Épuisement professionnel : 28 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17314

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Épuisement professionnel : 28 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/17314

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 28 OCTOBRE 2022

N°2022/381

Rôle N° RG 18/17314 N° Portalis DBVB-V-B7C-BDI2G

[N] [W]

C/

SAS COLAS FRANCE

Copie exécutoire délivrée

le :

28 OCTOBRE 2022

à :

Me Vincent ARNAUD de la SELARL ARNAUD VINCENT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Hélène MARTY, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX EN PROVENCE en date du 25 Septembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 17/00278.

APPELANT

Monsieur [N] [W], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Vincent ARNAUD de la SELARL ARNAUD VINCENT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Laure MICHEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

S.A.S. COLAS FRANCE venant aux droits de la SAS COLAS MIDI MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Hélène MARTY, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, et Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Octobre 2022.

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

[N] [W] a été embauché le 1er février 1999 par la société COLAS MIDI MEDITERRANEE en qualité de cadre juridique avec reprise de son ancienneté au 21 janvier 1991 auprès de la Société BOUYGUES.

Sa rémunération brute mensuelle était de 4.180 euros sur 13 mois outre une prime exceptionnelle.

Il a été en congé sabbatique du 14 septembre 2015 au 14 août 2016.

Au retour en France de Monsieur [W], un entretien informel a été organisé avec le directeur du service juridique le 8 juillet 2016, au cours duquel le DRH est intervenu pour proposer une rupture conventionnelle, refusée par le salarié.

Le 5 décembre 2016, Monsieur [W] a été convoqué à un entretien préalable et mise à pied à titre conservatoire, puis licencié pour faute grave par courrier du 19 décembre 2016 pour avoir dénoncé à son employeur des faits de harcèlement moral dans un courrier AR du 30 novembre reçu le 2 décembre 2016.

Par requête du 13 avril 2017, Monsieur [W] a saisi le conseil de prud’hommes de demandes au titre d’un harcèlement moral, licenciement nul et clause de non concurrence nulle, outre des rappels de primes.

Par jugement en date du 25 septembre 2018, le Conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence a :

Requalifié le licenciement pour faute grave de Mr [N] [W] en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dit qu’il y a nullité de la clause de non concurrence ;

Condamné la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [N] [W], les sommes suivantes :

-27.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-13.585 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis, outre l’incident 1.358,50 euros de congés payés sur préavis ;

– 2.612,49 euros à titre de rappel de rémunération sur mise à pied ;

– 261,24 euros à titre de congés payés afférents à la mise à pied ;

-54.340 € au titre de 1’indemnité conventionnelle de licenciement ;

-15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi au titre de la clause de non concurrence ;

-1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Assorti le présent jugement de l’exécution provisoire limitée à celle de droit ;

Ordonné à la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE d’adresser à Mr [N] [W] la rectification des documents de fin de contrat y compris l’attestation Pôle Emploi ;

Débouté Mr [N] [W] de ses autres demandes ;

Débouté la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE de sa demande reconventionnelle ;

L’a condamné aux entiers dépens.

Par déclaration du 31 octobre 2018, Monsieur [N] [W] a relevé appel de cette décision et demande à la cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2022 de :

INFIRMER le jugement du Conseil de Prud’hommes d’Aix-en-Provence en ce qu’il a :

– Condamné la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE à lui payer à Monsieur [N] [W], les sommes suivantes :

o 27.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

o 13.585 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de préavis, outre l’incident 1.358,50 euros de congés payés sur préavis ;

o 261,24 euros à titre de congés payés afférents à la mise à pied ;

o 54.340 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;

o 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la clause de non-concurrence ;

o 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Débouté Monsieur [N] [W] des demandes suivantes :

o 14.159,97 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis ;

o 1.475,99 euros à titre d’incidence congés payés sur préavis ;

o 2.612,49 euros a titre de rappel de rémunération sur mise à pied;

o 261,24 euros à titre d’incidence congés payés ;

o 68.191,06 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

o 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire ;

o 163.000,00 €euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et économique ;

o 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

o 4.700,00 € à titre de rappel de prime pour l’année 2015, outre 470,00 euros à titre d’incidence congés payés ;

o 4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2016, outre 470,00 € à titre d’incidence congés payés ;

o 54.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence,

o 10.000 € à titre de dommages et intérêts en application de l’article L. 3l426-105 du Code du travail ;

Ordonner la rectification des documents de fin de contrat en ce compris l’attestation destinée au pôle emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document manquant à compter du jugement à intervenir ;

o Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

o 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau ;

Dire que le licenciement est nul et, en toute hypothèse, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Dire qu’il a été victime de harcèlement moral

Dire que la clause de non~concurrence figurant au contrat de travail est nulle ;

En conséguence,

Condamner la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE à lui payer et lui porter les sommes suivantes :

15.274,38 euros à titre d’indemnité conventionnelle de préavis

1.527,43 euros à titre d’incidence congés payés sur préavis ;

2.612,49 euros à titre de rappel de rémunération sur mise à pied;

261,24 euros à titre d’incidence congés payés ;

63.897,82 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire ;

163.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et économique

50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2015 et 470,00 euros à titre d’incidence congés payés ;

4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2016 et 470,00 euros à titre d’incidence congés payés ;

54.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non-concurrence ;

10.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l’article L. 3142-105 du Code du travail ;

5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

Ordonner la rectification des documents de fin de contrat en ce compris l’attestation destinée au pôle emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document manquant à compter du jugement à intervenir ;

Se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte ;

Dire que l’intégralité des sommes allouées à [N] [W], produira intérêts de droit à compter de la demande en justice avec capitalisation, en application des articles 1231-6 et L. 123l-7 du Code civil ;

Dire que les émoluments prévus par les dispositions de l’article A 444-32 du Code de commerce mis à la charge de COLAS MIDI MEDITERRANEE en cas de nécessité de recours à des mesures d’exécution forcée, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas dus en application des dispositions de l’article R 444-53 du Code de commerce,

Assortir les condamnations à intervenir des les intérêts légaux avec capitalisation ;

Condamner la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE aux entiers dépens ceux d’appel distraits au profit de la SELARLVÉNCENT ARNAUD, sous affirmation d’en avoir fait l’avance.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juin 2022, la société COLAS FRANCE demande à la cour de :

Recevoir son intervention volontaire en que qu’elle vient aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE suivant opération d’apport partiel d’actifs à effet du 31décembre 2020,

Recevoir l’appel interjeté par Monsieur [N] [W] à l’encontre du Jugement rendu par le Conseil de prud’hommes d’AIX EN PROVENCE le 25 Septembre 2018,

Le dire juste en la forme mais mal fondé,

Recevoir l’appel incident formé par COLAS MIDI MEDITERRANEE,

Dire et juger que COLAS MIDIMEDITERRANEE démontre qu’à aucun moment Monsieur [W] n’a été victime de faits de harcèlement moral,

Dire et juger que le licenciement de Monsieur [N] [W] survenu le 19 Décembre 2016 est justifié par une faute grave,

En conséquence,

Débouter Monsieur [N] [W] de toutes ses demandes fins et conclusions notamment de ses demandes de condamnation de COLAS MIDI MEDITERRANEE à lui payer une indemnité conventionnelle de préavis et son incidence congés payés, un rappel de rémunération sur mise à pied et son incidence congés payés, une indemnité de licenciement, des dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire, des dommages et intérêts en réparation d’un prétendu préjudice moral et économique, des dommages et intérêts pour un prétendu harcèlement moral,

Condamner Monsieur [N] [W] à restituer à COLAS MIDI MEDITERRANEE les sommes perçues en vertu de l’exécution provisoire de droit attachée à la décision réformée ainsi que les bulletins de salaire correspondant et dire et juger qu’il lui est fait interdiction de les utiliser à quelque fin que ce soit,

Constater que COLAS MIDI MEDITERRANEE a délié le 16 Février 2018 Monsieur [N] [W] de la clause de non-concurrence figurant dans l’annexe à son contrat de travail,

Constater que Monsieur [N] [W] ne rapporte aucune preuve du préjudice que cette clause lui aurait causé,

Lui donner acte de son offre de régler à Monsieur [N] [W] la somme de 10 000 euros à titre d’indemnisation du préjudice qu’il aurait pu subir du fait de la nullité de cette clause de non-concurrence,

Déclarer cette offre satisfactoire,

Dire que cette somme s’imputera par compensation sur les sommes dues par Monsieur [N] [W],

Débouter Monsieur [N] [W] de toutes ses autres demandes fins et conclusions,

Le condamner aux dépens de la procédure,

A titre plus qu’infiniment subsidiaire,

Constater que Monsieur [N] [W] ne justifie pas d’un préjudice justifiant les sommes qu’il réclame en réparation et dire et juger qu’en l’état l’indemnisation éventuelle d’un licenciement qui serait jugé sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder la somme de 25.000 euros,

Constater qu’au visa des dispositions de l’article 1343-2 du Code civil, la capitalisation des intérêts ne pourrait courir qu’à compter du 29 Juillet 2020 sur les intérêts dus pour une année entière,

Débouter Monsieur [W] de sa demande tendant à voir les émoluments prévus par les dispositions de l’article A 444-32 du Code de commerce mis à la charge de COLAS MIDI MEDITERRANEE en cas de nécessité de recours à des mesures d’exécution forcée, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas dus en application des dispositions de l’article R 444-53 du Code de commerce,

En ce cas, statuer ce que de droit sur les dépens,

La procédure a été close suivant ordonnance du 23 juin 2022.

MOTIFS DE L’ARRET

La cour constate que si les parties discutent du caractère irrégulier du licenciement, de la remise tardive des documents de fin de contrat et du préjudice lié à la radiation de la mutuelle d’entreprise, Monsieur [W] ne formule aucune demande chiffrée dans son dispositif relative à ces points, de sorte que la cour n’en est pas saisie.

Sur les rappels de primes

Monsieur [W] sollicite un rappel de primes exceptionnelles pour les années 2015 et 2016 faisant valoir qu’il a perçu sa prime chaque année, dont la dernière en décembre 2014 pour un montant de 4.700 euros ; qu’à partir du moment où il a pris un congé sabbatique et que la société COLAS a souhaité lui imposer une rupture conventionnelle, il a cessé de percevoir sa prime, sans qu’aucune justification objective ne soit donnée par son employeur.

La société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE rétorque que la prime réclamée prévue à l’article 8.2 du contrat de travail de Monsieur [W] est une gratification exceptionnelle et bénévole fixée par la Direction Générale et qu’elle a donc, à ce double titre un caractère aléatoire et son versement ne saurait constituer un droit acquis, ni un usage, de sorte qu’elle était en droit de choisir de ne pas la lui verser.

L’article 8.2 du code du travail signé par Monsieur [W] prévoit ‘En outre, il pourra vous être versé une gratification exceptionnelle et bénévole fixée par la Direction Générale. Elle a donc à ce double titre, un caractère aléatoire et son versement ne saurait constituer un droit acquis, ni un usage’.

Si les termes de cette clause contractuelle évoque une gratification aléatoire dite ‘bénévole’, Monsieur [W] justifie toutefois, qu’une ‘prime exceptionnelle’ lui a bien été versée de manière régulière, à la fin de chaque année, tel qu’il résulte des bulletins de salaire qu’il produit (cf bulletins de paie sur une période de 10 ans de décembre 2004 à décembre 2014 inclus, sur lesquels figure ladite prime pour des montants compris entre 4.300 euros et 5.200 euros).

En dépit de son montant variable et de l’imprécision de ses critères d’attribution, la cour constate que le versement de cette prime annuelle de fin d’année a été déterminée par le contrat de travail de Monsieur [W] et constitue, non pas une ‘gratification bénévole’ mais un engagement de l’employeur, que celui ci ne peut discrétionnairement supprimer.

En l’espèce, l’employeur n’a justifié d’aucun élément objectif permettant de supprimer le versement de la prime exceptionnelle due à Monsieur [W] pour les années 2015 et 2016.

Dès lors, il y a lieu d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes et de condamner la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [W] la somme de 4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2015, outre 470,00 euros à titre d’incidence congés payés, et la somme de 4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2016, outre 470,00 € à titre d’incidence congés payés.

Sur le harcèlement moral

Il sera rappelé que le harcèlement moral par référence à l’article L 1152-1 du code du travail est constitué par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En cas de litige, l’article L 1154-1, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que le salarié établit des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Monsieur [W], qui estime avoir subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et l’altération de sa santé physique, invoque les faits suivants :

-une convocation par Monsieur [R], son supérieur hérarchique, et Monsieur [M], DRH, à une réunion informelle, peu avant son retour d’année sabbatique le 8 juillet 2016 pour lui faire des reproches inédits sur son activité professionnelle et lui proposer une rupture conventionnelle,

-l’absence de consignes de travail à sa reprise de poste le 16 août 2016,

-un entretien de retour de congé sabbatique, le 29 août 2016, toujours en présence de Monsieur [M], directeur RH , lequel évoque à nouveau la rupture conventionelle de son contrat de travail et tente de le destabiliser en insinuant que son congé sabbatique montre son désintérêt pour ses fonctions, alors qu’il a été pris pour motif familial,

-une nouvelle répartition des tâches à son détriment, lors d’un entretien du 31 août 2016, se voyant dépossédé d’une grande partie de ses responsabilités sur les dossiers juridiques transférés à Mme [Z] [V] [S], sa remplaçante (les dossiers suivis antérieurement à son départ en droit immobilier, droit des sociétés et procédure collective ne lui ont pas été rebasculés, les nouveaux dossiers recouvrement ouverts à compter du 31 août ont été confiés à cette dernière, les mises à jour de la base de données VSCOPE en droit des société effectuées par elle),

-le dessaisissement opéré de la quasi totalité de son travail en droit immobilier et en droit des sociétés, traitant pour l’essentiel l’archivage de vieux dossiers de recouvrement de créances,

-le non retour des dossiers contentieux qu’il suivait et traités en son absence par Monsieur [L]

-sa non participation à une réunion juridique du groupe COLAS les 17 et 18 octobre 2016, réunions auxquelles il était habituellement convié,

-des tâches confiées relevant davantage du secrétariat alors qu’il était cadre juridique disposant de 25 ans d’ancienneté,

-l’absence de versement prime exceptionnelle pour les années 2015 et 2016,

-un licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire en réponse à son courrier du 30 novembre 2016 par lequel il dénonçait sa ‘mise au placard’,

-un arrêt de travail du 12 décembre 2016 prolongé le 21 décembre 2016 pour depression et épuisement professionnel.

Monsieur [W] produit notamment les éléments suivants :

-un mail de Monsieur [R], supérieur hiérarchique, demandant à Monsieur [W] le 5 juillet 2016 : ‘merci de m’indiquer quelles seraient tes disponibilités en juillet, quand tu seras rentré en France, pour que nous puissions nous voir une petite heure’ sans plus de précision,

-un courrier recommandé du 25 juillet 2016 adressé à la direction COLAS MIDI MEDITERRANEE pour lui relater l’entretien du 8 juillet 2016 et lui réitérer sa volonté de rependre le travail dans des conditions normales le 16 août,

-un mail qu’il a adressé à Monsieur [M], responsable RH, en copie à Monsieur [R] le 29 juillet 2016 : ‘je fais suite au rendez vous avec [N] [R] et avec toi de vendredi 8 dont le contenu m’a énormémentsurpris. En effet, [N] [R] m’avait demandé de passer pour voir avec lui les conditions de mon retour et vous m’avez présenté un projet de rupture conventionnelle de mon contrat de travail.(…) Que tu puisses comparer mon congé sabbatique pour soutien familial avec un congé pour chasser le phoque m’a paru hors de propos pour un DRH. En ce qui concerne les quelques éléments que tu m’as indiqué pour votre projet de rupture conventionnelle de mon contrat de travail, l’inspection du travail des BDT m’a confirmé que la période de référence est bien celle des douze derniers mois travaillés, la période de congé sabbatique n’étant pas prise en compte. Par contre, il n’y a pas de date limite de signature contrairement au 20 juillet que tu m’as indiqué. Enfin les conditions proposées lors de l’entretien ne me conviennent pas.Aussi je reprendrai mes fonctions à la date prévue’,

-un mail de Monsieur [R] du 24 août 2016 convoquant Monsieur [W] à l’entretien professionnel consécutif à son retour de congé sabbatique le 29 août 2016, sans plus de précision,

-un mail de Monsieur [M] du 30 août 2016 répondant à Monsieur [W] : ‘Nous avons été logiquement surpris que le motif que vous aviez donné pour justifier votre congé sabbatique il y a un an, n’était plus du tout en rapport avec les motivations dont vous nous avez fait part le 8 juillet, quand vous êtes passés nous voir. Lorsque vous nous avez indiqué par la suite que vous aviez ‘appris à ne rien faire, à jouer de la guitare et à faire de la Margarita’ nous avons cru comprendre que vous n’aviez pas une motivation débordante pour reprendre votre poste. Par ailleurs, votre absence d’intérêt pour votre poste et pour ce qui avait pu se passer dans l’entreprise durant votre absence d’un an, nous ont conduits à évoquer avec vous l’idée d’une rupture conventionnelle. (…) Nous vous avons demandé si cela pouvait vous intéresser et de bien vouloir nous donner une réponse rapidement (…)’,

-un mail de Monsieur [R] adressé à Monsieur [W] le 31 août 2016 lui indiquant : ‘si [U] [M] était présent lors de nos entretiens du 8 juillet et du 29 août, c’était dans le cadre de l’évocation avec toi d’une rupture conventionnelle, comme expressément rappelé dans l’e-mail qu’il t’a adressé hier soir. En sa qualité de DRH, sa présence dans ce contexte n’avait rien de surprenante’,

-un mail de convocation à une réunion le 31 août 2016 avec Mme [V] [S] afin d’oganiser la passation des consignes sur les dossiers traités en son absence et convenir d’une répartition des tâches,

-un courriel de Madame [V] [S] en réponse au commissaire aux comptes en date du 29 novembre 2016,

-un échange de courriels entre Monsieur [T] et Monsieur [W] le 19 octobre 2016, ce dernier lui précisant que c’est désormais Mme [V] [S] qui suit les dossiers de son périmètre,

-des loyers réglés par Mme [V] [S] à un client de la société dénommé ‘SCA LES ROCHES BLEUES’, à compter du 5 septembre 2016, le nom de cette dernière apparaissant dans l’encart ‘service juridique’ au lieu et place de Monsieur [W] dont le nom est barré,

-les courriels de Monsieur [W] à Mme [V] [S] des 2, 15, 21, 26 et 28 septembre et 12 octobre 2016 lui retransmettant des demandes de clients pour des nouveaux dossiers désormais de son périmètre,

-des courriels de Mme [V] [S] des 14 octobre 2016 et 2 décembre 2016 par lesquels elle indique avoir mis à jour des informations clients dans le logiciel Visual Scope,

-un mail de Monsieur [W] du 13 octobre 2016 adressé à Mme [V] [S] lui indiquant ‘toujours pas de Visual Scope en vue de mon côté !’,

-l’enregistrement de déclaration de cession de droits sociaux, dépôts d’actes de société auprès du registre du commerce effectués par Mme [V] [S] les 22 septembre et 12 octobre 2016 au lieu et place de l’appelant,

-mail de Monsieur [R] à Monsieur [W] du 23 novembre 2016, lui demandant d’éditer des tableaux et du 29 novembre 2016 lui demandant d’établir un avenant de fortage,

-mail de convocation à une réunion du groupe COLAS pour les 17 et 18 octobre 2016 ne faisant pas figurer le nom de Monsieur [W], ni celui de Mme [V] [S], et un mail de convocation pour les journées juridiques des 11 et 12 septembre 2002, où il est mentionné parmi les personnes conviées,

-mails et copie d’écran concernant un dossier SRHC-sarl BFMA que Monsieur [L] a traité en remplacement de Monsieur [W] et continué à suivre en octobre 2016,

-le justificatif du versement des primes exceptionnelles pour les années antérieures de 2004 à 2014 inclus,

-un courrier recommandé avec accusé réception en date du 30 novembre 2016 par lequel Monsieur [W] dénonce à son employeur la ‘dégradation de ses conditions d’emploi et le harcèlement moral dont il fait l’objet’,

-un certificat médical d’arrêt de travail en date du 12 décembre 2016 prolongé le 21 décembre 2016 pour dépression et épuisement professionnel,

-la lettre de licenciement pour faute grave, notifiée le 19 décembre 2016 pour avoir dénoncé sa mise à l’écart depuis son retour de congé sabbatique, suivant courrier du 30 novembre 2016.

Monsieur [W] établit ainsi des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

En réponse, la société COLAS MIDI MEDITERRANEE a fait valoir que :

-Monsieur [W] n’a pas donné entière satisfaction dans l’exécution des tâches qui lui étaient confiées, devant notamment s’améliorer sur la rédaction des actes juridiques, le retard dans la mise à jour des fichiers immobiliers et revoir ses relations avec les autres services,

-Madame [V] [S] a été embauchée à compter du 20 juillet 2015 jusqu’au 26 août 2016 afin de remplacer Monsieur [W] en congé sabbatique puis a bénéficié d’un second contrat à durée déterminée du 29 aout 2016 au 13 janvier 2017 dans le seul but de remplacer Madame [F], qui était en congé maternité du 9 septembre 2016 au 29 décembre 2016, ne reprenant son travail qu’en janvier 2017,

-Monsieur [R], directeur juridique, a convié Monsieur [W] à un échange informel le 8 juillet 2016 afin de renouer le lien en vue de sa proche reprise de poste,

-Aucun reproche n’a été formulé à l’encontre de l’appelant et l’éventualité d’une rupture conventionnelle n’a été évoquée qu’en fin d’entretien devant le manque de motivation de l’intéressé pour reprendre son poste,

-Monsieur [W] était un cadre totalisant de nombreuses années d’expérience, n’a pas eu besoin de consignes à son retour de congé sabbatique pour envoyer de nombreux mails dès le 27 août 2016 et pouvait en solliciter de son supérieur Monsieur [R], rentré de congés le 22 août 2016 et dont le bureau se situait dans le même couloir,

-la présence de Monsieur [M], DRH à l’entretien du 29 août 2016 était normale s’agissant d’un entretien de retour de congé sabbatique et Monsieur [W] n’ayant pas été évalué depuis 2013, le procès verbal de compte-rendu attestant de l’absence de motivation de Monsieur [W] pour reprendre son poste et de son projet d’évoluer vers de l’audit,

-le 31 août 2016, s’est tenue une simple réunion de travail entre Monsieur [R], Mme [V] [S] et Monsieur [W], destinée à la passation des consignes sur les dossiers,

-il a été prévu, à titre temporaire, que Mme [V] [S] reprenne une partie des dossiers de droit social de Mme [F] et qu’elle partage avec M. [W] une partie des dossiers de celui-ci (elle conservait certains dossiers de droit des sociétés initiés pendant l’absence de Monsieur [W], partageait les dossiers de recouvrement de créances et procédures collectives suivant une répartition géographique, Monsieur [W] conservant la région PACA et la Corse et Mme [V] [S] ceux de la région Languedoc Roussillon et ils se partageaient les dossiers de droit immobilier en fonction ‘des charges de travail respectives’),

-il est faux de prétendre qu’aucun nouveau dossier n’aurait été attribué à Monsieur [W],

-Mme [V] [S] a continué à utiliser VSCOPE pour les quelques opérations de droit des sociétés initiées pendant le congé sabbatique de Monsieur [W],

-Monsieur [W] n’a jamais été privé de l’utilisation de VS SCOPE (logitiel de gestion de droit des sociétés) mais a rencontré des difficultés passagères de connexion, lesquelles ont été résolues par ITEAM, plateforme de service informatique,

-Il n’a pas été confié à Monsieur [W] de simples tâches de secrétariat, et s’agissant de l’édition de tableaux (pièce 41 salarié), il s’agissait d’une mission importante permettant le suivi des mandats sociaux d’une cinquantaine de filiales qui lui était confiée chaque année. Quant à l’établissement d’un avenant de résiliation d’un contrat, il s’agissait d’un acte courant effectué par les cadres juridiques,

-Monsieur [W] n’a jamais été privé de l’utilisation de VS SCOPE (logitiel de gestion de droit des sociétés) mais a rencontré des difficultés passagères de connexion, lesquelles ont été résolues par ITEAM, plateforme de service informatique,

-les pièce 49 à 51 communiquées par l’appelant concernent des dossiers de droit des sociétés de filiales (SIVIA’M AMR DEMETER) initiés par Mme [V] [S] pendant le congé sabbatique de Monsieur [W] qu’elle a continué à traiter,

-Monsieur [W] n’était pas ‘isolé’, ne traitait pas que d’archivage de vieux dossiers de recouvrement de créances et continuait de traiter de nombreux dossiers de droit immobilier et de droit des sociétés,

-la réunion prévue les 17 et 18 octobre 2016 était axée sur le droit de la construction, domaine dans lequel Monsieur [W] n’intervenait pas, contrairement à d’autres membres de la direction juridique,

-le versement de la prime exceptionnelle est une gratification bénévole laissée à la discrétion de l’employeur.

La société COLAS MIDI MEDITERRANEE produit notamment :

-les entretiens professionnels d’évaluation de Monsieur [W] en 2011 et 2013, faisant état de certains points susceptibles d’amélioration (rédaction des actes juridiques, retard dans le traitement de certains contentieux, communication à améliorer),

-des mails de Monsieur [R] à Monsieur [W] en date du 4 février 2011 lui retournant un projet de bail pour modifications relative à la forme juridique du locataire et mail en date du 27 février 2014 signalant des erreurs dans les dates de nomination des dirigeants des sociétés clientes sur des actes préparés par l’appelant dans des parapheurs destinés à la signature,

-41 mails adressés à diverses sociétés clientes par Monsieur [W] entre le 17 août 2016 et le 31 août 2016 portant notamment sur la conduite à tenir face à l’ouverture de procédures collectives,

-les contrats à durée déterminée de Mme [V] [S] pour la période du 29 août 2016 au 13 janvier 2017,

-les justificatifs de congé marternité de Mme [F] du 9 septembre 2016 au 29 décembre 2016,

-un mail du 31 août 2016 adressé par Monsieur [W] à Mme [V] [S] en ces termes : ‘[Z], pour voir la répartition des tâches à voir avec TA, il a parlé hier d’immobilier, on peut aussi se répartir par région. Si tu peux me dire ce que tu préfères avant car j’éviterai les débats à 14h et c’est lui qui proposera et décidera’,

-les mails adressés par Monsieur [R] à Monsieur [W] sollicitant l’extraction de tableau VS SCOPE les 13 octobre 2010, 21 novembre 2011, 8 novembre 2013 et 29 octobre 2014,

-le mail du 11 octobre 2016 par lequel Monsieur [W] indique : ‘je n’ai plus de Visualscope. Je viens d’en avertir ITEAM’, étant précisé qu’ITEAM est la société informatique intervenant sur les connexions,

-42 mails échangés entre Monsieur [W] et diverses sociétés clientes de COLAS concernant le recouvrement de créances et 10 mails échangés entre Monsieur [R] et Monsieur [W] portant sur le droit immobilier et le droit des sociétés (pièces 9-1 à 9-4),

-l’ordre du jour des réunions des 17 et 18 octobre 2016 portant principalement sur la réforme du droit de la construction et des commandes publiques,

-l’ordre du jour des réunions des 12 et 13 octobre 2009 auxquelles Monsieur [W] n’était pas convié, portant sur des points ne concernant pas ses domaines de compétence,

-le compte-rendu de réunion CHSCT EXTRAORDINAIRE du 12 décembre 2016 par lequel 7 collègues de Monsieur [W], parmis lesquels Monsieur [L] et Madame [V] [S], ont été auditionnés, sans que l’appelant ne soit entendu, et concluant : ‘L’ensemble des personnes reçues ont attesté n’avoir jamais été ni témoin, ni vu, ni entendu de manifestations à caractère de harcèlement de la part de [N] [R] ni envers [B] [W] ni envers toute autre personne’.

Il résulte des différents emails produits et de la chronologie des entretiens que Monsieur [W] n’était pas avisé de la proposition de rupture conventionnelle de son contrat de travail avant d’être convoqué par Monsieur [R] et Monsieur [M], souhaitant pour sa part reprendre le travail, tandis que la présence du DRH dès le premier entretien le 8 juillet 2016 témoigne de la volonté de l’employeur de lui proposer, le cas échéant, de quitter l’entreprise de manière amiable, avant même de l’avoir entendu sur ses motivations à reprendre le travail.

Ainsi, alors qu’il ne ressort d’aucune pièce que Monsieur [W] souhaitait quitter l’entreprise et qu’il n’avait pas à se justifier sur son activité personnelle durant le congé sabbatique qui avait été accepté par son employeur de septembre 2015 à août 2016, ont été évoquées lors d’un entretien informel le 8 juillet 2016 les modalités de son départ et mentionné une demande de réponse ‘rapide’ avant le 20 juillet, ce qui constitue une forme de pression de la part de son employeur.

S’agissant de l’insuffisance professionnelle évoquée par l’employeur, si certains points restaient à améliorer dans l’exercice des missions confiées à Monsieur [W] tel qu’il résulte de ses évaluations professionnelles en 2011 et 2013 et qu’il a pu commettre quelques erreurs, l’employeur ne démontre nullement l’avoir rappelé à l’ordre par courrier ou entretien individuel, sur d’éventuels dysfonctionnements chroniques ou signalé des difficultés particulières dans l’exécution de son travail, avant son retour de congé sabbatique.

Il est constant que Monsieur [W] n’a pas reçu de consignes à son retour à son poste le 16 août 2016 après 11 mois d’absence, et ce jusqu’à la réunion qui s’est tenue le 31 août 2016, les mails envoyés dans la période intermédiaire par Monsieur [W] n’étant que des réponses aux sociétés clientes concernant la déclaration de leurs créances.

De même, si la société COLAS soutient qu’il s’agissait d’un partage équitable de la charge de travail, uniquement pendant la durée du congé maternité de Mme [F] (soit du 9 septembre 2016 au 29 décembre 2016), la cour constate que l’employeur reconnait que Mme [V] [S] a partagé une partie des dossiers attribués initialement à Monsieur [W] tandis que celui-ci n’a pas été investi d’autres missions.

Si Monsieur [W] ne démontre pas avoir été ‘isolé’ au sein de la société COLAS, l’employeur justifiant de ce qu’il pouvait continuer d’utiliser le logitiel Visual SCOPE et était convié aux réunions utiles à ses domaines d’intervention, il est en revanche établi qu’à son retour de congé sabbatique le 16 août 2016, Monsieur [W] n’a pas retrouvé l’ensemble de ses attributions (droit immobilier, droit des sociétés, recouvrement de créances et procédures collectives), lesquelles ont été partagées avec une autre salariée.

La défiance de son employeur à son égard s’est également manifestée par la suppression du versement de la prime de fin d’année, pourtant versée systématiquement durant les dix années précédentes.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que, alors qu’il a été fait pression sur lui pour qu’il envisage une rupture conventionnelle et que ses capacités professionnelles ont été questionnées, lors de son retour de congé sabbatique, Monsieur [W] s’est vu privé d’une partie importante de ses missions et de ses primes de fin d’année,

Dès lors, la Société COLAS MIDI MEDITERRANEE échoue à prouver que les agissements établis par Monsieur [N] [W] étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La chronologie des faits, s’agissant du courrier adressé par Monsieur [W] à son employeur le 30 novembre 2016 dénonçant la dégradation de ses conditions d’emploi et un harcèlement moral, son certificat médical d’arrêt de travail du 12 décembre 2016 pour dépression et épuisement professionnel et son licenciement pour faute grave, notifiée par lettre du 19 décembre 2016 pour avoir dénoncé sa mise à l’écart depuis son retour de congé sabbatique, établissent le lien entre le harcèlement moral dont a été victime Monsieur [W], la dégradation de son état de santé et son licenciement.

En application de l’article L.1152-3 du code du travail, le licenciement intervenu dans ce contexte est nul.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et des conséquences dommageables qu’il a eues pour M [W], telles qu’elles ressortent des pièces médicales, le préjudice en résultant pour le salarié doit être réparé par l’allocation de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur les indemnités subséquentes à la nullité du licenciement

-sur les indemnités de rupture et le rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

Monsieur [W] conteste le montant du salaire de référence retenu par le conseil de prud’hommes, soit 4.180 x13 :12 mois=4528,33 euros, arguant du fait que l’employeur aurait lui même fixé ce salaire de référence à la somme de 5.091,46 euros lorsqu’il a voulu se défaire de lui (cf pièce 32 du salarié). L’employeur ne reconnaît pas être l’auteur du document visé en pièce 32.

La cour constate à l’examen des bulletins de paie produits par le salarié que le salaire mensuel brut moyen doit être fixé à la somme de 4.528,33 euros (soit 4.180 x13 :12 mois)

Monsieur [W] licencié pour faute grave a été privé à tort du versement de l’indemnité de préavis et de l’indemnité conventionnelle de licenciement. Il y a donc lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné la société COLAS MIDI MEDITERRANEE (devenue COLAS FRANCE) à lui payer la somme de 13.585 euros à titre d’indemnité de préavis (soit 3 mois de salaire en application de l’article 7.1 de la convention collective applicable), outre 1358,50 euros au titre des congés payés y afférents.

Au terme des dispositions de l’article 7.4 et 7.50 de la convention collective applicable, l’indemnité conventionnelle de licenciement est égale à 30% de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de 2 ans révolus jusqu’à 10 ans, (soit en l’espèce 30% de 4.528,33×10=13.585 euros) et 60% de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années au-delà de 10 ans plafonnée à 15 mois de salaire (soit en l’espèce 60% de 4.528,33 x (25-10)=40.755, soit une somme totale de 54.340 euros.

Il convient en conséquence de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné l’employeur à lui verser une indemnité conventionnelle de licenciement de 54.340 euros.

Le licenciement ayant été déclaré nul, la faute grave et la mise à pied conservatoire n’étaient pas justifiées, de sorte qu’il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a condamné l’employeur à payer à Monsieur [W] les sommes de 2612,49 euros à titre de rappel de rémunération sur mise à pied et 261,24 euros de congés payés y afférents.

-sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

Il n’est pas contesté par l’employeur que la société COLAS MIDI MEDITERRANEE employait plus de 10 salariés et que Monsieur [W] disposait d’une ancienneté de 25 années, soit supérieure à deux ans, au moment de la rupture de son contrat de travail. Les dispositions de l’article L1235-3 dans sa version applicable au présent litige, trouvent à s’appliquer, de sorte qu’à défaut de réintégration, le salarié licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, a droit à des dommages et intérêts dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.

Si Monsieur [W] justifie de ses charges (frais de scolarité de 3 enfants et deux prêts d’un montant total de 2233,21 euros), il ne justifie pas de l’ensemble de sa rémunération pour les années 2017, 2018 et 2019 étant précisé que les attestations Pôle emploi produites couvrent uniquement le versement d’allocation chômage pour les mois de février 2017, janvier 2018, janvier, et mars et octobre 2019. Il justifie toutefois être inscrit au RCS en qualité de mandataire d’assurance et opérations de banque depuis juillet 2019 et ne déclarer qu’une somme de 4.971 euros au titre de ses revenus en 2020 (cf déclaration d’impôts sur les revenus).

Compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (51 ans), de son ancienneté (25 ans révolus), de sa qualification, de sa rémunération ( 4.528,33 euros bruts), des circonstances de la rupture (licenciement pour faute grave suite à la dénonciation de faits de harcèlement), mais également des éléments parcellaires communiqués concernant sa situation professionnelle, il convient d’accorder à Monsieur [W] une indemnité pour licenciement nul d’un montant de 55.000 euros.

Sur le caractère vexatoire du licenciement

Monsieur [W] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, affirmant avoir été sommé de quitter sur le champ l’entreprise le lundi 5 décembre 2016 après qu’une mise à pied lui ait été remise en main propre et publiquement, les salariés présents étant préalablement avisés de l’existence d’une mesure disciplinaire à son encontre, ce qui constitue une mesure vexatoire.

La société COLAS expose que la présence de Madame [X] [K] et de Monsieur [G] [P], respectivement membres du CE et du CHSCT, a été requise pour protéger les intérêts du salarié à qui la lettre de mise à pied et de convocation à l’entretien préalable a été remise.

La cour constate que la remise publique d’une sanction disciplinaire en main propre sur le lieux de travail devant deux membres représentant du personnel, par ailleurs collègues de travail de Monsieur [W], n’était pas nécessaire et revêt un caractère vexatoire.

Il justifie d’un préjudice pour avoir été en arrêt de travail dès le 12 décembre 2016 pour dépression et épuisement professionnel.

La cour décide de lui octroyer une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du caractère vexatoire du licenciement.

Sur la nullité de la clause de non concurrence

Monsieur [N] [W] soutient que la clause de non concurrence figurant à son contrat de travail est illicite car elle ne comporte pas de contrepartie financière.

La société COLAS MIDI MEDITERRANEE ne conteste pas le caractère illicite de la clause, précise que le salarié en a été délié suivant conclusions du 16 février 2018 et offre le versement d’une somme de 10.000 euros en réparation de son préjudice.

***

Il est admis par la jurisprudence qu’une clause de non concurrence ne comportant pas de contrepartie financière, doit être déclarée nulle.

En l’espèce, la clause de non concurrence figurant au contrat de travail de Monsieur [W] est ainsi libellée : ‘En cas de résiliation du contrat de travail qui vous lie à notre société, quel qu’en soit l’auteur, vous vous engagez à ne pas apporter votre contribution directe ou indirecte, tant sous forme d’activité salariée que sous tout forme, à toute entreprise qui exercerait une activité de même nature que celle de notre société ou susceptible de la concurrencer, ni à exercer une telle activité pour votre propre compte.

Cette interdiction sera limitée toutefois :

– dans l’espace, aux départements ou ont été situés vos principaux lieux d’activité ou établissements de rattachement au cours des deux dernières années précédant la rupture, ainsi qu’à l’ensemble des départements limitrophes.

– dans le temps, à une période de deux années, période qui courra, pour tout territoire visé à l’alinéa précédent, à partir de la date à laquelle vous aurez cessé d’y exercer vos fonctions pour le compte de notre société, quel que soit la cause de votre départ de la Société’.

Ne comportant aucune contrepartie financière, elle doit être déclarée nulle, ce que ne conteste pas l’employeur.

Le différend porte sur le montant de l’indemnisation réparant le préjudice de l’appelant.

Monsieur [W] était cadre juridique de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE dont l’activité consistait à la conception, l’étude, la réalisation de tous travaux publics privés de bâtiments, génie civil, ouvrage d’art et plus généralement de tous travaux de route et de viabilité, outre la location d’engins et matériel de chantier. Son établissement d’affectation était situé à [Localité 3] et sa résidence dans les Bouches du Rhône. Les principaux lieux d’implantation de la société sont situés sur l’ensemble du pourtour méditerranéen, tel qu’il résulte de cartes produites par le salarié non contestées par l’employeur.

La clause de non concurrence, très contraignante, couvrait par conséquent une zone géographique très importante.

Monsieur [W] justifie de sa situation de chômage en février 2017 et janvier 2018 (cf attestations Pôle Emploi de mars 2017 et février 2018), sans pour autant préciser s’il a perçu des allocations chômage dans l’intervalle Il justifie également de la création de son auto-entreprise en qualité d’agent commercial le 23 mai 2019, exerçant depuis le 12 juillet 2019 jusqu’au 29 février 2020 en qualité de mandataire d’intermédiaire d’assurance, opérations de banque et service de paiement (cf attestation ORIAS), indiquant être toujours pris en charge par Pôle Emploi, sans le démontrer.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de dire que la société COLAS MIDI MEDITERRANEE devenue COLAS FRANCE devra lui verser une indemnité de 10.000 euros en réparation du préjudice résultant de l’application de la clause de non concurrence illicite.

La décision du conseil de prud’hommes sera réformée de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts formée au titre des dispositions de l’article L3142-105 du code du travail

Monsieur [W] sollicite une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts au motif qu’il a été démontré qu’il n’a pas retrouvé son poste tel qu’il existait avant son départ en congé sabbatique, contrairement aux exigences strictes de l’article 3142-95 du code du travail.

La société COLAS MIDI MEDITERRANEE considère que la demande de l’appelant est imprécise et non justifiée et sollicite la confirmation du jugement qui l’a rejetée.

***

L’article 3142-95 du code du travail, devenu 3142-31 du code du travail à compter du 8 août 2016 dispose qu’à l’issue du congé sabbatique, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente et bénéficie de l’entretien professionnel mentionné à l’article L6315-1 (entretien d’évaluation).

En l’espèce, si Monsieur [W] a démontré qu’il n’avait pas retrouvé l’intégralité de son précédent emploi, à l’issue de son congé sabbatique, certaines responsabilités lui ayant été soustraites, il ne caractérise pas le préjudice distinct de celui du harcèlement moral qui en serait résulté.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef.

Sur les intérêts

Il y a lieu de dire que les créances allouées à Monsieur [W] de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et que les créances allouées de nature indemnitaire, porteront intérêts au tauxlégal à compter du présent arrêt.

Ils se capitaliseront à condition qu’ils soient dus sur une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient de dire que la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE devra transmettre à Monsieur [N] [W] un bulletin de paie récapitulatif et l’attestation pôle emploi, conformes au présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte ne soit nécessaire.

Sur la demande de prise en charge des sommes retenues par l’huissier en cas d’exécution forcée

Monsieur [W] sollicite qu’il soit dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement et en cas d’exécution par voie extra judiciaire, les sommes retenues par l’Huissier instrumentaire en application du Décret du 12 Décembre 1996 devront être supportées par l’employeur.

Or, d’une part les frais de recouvrement et d’encaissement sont désormais prévus par l’article A 444-32 du code du commerce (ancien article 10 du Décret n°96-1080 du 12 Décembre 1996 portant fixation du tarif des Huissiers en matière civile et commerciale, modifié par le Décret n°2001-212 du 8 Mars 2001) et de surcroît, ils ne sont pas applicables lorsque le recouvrement ou l’encaissement est effectué sur le fondement d’un titre exécutoire constatant une créance née de l’exécution d’un contrat de travail (Article R 444-53 du Code de commerce en vigueur depuis le 29 Février 2016).

Monsieur [W] sera donc débouté de sa demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L’équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et d’allouer à ce titre la somme de 1.500 euros à Monsieur [N] [W].

L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes d’Aix en Provence, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes formées au titre du rappel de primes, du harcèlement moral, de la nullité du licenciement, du caractère vexatoire du licenciement et la demande de rectification de document sous astreinte, et sur le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, précisant que la société COLAS FRANCE vient désormais aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer Monsieur [W] la somme de 4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2015, outre 470,00 euros à titre d’incidence congés payés, et la somme de 4.700,00 euros à titre de rappel de prime pour l’année 2016, outre 470,00 € à titre d’incidence congés payés,

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [W] une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant des faits de harcèlement moral,

Dit que licenciement de Monsieur [N] [W] est nul,

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [N] [W] la somme de 55.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [N] [W] la somme de 500 euros au titre du caractère vexatoire du licenciement,

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [N] [W] la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait de la nullité de la clause de non concurrence,

Ordonne à l’employeur de fournir à Monsieur [N] [W] un bulletin de paie récapitulatif et une attestation Pôle Emploi rectifiée, conformes au présent arrêt,

Y ajoutant :

Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes et que les créances allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Dit que les intérêts se capitaliseront à condition qu’ils soient dus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE à payer à Monsieur [N] [W] une somme de 1. 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples et contraires,

Condamne la société COLAS FRANCE venant aux droits de la société COLAS MIDI MEDITERRANEE aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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