Épuisement professionnel : 29 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/01932

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Épuisement professionnel : 29 juin 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/01932

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

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ARRÊT DU : 29 JUIN 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/01932 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-K6UG

SARL La Baraque Sucrée

SCP Jean-Denis Silvestri & Bernard Baujet, ès qualités de commissaire à l’éxécution du plan de continuation de la SARL La Baraque Sucrée

c/

Madame [R] [F]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/008637 du 02/05/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de BORDEAUX)

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 mars 2019 (R.G. n°F 16/00877) par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d’appel du 06 avril 2019,

APPELANTES :

SARL La Baraque Sucrée, société placée en plan de continuation, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 445 393 515

SCP Jean-Denis Silvestri & Bernard Baujet, ès qualités de commissaire à l’éxécution du plan de continuation de la SARL La Baraque Sucrée, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité [Adresse 1]

représentées par Me Joaquim BRUNETEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Madame [R] [F]

née le 23 Mai 1977 à [Localité 5] (MAROC) de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Doriane DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX

UNEDIC Délégation AGS – CGEA de [Localité 3], prise en la personne de sa directrice nationale domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 6]

représentée par Me Juliette CAILLON substituant Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 mars 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard chargée d’instruire l’affaire et Monsieur Rémi Figerou, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [R] [F], née en 1977, a été engagée par la SARL La Baraque Sucrée, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2012 en qualité de chef vendeuse.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la pâtisserie.

Par un avenant du 29 août 2013, la durée hebdomadaire de travail de Mme [F] a été réduite à 35 heures (au lieu de 39).

Le 11 septembre 2013, SARL La Baraque Sucrée était placée en redressement judiciaire.

Par un avenant du 1er novembre 2013, la durée hebdomadaire de travail de Mme [F] a été fixée à 40 heures.

La rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [F] est discutée.

Par jugement du 22 octobre 2014, le tribunal de commerce de Bordeaux a arrêté le plan de redressement de la SARL La Baraque Sucrée et désigné la SCP Silvestri-Baujet en qualité de commissaire à l’exécution du plan.

A compter du 6 février 2015, Mme [F] a été placée en arrêt maladie.

Lors de la première visite de reprise le 9 avril 2015, le médecin du travail a indiqué : «A revoir dans quinze jours. Inaptitude prévisible au poste de travail. Etude de poste à réaliser. Serait apte à un poste similaire dans un environnement différent ».

Lors de la visite suivante, le 23 avril 2015, Mme [F] a été déclarée inapte définitivement à son poste de travail, le médecin du travail précisant à nouveau « serait apte à un travail similaire dans un environnement différent ».

Le 9 mai suivant, la société a pris acte de l’avis du médecin du travail et a notifié par lettre recommandée à la salariée son impossibilité de la reclasser.

Par lettre datée du 11 mai 2015, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 20 mai 2015, reporté ensuite au 26 mai.

Mme [F] a ensuite été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 29 mai 2015.

A la date du licenciement, Mme [F] avait une ancienneté de 2 ans et 5 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Contestant la régularité de son licenciement et réclamant un rappel de salaire ainsi que diverses indemnités, Mme [F] a saisi le 13 avril 2016 le conseil de prud’hommes de Bordeaux.

Le conseil de prud’hommes, par jugement du 18 mars 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

– dit que Mme [F] relève du coefficient 200 de la convention collective nationale de la pâtisserie,

-fixé la créance de Mme [F] au titre du rappel de salaires dû avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du 11 septembre 2013 à la somme de 2.649,96 euros, outre 264,99 euros au titre des congés payés afférents,

– dit que cette somme sera inscrite au passif de la procédure collective de la société La Baraque Sucrée,

– condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] les sommes de :

*3.248,36 euros à titre de rappel de salaires dus après le jugement d’ouverture de la procédure collective du 11 septembre 2013, outre 324,83 euros au titre des congés payés afférents,

*1.908,38 euros au titre du la garantie de rémunération conventionnelle pendant l’arrêt maladie,

*105,28 euros au titre du complément de l’indemnité de licenciement,

– débouté Mme [F] au titre de sa demande de paiement d’heures supplémentaires,

– débouté Mme [F] de sa demande au titre du complément d’indemnités kilométriques,

– débouté Mme [F] de sa demande au titre du rappel de congés payés,

– dit que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] les sommes de :

*8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*4.053,70 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 405,37 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

– constaté l’exécution provisoire des sommes dues à Mme [F] au titre des rappels de salaires, des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision pour le surplus,

– dit le présent jugement opposable la SCP Silvestri Baujet es-qualité de commissaire l’exécution du plan de continuation de la société et à l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 3],

– rappelé que l’Unédic Délégation AGS CGEA de [Localité 3] n’est tenue que de garantir les sommes inscrites au passif de la procédure collective de la société La Baraque Sucrée,

– rappelé qu’à défaut de paiement par l’employeur et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder aux paiements des sommes prononcées, l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 3] devra garantir le paiement de ces sommes fixées au passif de la procédure collective dans la limite de ses obligations légales et réglementaires,

– condamné la société La Baraque Sucrée aux dépens.

Par déclaration du 6 avril 2019, la société a relevé appel de cette décision, notifiée le 19 mars 2019.

Par une ordonnance de référé du 23 mai 2019, la société la Baraque Sucrée et la SCP Silvestri-Baujet, ès qualités de commissaire à l’exécution du plan ont été déboutées de leur demande de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement et condamnées au paiement d’une somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 novembre 2019, la société La Baraque Sucrée et la SCP Silvestri-Baujet demandent à la cour de :

-réformer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a :

*dit que Mme [F] relève du coefficient 200 de la convention de la pâtisserie,

*fixé la créance de Mme [F] au titre du rappel des salaires dû avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du 11/09/2013 à la somme de 2.649,96 euros, outre 264,99 euros au titre des congés payés afférents,

*dit que cette somme sera inscrite au passif de la procédure collective de la société La Baraque Sucrée,

*condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] la somme de 3.248,36 euros à titre de rappel de salaires dus après le jugement d’ouverture, outre 324,83 euros au titre de congés payés,

*condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] la somme de 1.908,38 euros au titre de la garantie de rémunération conventionnelle pendant l’arrêt maladie,

*condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] la somme de 105,28 euros au titre de complément de l’indemnité de licenciement,

*dit que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*condamné la société La Baraque Sucrée à verser à Mme [F] la somme de 4.053,70 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 405,37 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférente,

*constaté l’exécution provisoire des sommes dues à Mme [F] au titre de rappels de salaires, des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement,

*ordonné l’exécution provisoire de la décision pour le surplus,

*dit le jugement opposable à la SCP Silvestri-Baujet,

*condamné la société La Baraque Sucrée aux dépens.

– dire que les demandes de Mme [F] portant sur la rupture de son contrat de travail ne sont pas fondées,

– dire les demandes de Mme [F] portant sur l’exécution de son contrat de travail ne sont pas fondées,

– débouter Mme [F] de toutes ses demandes,

– condamner Mme [F] au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société La Baraque Sucrée,

-condamner Mme [F] au paiement d’une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de la SCP Silvestri-Baujet,

– la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 janvier 2022, Mme [F] demande à la cour de’:

-dire mal fondé l’appel interjeté par la société La Baraque Sucrée et la SCP Silvestri-Baujet,

– dire recevable et fondé l’appel incident de Mme [F]

En conséquence :

– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que Mme [F] relève du coefficient 200 de la convention collective nationale de la pâtisserie,

– confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a fixé la créance de Mme [F] au titre du rappel de salaire dû avant le jugement d’ouverture de la procédure collective à la somme de 2.649,96 euros outre 264,99 euros au titre des congés payés afférents,

-confirmer le jugement du 18 mars 2019 en ce qu’il a condamné la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] les sommes de :

*3.248,36 euros à titre de rappel de salaire dû après le jugement d’ouverture de la procédure collective outre 324,83 euros au titre des congés payés afférents,

*105,28 euros au titre du complément de l’indemnité de licenciement,

*1.908,38 euros au titre de la garantie conventionnelle de rémunération durant l’arrêt maladie,

-confirmer le jugement rendu en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

-confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] la somme de 4.053,70 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 405,37 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Sur l’appel incident, réformer le jugement du 18 mars 2019 et statuant à nouveau :

-condamner la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l’article L.1235-5 du Code du travail dans sa version applicable à la date du licenciement,

-condamner la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] les sommes de :

*1.898,57 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires consécutives aux livraisons, outre 189,85 euros au titre des congés payés au prorata,

*1.497,73 euros à titre de rappel pour heures supplémentaires d’avril à novembre 2014 outre 149,77 euros à titre d’indemnité de congés payés au prorata,

*328,06 euros à titre d’indemnités kilométriques,

*285,21 euros à titre de rappel sur indemnité de congés payés 2013,

*923,51 euros à titre de rappel sur indemnité de congés payés 2014,

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 et rectifier en tant que de besoin l’omission de statuer du jugement de première instance sur cette condamnation,

– condamner la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité complémentaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter la société La Baraque Sucrée et la SCP Silvestri-Baujet de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de Mme [F],

– condamner la société La Baraque Sucrée et la SCP Silvestri-Baujet aux entiers dépens de l’instance,

– dire que la décision à intervenir sera opposable à l’Association pour la gestion du régime de Garantie des créances des Salariés (AGS).

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 septembre 2019, l’AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

– dire que la garantie de l’Unédic Délégation AGS CGEA de [Localité 3] est subsidiaire, et que c’est à juste titre qu’elle se prévaut notamment des dispositions de l’article L3253-8 1° et 2° de l’article L 3253-8 du code du travail,

– dire bien fondé l’appel interjeté par la société La Baraque Sucrée et la SCP Silvestri-Baujet à l’encontre du jugement rendu,

– dire mal fondé l’appel incident de Mme [F],

– réformer le jugement rendu en ce qu’il a dit que Mme [F] relève du coefficient 200 de la convention collective nationale de la pâtisserie,

– réformer le jugement rendu en ce qu’il a fixé la créance de Mme [F] au titre du rappel de salaire dû avant le jugement d’ouverture de la procédure collective à la somme de 2.649,96 euros outre 264,99 euros au titre des congés payés afférents,

– réformer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] les sommes de :

*3.248,36 euros à titre de rappel de salaire dû après le jugement d’ouverture de la procédure collective outre 324,83 euros au titre des congés payés afférents,

*105,28 euros au titre du complément de l’indemnité de licenciement,

*1.908,38 euros au titre de la garantie conventionnelle de rémunération durant l’arrêt maladie,

*réformer le jugement du 18 mars 2019 en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– réformer le jugement rendu en ce qu’il a condamné la société La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] la somme de 4.053,70 euros au titre de l’indemnité

compensatrice de préavis outre 405,37 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,

– débouter Mme [F] de sa demande tendant à condamner la société La Baraque Sucrée à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l’article L 1235-5 du code du travail,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [F] de sa demande tendant à condamner la société La Baraque Sucrée à lui payer les sommes de :

*1.898,57 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires consécutives aux livraisons, outre 189,85 euros au titre des congés payés au prorata,

*1.497,73 euros à titre de rappel pour heures supplémentaires d’avril à novembre 2014 outre 149,77 euros à titre’indemnité de congés payés au prorata,

*328,06 euros à titre d’indemnités kilométriques,

*285,21 euros à titre de rappel sur indemnité de congés payés 2013,

*932,51 euros à titre de rappel sur indemnité de congés payés 2014,

– dire que la garantie de l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 3] ne peut pas être recherchée de ces chefs,

– dire que la mise en cause de l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 3] dans la présente instance ne peut avoir pour objet que de lui rendre opposable le jugement à intervenir et non d’obtenir une condamnation au paiement qui serait dirigée à son encontre et ce à défaut de droit direct de Mme [F] à agir contre lui,

– dire et juger que la garantie de l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 3] est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposée par la loi et ce dans les limites des articles L 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail et des textes réglementaires édictés pour son application,

– dire que conformément aux articles L 3253-6 et suivants et L 3253-20 du code du travail, l’assurance des éventuelles créances auxquelles le salarié peut prétendre, ne peut être mise en ‘uvre qu’en cas de non-paiement par l’entreprise, laquelle est aujourd’hui in bonis par l’effet du plan de redressement,

– dire que la demandes de Mme [F] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens ne sont pas garanties par l’Unedic Délégation AGS CGEA de [Localité 3].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A- l’exécution du contrat de travail

la classification des fonctions

Mme [F] fait valoir que sont contrat de travail mentionnait un poste de chef vendeuse qui devait relever du coefficient 200 de la convention collective et qu’elle encadrait les autres vendeuses, l’employeur lui ayant même donné une procuration sur son compte bancaire.

Les parties intimées répondent que Mme [F] n’a jamais contesté le montant de son salaire et qu’elle n’exerçait en fait pas les fonctions de chef vendeuse.

L’ Unédic délégation AGS CGEA fait valoir que Mme [F] n’établit pas qu’elle effectuait des tâches excédant celles de l’emploi de vendeuse relevant du coefficient 160.

L’absence de contestation par Mme [F] de ses bulletins de paye avant la saisine du conseil des prud’hommes ne la prive pas du droit de solliciter l’application de la classification conventionnelle.

Aux termes de son contrat de travail, Mme [F] a été engagée aux fonctions de chef vendeur coefficient 160 de la convention collective de la pâtisserie. Les trois avenants au contrat de travail n’ont pas modifié cette clause.

Cette convention collective prévoit notamment :

* le coefficient 160, de la 1ère catégorie correspondant au personnel de vente ou de préparation débutant maximum deux ans,

* le coefficient 200, de la 5ème catégorie correspondant au personnel, professionnel détenteur des aptitudes précédentes à qui est confiée la responsabilité du magasin ; capable de coordonner le travail de trois personnes à la vente ( hors apprentis)

La référence aux aptitudes visées aux coefficients précédants n’exige pas d’être titulaire d’un CAP ou d’un baccalauréat professionnel commerces et services, la majoration du coefficient attachée à ces diplômes ne visant que le personnel de vente de la 2ème catégorie.

La société a employé jusqu’à quatre vendeuses dont l’une- Mme [P], a été sanctionnée par un avertissement pour avoir  » dit clairement à votre chef vendeuse ,ainsi qu’à votre patron, que vous refusiez de faire une des tâches ménagères ( nettoyage des vitres et des vitrines, poussière …). La société n’évoque pas d’autre salariée que Mme [F] qui aurait exercé les fonctions de chef vendeuse.

Deux anciennes salariées de la société attestent que Mme [F] était la responsable des vendeuses.

Mme [H], cliente du magasin, atteste de ce qu’elle s’y est rendue à plusieurs reprises et avait fait la connaissance du patron, M. [W], que Mme [F] était bien reconnue comme responsable dans le magasin par les autres salariés et par les patrons.

Mme [F] détenait une procuration sur le compte de la SARL La barraque Sucrée ouvert auprès du Crédit Commercial du Sud -Ouest et les parties intimées ne disent pas qu’un autre salarié en détenait.

Les attestations versées par les parties intimées ne contredisent pas utilement les pièces sus- visées : Mme [F] affirme que M. [C] était aide à la fabrication et non affecté à la vente et ni ce salarié ni la société ne précisent la période pendant laquelle il a travaillé pour cette dernière et les fonctions qu’il exerçait. M. [O], fournisseur en fruits de la pâtisserie, ne travaillait pas avec Mme [F].

La cour retient le coefficient 200 et, au regard du salaire payé et des minima prévus à la convention collective, Mme [F] est créancière de la société à hauteur totale de 5 898,32 euros dont 2 649,96 euros correspondent à la période antérieure au jugement prononçant l’ouverture de la procédure collective et 3 248,36 euros correspondent à la période d’exécution du plan de continuation.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Eu égard à cette classification, le salaire moyen de Mme [F] étant de 2 026,85 euros, le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de Mme [F] relative au solde dû au titre de l’indemnité de licenciementà hauteur de 105,28 euros.

La décision entreprise sera aussi confirmée en ce qu’elle a reconnu le bien-fondé de la demande portant sur la rémunération conventionnelle garantie pendant l’arrêt travail pour maladie ( 90% de la rémunération brute pendant 110 jours de la période du 6 février au 29 mai 2015). La cour note à ce sujet que l’Unedic délégation AGS CGEA se rapporte aux moyens qui seraient soutenus par les parties intimées qui ne font état d’aucune contestation à ce titre.

les heures supplémentaires

Mme [F] fait valoir qu’elle a :

– sur la période d’ octobre 2013 à janvier 2015, effectué des livraisons au delà de ses horaires de travail c’est à dire pendant que le magasin était fermé ; que l’ employeur lui a réglé des indemnités de trajets pour une durée totale de 135,13 heures,

– sur la période d’avril à novembre 2015, réalisé des heures supplémentaires sur la période d’avril à novembre 2014, qui n’ont pas été rémunérées ; elle se réfère à un décompte versé en pièce 32;

Les parties intimées et l’Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 3] répondent que Mme [F] ne produit pas de pièce justifiant sa demande.

Aux termes de l’ article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’ employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’ employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Mme [F] produit :

– trois feuilles des heures de travail réalisées pour les mois d’ août et octobre 2014 et janvier 2015, indiquant qu’elle travaillait au delà des horaires prévus ;

– un SMS daté du 8 août 2013, relatif à une commande à livrer un lundi à 7h30 ;

– un SMS daté du lundi 22 décembre 2014 aux termes duquel il lui est demandé de travailler à 9h 30 ;

– une attestation de M. [I], son ex-conjoint qui mentionne que Mme [F] travaillait régulièrement du lundi au dimanche sans jour de repos pendant les fêtes de Noël, Pâques, galette des Rois…) et pendant les arrêts de travail des autres salariés ;

– une attestation de Mme [H], cliente, qui mentionne que Mme [F] travaillait du lundi au dimanche en commençant sa journée à 6 heures du matin pour effectuer des livraisons;

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de fournir les horaires effectivement réalisés. L’employeur qui ne conteste pas avoir été destinataire des feuilles de présence établies par la salariée, n’en verse aucune.

La cour note cependant que les bulletins de paye mentionnent le versement d’ heures supplémentaires qui ne sont pas décomptées du tableau versé en pièce 32.

Compte-tenu de ces éléments et sans qu’il soit besoin de recourir à une mesure d’instruction, la cour a la conviction que Mme [F] doit percevoir la somme de 112, 50 euros au titre des heures supplémentaires réalisées dans le cadre des livraisons et celle de 925 euros au titre des heures supplémentaires effectuées sur la période d’ avril à novembre 2014.

les indemnités kilométriques

Mme [F] fait valoir que l’estimation des kilomètres parcourus pour effectuer les livraisons doit être majorée, l’employeur n’ayant pas tenu compte de la réalité des kilomètres parcourus.

Les parties intimées répondent que Mme [F] ne produit pas de justificatif d’autres trajets.

Aucun élément n’établit que Mme [F] aurait effectué des trajets plus importants que ceux figurant à sa pièce 31 et elle sera déboutée de ce chef.

les indemnités de congés payés

Mme [F] fait valoir qu’elle n’a pas reçu l’indemnité de congés payés due au regard des salaires perçus sur la période 2012 -2013 et 2013-2014.

Au cours de la relation de travail, Mme [F] a perçu des salaires à hauteur totale de 30 728,95 euros et les congés payés afférents sont de 3 072,89 euros. Compte-tenu de versements à hauteur de 1 872,20 euros; la société reste lui devoir la somme de

1 200,69 euros.

B – la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement est ainsi rédigée.

« …Nous nous voyons contraints de procéder à votre licenciement pour le motif suivant :

Nous avons pris note de l’avis d’inaptitude définitive à votre poste de vendeuse rendu le 23 avril 2015 par le médecin du travail à la suite de votre seconde visite et de l’étude de poste effectuée sur site le 21 avril 2015.

Nous avons également noté que votre état de santé pourrait vous permettre, dans l’absolu, d’effectuer un travail similaire dans un environnement différent.

Conformément à notre obligation d’employeur, nous avons mené nos recherches de reclassement.

Cependant, il convient de rappeler que nous ne disposons, à ce jour, que d’un seul établissement et que nos finances actuelles ne nous permettent pas d’ouvrir le moindre nouveau point de vente, au risque de mettre en péril notre entreprise.

Nous n’appartenons pas non plus à un groupe de sociétés.

Ainsi, au vu des efforts de recherche de reclassement que nous avons entrepris et compte tenu des préconisations sans équivoque du médecin du travail, nous vous avons fait part dans un précédent courrier de votre impossible reclassement au sein de l’entreprise.

Face à ce constat, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement du fait de votre inaptitude physique définitive et cle votre impossible reclassement.

En raison de cette inaptitude et de l’impossibilité pratique qui en découle pour vous d’effectuer un quelconque préavis, vous cessez donc de faire partie de l’effectif de notre entreprise à la date de la présente lettre… ».

Mme [F] prie la cour de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse d’une part, parce que son inaptitude est consécutive au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et d’autre part, parce que ce dernier n’a pas respecté son obligation de reclassement.

Les parties intimées répondent que les médecins ont repris les dires de Mme [F] qui ne travaillait pas sept jours sur sept, qu’en l’absence d’autres vendeuse, M. et Mme [W] ont redoublé d’efforts, que Mme [F] ne travaillait ni le dimanche après- midi ni le lundi et que Mme [F] a dû faire face à sa séparation d’avec son compagnon.

Il a été retenu que Mme [F] a réalisé de nombreuses heures supplémentaires : ses bulletins de paye mentionnent des heures supplémentaires au taux majoré de 25 % ou 50% et la cour a retenu des heures supplémentaires non payées, notamment au titre de la journée du lundi et de livraisons très matinales.

L’employeur a maintenu ce rythme de travail pendant plusieurs mois : le bulletin de paye du mois de décembre 2012 mentionne 193 heures de travail , celui d’ avril 2013, 175 heures, et 173 heures sont déclarées chaque mois de la période de novembre 2013 à octobre 2014. Mme [F] aurait dû prendre sa journée de repos le lundi et ne pas dépasser la durée journalière maximum de travail. Les époux [W] ne produisent aucun élément qui établissent qu’ils ont remplacé Mme [N], vendeuse et le pâtissier, M. [C].

Le compte-rendu de l’étude du poste de Mme [F], réalisée par le médecin du travail le 21 avril 2015, mentionne que Mme [F] devait vendre les gâteaux et sandwichs, servir au salon de thé, laver le sol, nettoyer les tables et les vitrines, adopté une posture debout quasi permanente avec piétinements, une posture penchée pour le nettoyage et de la manutention manuelle de charges.

La lettre du médecin traitant au psychologue du travail et le compte-rendu de ce dernier, s’ils relatent les dires de Mme [F], décrivent les symptômes d’un épuisement professionnel en relation avec les heures supplémentaires réalisées et l’absence d’autre vendeuse dans une atmosphère tendue suite aux difficultés financières ayant conduit à la procédure collective.

La société ne produit pas d’élément au soutien du respect par elle de son obligation de sécurité qui exigeait de veiller à la santé physique et mentale de sa salariée.

De ces éléments, il résulte que l’inaptitude de Mme [F] résulte du manquement de l’ employeur à son obligation de sécurité et le licenciement, motivé par l’impossibilité de reclassement suite à cette inaptitude, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La société devra verser à Mme [F] l’indemnité compensatrice de préavis représentant deux mois de salaire (4 053,70 euros et congés payés afférents) et des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de l’emploi.

À ce titre, Mme [F] verse les attestations du Pôle Emploi, pour la période de janvier 2017 à avril 2020 (ARE puis allocations à la création d’ entreprise), le chiffre d’affaires réalisé par la micro entreprise créée par Mme [F] qui a dû procéder à sa radiation.

Compte-tenu de l’ancienneté de Mme [F], de son âge et de la difficulté dans laquelle elle s’est trouvée de retrouver un emploi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société au paiement d’une somme de 8 000 euros.

La société sera condamnée à payer à Mme [F] la somme totale de 3000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel.

Succombant, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [F] de sa demande

*de paiement d’heures supplémentaires,

* de congés payés depuis son embauche,

et statuant à nouveau de ces chefs:

Condamne la SARL La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] les sommes de :

*112,50 euros et 11,25 euros au titre des heures supplémentaires réalisées au titre des livraisons effectuées sur la période d’octobre 2013 à janvier 2015,

* 925 euros et 92,5 euros au titre des heures supplémentaires sur la période d’ avril à novembre 2014 ;

*1208,72 euros au titre des congés payés afférents aux salaires versés depuis l’embauche,

Dit que la délégation AGS CGEA de [Localité 3] apportera sa garantie dans la limite légale,

Condamne la SARL La Baraque Sucrée à payer à Mme [F] la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d’appel ;

Condamne la SARL La Baraque Sucrée aux entiers dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard

 


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