COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 03 FEVRIER 2023
N° 2023/038
Rôle N° RG 19/12156 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVJB
[I] [E]
C/
SA LABORATOIRES M & L
Copie exécutoire délivrée le :
03 FEVRIER 2023
à :
Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 24 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00089.
APPELANTE
Madame [I] [E], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Romain CHERFILS de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE – Me COIFFE, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMEE
SA LABORATOIRES M & L, demeurant [Adresse 5]
représentée par Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE – Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Madame [I] [E] a été engagée par la SA LABORATOIRES M&L suivant contrat de travail à durée déterminée, du 5 novembre 2012 au 4 novembre 2013, prolongé par deux avenants, en qualité d’ingénieur qualité meuble, statut cadre, coefficient 350, selon les dispositions de la convention collective des industries chimiques et dans le cadre d’une convention de forfait de 218 jours travaillés à l’année.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 14 avril 2014, Madame [E] a été engagée en qualité d’ingénieur qualité, statut cadre, coefficient 350 et selon une convention de forfait de 218 jours travaillés à l’année.
Suite à la proposition de l’employeur du 23 novembre 2015 et à compter du 1er janvier 2016, Madame [E] a été affectée au poste de chargée de qualité à [Localité 2] au sein du service ‘STT’.
Le 13 décembre 2016, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude temporaire au poste de travail et Madame [E] a été placée en arrêt de travail.
Par requête du 14 septembre 2017, Madame [E] a saisi le conseil de prud’hommes de DIGNE-LES-BAINS pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, de dire que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages-intérêts pour manquement de l’employer à son obligation de sécurité, l’annulation de la convention de forfait, le paiement d’heures supplémentaires et de dommages-intérêts pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires, la classification de son emploi au coefficient 400 à compter de son embauche, le paiement d’un rappel de salaire à ce titre, le paiement d’une prime d’objectifs sur le fondement du principe de l’égalité de traitement et l’indemnisation des temps de déplacement, notamment.
Par jugement du 24 juin 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé qu’il déboute Madame [E] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, de dommages-intérêts y afférents, de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et de toutes ses autres demandes complémentaires concernant la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
– dit et jugé que le contrat de travail se poursuit aux conditions antérieures.
– dit et jugé que Madame [E] n’est pas considérée comme étant démissionnaire.
– débouté Madame [E] de sa demande de lui octroyer le coefficient 400 depuis sa date d’embauche en date du 5 novembre 2012.
– débouté Madame [E] de toutes ses demandes complémentaires ayant un lien avec sa demande de lui octroyer le coefficient 400 depuis sa date d’embauche.
– débouté Madame [E] de sa demande de nullité de la convention de forfait en jour.
– débouté Madame [E] de sa demande d’heures supplémentaires et complémentaires.
– débouté Madame [E] de toutes ses demandes complémentaires concernant la nullité de la convention de forfait en jour.
– débouté Madame [E] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour un montant de 2.500 €.
– débouté Madame [E] de sa demande d’exécution provisoire et entiers dépens.
– condamné Madame [E] à payer à la SA LABORATOIRES M&L la somme de 100 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné Madame [E] aux entiers dépens.
– débouté Madame [E] de ses autres demandes reconventionnelles.
Suite à l’avis d’inaptitude définitive rendu par le médecin du travail le 3 février 2020 et à la dispense de l’obligation de reclassement formulée par ce dernier, Madame [E] a été licenciée le 6 mars 2020.
La cour d’appel de Bordeaux, par arrêt du 16 décembre 2021, a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Périgueux qui avait reconnu que Madame [E] avait été victime d’un accident du travail le 12 décembre 2016, lors de son entretien avec Mesdames [J] [O] et [Z] [D].
*
Madame [E] a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes du 24 juin 2019.
Suivant conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 28 septembre 2022, elle demande à la cour de :
– réformer dans sa totalité le jugement rendu par le conseil de prud’hommes.
– statuant à nouveau, condamner la SA LABORATOIRES M&L pour violation de son obligation de sécurité au paiement de la somme de 20.257,80 € à titre de dommages-intérêts.
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SA LABORATOIRES M&L à la date du licenciement, soit le 6 mars 2020.
– subsidiairement, déclarer le licenciement prononcé le 6 mars 2020 dépourvu de cause réelle et sérieuse.
– en conséquence condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement des sommes suivantes :
* indemnité spéciale de licenciement : 12.374,14 €
* indemnité compensatrice de préavis équivalente à 3 mois : 10.128,90 € bruts, somme à majorer des congés payés y afférents pour 1.012,89 € bruts.
* indemnité compensatrice de congés payés : 9.633,54 € bruts.
* dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse : 27.010,40 €.
– annuler la convention de forfait conclue le 24 octobre 2012 et priver d’effet les conventions de forfait conclues les 1er juin 2013 et 10 avril 2014.
– en conséquence, condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement :
*de la somme de 14.806,70 € bruts au titre des heures supplémentaires réalisées par Madame [E] au titre des années 2014 à 2016, somme à majorer des congés payés y afférents pour 1.480.67 € bruts.
* d’une indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires au titre des années 2014 à 2016 pour la somme de 5.649.67 € bruts, somme à majorer des congés payés y afférents pour la somme de 564.96 €.
– lui octroyer le coefficient 400 à compter de la date de son embauche, le 5 novembre 2012.
– en conséquence, condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement d’un rappel de salaire pour la somme de 7.023,51 € bruts, somme à majorer des congés payés y afférents pour 702,35 € bruts.
– condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement d’un rappel de salaire au titre de l’indemnisation des temps de déplacement pour la somme de 1.736,34 € bruts, somme à majorer de 173,63 € au titre des congés payés afférents.
– condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement d’un rappel de salaire au titre de la prime d’objectifs en raison de la violation du principe d’égalité de rémunération pour la somme de 9.607,74 € bruts, somme à majorer des congés payés y afférents pour 960,77 € bruts.
– condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement de la somme de 4.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– assortir toutes les sommes allouées des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et de capitaliser les intérêts.
– condamner la SA LABORATOIRES M&L aux entiers dépens et frais d’exécution éventuels, les dépens d’appel seront distraits au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX- EN- PROVENCE, avocats associés, aux offres de droit.
