condamnations, sous astreinte provisoire de 50 euros par jours de retard passé ce délai, étant précisé que l’astreinte courra pendant un délai de 1 an,
– dit que le conseil de prud’hommes se réserve le droit de liquider la présente astreinte ;
– condamné la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX à verser à Monsieur [X] [D] la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la société VEOLIA EAU – COMPAGNIE GENERALE DES EAUX de sa demande formée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société VEOLIA EAU ‘ COMPAGNIE GENERALE DES EAUX aux dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit conformément aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail, s’agissant des salaires et accessoires de salaire dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit en l’espèce 1919,16 euros bruts,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire pour le surplus du dispositif de la présente décision ;
L’infirme pour le surplus ;
statuant à nouveau dans ces limites,
Déboute les parties de leurs demandes ;
y ajoutant,
Condamne la société VEOLIA à payer à M. [X] [D] :
– 2 782,81 euros (deux mille sept cent quatre vingt deux euros et quatre vingt un centimes) à titre de remboursement de la retenue sur salaire opérée sur le bulletin de paie de mars 2021,
– 21 550 euros (vingt et un mille cinq cent cinquante euros) au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire ;
Condamne la société VEOLIA à payer à M. [X] [D] 1500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société VEOLIA aux dépens.
Ainsi prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Et signé par Monsieur Raphaël WEISSMANN, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT DE CHAMBRE
Minute en quinze pages