COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 SEPTEMBRE 2022
N° RG 20/01141
N° Portalis DBV3-V-B7E-T4JK
AFFAIRE :
[K] [G]
C/
SARL MECAFONDO
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 mai 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de POISSY
Section : E
N° RG : F 19/00030
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Rachel SPIRE
Me Dan ZERHAT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [K] [G]
né le 11 février 1957 à [Localité 5]
de nationalité française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Rachel SPIRE de la SELEURL CABINET RACHEL SPIRE, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B335
APPELANT
****************
SARL MECAFONDO
N° SIRET : 699 803 664
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Marc BENSIMHON de la SCP BENSIMHON Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0410 et Me Dan ZERHAT de l’AARPI OHANA ZERHAT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 juillet 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 12 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Poissy (section encadrement) a :
– débouté M. [K] [G] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la société Mecafondo de ses demandes reconventionnelles,
– condamné M. [G] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d’exécution éventuels.
Par déclaration adressée au greffe le 16 juin 2020, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.
Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juillet 2022.
Par dernières conclusions remises au greffe le 13 juin 2022, M. [G] demande à la cour de’:
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy en ce qu’il a débouté la société Mecafondo de ses demandes reconventionnelles,
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Poissy le 12 mai 2020 en ce qu’il a débouté M. [G] de ses demandes,
y faisant droit et statuant à nouveau,
– fixer le salaire de référence à 10 343 euros brut par mois et son ancienneté au 9 février 2001,
– juger que la société Mecafondo a commis des manquements graves et persistants dans l’exécution du contrat de travail notamment en omettant de lui verser des sommes au titre de l’intéressement et participation, et, pendant sa maladie, de lui envoyer ses bulletins de paie, de lui régler les chèques cadeau et de lui verser les compléments de salaire dus,
en conséquence,
– condamner la société Mecafondo à lui verser la somme de 7 091,82 euros bruts à titre de rappel de salaire au titre du maintien de salaire et d’indemnités quotidiennes du contrat de prévoyance calculées jusqu’au 21 juillet 2020,
– condamner la société Mecafondo à lui verser la somme de 62 058 euros net (6 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail et de l’article 1240 du code civil,
– dire que la société Mecafondo a manqué à son obligation de sécurité à l’égard du salarié qui n’a bénéficié d’aucun suivi par la médecine du travail, a subi un harcèlement moral au travail sur lequel il a alerté l’employeur en vain, au point d’être placé en longue maladie pour épuisement professionnel,
en conséquence,
– condamner la société Mecafondo à lui verser la somme de 124 116 euros (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de santé et de sécurité sur le fondement des articles L. 1152-1 et suivants et L. 4121-1 du code du travail,
– prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts et griefs de l’employeur qui produit les effets d’un licenciement nul et à tout le moins injustifié à la date du prononcé du licenciement pour inaptitude intervenu le 7 août 2020,
en conséquence,
– condamner la société Mecafondo à lui verser :
. 22 132,12 euros bruts à titre de rappel d’indemnité conventionnelle de licenciement, sur le fondement de l’article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie,
. 62 058 euros brut (6 mois) à titre d’indemnité compensatrice de préavis, sur le fondement de l’article 27 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, outre 6 205,80 euros brut de congés payés afférents,
. 248 232 euros (24 mois) à titre de dommages et intérêts en raison de la perte illicite de l’emploi, à tout le moins, 155 145 euros (15 mois) si la cour devait juger que la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement injustifié et que les plafonds d’indemnisation prévus par le nouvel article L. 1235-3 du code du travail ne sont pas contraires à l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne,
– condamner la société Mecafondo à lui verser la somme de 2 698,45 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés,
– condamner la société Mecafondo à lui verser la somme de 27 788,42 euros au titre des frais professionnels, outre 721 euros au titre des frais de déplacement,
– condamner la société Mecafondo à lui verser la somme de 459 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la journée du 21 juillet 2020, outre 45,90 euros au titre des congés payés afférents,
– condamner la société Mecafondo à délivrer les bulletins de paie et les documents de fin de contrat conformes au jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard et par document, dont la cour se réservera le contentieux de la liquidation,
– dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal ainsi que de l’anatocisme conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société Mecafondo au paiement à hauteur de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe le 23 mai 2022, la société Mecafondo demande à la cour de’:
– déclarer M. [G] totalement mal fondé en son appel et en l’intégralité de ses prétentions et demandes et l’en débouter,
– confirmer ainsi le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy en date du 12 mai 2020 en ce qu’il a dit que M. [G] ne justifie en aucune manière de manquements graves de la société, susceptibles de justifier la résiliation de son contrat de travail,
– confirmer en conséquence le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit la demande de M. [G] de résiliation judiciaire sans fondement,
– confirmer ledit jugement en ce qu’il a dit que M. [G] n’apporte aucun élément probant à l’appui de ses allégations de harcèlement pendant l’exécution de son contrat de travail et que les allégations de harcèlement génératrices de son arrêt de travail sont sans fondement,
– dire en conséquence que M. [G] n’a jamais fait l’objet de quelconque fait de harcèlement,
– dire qu’elle a parfaitement respecté son obligation de santé et de sécurité à l’égard de M. [G],
– confirmer ainsi le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy en ce qu’il a dit qu’elle n’a pas commis de faute en matière de prévention de sécurité
– dire licenciement de M. [G], aussi licite que fondé,
– dire que toutes les sommes qu’elle a perçues au titre de la prévoyance, ont bien été rétrocédées à M. [G] et le débouter des demandes à ce titre,
en conséquence,
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy, en ce qu’il a débouté M. [G] de l’intégralité de ses demandes,
si par impossible la cour devait prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [G],
– dire que l’indemnité de licenciement à laquelle M. [G] pouvait prétendre en application des dispositions de la convention collective de la métallurgie lui a été régulièrement réglée,
– débouter M. [G] de sa demande de paiement d’indemnité de préavis et congés payés afférents,
– dire en tout état de cause que le préjudice invoqué par M. [G] ne justifierait pas l’allocation d’une somme supérieure à 3 mois de salaire,
en tout état de cause,
– débouter M. [G] de ses demandes d’indemnité de congés payés, de frais professionnels, de la journée du 21 juillet 2020,
– débouter M. [G] du surplus de ses demandes,
à titre reconventionnel,
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Poissy en ce qu’il a débouté M. [G] de ses demandes reconventionnelles,
statuant à nouveau,
– condamner M. [G] à lui régler la somme de 80 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [G] aux dépens.
LA COUR,
M. [K] [G] a été engagé par la société AMGI, en qualité de directeur financier, par contrat de travail à durée indéterminée écrit, à temps partiel d’une durée hebdomadaire de 32 heures, à compter du 9 février 2001.
Par avenant du 23 décembre 2002, le temps de travail hebdomadaire de M. [G] a été réduit à 25 heures à partir du 1er janvier 2003.
Le 1er janvier 2016, son contrat de travail a été transféré dans la société Mecafondo.
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
M. [G] a été placé en arrêt maladie à compter du 21 novembre 2017, pour syndrome anxiodépressif.
Le 31 janvier 2019, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Poissy d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, ainsi que du paiement de diverses indemnités afférentes.
A l’occasion de la visite de reprise du 21 juillet 2020, M. [G] a été déclaré inapte à son poste avec la mention «’l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Il a été licencié par lettre du 7 août 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
M. [G] expose qu’à compter de 2017 ses relations professionnelles avec un des dirigeants, M. [Y] [B], se sont dégradées et qu’il a été mis à l’écart.
L’employeur réplique que les relations entre M. [G] et la direction ont toujours été très cordiales et amicales, mais, au mois de novembre 2017 le gérant de la société Mecafondo, M. [E] [B], a souhaité réaliser un audit de la société pour connaître sa valorisation. Dans cette perspective, il a demandé le 16 novembre 2017 à M. [G] de lui donner les éléments à transmettre à l’auditeur. Le 17 novembre 2017, M. [G] n’est pas venu travailler et il a été placé en arrêt de travail à partir du 21 novembre 2017.
Sur la rupture du contrat de travail’:
Lorsqu’un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée’; si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d’envoi de la lettre de licenciement.
Sur la résiliation judiciaire’:
Au soutien de sa demande le salarié se prévaut de plusieurs manquements.
Sur l’absence de versement des compléments de salaire durant la maladie:
En application de l’article 16 de la convention collective de la métallurgie, en raison de son ancienneté de plus de 15 ans, le salarié avait droit à un maintien de salaire pendant six mois à plein tarif et puis pendant six mois à demi-tarif.
Du tableau non discuté produit par le salarié, il résulte que pour les six premiers mois l’employeur a maintenu le salaire brut mensuel à hauteur de 9’547,07 euros, rémunération mensuelle brute, mais n’a pas pris en compte le fait que le salarié bénéficiait d’un 13ème mois ce qui portait la moyenne mensuelle à 10’343 euros.
S’agissant de la période suivante, le salarié en application du contrat de prévoyance avait droit à une indemnité de base par jour de 80’% du salaire, soit 271,20 euros sous déduction des prestations de la sécurité sociale de 43,80 euros (pièce E n°33, 43).
L’employeur fait valoir qu’à partir du mois de février 2020, sur la base du rapport du médecin expert, l’organisme de prévoyance a décidé de mettre fin au versement de l’indemnité, ce qui ne lui est pas imputable.
Par courrier du 4 mai 2020, l’organisme de prévoyance a informé l’employeur (pièce E n°7) de ce qu’après étude par le médecin conseil du rapport d’expertise médicale l’arrêt de travail n’est pas justifié au-delà du 6 février 2020 et a réclamé un trop-perçu de 3 431,40 euros.
Quel que soit le contenu de l’expertise (pièce S n°46), qui mentionne que l’évolution de l’état de santé du salarié ne laisse pas envisager une reprise des activités professionnelles chez le même employeur, la société Mecafondo est bien fondée à soutenir que la décision de l’organisme de prévoyance s’imposait à elle.
Dès lors qu’à partir du mois de février 2020, le salarié n’avait plus droit aux indemnités de prévoyance, l’examen du tableau élaboré par le salarié montre que, sur l’ensemble de la période comprenant celle de maintien de salaire plein, il a été rempli de ses droits.
Ce manquement n’est donc pas établi.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire.
Sur l’absence de délivrance de bulletin de paie
Il n’est pas discuté qu’aucun bulletin de salaire n’a été délivré au salarié de novembre 2017 à octobre 2018, ce qui ne lui a pas permis de vérifier l’exactitude des paiements qui lui étaient faits.
Sur l’absence de versement de l’intéressement et des chèques cadeaux
Le salarié expose que les dirigeants de la société Mecafondo ont exigé de lui qu’il travaille en 2016 et 2017 pour le compte de la société Serop industrie, société du groupe, et qu’il aurait donc dû bénéficier des avantages accordés aux salariés de la société Serop industrie.
Il se prévaut de témoignages de salariés que l’employeur avait versés au débat en première instance, qui ne sont pas communiqués en cause d’appel, mais ne produit lui-même aucun élément.
Il est établi que M. [G] a signé d’abord un contrat de travail avec la société AGMI le 9 février 2001 et que celui-ci a été transféré à la société Mecafondo le 1er janvier 2016.
En sa qualité de directeur administratif et financier d’une société faisant partie d’un groupe familial, il n’est pas surprenant qu’il ait travaillé avec les autres sociétés du groupe sans pour autant avoir la qualité de salarié.
Il n’avait donc pas droit aux avantages réservés aux salariés de la société Serop industrie comme la prime d’intéressement les bons cadeaux.
Sur la mise en danger de la santé du salarié
Il n’est pas discuté que pendant toute la relation contractuelle, qui a duré plus de 17 ans, le salarié n’a bénéficié d’aucune visite médicale.
L’employeur prétend que la responsabilité de l’organisation des visites médicales incombait au salarié mais ne produit aucune pièce au soutien de cette affirmation.
Sur l’absence de mesures lors de la dénonciation du harcèlement moral
Le salarié expose qu’en 2016-2017 M. [Y] [B], fils de M. [E] [B], qui l’avait embauché des années auparavant, a repris la direction de la société Mecafondo et a licencié plusieurs collaborateurs.
Il précise que le comportement de M. [B] qui a usé de licenciements vexatoires, l’a profondément heurté et qu’il a subi des agissements nocifs notamment une mise à l’écart qui a dégradé son état de santé jusqu’à son arrêt de travail pour état anxiodépressif du 21 novembre 2017.
Il reproche à son employeur de n’avoir, en dépit de ses nombreux arrêts de travail, pris aucune mesure préventive et d’avoir poursuivi son harcèlement moral en refusant de lui communiquer ses bulletins de paie pour qu’il ne se rende pas compte qu’il n’était pas rempli de ses droits, en rendant public en première instance des informations relevant de sa vie privée et en multipliant les propos vexatoires à son égard.
L’employeur conteste tout harcèlement moral en faisant valoir que le salarié ne communique aucun élément. Il précise que M. [G] ne travaillait pas avec M. [Y] [B] mais avec M. [E] [B] et que les relations entre M. [G] et la famille [B] étaient très amicales.
Il ajoute que les arrêts de travail communiqués émanent d’un endocrinologue et que les pathologies dont M. [G] souffrent ne sont pas en lien avec ses conditions de travail.
Aux termes de l’article L.’1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l’article L.’1154-1 dans sa version applicable à l’espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié présente des éléments de faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Des faits dont il se prévaut au titre du harcèlement moral, le salarié établit seulement le retard de remise de bulletin de paie.
Il ne produit aucun élément démontrant qu’il a subi un comportement vexatoire de la part de l’employeur alors que celui-ci communique de nombreux témoignages de salariés et de connaissances qui font état de relations tout à fait cordiales et même très amicales entre M. [G] et la famille [B] et des propos élogieux qu’elle tenait sur lui.
Les éléments médicaux démontrent que le salarié a été placé en arrêt de travail en raison d’un syndrome anxio-dépressif sévère sur un état de santé fragilisé par plusieurs pathologies chroniques dont un diabète insulino requérant. Le docteur [O] médecin généraliste, le 1er décembre 2017 a attesté qu’il était dans l’incapacité de retourner au travail «’en lien avec une relation très conflictuelle avec son chef d’entreprise ».
Cependant, en l’absence de tout autre élément significatif, la seule dégradation de l’état de santé du salarié, qui s’est plaint pour la première fois de ses conditions de travail le 4 octobre 2018 et a immédiatement était destinataire des bulletins de paie, ne laisse pas présumer l’existence d’un harcèlement moral. Le harcèlement moral n’est donc pas établi et le manquement à l’obligation de sécurité de ce chef non plus.
En revanche, l’absence de visite médicale pendant plus de 16 ans, s’agissant au surplus d’un salarié qui rencontrait des problèmes de santé sérieux est constitutive d’un manquement à l’obligation de sécurité.
Au regard de la dégradation de son état de santé, le préjudice subi par le salarié sera réparé par l’allocation d’une somme de 4 000 euros nets.
Finalement au titre des manquements invoqués par le salarié au soutien de la résiliation judiciaire du contrat de travail sont seulement établis le retard dans la remise des bulletins de paie et l’absence de visite médicale.
S’agissant d’un cadre de haut niveau, qui avait des responsabilités administratives au sein de la société et qui a reçu les bulletins de paie litigieux immédiatement après sa demande, ces manquements n’étaient pas d’une gravité telle qu’elle empêchait la poursuite du contrat de travail.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de résiliation judiciaire aux torts de l’employeur.
Sur le licenciement’:
Dès lors qu’il est jugé que le harcèlement moral n’est pas établi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir dire le licenciement nul au motif que l’inaptitude résulte du harcèlement moral.
Les pièces médicales présentées par le salarié démontrant qu’il avait mis en place lui-même un suivi médical sérieux, étant rappelé qu’il travaillait à temps partiel et qu’il était responsable au moins partiellement du fonctionnement administratif de l’entreprise, il ne peut être retenu que l’inaptitude résulte du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, le jugement sera aussi confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et de dommages et intérêts pour rupture illicite du contrat de travail.
Sur les dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1222-1 et 1240 du code du travail’:
Au titre des manquements invoqués à ce titre, seule est établie l’absence de délivrance de bulletin de paie de novembre 2017 à octobre 2018.
Dès lors, notamment, qu’il est établi que dès réception du courrier de réclamation du 4 octobre 2018 (pièce S n°14) l’employeur a régularisé la situation en lui transmettant les bulletins de paie litigieux le salarié n’établit pas le préjudice allégué.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.
Sur la fixation de l’ancienneté au 9 février 2001′:
Il n’est pas discuté que le salarié a commencé à travailler pour le groupe à partir du 9 février 2001.
Il sera fait droit à cette demande.
Sur le solde d’indemnité conventionnelle de licenciement’:
Le salarié soutient que pour calculer l’indemnité conventionnelle de licenciement, l’employeur a retenu une ancienneté débutant le 1er mars 2001 au lieu du 9 février 2001 et lui a appliqué à tort une décote.
Il n’est pas discuté que l’ancienneté du salarié doit être fixé à partir du 9 février 2001. En application de l’article L. 1226-4, le contrat est rompu à la date de notification du licenciement mais la durée du préavis est prise en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement.
L’employeur ne conteste pas avoir appliqué une décote de 20’%, disposition prévue par la convention collective si le salarié est âgé de 63 ans, à condition que le jour de cessation du contrat de travail l’intéressé n’a pas la durée d’assurance requise au sens de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Dès lors que M. [G] a été licencié le 7 août 2020 et qu’il établit (pièce S n°30) qu’il ne pouvait percevoir sa retraite à taux plein que le 1er juillet 2021, c’est à tort que l’employeur lui a appliqué une décote.
Sur la base du calcul non utilement discuté présenté par le salarié, il convient, infirmant le jugement, d’accorder au salarié la somme de 22 132,12 euros bruts à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur l’indemnité compensatrice de congés payés’:
Le salarié se prévaut de ce que d’après son bulletin de paie du mois d’août 2020 il lui restait 58 jours de congés payés et qu’il aurait dû percevoir un montant de 23 995,76 euros au lieu des 21 297,31 euros reçus.
L’employeur se borne à répondre que le montant a été calculé par le logiciel de paie sur la base de 57,17 jours.
La différence vient de ce que l’employeur évalue la valeur du jour de congés payés au montant de 367,19 euros et le salarié au montant de 413,72 euros.
Dès lors qu’à juste titre le salarié retient un salaire de référence prenant en compte le 13ème mois, il convient, infirmant le jugement, de faire droit à sa demande de ce chef.
Sur les frais professionnels’:
Le salarié fait grief à l’employeur d’avoir retenu abusivement sur son solde de tout compte la somme de 27 784 euros au titre de frais professionnels de janvier 2016 à septembre 2017.
L’employeur réplique que ces frais professionnels n’avaient pas été validés par la hiérarchie et n’étaient pas accompagnés de justificatifs’.
L’article 7 du contrat de travail prévoit que les frais professionnels engagés pour l’accomplissement des fonctions seront pris en charge par l’entreprise mais n’en précise pas les modalités, notamment la remise de justificatifs.
En l’espèce, l’employeur a procédé à des remboursements réguliers pendant plus de 18 mois. Il n’établit pas avoir été victime de procédés malhonnêtes de la part du salarié.
Il convient donc, infirmant le jugement, de faire droit à la demande du salarié de ce chef.
Il lui sera également alloué les indemnités de déplacement pour le mois de novembre 2017, dont il n’a pas reçu paiement.
Sur la rémunération de la journée du 21 juillet 2020′:
Cette demande nouvelle en cause d’appel doit être déclarée irrecevable.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive’:
Le salarié prospérant partiellement en ses demandes, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande de ce chef.
Sur la remise des documents de rupture :
Sans qu’il soit besoin d’assortir cette mesure d’une astreinte, il convient d’ordonner à la société Mecafondo de remettre à M. [G] une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt.
Sur les intérêts :
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les sommes afférentes à la période antérieure à cette date et à compter de leur échéance pour les sommes afférentes aux périodes postérieures.
Les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.
Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [G] les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS:
Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE irrecevable la demande de rappel de salaire du 21 juillet 2020 et les congés payés afférents,
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
FIXE le point de départ de l’ancienneté au 9 février 2001,
CONDAMNE la société Mecafondo à payer à M. [G] les sommes suivantes :
. 4 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
. 22 132,12 euros bruts à titre de solde d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 2 698,45 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés,
. 27 788,42 euros au titre des frais professionnels,
. 721 euros au titre des frais de déplacement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les sommes afférentes à la période antérieure à cette date et à compter de leur échéance pour les sommes afférentes aux périodes postérieures,
DIT que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu’ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite,
ORDONNE à la société Mecafondo de remettre à M. [G] une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et un certificat de travail rectifiés,
CONFIRME pour le surplus le jugement,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société Mecafondo à payer à M. [G] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Mecafondo aux dépens.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
» » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » » »’
La greffière La présidente