– à titre infiniment subsidiaire,
– si la cour ne privait pas d’effet les conventions de forfait en jours travaillés à l’année, condamner la SA LABORATOIRES M&L au paiement de la somme de 3.034.68 € bruts au titre des jours supplémentaires travaillés, somme à majorer des congés payés y afférents pour 303.46 € bruts et de la somme de 2.065,92 € bruts au titre de l’indemnisation des temps de déplacement, somme à majorer de 206,59 € bruts au titre des congés payés afférents.
– si la Cour n’octroyait le coefficient 400 qu’à compter de 3 ans d’ancienneté, condamner la SA Laboratoire M & L au paiement de la somme de 2.378,16 € bruts à titre de rappel de salaire, somme à majorer des congés payés y afférents pour la somme de 237,81 € brut.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022, la SA LABORATOIRES M&L demande à cour de confirmer le jugement dont appel en l’ensemble de ses dispositions, de débouter Madame [E] de l’ensemble de ses demandes, de condamner Madame [E] à verser à la SA LABORATOIRES M&L une somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de condamner Madame [E] en tous les dépens.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 29 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’obligation de sécurité
Madame [E] fait valoir que sa charge de travail s’est progressivement accrue sans que la SA LABORATOIRES M&L ne lui donne les moyens, notamment humains, de l’assumer ; que cela a été flagrant à compter du mois de janvier 2016 et de la mise en ‘uvre de la stratégie du ‘zéro défaut’, la contraignant à prendre à sa charge des non-conformités qui ont été multipliées par quatre ; qu’elle reçu des objectifs de réduction des non-conformités de 2.3 à 1.4 %, inatteignables sans moyens ou délais suffisants ; que cette surcharge anormale de travail s’est traduite par un dépassement notable du nombre de jours travaillés convenus dans la convention de forfait et par un nombre d’heures de travail parfois déraisonnable ; qu’elle a pourtant adressé plusieurs alertes (à l’occasion de chaque réunion hebdomadaire de travail à compter de 2016 et lors de l’entretien du 26 avril 2016) mais qui n’ont entraîné aucune réaction de la direction du service qualité ou des ressources humaines ; que Madame [O], responsable de la qualité pour la sous-traitance et Madame [D], responsable RH, se sont acharnées sur elle, le 12 décembre 2016, afin de la faire craquer et de lui demander avec insistance de réitérer par écrit sa demande de rupture conventionnelle ; que la cour d’appel de Bordeaux, à la suite du pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux, a considéré qu’elle avait été victime d’un accident du travail en raison des conditions dans lesquelles s’était déroulé l’entretien du 12 décembre 2016 ; que cette décision, qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi, a désormais l’autorité de la chose jugée ; que depuis décembre 2016, elle est sous traitement psychiatrique ; qu’au regard du type de gestion des ressources humaines adopté par la SA LABORATOIRES M&L, le médecin du travail a d’ailleurs enclenché une procédure d’alerte dès le 14 décembre 2016 ; que selon l’accord d’entreprise du 12 mars 2013, en début d’année, un calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail doit être convenu entre le manager et son subordonné, ce qui n’a pas été entrepris la concernant ; que l’avenant au contrat de travail du 31 mai 2013 dispose que, si elle estime que sa charge de travail est trop importante, elle a le devoir d’alerter sans délai sa hiérarchie afin qu’un entretien soit organisé dans les plus brefs délais afin que la situation soit analysée ; que malgré ses alertes écrites, la SA LABORATOIRES M&L n’a rien entrepris et a simplement sollicité la rupture conventionnelle du contrat de travail ; alors que dans le cadre d’une convention de forfait, l’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, les entretiens de performance ou de mobilité professionnelle n’ont jamais respecté les dispositions de l’accord d’entreprise du 12 mars 2013 et de l’article L.3121-65 du code du travail et aucun entretien ne porte sur le caractère raisonnable ou non de sa charge de travail et l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sur sa rémunération ; qu’il est donc patent que la SA LABORATOIRES M&L a violé son obligation de sécurité en ne préservant pas ses conditions de travail et sa santé psychologique ; que ceci a eu un impact fort sur son état de santé dont il en est résulté la survenance de l’accident du travail en décembre 2016 et la reconnaissance de son inaptitude, assortie d’une dispense d’obligation de reclassement.
En réponse aux arguments de la SA LABORATOIRES M&L, Madame [E] soutient notamment que, selon l’organigramme de la société, elle était membre de la direction qualité groupe et, en tant qu’ingénieur qualité meuble, elle devait mettre en place un référentiel qualité pour le contrôle des meubles ; que si elle a effectivement créé deux formulaires, l’un d’une page, l’autre de deux pages, ce n’est pas la quantité qui importe mais la complexité, dès lors qu’elle a, par exemple, créé une fiche d’enregistrement de contrôle statistique avec des calculs automatiques résultant de formules complexes qui lui a pris beaucoup de temps d’élaboration ; qu’il est difficile de soutenir qu’elle n’aurait pas eu un rôle de supervision hiérarchique (mais organisationnel) alors qu’elle a bénéficié d’une formation au management en octobre 2015, qu’elle a été convoquée à participer aux réunions des managers, qu’elle a été désignée comme devant prendre en direct la gestion du contrôle à réception de la sous-traitance des meubles, qu’elle a été désignée comme le manager de quatre salariés en particulier, qu’il lui a été demandé d’intervenir pour gérer les conséquences du non-respect par un salarié des modalités de décompte du temps de travail et qu’il lui a été demandé de valider les demandes de congés payés de son équipe ou encore de procéder à l’évaluation d’un intérimaire ; qu’il n’a jamais existé de problème lié à la délégation de tâches envers les salariés du service et les préconisations faites à ce titre ont été mises en ‘uvre.
Madame [E] produit les pièces suivantes :
– la proposition de modification du contrat de travail du 23 novembre 2015.
– un tableau récapitulatif mensuel des non-conformités 2015-2016 et un tableau de suivi de la charge de travail.
– le mail qu’elle a adressé à Madame [O] le 18 janvier 2016 dans lequel elle écrit : ‘mon cerveau commence à fatiguer avec les réclamations’, son entretien de suivi- mobilité fonctionnelle du 16 février 2016 dans lequel elle indique : ‘beaucoup de travail sur les réclamations’, son entretien d’évaluation de la performance et de fixation des objectifs 2016 dans lequel elle indique : ‘charge de travail au sein du pôle SSTR mal répartie (surcharge dans mon cas)’.
