C2
N° RG 20/03065
N° Portalis DBVM-V-B7E-KSDJ
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET
la SELARL VANDEVELDE AVOCATS ET ASSOCIES
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section B
ARRÊT DU JEUDI 30 JUIN 2022
Appel d’une décision (N° RG 18/01248)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE
en date du 07 septembre 2020
suivant déclaration d’appel du 06 octobre 2020
APPELANTE :
Madame [V] [Y]
née le 09 août 1979 à SAINT PRIEST (69800)
de nationalité Française
12 lotissement le Domaine de Rachel
38590 BREZINS
représentée par Me Laure GERMAIN-PHION de la SCP GERMAIN-PHION JACQUEMET, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Anaïs BIANCHI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEE :
ASSOCIATION DE GESTION ET DE COMPTABILITE ISERE (AGC ISERE), prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
122 rue du Rocher de Lorzier CS 20032
38430 MOIRANS
représentée par Me Murielle VANDEVELDE-PETIT de la SELARL VANDEVELDE AVOCATS ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me Laurent PEGOUD, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Blandine FRESSARD, Présidente,
M. Frédéric BLANC, Conseiller,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,
DÉBATS :
A l’audience publique du 06 avril 2022,
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, chargée du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré au 16 juin 2022, délibéré prorogé à ce jour, date à laquelle l’arrêt a été rendu.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [V] [Y], née le 9 août 1969, a été embauchée, à compter du 12 mai 2014, par l’association de gestion et de comptabilité Isère ‘ AGC Isère en qualité de technicienne de paie à temps partiel à raison de 32 heures par semaine.
L’association de gestion et de comptabilité Isère ‘ AGC Isère est une association appartenant au réseau CER France qui exerce une activité comptable et qui compte huit établissements en Isère.
Affectée à l’agence de Saint Etienne de Saint Geoirs, Mme [V] [Y] était employée à temps plein fin 2014.
A compter du 21 juin 2018, Mme [V] [Y] a été placée en arrêt de travail pour maladie.
Par courrier recommandé du 22 juin 2018 Mme [V] [Y] a dénoncé auprès de sa direction, une menace faite par son employeur d’engager une procédure de licenciement pour la contraindre à accepter une rupture conventionnelle et l’a mise en demeure de régulariser différents manquements.
Par courrier recommandé du 27 juin 2018, l’association AGC Isère a convoqué Mme'[V]'[Y] à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au’10’juillet’2018.
Par courrier recommandé du 11 juillet 2018 Mme [V] [Y] a pris acte de la rupture du contrat de travail.
Au dernier état des relations contractuelles, la rémunération mensuelle moyenne de Mme'[V] [Y] s’élève à 3’353,22 euros bruts
Le 28 novembre 2018, Mme [V] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de voir notamment qualifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail en licenciement nul et, subsidiairement, en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Suivant jugement en date du 7 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:
Dit infondées les demandes de Mme [V] [Y] au titre du harcèlement moral, du manquement à l’obligation de résultat, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, du dépassement des durées maximum de travail, du statut cadre, de l’exécution déloyale du contrat de travail, de sa rémunération et de ses primes,
Dit qu’en l’absence de manquement de l’Association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère à ses obligations, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail notifiée le’11’juillet’2018 par Mme [V] [Y] produit les effets d ‘une démission,
Débouté les parties de l’ensemble de leurs demandes,
Condamné Mme [V] [Y] aux dépens.
La décision rendue a été notifiée par lettres recommandées avec accusés de réception signés le’8 septembre 2020 par l’association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère et le’10’septembre’2020 par Mme [V] [Y].
Appel de la décision a été interjeté par Mme [V] [Y] par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 6 octobre 2020.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 1er mars 2022, Mme'[V]'[Y] sollicite de la cour de’:
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’Association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère de sa demande tendant à voir Mme [Y] condamnée à lui verser la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit infondées les demandes de Mme [V] [Y] au titre du harcèlement moral, du manquement à l’obligation de sécurité de résultat, des heures supplémentaires, du travail dissimulé, du dépassement des durées maximums de travail, du statut cadre, de l’exécution déloyale du contrat de travail, de sa rémunération et de ses primes,
– dit qu’en l’absence de manquement de l’Association de gestion et de comptabilité Isère – AGC ISERE à ses obligations, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail notifiée le’11’juillet’2018 par Mme [V] [Y] produit les effets d’une démission,
– condamné Mme [V] [Y] aux dépens.
Statuant à nouveau,
Dire et juger que Mme [Y] a été victime de harcèlement moral,
Condamner l’AGC Isère à verser à Mme [Y] la somme de 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du harcèlement moral,
Dire et juger que l’AGC Isère a manqué à son obligation de sécurité,
Condamner l’AGC Isère à verser à Mme [Y] la somme de 10.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de sécurité,
Constater la réalisation par Mme [Y] de nombreuses heures supplémentaires,
Condamner l’AGC Isère à verser à Mme [Y] les sommes de :
– 14.152,66 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires pour la période du 1er janvier’2016 au 11 juillet 2018 ;
– 1.415,27 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 1.317,17 € bruts au titre de la contrepartie obligatoire en repos due pour les années 2016 et 2017 (au titre de 97 heures de travail accomplies au-delà du contingent annuel) ;
– 131,72 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 20.119,35 € nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
– 8 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de la violation des durées maximales de travail hebdomadaire et quotidienne ;
Dire et juger que Mme [Y] devait se voir appliquer le statut de cadre,
Condamner l’AGC Isère à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 7.023,31 € bruts à titre de rappel de salaire en application des minimas conventionnels prévus pour les salariés relevant du statut cadre ;
– 702,33 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 864,67 € bruts à titre de rappel de salaire sur le rappel d’heures supplémentaires en application des minimas conventionnels prévus pour les salariés relevant du statut cadre ;
– 86,47 € bruts au titre des congés payés afférents ;
Dire et juger que l’AGC Isère a exécuté de manière déloyale le contrat de travail de Mme'[Y],
Condamner l’AGC Isère à verser à Mme [Y] les sommes suivantes :
– 1 000 € bruts à titre de rappel sur la prime SILAE non versée au mois d’avril 2018
– 100 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 618 € bruts à titre de rappel sur la prime de performance ;
– 61,80 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 5 000 € nets à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Dire et juger que la prise d’acte notifiée par Mme [Y] à son employeur l’AGC Isère le’11’juillet 2018 produit les effets d’un licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamner l’AGC Isère à payer à Mme [Y] les sommes de :
– 6.706,45 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 670,64 € bruts au titre des congés payés afférents ;
– 6.706,45 € nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
– 30 000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;
Débouter l’AGC Isère de ses demandes reconventionnelles,
Condamner l’AGC Isère à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Assortir les condamnations des intérêts de droit.
Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 9 décembre 2021, l’association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère sollicite de la cour de’:
Confirmer le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a débouté Mme [V] [Y] de l’intégralité de ses demandes à l’encontre AGC CER France, à savoir’:
– 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
– 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de prévention,
– 14.152,66 € bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires,
– 1.415,27 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 1.317, 17 € bruts à titre de rappel de salaire sur la contrepartie obligatoire en repos,
– 131,72 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 20.119,35 € nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 1.000 € bruts à titre de rappel de salaire sur la prime SILAE
– 1.00 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 618 € bruts à titre de rappel de salaire sur la prime de performance,
– 61,80 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 7.023,31 € bruts à titre de rappel de salaire sur minima conventionnels,
– 702,33 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 864,67 € bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires en application des minima conventionnels,
– 86,46 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 8.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail,
– 5.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– 6.706,45 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 670,64 € bruts au titre des congés payés afférents,
– 6.706,45 € nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 30.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Faisant droit à l’appel incident de l’Association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère,
Infirmer le jugement rendu le 7 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes de Grenoble en ce qu’il a débouté l’AGC CER France Isère de ses demandes de condamnation de Mme'[Y] à hauteur de :
– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts
– 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau’:
Condamner Mme [V] [Y] à verser à l’Association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère une somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts,
Condamner Mme [V] [Y] à l’Association de gestion et de comptabilité Isère – AGC Isère une somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article’455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mars 2022.
L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 6 avril 2022, a été mise en délibéré au’16’juin’2022, délibéré prorogé au 30 juin 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
1 ‘ Sur la demande positionnement au statut cadre
D’une première part, sous la réserve de l’hypothèse où l’employeur confère contractuellement une qualification professionnelle supérieure aux fonctions exercées, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées à titre principal par le salarié.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert.
C’est donc par un moyen inopérant que l’employeur soutient que la salariée n’aurait pas correctement rempli ses fonctions pour s’opposer au statut cadre revendiqué.
En outre, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée.
D’une seconde part, l’accord d’établissement relevant du champ d’application de la convention collective nationale et définissant les conditions particulières applicables aux salariés de l’unité économique et sociale, signé le 20 février 2003, prévoit que les dispositions de la convention collective nationale réseau’CER France sont applicables et énonce, en son article 3-7′:
«’Sont cadres’: les salariés relevant de la filière Management.
Il appartient à chaque CER, en fonction de son organisation, de rattacher à cette catégorie les collaborateurs qui exercent des fonctions équivalentes.
Dans le CER de l’Isère les collaborateurs qui sont cadres conservent leur statut.
Ceux qui exercent ou exerceront des fonctions équivalentes peuvent y accéder’».
Au cas d’espèce, outre la maîtrise de la technicité de ses fonctions de technicienne de paie, Mme'[V] [Y] établit qu’elle s’est vu confier la responsabilité de ce service, le premier rapport d’entretien annuel du 13 mars 2015 relevant notamment son «’rôle pivot entre le service paies et les juristes / le hiérarchique et les autres collaborateurs de CER France’» ainsi que la conduite du projet de service relatif à la mise en place de la déclaration sociale nominative. De même les rapports d’entretien annuel suivants et le bilan d’accompagnement du’24’novembre 2017 confirment qu’elle avait construit «’des outils permettant de piloter l’activité du service’», attestant de son rôle d’animation du service.
Cependant, la salariée échoue à établir qu’elle exerçait un commandement ou une autorité hiérarchique à l’égard de ses collègues.
En effet, le bilan du 24 novembre 2017 fait certes ressortir que les attentes de la responsable de service, Mme [B], portaient tant sur des missions manageriales que sur ses missions de développement du service, mais sans apporter de précision sur la nature exacte de ces missions d’encadrement ni sur l’autonomie dont disposait la salariée.
Aussi, il résulte d’un échange de courriels du 1er juin 2018 qu’elle s’était vu confier la charge de la validation des congés des trois salariés du service, sans qu’une telle attribution ne permette de caractériser une autorité relevant du statut cadre.
Et, les attestations rédigées par cinq salariés de l’association portent sur la charge de travail et les heures de travail effectuées par Mme [V] [Y] en qualité de responsable du service, sans caractériser de fonctions d’encadrement comprenant l’exercice d’une autorité hiérarchique.
Encore, l’attestation de Mme [G] [L] [E], gérante du cabinet conseil en ressources humaines chargé de la formation de Mme [Y] en 2017, produite par l’employeur, relève que celui-ci avait envisagé de reconnaître à Mme [V] [Y] un statut cadre. Toutefois, s’agissant d’un projet, cette attestation ne permet pas d’établir que les fonctions réellement exercées relevaient de fonctions d’encadrement.
Si son bulletin de paie ne mentionnait plus un emploi de «’technicienne de paie’» mais celui de «’responsable service paie’», avec un statut employé qu’à compter de juin 2018, les éléments produits par la salariée restent donc insuffisants à démontrer que ses fonctions de responsable de service relevaient du statut encadrement, sans qu’il soit nécessaire de relever d’office les critères des référentiels métiers de la convention collective applicable.
Confirmant le jugement déféré, Mme [V] [Y] est déboutée de ses prétentions relatives au positionnement statut cadre.
2 ‘ Sur les heures supplémentaires
D’une première part, la salariée argue de l’inopposabilité des accords de modulation du temps de travail, faute pour l’employeur d’avoir mis en place les modalités de suivi du temps de travail.
L’article L. 212-8 du code du travail, devenu l’article L.3122-9 du code du travail, prévoyait la possibilité de mettre en place, par convention, accord de travail étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement, un système de modulation consistant à prévoir la variation de la durée hebdomadaire de travail sur tout ou partie de l’année à condition que, sur un an, cette durée n’excède pas un plafond de 1607 heures et qu’il respecte les durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail.
Ces dispositions ont été abrogées par la loi n°2008-789 du 20 août 2008, les accords conclus antérieurement à la loi étant maintenus en vigueur par application de l’article 20 V. de la loi du’20 août 2008.
Et l’article L.3122-6 du code du travail issu de la loi n° 2012-387 du’22’mars’2017, selon lequel la mise en place d’une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, n’est applicable qu’aux décisions de mise en ‘uvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi.
Au cas d’espèce, l’association employeur, qui se prévaut de l’accord de modulation conclu le’7’mai 1999, justifie de la signature d’un avenant du 21 décembre 2004 avec notamment l’association S3I, dont l’association AGC Isère est issue, conformément à la modification des statuts.
Cet accord, ainsi conclu avant le 22 août 2008, qui définit notamment une modulation du temps de travail sur l’année d’une durée annuelle de 1’586 heures, avec des périodes hautes avec une durée moyenne de 42 heures encadrée par des bornes hautes et basses se situant entre 37,5 et 48 heures, et des périodes basses avec une durée moyenne de 32 heures encadrée par des bornes hautes et basses se situant entre 28 et 32 heures, était donc toujours en vigueur à la date d’embauche de Mme [V] [Y], le 12 mai 2014.
Aussi, il est jugé que, lorsque l’accord de modulation n’est pas conforme à l’article L’3122-9 du code du travail précité et aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, à l’exception de l’absence de programme indicatif, l’employeur ne peut pas s’en prévaloir.
Or, l’association AGC Isère, qui prétend que les dispositions de l’article L 3122-9 du code du travail visées par la salariée n’étaient pas applicables à la date de l’avenant du’21’décembre’2004, ne justifie pas des modalités mises en ‘uvre afin de garantir le respect des durées maximales de travail et les repos journaliers et hebdomadaires, alors que cette obligation résulte des dispositions de l’article L 212-8 du code du travail en vigueur à la date de l’avenant, devenu l’article L 3122-9.
En l’occurrence, l’accord de modulation prévoit la «’constitution par l’organisme et remis à l’agent d’un instrument de suivi mensuel sur lequel figureront les différents compteurs (heures réalisées, heures récupérées, congés payés, suivi des cumuls et des écarts’» et énonce en outre que «’la planification s’élaborera au moins à deux moments de l’année [‘]’» et que «’le contrôle effectué au 31 décembre permettra de vérifier la réalisation effective du temps de travail annuel hors congés payés’».
Or, la salariée démontre que le logiciel interne présentant le décompte des heures effectuées par jour et par semaine, dont se prévaut l’employeur, ne garantissait pas un suivi des heures effectivement réalisées dès lors qu’il ressort de plusieurs attestations circonstanciées et concordantes, que la direction avait donné des instructions pour limiter au maximum,au quotidien, les heures déclarées par les salariés dans ce logiciel.
Ainsi’:
– Mme [R] [A] atteste «’tous les mois nous devions faire nos temps de travail et nous avions l’interdiction de nos supérieurs hiérarchiques de noter plus de 10 heures de travail par jour’».
– M. [W] [J] déclare «’nous n’avions pas le droit de noter plus de 10 heures par jour sur les temps de travaux même si on en faisait plus’».
– Mme [F] [M] déclare «’nous ne sommes pas autorisés à indiquer plus de 10 heures par jour dans nos saisies de temps de travaux. Si toutefois il nous arrive de faire plus dans une journée, pour les besoins de notre travail, nous avons pour consigne de déplacer les heures au-delà du plafond sur une autre journée. C’est ainsi que tout au long de l’année nous accumulons des heures qui sont tout simplement annulées au 31 décembre si elles n’ont pas été récupérées en cours d’année’».
– Mme [F] [O]-[T] déclare «’nous étions limitées à n’indiquer qu’un maximum de’10’heures par jour sur notre logiciel de gestion des temps et ce, même si nous faisions 12. Ordre de la direction. Si nous ne respections pas cela, la direction refusait de valider nos temps et nous obligeait à modifier nos heures.’».
Ces déclarations de collègues de la salariée se révèlent en cohérence avec les heures enregistrées par Mme [V] [Y], qui font apparaître des durées de travail quotidienne n’excédant jamais 10 heures quotidiennes.
Enfin, par courrier du 16 avril 2018, le directeur de l’association écrivait à Mme'[V] [Y] pour contester ses déclarations d’horaires de travail de février 2018′: «’Vous n’êtes pas autorisées à accomplir des heures supplémentaires sans l’autorisation préalable de votre responsable hiérarchique. Nous vous demandons très fermement de vous conformer aux horaires prévus par notre accord RTT et de déclarer vos heures conformément à la réalité de votre activité. Pour rappel un maximum de 10 heures par jour, 45 heures par semaines et’42’heures en moyenne sur 5 semaines consécutives.’», confirmant ainsi la réalité des consignes données pour renseigner ce logiciel, qui ne pouvait, dès lors, constituer un instrument de suivi mensuel nécessaire à la mise en ‘uvre de l’accord de modulation.
En tout état de cause, l’employeur n’argue ni ne justifie des planifications élaborées chaque année ni du contrôle à effectuer au 31 décembre.
En conséquence, faute de preuve du respect de la durée quotidienne et hebdomadaire devant être assuré par l’employeur dans le cadre de l’accord de modulation, celui-ci n’est pas opposable à Mme [V] [Y].
D’une seconde part, l’article L.’3121-27 du code du travail dispose que la durée légale de travail effective des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
Selon l’article L.’3121-28 du même code, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent.
Aux termes combinés des articles L.’3121-29 et L.’3121-35 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine, celle-ci débutant le lundi à 0 heure et se terminant le dimanche à 24 heures.
Et l’article L.’3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Ces dispositions doivent être interprétées de manière conforme à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil et à la directive 89/391 CE tel qu’interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 14 mai 2019 (CJUE 14 mai 2019 C 55-18) qui a indiqué que « Les articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, lus à la lumière de l’article 31, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 11, paragraphe 3, et de l’article 16, paragraphe 3, de la directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en ‘uvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui, selon l’interprétation qui en est donnée par la jurisprudence nationale, n’impose pas aux employeurs l’obligation d’établir un système permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur.’».
En conséquence, il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.
Au cas d’espèce, Mme [V] [Y] produit des décomptes retraçant, pour la période du’1er janvier 2016 au 11 juillet 2018, dans une première colonne, l’heure de prise de poste, l’heure de fin de poste et la durée des temps de pause, avec, dans les colonnes suivantes, le détail des tâches effectuées et la durée d’exécution de la tâche, pour chiffrer une durée totale de travail effectif quotidienne et hebdomadaire.
Ces éléments sont donc suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Au visa de l’article D 3171-8 du code du travail, l’employeur est en effet tenu de décompter la durée de travail de Mme [V] [Y], qui ne travaillait pas selon un horaire collectif.
En réponse, l’association AGC Isère, qui soutient que la salariée a été remplie de ses droits, y compris des heures supplémentaires rémunérées, s’appuie sur les déclarations enregistrées dans le logiciel interne, dont il est démontré qu’il reste insuffisant à établir la réalité des heures effectivement réalisées.
En conséquence le principe des heures supplémentaires est acquis.
C’est par un moyen inopérant que l’employeur objecte que Mme [V] [Y] n’avait émis aucune revendication au titre de relevés d’activité présentant des temps différents de ceux enregistrés dans la base de données interne jusqu’en février 2018.
De même, elle ne peut utilement prétendre que les décomptes produits ne seraient pas sincères du fait d’avoir été établis après son départ de l’association.
Encore, l’association AGC Isère échoue à démontrer que ces décomptes révéleraient des incohérences par comparaison avec les agendas partagés sous Outlook dès lors que ceux-ci ne retracent pas l’intégralité du temps effectif de travail mais uniquement les rendez-vous et les tâches planifiés.
L’association AGC Isère échoue également à démontrer que ces décomptes révèlent des incohérences s’agissant de la durée des temps de pause mentionnés par la salariée comme représentant entre 30 minutes et 1 heure par jour, la charge de la preuve des temps de pause incombant à l’employeur.
A ce titre, l’association AGC Isère produit deux attestations, du responsable de l’agence et de la supérieure hiérarchique de Mme [V] [Y], ainsi que les déclarations du personnel de l’agence recueillies par un huissier de justice, dont il ressort que les salariés, qui disposaient à leur convenance des temps de pause, estimaient les temps pris par Mme'[V]'[Y] à une moyenne d’une heure pour la pause méridienne et de quinze minutes pour la pause du matin. Toutefois, ces déclarations, qui restent approximatives, ne suffisent pas à établir que les temps de pause quotidiens de la salariée excèdent ceux mentionnés dans le décompte de la salariée.
Encore, l’employeur se prévaut du règlement intérieur définissant une heure de pause minimum pour le déjeuner, sans que les termes de ce règlement n’établissent la durée effective des pauses de la salariée.
De plus, ni le relevé des envois de courriels ni la liste des appels téléphoniques «’non répondus’» ne permettent d’établir que Mme [V] [Y] n’assurait pas un travail effectif pendant ces temps d’interruption de communication.
S’agissant des incohérences relevées pour les journées des 30 et 31 octobre 2017, correspondant à deux journées de formation, Mme [V] [Y] mentionne une durée de pause méridienne d’une heure alors qu’il est démontré qu’elle a obtenu le remboursement d’une facture de restaurant dont l’horaire et le montant laissent supposer que le déjeuner s’est tenu sur une durée plus longue, avec l’ensemble du groupe. Pour autant, l’employeur ne justifie pas du temps de pause effectif pris par la salariée au cours de ces deux journées, alors que par ailleurs le temps de travail réclamé reste étayé par la liste des tâches effectuées.
Enfin, l’association AGC Isère n’établit pas que le temps affecté à la gestion des dossiers serait surévalué, en affirmant sans le démontrer, que les durées sont évaluées de manière systématiquement forfaitaire, sans correspondance avec les caractéristiques des dossiers.
En revanche, l’association l’AGC Isère démontre que le décompte est affecté d’une incohérence s’agissant de l’évaluation du temps de travail consacré à la gestion des courriels, comptabilisé à hauteur de 30 minutes chaque jour, révélant qu’il s’agit d’une évaluation forfaitaire qui ne peut être admise pour justifier le paiement de temps effectif de travail supplémentaire.
En considération de l’ensemble de ces éléments la cour évalue que les heures supplémentaires non rémunérées effectuées par Mme [V] [Y], entre le 1er janvier 2016 et le 11 juillet 2018, représentent une créance de 9’850 euros. En conséquence, par infirmation du jugement entrepris, l’association AGC Isère est condamnée à payer à Mme [V] [Y] la somme de 9’850 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées, outre 985 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Faute de preuve du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires ouvrant droit à repos compensateur, Mme [V] [Y] est déboutée de sa demande d’indemnité compensatrice de repos compensateur non pris, par confirmation du jugement déféré.
3 ‘ Sur le travail dissimulé
Au visa des articles L 8221-1 et L 8221-5 du code du travail, l’élément matériel du travail dissimulé ayant consisté à ne pas indiquer, sur les bulletins de paie, le nombre d’heures supplémentaires effectivement réalisées, est établi.
Aussi, Mme [V] [Y] démontre de manière suffisante l’élément intentionnel du travail dissimulé, en dépit des heures supplémentaires rémunérées par l’employeur en 2017.
En effet, il résulte de ce qui précède, d’une part que les attestations de témoin produites par Mme'[V]'[Y] présentent des garanties suffisantes, nonobstant le fait que les salariés aient quitté l’entreprise, pour établir que le temps de travail effectué ne devait pas être déclaré au-delà de 10 heures par jour, et d’autre part que l’employeur ne pouvait ignorer l’existence des heures supplémentaires effectuées par Mme [V] [Y] au regard de la charge de travail de responsable de service qui lui était dévolue.
Aussi, en dépit des réclamations de la salariée à compter de février 2018, il a refusé la prise en compte des heures revendiquées sans mettre en place de système d’enregistrement fiable des heures de travail effectuées.
En conséquence, infirmant le jugement déféré, l’association AGC Isère est condamnée à lui verser la somme de 20’119,35 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé.
4 ‘ Sur le dépassement des durées maximales de travail autorisées
L’article L3121-18 du code du travail modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, ayant repris l’ancien article L 3121-34 du même code prévoit que :
La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l’inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret;
2° En cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l’article L. 3121-19.
L’article L3121-20 du code du travail modifié par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 reprenant l’ancien article L 3121-35 du même code prévoit que :
Au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les durées maximales de travail prévues par ces dispositions.
Au cas d’espèce, l’association AGC Isère ne justifie pas avoir assuré le respect des durées maximales de travail journalières et hebdomadaires alors qu’elle a la charge exclusive de la preuve qu’elle a respecté ces durées maximales garantissant le droit au repos et à la santé du salarié.
En effet, elle se prévaut des durées enregistrées par les salariés eux-mêmes dans le logiciel interne de l’association au sujet duquel il a été jugé qu’il ne présente pas la fiabilité nécessaire pour justifier de la réalité des heures effectivement réalisées.
Il résulte au contraire des éléments précédemment analysés, qu’elle a été soumise à des horaires de travail intenses, excédant parfois la durée hebdomadaire de 48 heures, même après réduction du temps estimé pour la gestion des courriels.
Eu égard à la régularité des manquements sur une période plus de trente mois, qui ont porté atteinte au droit au repos de la salariée, il y a lieu, par infirmation du jugement entrepris, d’accorder à Mme [V] [Y] la somme de 2 000 euros nets de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des dépassements des durées maximales de travail, et de la débouter du surplus de sa demande de ce chef.
5 ‘ Sur le harcèlement moral
L’article L.1152-1 du code du travail énonce qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1152-2 du même code dispose qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L’article L. 1152-4 du code du travail précise que l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en ‘uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l’absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l’employeur lui-même ou d’un autre salarié de l’entreprise.
Il n’est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d’une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L’article L 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du’8’août 2016 est relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral :
«’En cas de litige relatif à l’application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.’».
La seule obligation du salarié est d’établir la matérialité des faits précis et concordants, à charge pour le juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l’existence d’un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l’état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
Au cas d’espèce Mme [V] [Y] avance, comme faits qui permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral, les éléments suivants’:
– une surcharge de travail et un contexte social dégradé,
– l’absence d’accompagnement,
– le travail effectué pendant une période d’arrêt maladie,
– le refus du paiement des heures supplémentaires,
– les pressions exercées par l’employeur,
– un manque de considération révélé par le refus de l’employeur de rembourser des places d’entrée au zoo.
Au titre d’un contexte social dégradé, Mme [V] [Y] se prévaut des modifications successives des organigrammes de l’association qui restent insuffisantes à caractériser une dégradation du contexte social de l’entreprise.
Et, les échanges de courriels relatifs aux places d’entrée au zoo ne permettent pas de caractériser un refus de remboursement de l’employeur manifestant un manque de considération de la salariée.
En revanche, d’une première part, il est jugé que Mme [V] [Y] assurait une charge de travail importante avec la responsabilité du service paie, composé de’quatre’personnes, comprenant des missions manageriales et des missions de développement du service en sus de la gestion de son portefeuille de technicienne de paie.
Aussi, l’accomplissement régulier d’heures supplémentaires et le détail des tâches effectuées au quotidien confirment l’existence d’une surcharge de travail importante.
Encore, il ressort des attestations produites par Mme [V] [Y] que ses anciens collègues décrivent une surcharge de travail ‘:
– Mme [K] [H] estime que le travail confié à Mme [Y] «’n’était pas gérable, compte tenu de la multitude de petits dossiers, de la multitude de paie, des organismes, des problèmes de paramétrages’ des difficultés liées au fonctionnement de la dsn avec les divers organismes et notamment de la msa, de la multitude des nouveaux dossiers »»,
– M. [U] [D] déclare « En plus de son poste à responsabilité elle devait gérer un portefeuille client aussi gros que celui des gestionnaires paie’»,
– Mme [R] [A] atteste «’Mme [Y] travaillait très tard le soir [‘] sa charge était beaucoup trop importante »,
– Mme [W] [J] atteste, le 10 septembre 2018, «’Mme [Y] était débordée, elle avait une grosse charge de travail, et le signalait souvent à notre manager’», puis le 20 décembre 2020 «’Non seulement elle devait gérer l’équivalent d’un portefeuille temps plein (qui générait à lui seul pas mal d’heures supplémentaires [‘]) mais en plus de cela, elle avait pour mission d’être référente paie et de gérer l’activité du service.’»,
– Mme [F] [O]-[T] atteste, le 11 décembre 2020, que les missions assurées par Mme [Y] incluaient «’la gestion du portefeuille de paie identique à celui d’une collaboratrice à temps plein’», outre différentes missions de responsable du service paie.
Et les comptes rendus d’entretien annuel révèlent que la salariée devait solliciter une décharge de son portefeuille pour assurer les fonctions de management de l’équipe, en signalant un manque de temps.
Enfin, le rapport d’audit du 17 juin 2017 analyse, d’une part, une surcharge du portefeuille paie décrite par les collaborateurs de Mme [V] [Y], et d’autre part, un manque de présence de la responsable paie au sein des services, pour préconiser «’de donner plus de moyens au responsables paie d’exercer ses fonctions en diminuant le nombre de dossiers paies à réaliser’».
D’une seconde part, Mme [V] [Y] démontre qu’à la suite de la formation dispensée par Mme [L] [E] courant 2017, celle-ci préconisait un accompagnement personnalisé de la salariée, et plus précisément un accompagnement à la gestion du temps à compter de février’2018. Pour autant il est établi que cette préconisation n’a pas été suivie par l’employeur, alors même que la salariée avait exprimé un sentiment d’isolement et son besoin de soutien au cours de l’entretien annuel du 12 octobre 2017, celui-ci mentionnant «’Se sent seule au monde dans sa surcharge de travail ‘ pas d’appui de ses hiérarchiques’».
D’une troisième part, il ressort des courriels envoyés par Mme [V] [Y] que celle-ci a continué à travailler pendant son arrêt de travail pour maladie, du 31 août 2017 au’27’septembre’2017, notamment pour transmettre les paies du mois d’août 2017 et pour répondre à différentes sollicitations de sa responsable, Mme [S] [B], entre le 10 et’20’septembre’2017, conformément aux termes de l’attestation établie par Mme [F] [O] [T].
D’une quatrième part, il est établi que l’employeur a refusé de rémunérer les heures de travail réclamées par courrier du 16 avril 2018 : «’nous contestons la réalité de ces horaires que nous considérons comme non effectués donc totalement infondés’», tout en lui demandant de se conformer aux durées maximales de travail lors de l’enregistrement de son temps de travail.
D’une cinquième part, il ressort d’un échange de courriels du 1er juin 2018 qu’elle s’est vue attribuer une charge de travail supplémentaire avec la responsabilité de la validation des congés des collègues du service paie, en dépit de ses contestations pour assurer cette tâche nouvelle.
D’une sixième part, Mme [V] [Y] produit le courrier adressé à son employeur le’22’juin’2018 lui reprochant les termes d’un entretien du 18 juin 2018, sa charge de travail et l’absence de paiement des heures supplémentaires effectuées, en soutenant avoir subi des pressions pour solliciter une rupture conventionnelle sous la menace d’une procédure de licenciement. Il est établi qu’en réponse à cette mise en demeure de l’employeur, elle était convoquée, par courrier du 27 juin 2018, à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, avec mise à pied conservatoire, se voyant reprocher ses propos, sa façon de communiquer et son agressivité.
Par ailleurs, Mme [V] [Y] produit des éléments médicaux attestant d’une dégradation de son état de santé liée à une dégradation de ses conditions de travail.
Ainsi, le certificat médical du docteur [I], du 3 septembre 2018, précise que la salariée était placée en arrêt de travail depuis le 22 juin 2018, prolongé jusqu’au 12 octobre 2018, «’pour épuisement professionnel incompatible avec une activité professionnelle’», conformément au motif stipulé sur l’arrêt de travail délivré par ce médecin.
Cette attestation est corroborée par les constatations du médecin du travail du’11’septembre’2018, indiquant dans le dossier médical «’Personne en souffrance au travail » et « Test MBI montre une situation évidente d’épuisement professionnel’».
Il résulte de ce qui précède que la salariée appelante établit plusieurs faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement à son encontre.
En réponse, l’association AGC Isère se prévaut des justifications suivantes pour considérer que les éléments de fait retenus sont étrangers à tout agissement de harcèlement moral.
D’une première part l’association AGC Isère impute à la salariée une mauvaise gestion de sa charge de travail au regard des effectifs affectés au service entre 2014 et 2018, proportionnellement à l’évolution de la production mensuelle des bulletins de paie. Cependant, elle ne présente aucune explication au fait que la salariée assumait la responsabilité du service en plus de son portefeuille de technicienne.
L’employeur ne justifie pas des mesures prises à la suite de l’audit de mars 2016 préconisant «’de donner plus de moyens au responsable paie’», excepté le courriel de Mme'[S] [B], du 31 mars 2016, définissant un plan d’action concernant le contrôle des dossiers et les missions de responsable de service, sans moyen supplémentaire ni allègement des charges de Mme'[V] [Y].
Et l’employeur ne peut soutenir que la salariée n’avait pas signalé une surcharge de travail lors des entretiens annuels de 2015 et 2016 alors qu’elle sollicitait, en 2015, «’une baisse de son portefeuille paies au profit d’un temps plus important à consacrer au management de l’équipe’» et qu’elle demandait, en 2016, un «’soutien et plus de présence de [S]’».
D’une seconde part, si l’employeur démontre avoir financé une formation sur cinq jours de Mme [Y] courant 2017, il ne présente aucune explication à l’absence de mise en ‘uvre d’un accompagnement à la gestion du temps de travail à compter de février 2018, tel que préconisé par la formatrice, et ce alors même que la salariée signalait son isolement lors de l’entretien d’évaluation d’octobre 2017. Les difficultés de la salariée, telles que décrites par la formatrice, ne peuvent justifier l’absence du suivi préconisé.
D’une troisième part, l’employeur produit des échanges de courriels qui établissent que la salariée avait annoncé, dès son arrêt de travail, qu’elle avait emporté son ordinateur portable pour travailler pendant son arrêt de travail pour maladie et qu’elle avait, d’initiative, transmis des consignes pour la gestion des dossiers pendant son absence courant septembre 2017. Toutefois l’association ne présente pas d’explication au sujet des demandes adressées à la salariée par Mme'[S] [B] courant septembre 2017, sans alléguer ni établir, qu’il s’agissait de demandes ponctuelles nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise.
D’une quatrième part, il est jugé que l’employeur a manqué de payer les heures supplémentaires effectuées par la salariée alors qu’il ne pouvait en ignorer l’existence.
D’une cinquième part, l’employeur ne présente aucune explication au fait que Mme'[S]'[B] ajoutait une tâche supplémentaire à Mme [V] [Y], à compter du’1er juin 2018, avec la validation des congés des salariés du service.
D’une sixième part, l’association AGC Isère soutient que les échanges de courriers faisant suite à l’entretien du 18 juin 2018 suffisent à justifier la convocation de la salariée à l’entretien préalable du 10 juillet 2018 avec mise à pied conservatoire, sans expliciter davantage les griefs reprochés à la salariée ni les éléments du dossier disciplinaire, sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans le détail des arguments des parties s’agissant de la réalité des pressions et menaces alléguées par la salariée dans son courrier, de telles allégations ne pouvant, à elles seules, justifier l’engagement d’une procédure disciplinaire.
Enfin, c’est par un moyen inopérant que l’employeur objecte que la salariée n’avait jamais alerté ni signalé ces agissements de harcèlement moral pendant l’exécution de son contrat de travail.
Dans ces circonstances, eu égard aux éléments de fait pris dans leur globalité, matériellement établis par Mme [V] [Y], auxquels l’association AGC Isère n’a pas apporté les justifications utiles, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de dire que la salariée a fait l’objet de harcèlement moral.
Tenant compte de la durée des agissements et de leurs répercussions sur la santé de la salariée, la cour évalue qu’il en est résulté pour Mme [V] [Y] un préjudice qui sera réparé par l’allocation de la somme de’4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts, l’appelante étant déboutée du surplus de sa demande.
6 ‘ Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail :
«’L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3 ° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.’».
En application de l’article L. 4121-2 du même code, l’employeur doit mettre en ‘uvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention tels que : éviter les risques, les combattre à leur source, une planification de la prévention en y intégrant dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel.
L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et il lui est interdit de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.
Aussi l’article L1152-4 du code du travail met à la charge de l’employeur une obligation de prévention du harcèlement pour en empêcher la survenance.
Il appartient à l’employeur, lorsque le salarié invoque une inobservation des règles de prévention et de sécurité à l’origine d’un accident, de démontrer que la survenance de cet accident est étrangère à tout manquement à son obligation de sécurité.
En dehors d’un accident du travail, l’employeur d’assurer l’effectivité de son obligation de sécurité.
Il ne méconnaît pas son obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, s’il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail (Ass’Plén, 25 novembre 2015, n°14-24.444).
Il doit notamment transcrire et mettre à jour un document unique des résultats de l’évaluation des risques, (physiques et psycho-sociaux), pour la santé et la sécurité des salariés qu’il est tenu de mener dans son entreprise, ainsi que les facteurs de pénibilité en vertu de l’article R 4121-1 et suivants du code du travail.
Au cas particulier, Mme [V] [Y] avance que l’employeur lui a imposé une charge de travail trop importante, avec des moyens insuffisants, sans avoir mis en place d’actions de prévention ni de suivi des risques psycho-sociaux, en dépit de ses réclamations.
Il ressort des rapports d’entretien annuel que sa demande d’allègement de la charge de son portefeuille était relevée dès le 13 mars 2015, qu’elle sollicitait du soutien et davantage de présence de sa responsable hiérarchique lors de l’entretien du 28 juillet 2016 et qu’elle décrivait une surcharge de travail sans appui de ses supérieurs lors de l’entretien du 12 octobre 2017.
Si l’employeur justifie avoir fait diligenter un audit du service en 2016 et avoir financé une formation de cinq jours en 2017, il ne démontre pas avoir pris des mesures d’allègement de la charge de travail de la salariée, en dépit des préconisations de l’audit, l’augmentation des effectifs du service entre 2014 et 2018 permettant seulement d’adapter le service à l’augmentation de la production des bulletins de paies, sans alléger la charge de travail de la responsable.
Enfin, la cour relève que l’employeur produit le document unique d’évaluation des risques professionnels créé le 10 octobre 2016 et mis à jour le 9 décembre 2016 sans justifier des mesures de prévention antérieures ni de la mise en place des mesures de prévention définies dans ce document tel qu’un entretien individuel sur les rythmes de travail et/ou un suivi mensuel.
Il en résulte que la salariée démontre suffisamment que l’employeur a manqué au respect de son obligation de sécurité.
Au regard des arrêts de travail délivrés à compter du 20 juin 2018, motivés par un épuisement professionnel, l’employeur est condamné à réparer le préjudice subi du fait de ce manquement en versant à Mme [V] [Y] une indemnité de 2’000 euros nets à titre de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris.
7 ‘ Sur le manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat
Aux termes de l’article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par Mme [V] [Y] résultant de la dégradation de ses conditions de travail et du maintien d’une charge de travail excessive a d’ores et déjà été réparé au titre des agissements de harcèlement moral.
Par ailleurs, Mme [V] [Y] échoue à démontrer que l’employeur a manqué à son engagement de versement de la seconde partie d’une prime de 1’000 euros à défaut d’établir qu’elle avait rempli l’objectif de finalisation de l’intégration de l’outil de paie conditionnant ce versement, fixé lors de l’entretien annuel de 2017 dans les termes suivants « 1’000 euros brut le’30/04/2018 avec la finalisation de l’intégration de silae comme outil de paies [‘]’», alors que l’employeur justifie avoir réglé cette prestation à un service extérieur entre avril et septembre’2018 sous l’intitulé «’paramétrage de dossier sur le logiciel Silaexpert’», nonobstant les explications données au sujet du logiciel Isacompta.
Enfin, elle ne produit les éléments justificatifs d’un manquement de l’employeur au titre du versement de la prime de performance, pour la période du 01/07/2017 au 30/06/2018, alors que la charge de cette preuve lui incombe.
Par confirmation du jugement déféré, Mme [V] [Y] est déboutée de sa demande en dommages et intérêts au titre d’une exécution déloyale du contrat et de ses demandes en paiement de la prime Silae et de la prime de performance.
8 ‘ Sur la prise d’acte
Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette prise d’acte emporte les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur la poursuite du contrat de travail, et les effets d’une démission dans le cas contraire.
La prise d’acte est un mode de rupture du contrat de travail par lequel le salarié met un terme à son contrat en se fondant sur des manquements qu’il reproche à son employeur.
Elle n’est soumise à aucun formalisme en particulier mais doit être adressée directement à l’employeur.
Elle met de manière immédiate un terme au contrat de travail.
Pour que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les manquements invoqués par le salarié doivent non seulement être établis, mais ils doivent de surcroît être suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. A défaut, la prise d’acte est requalifiée en démission.
Pour évaluer si les griefs du salarié sont fondés et justifient que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement, les juges doivent prendre en compte la totalité des reproches formulés par le salarié et ne peuvent pas en laisser de côté : l’appréciation doit être globale et non manquement par manquement.
Lorsque la prise d’acte est justifiée, elle produit les effets selon le cas d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul de sorte que le salarié peut obtenir l’indemnisation du préjudice à raison de la rupture injustifiée, une indemnité compensatrice de préavis ainsi que l’indemnité de licenciement, qui est toutefois calculée sans tenir compte du préavis non exécuté dès lors que la prise d’acte produit un effet immédiat.
Au cas d’espèce, Mme [V] [Y] a pris acte de la rupture de son contrat par lettre recommandée datée du 11 juillet 2018, reprochant plusieurs manquements à son employeur, et notamment’de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale, de l’avoir ainsi conduite à un état d’épuisement professionnel malgré ses demandes concernant une diminution de sa charge de travail, et de ne pas avoir réglé les heures supplémentaires.
Il est jugé que ces différents manquements sont établis ainsi que des agissements répétés caractérisant des faits de harcèlement moral.
Au regard de leur impact sur les conditions de travail de la salariée et des risques sur son état de santé, de tels manquements rendaient impossible la poursuite de la relation contractuelle.
Dans ces conditions, au visa de l’article L. 1152-3 du code du travail, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de dire que la prise d’acte par Mme [V] [Y] de la rupture de son contrat de travail par courrier du 11 juillet 2018 emporte les effets d’un licenciement nul.
Partant, Mme [V] [Y] est fondée à obtenir paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de 6’706,45 euros bruts correspondant à deux mois de salaire, outre 670,64 euros au titre des congés payés afférents.
Elle est également bien-fondée à obtenir paiement d’une indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 6’706,45 euros au regard de son ancienneté dans l’entreprise, étant relevé que le calcul de cette indemnité n’est pas querellé.
En application de l’article L 1235-3-1 du code du travail, les dispositions définissant un barème d’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une nullité afférente à des faits de harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Au cas d’espèce, Mme [V] [Y] justifie d’une ancienneté de plus de quatre années dans l’entreprise et bénéficiait d’un salaire brut mensuel de 3 353,22 euros.
Âgée de 38 ans, à la date de la prise d’acte, elle ne produit aucun élément relatif à sa situation financière et professionnelle subséquente à la rupture.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de condamner l’association AGC CER France Isère à lui verser un montant de 20’000 euros bruts à titre d’indemnisation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, la salariée étant débouté du surplus de sa demande.
9 ‘ Sur la demande en dommages et intérêts de la société intimée
Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme [V] [Y] ne présente pas un caractère dilatoire ni abusif de sorte que l’employeur doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts fondée sur les dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, par confirmation du jugement dont appel.
10 ‘ Sur les demandes accessoires
L’association AGC Isère, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doivent être tenue d’en supporter les entiers dépens de première instance par infirmation du jugement déféré, y ajoutant les dépens d’appel.
Elle est donc déboutée de ses prétentions au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [V] [Y] l’intégralité des sommes qu’elle a été contrainte d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner l’association AGC Isère à lui verser une indemnité de 2’500 euros au titre des frais exposés en première instance et en cause d’appel par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour d’appel, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi’;
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 7 septembre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [V] [Y]’:
– de ses prétentions au titre du positionnement statut cadre,
– de sa demande d’indemnité compensatrice de repos compensateur,
– de sa demande en dommages et intérêts au titre d’un manquement à l’obligation d’exécution loyale du contrat,
– de ses demandes au titre de la prime SILAE et de la prime de performance,
et en ce qu’il a débouté de l’association AGC CER France Isère de ses demandes reconventionnelles’;
L’INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE l’association AGC Isère à payer à Mme [V] [Y] la somme de’:
– 9’850 euros bruts au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 1er janvier 2016 et le 11 juillet 2018 et la somme de 985 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 20’119,35 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
– 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts du fait des dépassements des durées maximales de travail,
– 4 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du harcèlement moral subi,
– 2’000 euros nets à titre de dommages et intérêts du fait des manquements à l’obligation de sécurité ;
DIT que la prise d’acte par Mme [V] [Y] de la rupture de son contrat de travail par courrier du 11 juillet 2018 emporte les effets d’un licenciement nul’;
CONDAMNE l’association AGC Isère à payer à Mme [V] [Y]’la somme de :
– 6’706,45 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre’670,64’euros au titre des congés payés afférents,
– 6’706,45 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– 20’000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
DEBOUTE Mme [V] [Y] du surplus de ses prétentions financières’;
CONDAMNE l’association AGC Isère à payer à Mme [V] [Y] une indemnité de 2’500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;
CONDAMNE l’association AGC Isère aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Blandine FRESSARD, Présidente et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente