Épuisement professionnel : 3 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02128

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Épuisement professionnel : 3 mars 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 19/02128

ARRÊT DU

03 Mars 2023

N° 371/23

N° RG 19/02128 – N° Portalis DBVT-V-B7D-SVID

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS

en date du

15 Octobre 2019

(RG F18/00199 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 03 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

Mme [G] [L] épouse [K]

[Adresse 1]

représentée par Me Sébastien HABOURDIN, avocat au barreau de BETHUNE

INTIMÉS :

M. [D] [F]

[Adresse 2]

représenté par Me Sophie POTIER, avocat au barreau de LILLE

M. [V] [E]

[Adresse 2]

représenté par Me Sophie POTIER, avocat au barreau de LILLE

Société SCDF [F] ET [E]

[Adresse 2]

représentée par Me Sophie POTIER, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l’audience publique du 07 Décembre 2022

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

Le prononcé de l’arrêt a été prorogé du 17 février 2023 au 03 mars 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, Conseiller et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 novembre 2021

EXPOSE DES FAITS

Mme [G] [L] épouse [K], née le 4 avril 1981, a été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 mars 2009 en qualité de vétérinaire par Messieurs [D] [F] et [V] [E], qui dirigent la clinique vétérinaire [9] à [Localité 4], initialement à hauteur de 33 heures par semaine puis à temps complet par avenant au contrat de travail du 1er juin 2013.

Le contrat de travail prévoyait également la réalisation d’heures d’astreinte indemnisées conformément à la convention collective des vétérinaires praticiens salariés du 31 janvier 2006 : annexe VII de la CCN des cabinets et cliniques vétérinaires (article 4 de l’accord du 29 mars 2019).

En 2012, Messieurs [F] et [E] ont proposé une association à Mme [K], qui a décliné cette proposition.

Mme [K] a suivi de décembre 2014 à juillet 2015 une formation en vue d’obtenir le certificat d’études approfondies vétérinaires en médecine interne des animaux de compagnie, à l’école nationale vétérinaire d'[Localité 3] et, pour son stage, au centre hospitalier vétérinaire [7]. Elle a obtenu ce diplôme en 2016.

Elle a été placée en arrêt de travail du 21 novembre 2016 au 3 janvier 2017 à la suite d’une fausse couche et a été déclarée apte à reprendre son poste le 4 janvier 2017.

De nouveau placée en arrêt de travail de façon continue à compter du 6 juillet 2017, Mme [K] a pris acte le 31 janvier 2018 de la rupture de son contrat de travail en imputant la responsabilité à son employeur.

A la date de la rupture du contrat de travail, elle percevait un salaire mensuel brut moyen de 4 187,73 euros.

Elle a repris une activité professionnelle au sein d’une autre clinique vétérinaire le 5 février 2018.

Par requête reçue le 6 juillet 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Lens pour obtenir des dommages et intérêts pour altération de ses conditions de travail et non respect des temps de repos, des rappels de repos compensateurs, la contrepartie financière à la clause de non concurrence et voir juger que la prise d’acte de rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 15 octobre 2019 le conseil de prud’hommes a dit que Mme [K] a démissionné de ses fonctions, qu’il n’y a donc pas lieu de requalifier la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné solidairement Messieurs [F] et [E] à payer à Mme [K] au titre de la clause de non concurrence la somme de 418,78 euros brut par mois à compter du 1er février 2018 et pour une durée de 24 mois, soit au total la somme de 10 050,72 euros brut, a débouté Mme [K] de ses autres demandes et Messieurs [F] et [E] de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, a précisé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la demande pour toutes les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du jugement pour toute autre somme et a laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens.

Le 30 octobre 2019, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions reçues le 3 septembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [K] sollicite de la cour qu’elle l’a déclare recevable et bien fondée en son appel, qu’elle réforme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné solidairement Messieurs [F] et [E] à lui payer la somme de 10 050,72 euros brut au titre de la clause de non concurrence et, statuant à nouveau, qu’elle rejette et écarte des débats toutes les attestations non conformes et en particulier celles de Mme [Y], Mme [UY], Mme [N] et Mme [Z] en raison du lien de subordination, constate qu’elle a subi une altération de ses conditions de travail et un harcèlement moral de la part de ses employeurs, dise en conséquence que la prise d’acte datée du 31 janvier 2018 s’analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et condamne en conséquence solidairement Messieurs [F] et [E] à lui verser :

10 000 euros à titre d’indemnité en raison de l’altération de ses conditions de travail

10 000 euros à titre d’indemnité pour non respect des temps de repos

2 157,66 euros brut au titre des rappels de repos compensateur

215,77 euros brut au titre des congés payés afférents

12 563,19 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis

1 256,32 euros brut au titre des congés payés y afférents

9 244,41 euros net à titre d’indemnité de licenciement

33 501,81 euros à titre d’indemnité en réparation du préjudice subi

6 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle demande également à la cour de condamner solidairement Messieurs [F] et [E] à lui délivrer les bulletins de salaire et documents de fin de contrat, en ce compris le certificat de travail, rectifiés dans les huit jours de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document passé ce délai et de débouter Messieurs [F] et [E] de l’intégralité de leurs demandes.

Par leurs conclusions reçues le 2 novembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Messieurs [F] et [E] sollicitent de la cour qu’elle déclare l’action introduite par Mme [K] irrecevable au motif du non respect du préalable de conciliation, si l’action est déclarée recevable qu’elle confirme le jugement à l’exception des dispositions les condamnant au versement de la totalité de la contrepartie à la clause de non concurrence, écarte des débats les attestations de M. [W] [K] et M. [L], juge que Mme [K] ne rapporte pas la preuve des griefs qu’elle allègue ni d’une quelconque altération de ses conditions de travail, constate qu’elle n’a pas produit les éléments relatifs à son recours devant le pôle social et en tire les conséquences sur le caractère non professionnel de l’affection alléguée, dise que la prise d’acte de rupture du 31 janvier 2018 s’analyse en une démission, déboute Mme [K] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires et de ses demandes de rappels de salaires, infirme le jugement en ce qu’il les condamne au paiement de la totalité de la contrepartie pécuniaire et dise qu’elle est due seulement jusqu’au 13 mars 2018, condamne en conséquence Mme [K] à leur rembourser la somme de 14 286,45 euros correspondant à la somme versée diminuée de 1,5 mois de contrepartie pécuniaire et condamne Mme [K] à leur verser 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 3 novembre 2021.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la fin de non recevoir soulevée par Messieurs [F] et [E]

Le jugement a omis de statuer sur cette demande.

Le contrat de travail stipule qu’en cas de différend lié à l’exécution ou à la cessation du contrat de travail, les parties pourront avant toute action en justice en aviser le président du conseil régional de l’ordre en vue de se concilier.

Messieurs [F] et [E] font valoir que le nouveau code de déontologie vétérinaire impose, en cas de désaccord professionnel entre confrères, qu’ils recherchent d’abord une conciliation et, en cas d’échec de la conciliation, qu’ils sollicitent une médiation ordinale auprès du président du conseil régional de l’ordre.

Selon l’article R.242-39 du code de déontologie vétérinaire dans sa version applicable depuis le 16 mars 2015, si un désaccord professionnel survient entre des confrères, ceux-ci doivent d’abord chercher une conciliation. En cas d’échec de la conciliation, ils sollicitent une médiation ordinale auprès du président du conseil régional de l’ordre.

Toutefois, en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, ces dispositions n’empêchait pas Mme [K] de saisir directement le juge prud’homal du différend l’opposant à Messieurs [F] et [E]. Sa demande est recevable.

Sur les demandes de rejet de pièces

Mme [K] demande que soient rejetées des débats toutes les attestations non conformes et en particulier celles de Mme [Y], Mme [UY], Mme [N] et Mme [Z] (demande qui n’est pas mentionnée dans le jugement et apparaît nouvelle en appel), tandis que Messieurs [F] et [E] demandent que soient écartées des débats les attestations de M. [W] [K] et M. [L], étant observé que le conseil de prud’hommes a indiqué écarter ces deux attestations dans les motifs de son jugement mais a omis de statuer sur ce point dans le dispositif du jugement, qu’il convient de compléter en ce sens.

Les parties se bornent à contester le caractère probant de ces pièces compte tenu du lien de subordination et du lien familial unissant respectivement les témoins aux intimés et à l’appelante ou de leur non conformité à l’article 202 du code de procédure civile, ce qui ne constitue pas des motifs justifiant que les attestations visées soient écartées des débats sans pouvoir être examinées et appréciées par la cour.

Mme [K] est donc déboutée de sa demande de rejet de pièces et le jugement complété est infirmé en ce qu’il a écarté des débats les attestations de M. [W] [K] et M. [L].

Sur la demande d’indemnité pour non respect des temps de repos

Mme [K] rappelle que selon les articles 56 et 20 de la convention collective, elle devait, d’une part, bénéficier d’un temps de repos quotidien d’au moins 11 heures pouvant être porté à 9 heures consécutives en cas de circonstances particulières justifiées pour répondre aux obligations de service de la profession en santé animale et en sécurité sanitaire et d’un temps de repos hebdomadaire de 24 heures auquel s’ajoute le repos quotidien et, d’autre part, que la durée hebdomadaire de travail, heures supplémentaires comprises, ne pouvait excéder 48 heures au cours d’une même semaine et 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives.

Elle soutient que la lecture de ses plannings montre que, très régulièrement, ni les temps de repos ni la durée hebdomadaire de travail n’ont été respectés par l’employeur. Elle ne relève pas d’exemples de la situation qu’elle dénonce.

La preuve du respect des temps de repos et des durées maximales de travail incombe à l’employeur.

Messieurs [F] et [E] répondent que Mme [K] ne travaillait les jeudis et vendredis que pendant leurs congés, qu’elle ne participait plus aux astreintes de semaine et jours fériés, seules étant maintenues les astreintes du week-end, un week-end sur trois en alternance avec eux, que le temps maximal d’astreinte dérangée a été de 7h30 le 26 juin 2016, que Mme [K] avait fait le choix de récupérer les jours travaillés en plus sous forme de journée de repos, qu’elle forme une déclaration non justifiée «à la louche» dans le cadre d’un préjudice inexistant.

Ils ne contestent pas la véracité des temps d’astreintes dérangées et des heures supplémentaires mentionnés par Mme [K] dans ses pièces 78 à 86 et ne produisent pas d’éléments contraires.

Il résulte des pièces produites, retraçant les gardes et heures supplémentaires, que la durée maximale du temps de travail hebdomadaire a été dépassée les semaines des 5 octobre 2009, 19 et 26 juillet 2010, 2, 9 et 16 août 2010, 29 novembre 2010, 21 février 2011, 4 juillet 2011, 1er, 8 et 15 août 2011, 10 octobre 2011, 20 février 2012, 2 avril 2012, 28 mai 2012, 11 juin 2012, 9, 16 et 23 juillet 2012, 6, 13 et 20 août 2012, 8 et 22 octobre 2012, 24 décembre 2012, 15, 22 et 29 juillet 2013, 19 et 26 août 2013, 30 septembre 2013, 7 octobre 2013, 28 juillet 2014, 29 septembre 2014, 13 octobre 2014, 1er février 2016, 29 août 2016, 5 et 26 septembre 2016, 10 octobre 2016, 5 et 26 juin 2017.

Les employeurs ne rapportent pas la preuve qui leur incombe que les temps de repos étaient respectés, notamment au cours des semaines où ils étaient en congé et où Mme [K] travaillait, en plus de ses heures habituelles, les jeudis et vendredis.

Même s’ils avaient proposé à Mme [K] d’être leur associée et indiquent dans leurs conclusions qu’ils la traitaient comme une égale, l’appelante était leur salariée et ils devaient respecter le droit du travail à son égard, y compris pendant les périodes où ils étaient en congé. Les premiers juges ont retenu de façon inopérante que les horaires avaient été établis en concertation.

Le préjudice occasionné par le dépassement de la durée maximale de travail et le non respect du repos hebdomadaire sera indemnisé par l’octroi de la somme de 5 000 euros. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre des repos compensateurs

Selon l’article 23 de la convention collective, les heures supplémentaires sont rétribuées conformément à l’article L. 3121-22 du code du travail. Chacune des 8 premières heures supplémentaires donnent lieu à une majoration de 25 % et les heures suivantes à une majoration de 50 %.

Selon l’article 24 de la convention collective, au lieu du paiement des heures supplémentaires et des majorations et par accord entre l’employeur et le salarié, les heures supplémentaires pourront être compensées par un repos spécial dit compensateur de remplacement à prendre dans le délai de 2 mois. Pour calculer la durée de ce repos, il est tenu compte d’une majoration de temps identique à celle prévue pour la rémunération des heures supplémentaires. Le repos compensateur de remplacement donne lieu à une indemnisation qui ne doit entraîner aucune diminution par rapport à la rémunération que le salarié aurait perçue s’il avait accompli son travail.

Il résulte des explications des parties et des pièces produites qu’une partie des heures supplémentaires accomplies par Mme [K] a été rémunérée avec les majorations applicables tandis qu’une autre partie a donné lieu à prise de repos compensateurs.

Mme [K] sollicite une majoration de salaire pour les repos compensateurs pris en septembre et décembre 2015 et en janvier, juillet et août 2016.

Toutefois, c’est la durée du repos compensateur de remplacement qui est majorée à hauteur de la majoration prévue pour la rémunération des heures supplémentaires. Mme [K] ne soutient pas qu’elle n’a pas bénéficié d’une durée de repos majorée. Sa demande qui tend à obtenir une nouvelle majoration, cette fois de l’indemnisation du temps de repos majoré, est dépourvue de fondement.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté Mme [K] de ce chef de demande.

Sur la demande d’indemnité au titre de l’altération des conditions de travail

Mme [K] demande dans le dispositif de ses conclusions qu’il soit constaté qu’elle a subi une altération de ses conditions de travail et un harcèlement moral de la part de ses employeurs et elle sollicite une indemnité pour altération de ses conditions de travail.

En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Mme [K] ne développe dans ses conclusions aucun moyen au titre d’un harcèlement moral.

A l’appui de sa demande indemnitaire, elle fait valoir que l’altération de ses conditions de travail, les pressions constantes et le rythme effréné imposé lui ont causé fatigue, stress, anxiété et syndrome dépressif.

En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l’employeur, tenu d’une obligation en matière de protection de la sécurité et de la santé physique et mentale des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité en prenant toutes les mesures nécessaires de prévention prévues par les textes susvisés, notamment en mettant en place une organisation et des moyens adaptés.

Mme [K] fait d’abord état du manque de moyens mis à sa disposition (porte-aiguilles lissés par l’usure, seringues ou aiguilles périmées usagées, fils de suture récupérés dans des hôpitaux, médicaments à la date de péremption effacée, lames de scalpel usagées, appareil à anesthésie gazeuse comportant des fuites colmatées par des rustines, appareil de biochimie limité nécessitant l’envoi des analyses en laboratoire, échographe d’occasion ne permettant ni enregistrement ni datation d’un examen échographique).

Elle produit le témoignage de son époux. Ce dernier explique, sans précision de dates, qu’il est allé aider sa femme plus d’une fois lorsqu’elle était de garde, en général lorsqu’il s’agissait de chirurgie et qu’il lui fallait une paire de mains supplémentaires, et qu’elle lui a montré des fils périmés provenant d’hôpitaux, des lames de scalpel usagées, des portes aiguilles usés et des produits à la date de péremption effacée. Ce seul constat ne permet pas toutefois d’établir que Mme [K] était contrainte d’utiliser du matériel usé et des produits périmés faute pour la clinique de disposer de tout autres outils ou produits.

Si Mme [K] justifie que, le 17 octobre 2016, le médecin du travail a déconseillé, au titre du principe de précaution, qu’elle pratique durant sa grossesse des anesthésies gazeuses exposant à l’Isoflurane, il convient de noter que le médecin du travail n’a pas fait d’observation sur l’état de l’appareil à anesthésie gazeuse.

Le témoignage de Mme [X], infirmière libérale, qui indique qu’elle offrait à la clinique du matériel récupéré et non utilisé chez des patients ne permet pas de considérer qu’elle agissait à la demande de Messieurs [F] et [E], puisqu’elle précise au contraire qu’elle agissait ainsi par le biais de Mme [K], ni que le matériel ainsi mis à disposition de la clinique n’était pas en état d’être utilisé.

Messieurs [F] et [E] indiquent au demeurant qu’ils avaient demandé à Mme [X] de cesser de les envahir de ce matériel récupéré. Ils expliquent que la clinique était dotée des appareils obligatoires et d’appareils non obligatoires et qu’ils avaient même fait l’acquisition d’un échographe en 2017 pour répondre au souhait de Mme [K]. Ils contestent tout dysfonctionnement de l’échographe et produisent à cette fin les attestations de Messieurs [B] et [U] qui indiquent leur avoir vendu l’appareil en parfait état de marche et le témoignage de Mme [Z], qui a remplacé Mme [K] depuis septembre 2017, d’abord en contrat à durée déterminée puis en contrat de travail à durée indéterminée, et qui indique que l’échographe fonctionne correctement. Ils ajoutent que les trois infirmières de la clinique sont qualifiées et formées et que Mme [K] n’a jamais eu à utiliser un matériel non stérile ou inadéquat, que s’ils vérifient les commandes c’est pour éviter les doublons et le stock de produits fragiles et périssables, que s’ils utilisaient des fils périmés il y aurait inévitablement des complications à chacune des chirurgies et que leur responsabilité aurait été engagée, ce qui n’est pas le cas, qu’enfin si Mme [K] s’est retrouvée avec du fil périmé pour une césarienne à la ferme le 26 juin 2016 c’est parce qu’elle n’avait pas vérifié l’état des produits dans sa trousse d’urgence avant de partir.

Il ne résulte pas des éléments ci-dessus que Mme [K] était contrainte de travailler dans des conditions matérielles contraires aux règles de sa profession.

Mme [K] invoque ensuite le refus initial de ses employeurs de la laisser partir en formation et de compléter le dossier Fongecif, une proposition de rupture conventionnelle avec demande de remboursement en secret de l’indemnité qui lui serait versée et des propos négatifs de M. [E] sur son départ en formation, rapportés par des clients.

Elle justifie qu’elle a fait état dans les mails adressés à la conseillère en mobilité professionnelle du Fongecif les 9 septembre 2013, 10 octobre 2014 et 27 avril 2015 du fait que ses employeurs avaient refusé dans un premier temps de remplir le dossier parce que cela ne les arrangeait pas et qu’ils ne souhaitaient pas chercher quelqu’un pour la remplacer pendant quasi un an, étant observé que sa candidature pour la formation n’a de toute façon pas été retenue par le jury d’admission en 2013, de son sentiment l’année suivante que ses «boss ont beaucoup de mal à digérer [qu’elle ait] obtenu la formation» et du fait qu’elle a dû insister pour obtenir leur accord pour une demande de prise en charge par Actalians.

Elle produit également l’attestation de Mme [H], cliente du cabinet [9], qui indique que M. [E] lui a fait part de «sa circonspection face au système mis en place pour que les salariés accèdent à la formation» en précisant que Mme [K] était «partie en formation contre sa volonté» et qu’elle ne pourrait pas exercer ses nouvelles compétences au sein de la clinique puisque son niveau dépasserait ce qui était utile. Mme [H] ajoute que le Docteur [E] lui a semblé plus préoccupé de «s’épancher de ses questionnements d’employeur que de sauver l’oeil malade de son chien.»

Mme [K] produit enfin le témoignage de son père, qui explique qu’elle l’a consulté courant octobre 2014 au sujet de la proposition de ses employeurs de signer une rupture conventionnelle du contrat de travail avec restitution par elle, en liquide, de l’indemnité légale qui lui serait versée, afin qu’ils puissent la remplacer et qu’elle bénéficie d’une rémunération pendant sa formation.

Messieurs [F] et [E] répondent qu’ils n’ont jamais refusé que Mme [K] suivent une formation, bien que sachant qu’elle n’apporterait pas de valeur ajoutée à leur activité, et qu’ils l’ont aidée à obtenir une indemnisation auprès du Fongecif et d’Actalians sans qu’elle n’ait eu besoin de faire pression sur eux ou de les menacer. Ils précisent n’avoir fait aucune difficulté alors même que la plupart des vétérinaires en activité étalent leur cursus de formation sur deux années et effectuent leur stage dans leur clinique, ce qui limite leur absence à six semaines par an. Ils justifient que M. [E] a signé dès le 17 juillet 2014 la demande de prise en charge au Fongecif envoyée à l’entreprise par l’organisme le 26 juin 2014 et, par des échanges de mails en février 2015, que la salariée avait proposé à M. [F], alors préoccupé par l’état de santé de sa fille, de «prendre son temps pour le formulaire» d’Actalians. Mme [K] rétorque toutefois qu’il était alors question du formulaire de remboursement des frais de formation et non de la demande initiale de prise en charge évoquée dans son mail à la conseillère en mobilité professionnelle.

Il résulte tout au plus des éléments ci-dessus que les intimés, et particulièrement M. [E], qui s’en est ouvert à une cliente, n’étaient pas ravis du départ de Mme [K] en formation de longue durée, qui les contraignait à s’organiser pendant son absence de plusieurs mois et dont ils ne percevaient pas l’utilité pour la clinique, et qu’ils lui ont proposé à cette occasion un mode de rupture du contrat de travail leur évitant d’en assumer les conséquences financières. Il ressort des pièces produites et notamment des échanges entre Mme [K] et la conseillère en mobilité professionnelle du Fongecif que cette proposition avait été faite à la salariée à une période où elle s’était opposée au refus du Fongecif de financer sa formation «pour insuffisance financière», n’avait pas encore reçu la réponse positive d’Actalians et s’était renseignée auprès de Pôle Emploi, qui lui avait indiqué que la formation ne l’empêchait pas d’accéder au droit au chômage. Il en ressort que la proposition de Messieurs [F] et [E] s’inscrit dans le contexte de la recherche par Mme [K] d’une solution de financement de sa formation. Ses employeurs ne pouvaient toutefois lui proposer le remboursement en sous-main de l’indemnité de rupture conventionnelle. Il n’est pas pour autant établi que le refus de la salariée de donner suite à cette proposition ait eu des incidences sur la suite de la relation de travail.

Mme [K] fait encore état de propos dénigrants de ses employeurs sur les traitements prescrits, de la dévalorisation de la qualité de son travail et de la surveillance des examens qu’elle pratiquait. Elle indique qu’à son retour de formation M. [E] lui a indiqué avec un sourire narquois qu’elle traiterait «tous les cas de merde» et qu’il s’est permis de lui dire au sujet de son diplôme : «si tu rates, c’est la honte !».

Messieurs [F] et [E] répondent que le fait pour M. [E] de la «chambrer», même s’il ne se souvient pas des propos relatifs à son diplôme, est la conséquence du fait qu’il la considérait comme sa future associée et qu’il s’agissait de plaisanteries qui ont cours avec une personne qu’on considère comme une égale. Ils réfutent toute surveillance et toute remise en cause des qualités et compétences de Mme [K].

Il résulte des explications concordantes des parties qu’ils ne partageaient pas la même vision de leur métier, Mme [K] proposant davantage la réalisation d’examens complémentaires et potentiellement coûteux. Il ressort toutefois des attestations produites par Mme [K] qu’elle apportait aux clients de la clinique une information complète et loyale sur ce point et leur laissait le choix. Au demeurant, elle n’apparaît pas avoir fait l’objet de reproches de ses employeurs en la matière ni avoir été empêchée de pratiquer les actes vétérinaires dans le respect de son indépendance, au vu du nombre de clients attestant de la qualité de son travail et de la clarté des informations qu’elle leur dispensait sur les examens qu’elle leur proposait.

Les témoignages de certains clients évoquant leur préférence parmi les trois vétérinaires de la clinique et comparant les qualités techniques ou d’écoute des uns et des autres sont sans intérêt pour le litige. Beaucoup louent d’ailleurs de façon indifférenciée les compétences et le professionnalisme des trois vétérinaires, avec lesquels ils avaient affaire sans choix pré-établi. De même, il ne peut se déduire de l’expression par les différents clients de leur ressenti sur l’ambiance régnant au sein de la clinique, qualifiée de mauvaise selon les uns, de bonne, sereine et cordiale selon les autres, que Mme [K] travaillait dans une ambiance délétère, ce que contredit au demeurant la tonalité de ses échanges par sms et par mails avec M. [F] et les auxiliaires vétérinaires de la clinique.

Si Mme [M] dit avoir constaté que Messieurs [F] et [E] entraient dans le bureau de Mme [K] pendant ses consultations, Mme [H] rapporte à l’inverse qu’alors que M. [E] examinait son animal, Mme [K] les a rejoint dans la salle d’examen, ce dont il résulte une pratique réciproque ne pouvant être analysée comme une surveillance de Mme [K] par ses employeurs et la manifestation d’une défiance de leur part vis-à-vis de son mode d’exercice du métier. Mme [A] atteste d’ailleurs que Mme [K] a sollicité l’avis de M. [E] sur un traitement pour son animal et que M. [E] le lui a donné sans aucun signe de supériorité. De même, Mme [I] indique avoir bénéficié d’une collaboration étroite des trois vétérinaires pour l’établissement d’un diagnostic.

Messieurs [F] et [E] produisent de nombreux témoignages de clients qui indiquent ne les avoir jamais entendus tenir des propos désobligeants ou discourtois au sujet de Mme [K]. Mme [K] produit toutefois des attestations de M. [R], Mme [H] et Mme [O], clients, dont il résulte que Messieurs [F] et [E] ont pu commenter de façon négative ses diagnostics et les traitements prescrits par elle. Ces clients situent les propos qu’ils évoquent d’avant ou peu de temps après le départ en formation de la salariée (M. [R]) et de l’automne 2014 (Mme [H] et Mme [O]).

L’appelante établit donc l’existence de quelques propos négatifs à son endroit, d’autant plus maladroits qu’ils étaient tenus devant les clients, qui n’apparaissent pas représentatifs toutefois de la considération qui lui était portée par ses employeurs. En effet, dans son mail adressé à la salariée le 1er novembre 2014, alors qu’il est en train d’organiser son remplacement pendant sa période de formation, M. [F] indique : «Ok pour les dates ; je voulais en être sûr, pour établir le contrat de «ta remplaçante» (bien que tu ne sois pas remplaçable ;-).» De plus, Mme [J] témoigne qu’ils disaient tous les deux du bien de Mme [K], y compris lorsqu’elle a été malade en fin d’année 2017. Mme [C], vétérinaire employée en contrat à durée déterminée de remplacement du 26 novembre au 17 décembre 2016, du 14 au 15 février 2017 et du 24 au 29 avril 2017, atteste que Messieurs [F] et [E] ne lui ont jamais parlé de façon non confraternelle ou irrespectueuse de Mme [K] mais qu’ils ont au contraire évoqué ses qualités professionnelles, tant au regard de son obtention du CEAV que concernant ses relations avec ses patients.

Il ne résulte pas du dossier que Messieurs [F] et [E] ont insisté pour que Mme [K] prenne un congé parental lors de l’annonce de sa grossesse en octobre 2016. Il ne peut être tiré aucune conclusion sur ce point du fait que Mme [K] a fait, le 21 octobre 2016, des recherches sur le congé de maternité sur le site du ministère du travail.

De même, il n’est pas établi que M. [E] a qualifié d’inacceptable la durée de l’arrêt de travail qui a suivi l’interruption de la grossesse de la salariée, du 21 novembre 2016 au 3 janvier 2017, en mettant en avant les vacances qu’il souhaitait prendre. Au contraire, il résulte d’échanges de sms entre Mme [K] et une des auxiliaires vétérinaires qu’interrogée par Mme [K] sur la réaction de ses employeurs, Mme [T] a répondu qu’il n’y avait eu «aucune remarque déplacer À ne dit jamais rien et M se plaint juste pour le planning». La circonstance que M. [E] a reçu une candidate le 24 novembre 2016 pour la remplacer pendant son absence et pouvoir se rendre à [Localité 6], selon le sms de Mme [T], n’implique aucune remise en cause du bien fondé de l’arrêt de travail de Mme [K]. De plus, Mme [P], cliente, indique que M. [E] ne lui a jamais dit de mal de Mme [K] quand elle n’était pas là mais lui expliquait simplement qu’elle était souffrante.

Mme [K] fait état de messages insistants lors de cet arrêt de travail pour savoir quand elle reviendrait. Il résulte des échanges de sms de Mme [K] avec les auxiliaires vétérinaires que M. [E] l’a contactée téléphoniquement dans la deuxième quinzaine de décembre 2016 pour savoir si son arrêt était prolongé au-delà de décembre 2016 en vue d’envisager la nécessité d’un nouveau remplacement et des mails échangés avec M. [F] que ce dernier lui a adressé des messages les 29 novembre, 1er décembre, 6 décembre, 14 décembre, 21 décembre 2016 et 1er janvier 2017, essentiellement pour s’enquérir de l’évolution de son état de santé et de son moral (par exemple : «Bonsoir [G], je n’ose pas t’appeler, ne sachant comment tu vas. Comment ca s’est passé, comment te sens-tu ‘ Biz. [D]») et évoquer ses heures et sa paie de novembre 2016. M. [F] lui a simplement demandé le 1er décembre 2016 si elle pensait être en état de reprendre la semaine prochaine «juste pour savoir, sans vouloir te pousser» et le 1er janvier 2017 si elle reprenait le lendemain «pas pour te pousser, mais pour prendre rdv à la médecine du travail», ce à quoi la salariée a répondu positivement. Ces demandes motivées par des questions organisationnelles et qui ne constituent pas l’essentiel des messages adressés à la salariée ne traduisent ni agacement de l’employeur quant à la durée de l’absence de Mme [K] ni pression pour qu’elle hâte son retour. Mme [K] ne justifie aucunement avoir été questionnée par ses employeurs sur sa date de retour avant même son passage au bloc chirurgical le 29 novembre 2016, comme elle le soutient dans ses conclusions.

Mme [K] critique ensuite l’attitude de son employeur à l’occasion de la maladie de sa maman. Elle se plaint de la réaction abusive et excessive de M. [F] lorsqu’elle lui a demandé de ne pas travailler le 1er juillet 2017 pour être auprès de sa mère après son intervention chirurgicale pulmonaire. Elle veut pour preuve de cette réaction la page du carnet de rendez-vous du 1er juillet 2017. Elle indique que M. [F] a fait noter des rendez-vous jusqu’à 18 heures alors que la clinique fermait à 16 heures et que le samedi après-midi était consacré aux consultations sans rendez-vous. Cependant, la page en question ne fait que mentionner des créneaux horaires et, en regard, un seul rendez-vous noté à 10h40, en signalant le fait que «M» et «VB» sont absents et que «A» est seul, ce qui ne traduit en soi aucune réaction négative de l’employeur à la demande de Mme [K]. Les mails échangés par Mme [K] et M. [F] le 22 juin 2017 ne font d’ailleurs ressortir aucune irritation de l’employeur puisque Mme [K], évoquant l’opération de sa mère le 30 juin 2017, indique : «Je ne pourrai pas être au boulot [‘] le samedi 1er juillet [‘] Je ne pourrai donc bien entendu pas assumer la garde du w-e, et même si tu m’as dit que ça ne te posait aucun problème [‘] je préfère tout de même te le repréciser», ce à quoi M. [F] a répondu : «Bonsoir [G], merci pour ton mail. Ok pour le samedi 1/7 et la garde qui va avec.» La référence faite par Mme [K] aux propos de M. [F] selon lesquels assumer la garde du week-end ne lui posait aucun problème est en totale contradiction avec l’attitude que l’appelante lui prête dans ses conclusions, à savoir qu’il aurait soufflé, haussé le ton, serait devenu glacial et lui aurait dit qu’elle avait bien de la chance car il avait le droit de lui dire non et de l’obliger à travailler. Elle ne justifie aucunement d’un tel comportement.

Mme [K] reproche encore à ses employeurs leur refus de lui trouver un remplaçant pour les jeudis et vendredis où elle ne travaillait pas normalement pour qu’elle puisse se rendre au chevet de sa mère, ajoutant que ces derniers lui imposaient plus de gardes le week-end. Il résulte des écritures de Messieurs [F] et [E] que la salariée leur avait annoncé ne pas vouloir travailler les jeudis et vendredis lorsqu’ils seraient en congé, étant observé que ses propres congés d’été étaient prévus à compter du 10 août 2017. Les intimés expliquent qu’il était quasiment impossible de trouver un remplaçant en urgence alors que le calendrier des congés était défini depuis longtemps et qu’il a été convenu de rediscuter de la situation dès la rentrée de septembre 2017. Mme [K] reconnaît dans ses conclusions qu’elle leur avait expliqué qu’elle les remplacerait « bien entendu » les jeudis et vendredis tant qu’ils ne trouveraient personne. Elle soutient qu’ils n’ont en réalité jamais cherché. Pourtant, Mme [C], a été embauchée à durée déterminée au cours des vacances d’hiver et de printemps 2017 et Messieurs [F] et [E] justifient par une attestation de M. [S], vétérinaire à [Localité 8], qu’ils ont évoqué à plusieurs reprises depuis fin 2016, courant 2017 et encore en 2018 la possibilité de recruter un assistant commun mais qu’ils n’ont hélas pu trouver un remplaçant pour répondre au surcroît d’activité et pour les périodes de congé. De plus, il ressort du dossier que Messieurs [F] et [E] ne lui ont pas imposé plus de gardes le week-end puisqu’au contraire Mme [K] et M. [F] ont échangé leurs gardes des 24 juin et 1er juillet 2017 pour qu’elle soit disponible le lendemain de l’opération de sa mère et que, sollicité sur les week-end des semaines à venir, M. [F] a confirmé le 23 juin 2017 («Ok aussi pour la suite») qu’ils seraient libres pour la salariée. Il ne résulte pas des pièces produites qu’eu égard à la libération des week-end, Mme [K] aurait été conduite à travailler selon un rythme anormal l’été 2017, particulièrement jusqu’à ses propres congés prévus à compter du 10 août.

Mme [K] a été placée en arrêt de travail à partir du 6 juillet 2017 pour syndrome anxieux, troubles du sommeil et de la concentration.

Elle produit son dossier médical montrant qu’elle avait fait part au médecin du travail le 4 janvier 2017 du fait qu’elle était insomniaque depuis sa formation et songeait à partir, qu’elle avait trop de contraintes temporelles et ne s’entendait pas avec l’un des employeurs. Elle a de nouveau rencontré le médecin du travail le 14 septembre 2017 et lui a fait part de son épuisement professionnel, évoquant tout à la fois des problèmes personnels liés à la santé de son mari et de sa mère et, sur le plan professionnel, des horaires illégaux, une très mauvaise ambiance, le dénigrement de ses prescriptions, son refus de la rupture conventionnelle sans indemnité, son refus de s’associer, la nouvelle proposition de rupture conventionnelle de ses employeurs et leur projet d’embaucher une autre jeune femme.

Elle a consulté le 22 février 2018, après sa prise d’acte, le centre de ressources en pathologies professionnelles. Le médecin rapporte des doléances dont Mme [K] ne fait pas même état dans ses conclusions et dont elle ne justifie pas, à savoir qu’elle aurait reçu des réflexions de ses employeurs sur son manque d’implication au travail, des refus de formation à des conférences le soir, des menaces de licenciement, qu’elle aurait réalisé sur ses fonds propres sa formation en médecine interne et que ses employeurs lui aurait fait part du fait que son arrêt de travail suite à sa fausse couche était trop long.

Son époux, qui déposait les arrêts de travail à la clinique à compter du 6 juillet 2017, atteste que Messieurs [F] et [E] ont proposé à Mme [K], par son intermédiaire, qu’elle passe à temps partiel, voire une rupture conventionnelle avec cette fois paiement effectif de l’indemnité de rupture, que M. [E] l’a contacté une semaine plus tard pour connaître la réponse de son épouse, que cette dernière a refusé le temps partiel qui lui faisait perdre des cotisations notamment pour la retraite de même que la rupture conventionnelle à laquelle elle ne trouvait aucun avantage, que M. [E] s’est énervé de la contre proposition de son épouse en vue d’une modification de ses horaires sans passage à temps partiel mais a indiqué qu’il en parlerait à son associé. Ces discussions sur les modalités du travail de Mme [K] à son retour d’arrêt maladie ne présentent aucun caractère fautif, Messieurs [F] et [E] étant contraints d’organiser le fonctionnement à venir de la clinique, étant observé que, selon ce qu’indique M. [K], son épouse avait bien l’intention de reprendre son poste et que c’est lui-même qui a suggéré à ses employeurs qu’elle reprenne son activité à temps partiel.

Mme [K] insinue que le contrôle de son arrêt de travail par la caisse primaire d’assurance maladie aurait été initié par ses employeurs, furieux qu’elle refuse la proposition faite après six semaines d’arrêt de travail de passer à temps partiel ou d’accepter une rupture conventionnelle. Messieurs [F] et [E] justifient cependant par un message de la caisse primaire d’assurance maladie que c’est le médecin conseil qui a initié ce contrôle le 8 septembre 2018 (en réalité 2017) dans le cadre de la convocation des assurés à plus de 45 jours d’arrêt.

Mme [K] a formé après la prise d’acte de la rupture du contrat de travail une demande de reconnaissance du caractère professionnel de l’arrêt de travail du 6 juillet 2017. La caisse primaire d’assurance maladie a refusé de prendre en charge l’arrêt de travail au titre d’un accident du travail puis au titre d’une maladie professionnelle, après avis défavorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Il résulte du dossier que, par jugement du 12 juillet 2021, le tribunal judiciaire d’Arras a saisi pour avis un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. Mme [K] n’indique pas où en est cette procédure, qui l’oppose à la caisse primaire d’assurance maladie et à laquelle Messieurs [F] et [E] ne sont pas partie.

Il résulte de ce qui précède qu’à l’exception des manquements dans l’organisation du travail ayant conduit au non respect des durées maximales du travail et des temps de repos, déjà indemnisés ci-dessus, il peut tout au plus être reproché à Messieurs [F] et [E] quelques propos indélicats tenus devant Mme [H], M. [R] et Mme [O] en 2014 et une proposition de rupture conventionnelle inadéquate à l’occasion du départ en formation de la salariée, également en 2014. Le préjudice causé par ces propos maladroits, isolés et anciens apparaît inexistant au regard de l’estime et de la considération manifestées par ailleurs par Messieurs [F] et [E] à l’endroit de leur salariée, étant observé qu’il résulte de son dossier médical qu’elle n’avait rien à signaler concernant son travail et sa santé avant 2017.

Sur la rupture du contrat de travail

En application de l’article L.1231-1 du code du travail, au soutien de sa demande tendant à ce que sa prise d’acte du 31 janvier 2018 produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [K] reproche dans ses conclusions à son employeur la violation de son obligation de sécurité et l’altération de ses conditions de travail en lien avec sa dépression.

Contrairement à ce que soutient Mme [K], le doute en la matière ne profite pas au salarié et il lui incombe de rapporter la preuve de manquements graves de son employeur empêchant la poursuite de la relation de travail.

Il résulte de ce qui précède que les propos maladroits de ses employeurs concernant ses prescriptions médicales et sa formation et leur proposition initiale de rupture conventionnelle sans indemnité datent de 2014. Ces agissements ne peuvent justifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail intervenue plus de trois ans plus tard.

S’agissant des manquements relatifs aux temps de travail et de repos, il convient d’observer qu’ils datent pour l’essentiel du début de la relation de travail, que les manquements les plus récents datent d’octobre 2016 puis de juin 2017 et qu’il ne s’agissait pas du mode de fonctionnement normalement imposé à la salariée. Au contraire, les plannings montrent que les heures supplémentaires étaient habituellement en nombre modéré et que la plupart des astreintes étaient non dérangées. Ainsi, en 2017, Mme [K] a accompli 3 heures supplémentaires et 1 heure d’astreintes dérangées du 3 au 29 janvier, 4 heures supplémentaires et 4 heures d’astreintes dérangées du 30 janvier au 26 février, 4 heures supplémentaires et 4 heures d’astreintes dérangées du 27 février au 26 mars, 2h30 supplémentaires du 27 mars au 30 avril, 4h30 supplémentaires et 8 heures d’astreintes dérangées du 1er au 28 mai 2017. Elle avait reçu l’assurance pour l’été 2017 d’être libre les week-end. Son mari atteste qu’elle avait d’ailleurs l’intention de reprendre le travail et qu’il avait demandé à Messieurs [F] et [E] dans cette perspective qu’elle ne soit pas d’astreinte le week-end du 1er octobre 2017. Dans ce contexte, l’appelante ne justifie pas qu’elle subissait un rythme de travail effréné de nature à empêcher la poursuite de la relation de travail et sa prise d’acte.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail s’analyse en une démission et débouté Mme [K] de ses demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail.

Sur la contrepartie à la clause de non-concurrence

La clause de non-concurrence insérée au contrat de travail prévoit que l’employeur se réserve la possibilité de libérer le salarié de son obligation de non-concurrence et par la même de se dégager du paiement de l’indemnité prévue en contrepartie, en le signifiant par lettre recommandée à tout moment au cours de l’exécution du contrat et au plus tard dans un délai de 15 jours calendaires suivant le dernier jour travaillé par le salarié.

Messieurs [F] et [E] ont reçu au plus tard le 10 février 2018 le courrier de prise d’acte de la rupture adressé par Mme [K] puisqu’ils lui ont répondu à cette date en contestant son bien fondé. Ils n’ont levé la clause de non concurrence que par courrier du 13 mars 2018.

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, l’intégralité de la contrepartie financière était due à la salariée du fait de leur renonciation tardive à l’application de la clause de non-concurrence, dès lors qu’il n’est pas contesté que Mme [K] a respecté son obligation de non-concurrence en travaillant à [Localité 10], à plus de 3 km de la clinique [9], puis à [Localité 5]. Ils sont mal fondés à demander de ne supporter le paiement de la contrepartie financière que jusqu’au 13 mars 2018.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts procédure abusive

L’action de Mme [K] étant partiellement fondée, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Messieurs [F] et [E] de leur demande d’indemnité pour procédure abusive.

Sur la demande de remise de documents

Messieurs [F] et [E] ont d’ores et déjà communiqué un bulletin de salaire relatif au paiement de la contrepartie à la clause de non concurrence.

Le sens de la décision ne justifie pas d’ordonner la rectification des documents de fin de contrat déjà communiqués. En revanche, Mme [K] soutient qu’elle n’a jamais reçu le certificat de travail. Cette pièce n’est pas communiquée. Il y a lieu d’ordonner à Messieurs [F] et [E] d’adresser ce document à Mme [K], sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Il ne serait pas équitable de laisser à la charge de Mme [K] les frais qu’elle a dû exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens. Il convient de lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Complète le jugement et dit que Mme [G] [L] épouse [K] est recevable en ses demandes.

Déboute Mme [G] [L] épouse [K] de sa demande de rejet de pièces.

Complète le jugement entrepris en ce sens qu’il a écarté des débats les attestations de M. [W] [K] et M. [L], infirme le jugement ainsi complété et, statuant à nouveau, déboute Messieurs [D] [F] et [V] [E] de leur demande de rejet des attestations de M. [W] [K] et M. [L].

Confirme le jugement pour le surplus sauf en ce qu’il a débouté Mme [G] [L] épouse [K] de ses demandes d’indemnité pour non respect des temps de travail et de repos et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, de la remise du certificat de travail et sur les dépens et, statuant à nouveau de ces chefs :

Condamne Messieurs [D] [F] et [V] [E] à verser à Mme [G] [L] épouse [K] la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité pour dépassement de la durée maximale de travail et non respect du repos hebdomadaire.

Ordonne à Messieurs [D] [F] et [V] [E] de remettre à Mme [G] [L] épouse [K] son certificat de travail.

Condamne Messieurs [D] [F] et [V] [E] à verser à Mme [G] [L] épouse [K] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Messieurs [D] [F] et [V] [E] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

Pour le Président empêché

Muriel LE BELLEC,

Conseiller

 


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