– son mail du 15 décembre 2016 qui indique : ‘j’ai vu le médecin du travail mardi qui m’a mise inapte temporairement, le temps d’aller voir un médecin. J’ai été en voir un hier et je suis arrêtée jusqu’au 20/12/2016. J’ai touché le fond…J’essaie de remonter la pente. Je vais voir à nouveau un psychiatre’ et la réponse de Monsieur [P] du 15 septembre : ‘Je viens d’avoir les RH, ils m’ont confirmé leur accord de principe pour ta rupture conventionnelle. Il suffit que tu fasses une demande par écrit (…)’.
– l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 16 décembre 2021.
– des ordonnances médicales prescrivant des traitements d’antidépresseurs.
– l’avis d’inaptitude temporaire rendu par le médecin du travail le 13 décembre 2016.
– le courrier que le médecin du travail a adressé à l’employeur le 14 décembre 2016 dans lequel il indique : ‘Je me permets ce mail devant le mal-être de plusieurs personnes du service qualité: j’ai prononcé deux inaptitudes temporaires ce jour pour danger immédiat (Mme [E] et Mme [Y]). Demain je vois [A] [V] [X]. Il y a eu quelques départs qu’il faut analyser. Je viens tirer une sonnette d’alarme. L’entreprise se doit de préserver la santé physique et morale de ses salariés. Une enquête doit être menée afin de déterminer les causes de cette situation difficile’.
– le courrier du 15 décembre 2016 que le médecin du travail a écrit au médecin traitant : ‘je vous adresse Madame [E] que j’ai vu hier en consultation (pour la première fois) et qui vient pour des troubles de concentration, troubles du sommeil, pleurs faciles dus à un épuisement professionnel (…)’.
– un arrêt de travail du 14 décembre 2016 pour ‘syndrome anxieux dépressif réactionnel’ et les prolongations successives.
– un échange de mails entre Madame [E] et l’infirmière du service travail santé le 12 décembre 2016.
– l’accord d’entreprise du 12 mars 2013 relatif à la durée et à l’organisation du temps de travail qui prévoit, concernant les salariés au forfait : ‘26.8 Maîtrise et suivi de la charge de travail. Afin que l’amplitude et la charge de travail demeurent raisonnables et dans le but d’assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail des salariés relevant d’une convention de forfait en jours, les parties au présent accord conviennent des dispositions suivantes. Afin que le salarié puisse répartir dans les meilleures conditions, et au plus tôt, sa charge de travail sur l’année et dans le but d’éviter les risques de dépassement du nombre de jours travaillés, ou la prise des jours de repos dans les toutes dernières semaines de l’année, il est convenu qu’il définisse en début d’année, le calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail et de la prise des jours de repos sur la période considérée, en prenant en compte les impératifs liés, d’une part à la réalisation de sa mission et, d’autre part, au bon fonctionnement du service auquel il est rattaché et plus généralement à celui de l’entreprise’.
– l’avenant au contrat de travail du 31 mai 2013 qui stipule : ‘Il est rappelé, conformément aux dispositions de l’accord d’entreprise précité, que si Madame [E] estime que sa charge de travail est trop importante, et notamment si cette dernière a conduit à ce que les durées maximales de travail et d’amplitude ou les durées minimales de repos mentionnées par cet accord n’ont pu être respectée, elle a le devoir d’en alerter sans délai sa hiérarchie. Un entretien sera organisé dans les plus brefs délais afin que la situation soit analysée’.
– les comptes rendus des entretiens de performance des 26 mai 2014, du 21 avril 2015, du 26 avril 2016, des entretiens de suivi de mobilité professionnelle des 16 février 2016 et 9 mai 2016.
– notamment le compte rendu de l’ entretien de performance du 21 avril 2015 qui indique : « [I] gère depuis l’été dernier des personnes qui étaient précédemment ses collègues. Elle a pris en main une équipe qui a subi beaucoup de changements l’année dernière, liés notamment à des arrêts maladies, des restrictions, un départ en mission. Elle a dû être très présente sur le terrain pour palier à des absences. Elle arrive à mettre en place des actions d’amélioration des processus existants depuis la création du Masterplan en fin d’année. Pour pouvoir aller au bout des choses, il va maintenant falloir qu’elle délègue des tâches à certaines personnes de l’équipe ».
– des convocations à la formation ‘les fondamentaux du management’ et aux réunions de managers.
En réplique, la SA LABORATOIRES M&L conclut que :
– Madame [E] ne rapporte pas la preuve du fait que ses arrêts maladie depuis décembre 2016 sont la conséquence des agissements de son employeur; que ce ne sont que les juridictions du contentieux de la sécurité sociale qui ont reconnu l’existence d’un accident du travail contre toute réalité des faits objectifs; qu’elle conteste la matérialité d’un accident du travail du 12 décembre 2016 en raison de l’absence de témoin, d’une incohérence sur l’heure précise de la survenance de l’accident et d’une imprécision du médecin qui n’a pas lui-même constaté un syndrome anxio-dépressif ; que le fait que la décision rendue entre la CPAM et Madame [E] soit devenue définitive n’entraîne en rien la reconnaissance par les juridictions prud’homales d’une faute quelconque de la SA LABORATOIRES M&L.
– elle conteste l’existence d’une charge de travail trop importante et le fait qu’elle n’en a pas tenu compte; que cette affirmation de la salariée n’est corroborée par aucun élément sérieux ni concret alors que celle-ci n’a jamais fait la moindre réclamation ou sollicitation sur ce sujet entre 2012 et 2016 ; que Madame [E] a effectivement créé deux formulaires, l’un d’une page, l’autre de deux pages, ce qui n’est pas exceptionnel pour un collaborateur de statut cadre, et ces documents une fois mis en place sont complétés par des opérateurs/sous-traitants/autres, et non par Madame [E] ; que Madame [E] ne gérait pas seule les produits finis conditionnés, le merchandising et le mobilier boutique, les non-conformités et les litiges, les stocks de produits non conformes puisque la responsable qualité sous-traitance de l’époque, Madame [U], intervenait régulièrement sur ces sujets ; qu’elle ne pilotait pas les évaluations annuelles des ‘SST’ et des fournisseurs ; qu’elle ne gérait pas seule l’équipe de quatre personnes, pour preuve les entretiens annuels étaient réalisés par la responsable du service et non par Madame [E] qui avait un management opérationnel mais non hiérarchique ; qu’une surcharge de travail est mentionnée à titre tout à fait incident dans l’entretien d’évaluation d’avril 2016 et doit être rapprochée des annotions des entretiens d’évaluation dans lesquels il est reproché à Madame [E] de ne pas savoir déléguer à ses collaborateurs ; qu’il est difficile de comprendre que Madame [E], qui dit être en mal- être permanent sur son lieu de travail, n’en ait pas parlé aux interlocuteurs dédiés, notamment aux représentants du CHSCT ; que la cour aura compris qu’il s’agit d’un cas d’une jeune salariée dont c’est le premier contrat de travail à durée indéterminée et qui, voulant trop faire, s’est toute seule noyée dans son poste en s’imposant des obligations qui ne lui ont jamais été demandées ; qu’en concluant que ce n’est pas la quantité de travail qui posait problème mais la complexité des tâches effectuées, Madame [E] finit par reconnaître qu’elle n’était pas capable d’exercer les tâches qui lui étaient confiées et qu’au lieu de s’en ouvrir à son employeur, elle a essayé de compenser ses carences par un surcroit d’activité qui a entrainé ses problèmes de santé ; que ce faisant, elle reconnaît aussi qu’elle a caché à son employeur ses carences professionnelles.
Les conclusions de la SA LABORATOIRES M&L, en violation avec les dispositions de l’article 954 du code de procédure civile, n’indiquent pas, pour chaque prétention, les pièces invoquées et leur numérotation. De même, la SA LABORATOIRES M&L évoque, in extenso, dans le corps même de ses conclusions, des pièces qui ne sont pas mentionnées dans son bordereau de pièces (mail du 16 décembre 2016, mail du 7 avril 2016).
Elle produit sa réponse du 15février 2017 à l’alerte du médecin du travail en ces termes : ‘Concernant Madame [I] [E]. Elle a évoqué son mal- être au travail au service RH en présence de sa manager Madame [J] [O] fin novembre 2016 lors d’un point RH.
Nous avons donc décidé d’un commun accord de refaire une réunion le vendredi 09 décembre 2016 afin de revenir plus en détail sur les éléments remontés et de trouver ensemble les actions les plus pertinentes à mettre en ‘uvre.
Un nouveau rendez-vous a eu lieu ce lundi 12 décembre où les parties présentes ont pu réaffirmer leur volonté de mettre en place les actions décidées.
Madame [E] a, dès la réunion du 09 décembre 2017, évoqué son souhait de bénéficier d’une rupture conventionnelle. Elle a d’ailleurs confirmé cette demande à plusieurs reprises. Depuis cette date, un premier entretien officiel s’est déroulé en janvier 2017 (…) Nous prenons note des propos et situations que vous nous remontez. Nous espérons vivement que l’ensemble de ces situations ne sont plus d’actualité grâce aux actions mises en place, mais nous allons garder une grande vigilance afin de nous en assurer’.
*
En droit, aux termes de l’article L4121-1 du code du travail, ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail;
2° des actions d’information et de formation;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.
Selon l’article L4121-2, ‘l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ‘.
Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.
Il ressort des éléments susvisés, alors que Madame [E] invoque une surcharge de travail à compter du mois de janvier 2016 – date qui coïncide avec son affectation au poste de chargée de qualité à [Localité 2] au sein du service STT – et qu’elle justifie s’en être plainte auprès de son employeur (mail du 18 janvier 2016 et entretiens professionnels de 2016), que la SA LABORATOIRES M&L ne produit aucun élément permettant de justifier son assertion selon laquelle Madame [E] n’était pas surchargée de travail et que, jeune salariée, elle se serait ‘noyée’ dans son poste. Alors que Madame [E] soutient que des objectifs qui lui ont été assignés n’étaient pas réalisables, la SA LABORATOIRES M&L ne produit aucune pièce démontrant le contraire.
De plus, informée des doléances de sa salariée, la SA LABORATOIRES M&L ne justifie pas des mesures qu’elle a diligentées pour procéder à une évaluation de la charge de travail de Madame [E] et notamment, elle n’a pas organisé d’entretien dans les plus brefs délais afin que la situation soit analysée.
D’autant plus que Madame [E] était soumise à une convention de forfait depuis 2012 et que, outre les obligations légales pesant sur l’employeur en termes de contrôle de la charge de travail du salarié et de sa compatibilité avec les temps de repos, la SA LABORATOIRES M&L n’a pas davantage respecté les dispositions de l’accord d’entreprise du 12 mars 2013 relatif à la durée et à l’organisation du temps de travail, à la maîtrise et au suivi de la charge de travail des salariés. Ainsi, il n’est pas justifié par la SA LABORATOIRES M&L de l’organisation d’entretiens annuels dédiés tels que prévus par la loi ni d’une définition avec Madame [E] d’un calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail et de la prise des jours de repos sur la période considérée, tel que prévu par l’accord d’entreprise.
Si le juge prud’homal n’est effectivement pas lié par les décisions rendues par les organismes de la sécurité sociale, la cour relève que la cour d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Périgueux qui avait dit que le fait accidentel du 12 décembre 2016 dont avait été victime Madame [E] était un accident du travail et qui, adoptant les motifs des premiers juges, a constaté que ‘Madame [E] avait eu, le 12 décembre en fin de journée, avec deux de ses responsables, dans un contexte de surcharge de travail, un entretien qu’elle a relaté de façon circonstanciée dans un long rapport en réponse au questionnaire de la caisse, qu’à l’issue de cette réunion elle a ressenti une angoisse l’envahir, le sol se dérober sous ses pieds, prenant conscience qu’elle était condamnée à absorber une charge de travail monumentale ; que, dès le lendemain, le médecin du travail a émis un avis d’inaptitude temporaire au visa du danger immédiat et, le 14 décembre, a alerté l’ employeur sur la nécessité d’assurer la protection de la santé des salariés du service de Madame [E] ; que le 14 décembre le médecin traitant de cette dernière a délivré un arrêt de travail pour motif professionnel en raison d’un syndrome dépressif réactionnel chez un sujet sans antécédent psychiatrique’. La SA LABORATOIRES M&L était partie intervenante à la procédure devant la cour d’appel de Bordeaux.
Ainsi, l’arrêt de travail du 14 décembre 2016 fait suite aux faits du 12 décembre 2016 qui ont été reconnus comme étant constitutifs d’un accident du travail par la cour d’appel de Bordeaux et est en lien avec l’alerte du médecin du travail adressée à l’employeur le 14 décembre 2016 concernant Madame [E] pour laquelle il venait de rendre un avis d’inaptitude temporaire pour danger immédiat.
La lettre de réponse de la SA LABORATOIRES M&L au médecin du travail ne justifie pas de la mise en oeuvre d’une mesure d’enquête comme cela avait été préconisé par le médecin du travail ni de la mise en place de mesures effectives visant à protéger la santé de Madame [E].
Il ressort des pièces médicales que Madame [E] souffre d’un épuisement professionnel et d’un syndrome anxieux dépressif réactionnel. Elle a également été victime d’un accident du travail. La dégradation de l’état de santé de la salariée a été la cause directe de l’inaptitude définitive à son poste de travail prononcée le 3 février 2020.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la SA LABORATOIRES M&L ne justifie pas avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail afin de protéger la sécurité et la santé de Madame [E]. Le manquement de la SA LAboratoires M§L à son obligation de sécurité est donc établi.
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail
Invoquant le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, Madame [E] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail aux tort exclusifs de celui-ci. Elle conclut également que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a considéré qu’il aurait fallu qu’elle fasse précéder sa demande de résiliation judiciaire d’une mise en demeure adressée à l’employeur, cette argumentation ne reposant sur aucun fondement juridique, d’autant que les signaux d’alerte ont existé en l’espèce.
La SA LABORATOIRES M&L conclut qu’il résulte d’une jurisprudence constante et certaine que les faits reprochés à l’employeur et sur lesquels se fonde la salariée pour prendre acte de la rupture du contrat de travail doivent avoir un degré de gravité suffisant pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail; que la Cour de cassation exige que la résiliation judiciaire du contrat de travail, comme la prise d’acte de rupture, soit précédée d’une mise en demeure faite à l’employeur de faire ou d’agir dans un sens précis ou de rectifier une situation avérée ; que l’employeur peut régulariser à tout moment, jusqu’à l’audience de plaidoirie, les faits qui ont été reprochés par le salarié et cette possibilité de régularisation suppose, au préalable, qu’il ait été informé des griefs formulés par le salarié. La SA LABORATOIRES M&L soutient encore que les faits ne peuvent être anciens de plusieurs mois et le conseil de prud’hommes ne doit apprécier que les faits qui sont existants à la date de la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et s’ils sont de nature à justifier cette résiliation, s’ils sont toujours persistants au jour de l’audience. Ainsi, les faits justifiant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doivent être appréciés exclusivement à la date de la demande de résiliation judiciaire, soit en l’espèce le 14 septembre 2017. Or, la cour observera que, lorsque Madame [E] saisit le conseil de prud’hommes, elle est en arrêt maladie depuis le 15 décembre 2016 sans aucune interruption, ce qui entraîne comme conséquence que les griefs qui, selon elle, fondent sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont antérieurs de près de deux ans.
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Il est de principe qu’en cas d’action en résiliation judiciaire suivie, avant qu’il ait été définitivement statué, d’un licenciement, il appartient au juge d’abord de rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée et seulement ensuite le cas échéant de se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.
Le salarié est admis à demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d’inexécution par l’employeur des obligations découlant du contrat. Les manquements de l’employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être établis par le salarié et d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail. C’est à la date à laquelle ils se prononcent qu’il appartient aux juges de se placer pour apprécier les manquements imputés à l’employeur et ainsi l’entière régularisation du manquement permet de considérer que celui-ci n’est pas suffisamment grave pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat.
Les modes de rupture du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont régis par des règles particulières, et emportent des conséquences spécifiques, de sorte que les dispositions de l’article 1226 du code civil ne leur sont pas applicables et aucune dispositions spécifique du code du travail n’impose l’exigence d’une mise en demeure préalable à une action en résiliation judiciaire du contrat de travail.
Par ailleurs, l’arrêt de travail du 14 décembre 2016 fait suite aux faits du 12 décembre 2016 qui ont été reconnus comme étant constitutifs d’un accident du travail par la cour d’appel de Bordeaux et est en lien avec l’alerte du médecin du travail adressée à l’employeur le 14 décembre 2016 concernant Madame [E] pour laquelle il venait de rendre un avis d’inaptitude temporaire pour danger immédiat. L’inaptitude de Madame [E] est la cause du licenciement qui interviendra le 6 mars 2020. Ainsi, au jour de l’introduction de la requête, soit le 14 septembre 2017, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité persistait, a empêché la poursuite du contrat de travail et a même été la cause de la rupture du contrat de travail.
Compte tenu de la gravité du manquement de l’employeur, il convient de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail qui produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 6 mars 2020, date du licenciement de Madame [E].
Il convient d’accorder à Madame [E] – selon la moyenne des 12 derniers mois justifiée par Madame [E] de 3.376,30 € – la somme de 10.128,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, la somme de 1.012,89 € au titre des congés payés afférents et de 12.374,14 € au titre de l’indemnité spéciale de licenciement (le licenciement étant en lien avec l’accident du travail reconnu par arrêt de la cour d’appel de bordeaux du 16 décembre 2021).
En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version résultant de l’ordonnance du 22 septembre 2017, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (33 ans), de son ancienneté (7 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération (3.376,30 €), des circonstances de la rupture mais également en l’absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il convient d’accorder à Madame [E] la somme de 20.500 € au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés
Madame [E] sollicite le paiement des congés payés acquis, notamment durant les quatre premiers mois de son arrêt de travail, en application des dispositions de la convention collective des industries chimiques. La SA LABORATOIRES M&L conclut que la maladie de Madame [E] n’est pas professionnelle et ne génère donc pas de congés payés.
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Selon l’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, l’ accident du travail de Madame [E] a été reconnu et il a été jugé que celle-ci devait bénéficier de la législation protectrice en la matière.
En application des dispositions de l’article 7 de la convention collective des industries chimiques, revendiquées par Madame [E], après un an de présence continue dans l’entreprise, en cas de maladie ou d’accident, les appointements mensuels sont payés à plein tarif pendant les quatre premiers mois.
Ainsi, selon les bulletins de salaire et le tableau récapitulatif produit par Madame [E] arrêtant la période au mois d’avril 2017, la demande de rappel de congés payés est justifiée à hauteur de 9.633,54 €.
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité
Alors que Madame [E] sollicite la somme de 20.257,80 € à ce titre, la SA LABORATOIRES M&L X conclut que la salarié ne justifie pas du fondement de la demande ni d’un préjudice.
La violation par l’employeur à son obligation de sécurité a été caractérisée ainsi que les préjudices directement subis par Madame [E], notamment l’existence d’un syndrome anxieux dépressif réactionnel et la mise en place d’un traitement médicamenteux spécifique. Dans ces conditions, il convient d’accorder à Madame [E] la somme de 4.000 € à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de nullité de la convention de forfait et sur la demande en paiement d’heures supplémentaires
Madame [E] fait valoir, sur la période antérieure à l’accord d’entreprise du 12 mars 2013, qu’elle a été embauchée le 5 novembre 2012 dans le cadre d’une convention de forfait en jours travaillés à l’année qui ne repose sur aucun fondement juridique dans la mesure où les dispositions de la convention collective ont été censurées par la Cour de cassation pour ne pas avoir garanti la protection de la santé et de la sécurité des salariés et qu’aucun accord d’entreprise n’est communiqué par la SA LABORATOIRES M&L. L’accord d’entreprise du 12 mars 2013 est entré en application à compter du 1er juin 2013, sous réserve que la SA LABORATOIRES M&L justifie des formalités de dépôt, ce qui n’est pas le cas. Par ailleurs, l’élaboration en commun d’un calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail n’a jamais été mise en ‘uvre, le suivi tout au long de l’année de sa charge de travail en adéquation avec le forfait et sa vie privée n’a jamais été organisé, le relevé mensuel des journées travaillées et non travaillées qui devait être validé chaque mois avec le responsable hiérarchique n’a jamais été mis en ‘uvre ni la procédure d’alerte susceptible de prévenir tout risque de charge de travail, et les entretiens qui ont été organisés n’ont jamais correspondu aux prescriptions de l’article L.3121-65 du code du travail. Elle invoque donc la privation des effets des conventions de forfait en jours travaillés conclus les 31 mai 2013 et 10 avril 2014 et le paiement des heures supplémentaires qu’elle a réalisées.
La SA LABORATOIRES M&L fait valoir que l’argumentation de Madame [E], selon laquelle l’accord d’entreprise signé par la société avec les quatre centrales syndicales représentatives dans l’entreprise ne serait pas de nature à permettre la protection des salariés et serait en conséquence nul de plein droit, est purement théorique et ne repose sur aucun élément tangible, alors que cet accord a été validé par les organisations syndicales puis par la DIRECCTE sans que cette dernière n’y voit le moindre reproche. La cour ne pourra que constater la parfaite licéité de cet accord et, par voie de conséquence, de la convention de forfait signée entre les parties. L’ensemble des dispositions de cet accord ont été appliquées et Madame [E] a notamment bénéficié des jours de ‘RTT’ qui y sont prévus.
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Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, tant journaliers qu’hebdomadaires, telles que définies par le code du travail et selon les Directives communautaires de 1993 et 2003, dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs.
Ainsi, pour la période antérieure au 1er juin 2013, ne respectent pas ces principes les stipulations non étendues de l’article 12 de l’accord-cadre du 8 février 1999 sur l’organisation et la durée du travail dans l’industrie chimique qui, dans le cas de forfait en jours, ne déterminent pas les modalités et les caractéristiques principales des conventions susceptibles d’être conclues mais renvoient à la convention écrite conclue avec le salarié concerné le soin de fixer les modalités de mise en oeuvre et de contrôle du nombre de jours travaillés ainsi que la nécessité d’un entretien annuel du cadre avec sa hiérarchie. La convention de forfait conclue entre les parties, le 5 novembre 2012, est donc nulle.
Pour la période postérieure au 1er juin 2013, Madame [E] ne conclut pas à la nullité de l’accord mais à son inopposabilité du fait du non-respect de ses dispositions fixant les modalités de mise en oeuvre du contrôle du nombre de jours travaillés.
Ainsi, il n’est pas justifié de l’élaboration en commun d’un calendrier prévisionnel de l’aménagement du temps de travail, de la mise en oeuvre de relevés mensuels des journées travaillées et non travaillées qui devaient être validés chaque mois avec le responsable hiérarchique ni de l’organisation d’entretiens annuels afin d’évoquer la charge et l’organisation de travail et l’articulation entre l’activité professionnelle, la vie personnelle et la rémunération. Ainsi les conventions de forfait conclues les 31 mai 2013 et 10 avril 2014 sont inopposables à Madame [E] qui est en droit de revendiquer l’application du droit commun régissant le temps de travail. En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties. Dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Madame [E] conclut que sa durée de travail peut être déterminée grâce à la pointeuse utilisée au sein la SA Laboratoires M&L dont les les données correspondantes sont enregistrées dans le logiciel OCTIME. Elle a fait sommation à la SA LABORATOIRES M&L de lui communiquer les relevés journaliers et hebdomadaires de la pointeuse à compter du mois de septembre 2014, en raison de la prescription. La SA LABORATOIRES M&L n’a pas satisfait à cette sommation.
Madame [E] indique qu’elle entamait généralement sa journée de travail à 9 heures du matin (réunion d’équipe) et finissait généralement vers 18heures, soit 9 heures d’amplitude dont il convient de retirer une heure de pause déjeuner. La journée type correspondait par conséquent à 8 heures de travail effectif.
Madame [E] produit un décompte des heures qu’elle prétend avoir effectuées, pour chaque jour travaillé, en prenant en compte les informations supplémentaires issues des horaires de passage aux péages qui permettent de déterminer l’heure d’embauche et de débauche (pièce 50 et 51), les mails qu’elle a envoyés avant 9 heures et après 18 heures ainsi qu’un calcul concernant le temps de traitement moyen nécessaire à leur élaboration et envoi (pièces 52, 53, 70 à 71) et le temps de travail effectif réalisé au cours des déplacements sur la base des informations figurant dans la brochure de présentation de l’accord du 12 mars 2013 (pièce 40).
Madame [E] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La SA LABORATOIRES M&L conclut que Madame [E] ne verse aux débats aucun élément de nature à prouver que les heures qu’elle a prétendument effectuées lui auraient été commandées par l’employeur ou que celui-ci aurait exigé d’elle qu’elle soit présente à son poste de travail au-delà des heures effectives de travail ; que Madame [E] n’a fait état d’heures supplémentaires que lors de la saisine du conseil de prud’hommes ; que Madame [E] ne verse aux débats aucun élément de nature à prouver préalablement l’existence des heures effectuées ; que les cadres sont assujettis au forfait annuel et non au logiciel OCTIME de gestion du temps de travail ; qu’il résulte néanmoins de ce dernier que Madame [E] arrivait en moyenne vers 8h30/9 heures et repartait vers 17h30/18h30, ce qui constitue des horaires classiques de travail pour un cadre ; que si Madame [E] produit un listing de mails envoyés par ses soins en dehors des heures de travail, elle ne produit pas les mails et ne justifie pas qu’ils répondaient à des mails envoyés dans la même période de temps et appelaient une réponse immédiate.
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La SA LABORATOIRES M&L ne produit aucun élément, et notamment pas les relevés du logiciel OCTIME. Le décompte de Madame [E] mentionne les amplitudes de travail journalières, excluant les journées non travaillées (fin de semaine, congés payés etc..) et les temps de pause méridienne. Elle affine, pour certains jours, ses heures d’arrivée et de départ, par la justification des heures de passages au péage situé à proximité du lieu de travail. Elle justifie des mails envoyés avant 8 heures et après 18 heures 30 et présente une demande à ce titre, non pas au titre d’une amplitude journalière de travail, mais du temps moyen qu’elle a passé pour travailler à l’élaboration de ces mails.
Compte tenu de la charge de travail imposée à la salariée, les heures supplémentaires ont été accomplies avec l’accord implicite de l’employeur qui, par ailleurs, avait bien été alerté par Madame [E], dès 2016, de sa surcharge de travail.
En conséquence, les heures supplémentaires de 2014 à 2016 sont justifiées pour la somme de 14.806,70€, outre la somme de 1.480,67 € au titre des congés payés y afférents.
Il convient également d’accorder à Madame [E] la somme de 5.649,67 € à titre d’indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires, conformément au décompte qu’elle produit, conforme à ses droits issus de la convention collective et de l’accord du 12 mars 2013.
Sur la demande d’indemnisation des temps de déplacement
Madame [E] expose que, sur la base de l’article 11.2 de l’accord d’entreprise du 12 mars 2013, elle demande l’indemnisation des temps de déplacement réalisés en dehors de l’horaire habituel de travail.
La SA LABORATOIRES M&L conclut que Madame [E] ne peut arguer d’un temps moyen de déplacement en région PACA de 28 minutes, donnée qui n’a aucune valeur scientifique ou réglementaire; que les sites d’itinéraires donnent une durée de trajet concernant Madame [E] de 31 minutes, entre son domicile et son lieu de travail ; que ces 3 minutes de plus ne devraient pas entraîner la prise en charge par l’employeur des temps de trajet de Madame [E], d’autant que personne ne l’a obligée à venir travailler au sein de la société LABORATOIRE M & L et que Madame [E] n’avait aucune difficulté à changer radicalement de lieu de résidence, de sorte qu’elle pouvait se rapprocher de son lieu de travail.
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Madame [E] fonde sa demande sur les dispositions de l’article 11.2 de l’accord du 12 mars 2013 qui indiquent : ‘11.2 Règles applicables aux salariés dont le temps de travail est décompté en heures.
Pour tous les déplacements et missions, le salarié doit transmettre au Service RH, après validation par son responsable hiérarchique, un relevé détaillé de ses horaires de travail ainsi que des temps de trajet effectués.
Le décompte se fera sur la base des horaires réellement effectués, avec application des règles définies ci-après:
Le temps de travail réalisé par le salarié durant sa mission est comptabilisé comme tel.
Les temps de déplacements pour se rendre sur le lieu de la mission excédant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail et effectués en dehors de l’horaire habituel de travail, font l’objet d’une récupération :
Si le déplacement (aller ou retour), hors horaire habituel de travail, démarre et s’achève un jour de semaine (du Lundi au Vendredi), le salarié bénéficie d’une compensation par attribution d’un temps de récupération égal à 50 % du temps de déplacement;
Si le déplacement (aller ou retour), hors horaire habituel de travail, démarre un Vendredi et que l’arrivée se fait avant le Samedi à 10 h, le salarié bénéficie d’une compensation par attribution d’un temps de récupération égal à 50 % du temps de déplacement;
Si le déplacement (aller ou retour), hors horaire habituel de travail, démarre un Vendredi et que l’arrivée se fait après le Samedi à 10 h, le salarié bénéficie d’une compensation par attribution d’un temps de récupération égal à 100 % du temps de déplacement;
Si le déplacement (aller ou retour), hors horaire habituel de travail, démarre le week-end (Samedi ou Dimanche), le salarié bénéficie d’une compensation par attribution d’un temps de récupération égal à 100 % du temps de déplacement’.
Il résulte du tableau produit par Madame [E] que celle-ci demande une indemnisation, au titre de la compensation en pourcentage concernant 33 journées de travail ayant donné lieu à des déplacements en dehors des horaires habituels de travail. La comparaison avec le décompte élaboré au titre des heures supplémentaires permet de vérifier que ce temps excédentaire n’a pas été sollicité dans le cadre de la demande au titre des heures supplémentaires. Les informations contenues dans ce tableau ne sont pas contestées par la SA LABORATOIRES M&L.
Il convient donc d’accorder à Madame [E] une indemnité de 1.736,34 €. S’agissant d’une indemnité de nature compensatoire, la demande au titre des congés payés sera rejetée.
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification conventionnelle de l’emploi
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure, de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
Madame [E], qui a été engagée en qualité de cadre, coefficient 350 – qui correspond au cadre débutant selon les dispositions de la convention collective des industries chimiques et qui a été promue au coefficient 400 au mois de juin 2016-, soutient qu’elle aurait dû bénéficier du coefficient 400 dès son embauche. Elle indique être ingénieur de l’école de biologie industrielle de [Localité 1]-[Localité 3] et n’avoir pas été débutante au moment de son embauche puisqu’elle a exercé dans le domaine du contrôle de la qualité depuis 2009 puis en qualité d’ingénieur qualité depuis mars 2010, et s’est vu confier en toute autonomie la gestion du secteur de qualité et l’encadrement d’une équipe de quatre personne, de juillet 2014 à décembre 2015.
A défaut, elle demande d’appliquer les dispositions de la convention collective qui prévoient qu’un cadre débutant, engagé au coefficient 350, accède au coefficient 400 après trois ans d’ancienneté, soit à compter du 5 novembre 2015.
Selon les dispositions de la convention collective nationale des industries chimiques, les cadres relevant du coefficient 350 sont des ‘ingénieurs et cadres débutants engagés pour remplir des fonctions relevant du présent groupe, ayant acquis par leur première formation les connaissances indiquées dans la définition générale ci-dessus, mais ne possédant pas l’expérience professionnelle et n’assumant pas encore des responsabilités leur permettant d’être classés dans l’un des niveaux ci-après’.
Par ailleurs, il est prévu qu’après 3 ans au maximum au coefficient 350 et au plus tard à 29 ans, les salariés passent au coefficient 400.
Ceux relevant du coefficient 400 sont des ‘ingénieurs et cadres agissant à partir de directives dans le secteur d’activité qui leur est imparti. Ils animent et coordonnent l’activité des agents de maîtrise et techniciens placés sous leur autorité. Ils assistent les ingénieurs et cadres d’un niveau supérieur auxquels incombe la responsabilité d’ensemble du secteur. Ils participent à la définition des objectifs de leur secteur’.
Si Madame [E] ne justifie pas, par la production des contrats de travail correspondant, d’une expérience antérieure à son embauche du 5 novembre 2012, il ressort de l’entretien de la performance 2015 que l’évaluateur a indiqué que ‘[I] gère depuis l’été dernier des personnes qui étaient précédemment ses collègues. De plus, elle a pris en main une équipe qui a subi beaucoup de changement l’année dernière (…) [I] est très présente auprès de son équipe’, ce qui permet d’établir que Madame [E] a bien animé et coordonné l’activité d’une équipe de salariés à compter de juillet 2014. De plus, il est établi qu’à compter du 1er janvier 2016, les attributions et responsabilités de Madame [E] ont été élargies, ce qui démontre la progression constante de ses compétences dans son statut.
Dans ces conditions, il convient de considérer que Madame [E] est fondée à réclamer le coefficient 400 à compter du 1er juillet 2014. Sollicitant un rappel de salaire à compter de septembre 2014 (du fait de la prescription invoquée), il convient d’accorder à Madame [E] la somme de 7.023,51 € à titre de rappel de salaire et celle de 702,35 € au titre des congés payés, selon le décompte produit, dont les calculs ne sont pas contestés par la SA LABORATOIRES M&L, et qui correspond aux droits de la salariée.
Sur la demande au titre de la prime d’objectifs
Madame [E] fait valoir que le principe d’une rémunération variable sur objectifs avait été acté dans les contrats de travail sous réserve que les parties en conviennent. Elle invoque le principe de l’exécution de bonne foi du contrat de travail, sa progression de compétences, ses performances reconnues par sa hiérarchie comme conformes aux attentes, ses promotions dès le 1er juillet 2014, les nombreux messages de félicitation pour son travail, pour soutenir qu’il n’est pas concevable qu’elle n’ait jamais eu droit au versement de la moindre prime sur objectifs, ceci alors qu’il apparaît que plusieurs cadres du service qualité ont bénéficié du versement de telles primes. Madame [E] invoque une violation du principe d’égalité de rémunération et elle a fait sommation à la SA LABORATOIRES M&L de communiquer les bulletins de paie des collaborateurs pour la période du mois de janvier 2014 au mois de juin 2017 (ceux de Mesdames [R], [W], [H], [K], [G], [B] et de Messieurs [T] et [M]).
Invoquant l’usage en vigueur, selon lequel la prime d’objectifs est de 1/12ème de la rémunération minimale conventionnelle correspondant au coefficient du collaborateur, sur la base du coefficient 400, Madame [E] demande la somme de 9.607,74 €.
La SA LABORATOIRES M&L conclut que le contrat de travail stipule que Madame [E] peut bénéficier d’une prime d’objectifs et non d’un droit à cette prime. Par contre Madame [E] a bénéficié de plusieurs augmentation de salaire en 2014, 2015 et 2016.
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Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
En l’espèce, il a été convenu entre les parties, dans le contrat de travail, que Madame [E] ‘pourra percevoir une partie variable définie selon l’atteinte des objectifs fixés annuellement entre elle et sa hiérarchie ‘.
Il ressort des ‘entretiens de la performance’ produits au débat pour les années 2014 – 2015 et 2016 que des objectifs ont bien été définis chaque année entre l’employeur et la salariée et qu’ils ont été évalués lors desdits entretiens.
Ainsi, il ressort de l’entretien 2014 concernant la période 2013-2014 que les objectifs qui avaient été définis ont reçu une note de niveau 3 (performance conforme aux attentes) ou de niveau 4 (performance dépasse les attentes).
Par contre, il ressort de l’entretien 2015 que les objectifs n’avaient pas été atteints (note de niveau 2), ce qu’a confirmé l’évaluateur : ‘performance en dessous des attentes’.
Concernant l’entretien 2016 relatif à la période 2015-2016, les objectifs ont été de nouveau atteints (note de niveaux 3, 4 et 5).
Ainsi, les stipulations contractuelles devaient être appliquées par l’employeur et devaient donner lieu au paiement de la partie variable convenue pour les années 2014 et 2016, soit, sur la base d’un douzième de la rémunération minimale conventionnelle du coefficient 400 (modalités d’évaluation retenues par la salariée et non contestées par l’employeur), il convient d’accorder à Madame [E] la somme de 6.407,40 €, outre la somme de 640,74 € à titre de congés payés.
Sur les intérêts
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 2 octobre 2017, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts qui est de droit lorsqu’elle est demandée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de condamner la SA LABORATOIRES M&L à payer à Madame [E] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en première instance et en cause d’appel.
Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge la SA LABORATOIRES M&L, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement déféré sauf en sa disposition rejetant la demande de congés payés sur l’indemnité au titre du temps de déplacement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au torts exclusifs de l’employeur,
Dit que la résiliation judiciaire produira les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 6 mars 2020,
Condamne la SA LABORATOIRES M&L à payer à Madame [I] [E] les sommes suivantes :
– 12.374,14 € au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,
– 10.128,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 1.012,89 € au titre des congés payés afférents,
– 9.633,54 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,
– 20.500 au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 14.806,70 € au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,
– 1.480,67 € au titre des congés payés afférents,
– 5.649,67 € au titre de l’indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires,
– 564,96 € au titre des congés payés afférents,
– 7.023,51 € au titre du rappel de salaire pour classification au coefficient 400,
– 702,35 € au titre des congés payés afférents,
– 1.736,34 € au titre de l’indemnité pour temps de déplacement,
– 6.407,40 € au titre de la prime d’objectifs 2014 et 2016,
– 640,74 € au titre des congés payés afférents,
– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2017 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par la loi,
Condamne la SA LABORATOIRES M&L aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Romain CHERFILS, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, avocats associés, aux offres de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction