7ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°455/2022
N° RG 19/06455 – N° Portalis DBVL-V-B7D-QEDZ
Association ASSOCIATION MJC DU PLATEAU
C/
M. [K] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Hervé BALLEREAU, Président de chambre,
Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 13 Septembre 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [B] [T], médiateur judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Octobre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
ASSOCIATION MJC DU PLATEAU Prise en la personne de son Président domicilié audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Comparante en la personne de son président, Monsieur [C],
Assisté de Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Assisté de Me Florence RICHEFOU, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉ :
Monsieur [K] [D]
né le 06 Mars 1965 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Comparant en personne
Assisté de Me Christelle BOULOUX-POCHARD de la SELARL DIFENN AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Assisté de Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
L’association Maison des Jeunes et de la Culture ( MJC) du Plateau, association d’éducation populaire régie par la loi du 1er juillet 1901 implantée à [Localité 5], a pour but d’animer des lieux d’expérimentation et d’innovation sociale, en répondant aux attentes des habitants en partenariat avec les collectivités locales. Elle est affiliée à la Fédération régionale de Bretagne des MJC.
M. [K] [D] a été recruté le 10 avril 1995 comme animateur socio-culturel par l’association MJC du Plateau dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
Durant la relation contractuelle, le salarié a occupé le poste de coordinateur culture et celui de Directeur adjoint le 2 janvier 2006, sous la responsabilité hiérarchique d’un Directeur délégué par la Fédération Régionale des MJC.
A la suite du déconventionnement de la gestion du poste de Directeur par la Fédération Régionale des MJC, M.[D] a occupé le poste de Directeur salarié à partir du mois d’octobre 2010 sous la présidence de M.[X] [L], Président de l’association depuis 2001.
Il percevait en dernier lieu un salaire moyen de 3 648 euros brut par mois.
L’association MJC du Plateau applique la convention collective d’animation socio-culturelle et employait un effectif de plus de 10 salariés (50 représentant 18 ETP).
Au cours de l’année 2016, la Ville de [Localité 5], alertée par une dégradation du climat social entre les dirigeants et les salariés et par des accusations de manque de transparence sur la gestion financière de l’association, a confié un audit à un cabinet d’expertise comptable afin de contrôler la gestion financière et l’usage des deniers publics des associations, la gestion des biens et le fonctionnement interne ( gouvernance, caractère démocratique, management).
Dans un courrier daté du 9 septembre 2016, M. [D] a informé le Président qu’il était en arrêt de travail en raison d’un épuisement professionnel et qu’il sollicitait une rupture conventionnelle de son contrat de travail après avoir dénoncé la défiance exprimée par certains administrateurs et par la Ville de [Localité 5], au travers d’un audit.
Lors de l’assemblée générale de l’association le 10 septembre 2016, un nouveau président a été élu en la personne de M.[C].
Le rapport d’audit transmis à la Ville le 28 septembre 2016 ayant été communiqué au conseil d’administration de l’association lors de la réunion du 30 septembre 2016, à l’issue de laquelle la situation du Directeur en arrêt de travail a été évoqué : ‘ Chacun s’accorde à considérer que la poursuite du contrat de travail du Directeur n’est plus envisageable , pas plus que la rupture conventionnelle. Il est donc donné au Président mandat de notifier à l’intéressé une convocation à un entretien préalable pour entendre ses explications et lui notifier éventuellement ultérieurement la rupture de son contrat de travail avec ou sans indemnité de préavis et de licenciement.’
Le 5 octobre 2016, le Président a convoqué M. [D] à un entretien préalable à licenciement fixé au 17 octobre et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.
Le 22 octobre 2016, M. [D] s’est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle dans un courrier ainsi libellé :
‘ A la suite de notre entretien du 17 octobre 2016, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison des négligences professionnelles préjudiciables aux intérêts de l’association, que nous venons constater dans l’exercice de vos fonctions et notamment au niveau:
1- Gestion administrative et financière
L’obtention de subventions exige la justification de leur utilisation. A défaut, la MJC court le risque de ne pas recevoir les sommes, voire de devoir rembourser des sommes encaissées : de nombreuses subventions n’ont pas été justifiées :
– Developpement d’un pôle informatique au sein de la Maison d’Arrêt de [6] : attribution d’une subvention du Conseil régional pour des actions (investissement et fonctionnement) réalisées entre 2012 à 2015. A la date du 6 octobre 2016, aucun document justifiant ces opérations n’a été adressé. Le travail a pourtant été fait par le professionnel qu’il vous a ensuite transmis dans les délais.
– Le projet cartopus a bénéficié d’un Fonds d’expérimentation à la jeunesse. Dans le cadre de l’expérimentation, des bilans devaient être transmis et un comité de pilotage réuni à plusieurs reprises afin d’évaluer le travail produit dans le cadre de cette expérimentation. Les éléments vous ont été transmis par le professionnel en charge du dossier mais vous n’avez pas finalisé et transmis le dossier.
– Le Fonds social européen qui finance un projet pour le Français Langue Etrangère n’a pas été justifié. Encore une fois le dossier avait été finalisé par la salariée en charge du projet. On peut aussi noter sur ce dossier une demande de subvention que vous n’avez pas finalisé et qui a privé ce projet de 10 000 euros . Vous n’avez pas non plus en 2016 adressé la demande de subvention à la Ville malgré deux relances de la Ville de [Localité 5].
– Vous avez omis de solliciter la subvention de fonctionnement auprès du Conseil départemental des Côtes d’Armor alors que cette subvention de 120 000 euros nous est versée depuis plusieurs années.
– Un litige avec SFR : la MJC a souscrit un contrat le 22 mai 2009. Le 22 novembre 2012, la MJC avait procédé à un renouvellement de sa flotte mobiles pour 36 mois. Le 7 mars 2013, un autre renouvellement pour les mêmes lignes avait été effectué ( les renouvellements de mobiles sont équivalents à un renouvellement de contrat , la date de fin de contrat est donc prolongée). Suite au constat d’une explosion des frais téléphoniques
( compte rendu CA du 27 mai 2014)(..) Il vous a été demandé de changer d’opérateur ..) À ce même conseil d’administration. Rien n’a été fait en ce sens. Le 31 juillet 2015, 8 lignes mobiles ont donné lieu à une portabilité et 3 autres lignes mobiles ont été résiliées par LRAR du 31 juillet 2015. Les portabilités et les résiliations ont été effectuées avant la date de fin d’engagement contractuel dont ont donné lieu à des factures de pénalité suite à résiliation anticipée. Seulement, des lignes fixes étaient également comprises dans le contrat. Cependant, nous venons de découvrir qu’aucune demande de résiliation pour les lignes fixes n’a été effectuée donc la facturation a continué(..) La totalité de la créance est due, soit 9 193,30 euros . Vous avez reçu un nombre important de courriers de factures et de lettres recommandées avec accusé réception, des rappels inquiets des salariés concernés sans effet.
– Gestion approximative du projet européen Aristote dans le cadre du programme Erasmus Plus :il avait pour objet d’améliorer les approches linguistiques et l’enseignement des langues dans la MJC ( décloisonnement entre les cours, harmonisation des démarches pédagogiques, ..). De nombreux déplacements jalonnaient ce projet au cours des deux dernières années. Plusieurs faits attirent notre attention:
– En janvier 2016, vous avez effectué un déplacement professionnel à Londres : comme vos collègues, vous disposiez d’une enveloppe d’argent en livres. Vos collègues ont justifié leurs dépenses et ramené un solde positif. Vous n’avez pas entièrement justifié vos dépenses. De plus vous avez utilisé la carte bancaire de l’association pour des dépenses allant au-delà du forfait alloué.
– En avril 2016, vous vous êtes rendu à Santorin: nous n’avons à ce jour aucun justificatif de vos dépenses et de celles des personnes qui vous accompagnaient et qui vous ont remis leurs justificatifs.
– Votre compagne Mme [A] qui n’appartient pas à l’effectif de la MJC a participé à ce séjour (..) Sans aucune participation financière.
– de la même manière, M.[Z] conjoint de Mme [Z], prestataire de services pour ce projet n a participé à ce séminaire sans participation financière.
– votre fille [J] [D] a effectué son service civique en Grèce sur le projet Aristote et contrairement aux usages à l’égard des autres jeunes placés dans la même situation : son logement a été pris en charge partiellement; elle a reçu un virement bancaire de 400 euros pour dépassement de loyer sans justificatifs; une somme de 1 636 euros a été transférée par son intermédiaire au Centre Hellenic.
– Nous déplorons également l’absence d’inventaire précis du matériel et la découverte du manque de certains..
– Le dossier d’établissement recevant du public n’a pas été finalisé dans les délais légaux.
– Enfin et plus globalement, différentes recommandations du Commissaire aux Comptes et de l’Expert-Comptable n’ont pas été suivies d’effet malgré des rappels récurrents.
2- Gestion du personnel
– Malgré les nombreuses alertes reçues, tant de la Médecine du travail que des syndicats professionnels, des déléguées du personnel, des salariés, l’on doit constater la rupture de tout dialogue social et l’absence de tenue de réunions mensuelles des délégués du personnel. La situation n’a pas été traitée en profondeur. La DLA n’a pas débouché sur la moindre action concrète en matière de prévention des risques psychosociaux. Le constat de souffrance au travail s’est accentué, montrant ainsi le manquement caractérisé de la Direction à son obligation de sécurité.
– Vos manquements professionnels affectent également la gestion administrative du personnel :
– Refus d’autorisation du licenciement économique de Mme [G] pour non-respect des délais entre la convocation à l’entretien préalable et sa tenue;
– menaces réitérées de licenciement pour faute lourde ( appels téléphoniques, sms, messages vocaux, mails sur la boîte personnelle) sur un coordinateur de la MJC pendant ses congés d’été.
– demande d’un contrat de professionnalisation pour un salarié présent depuis plus de 6 ans dans la MJC alors que ce type de contrat est réservé à des personnes embauchées depuis moins de 6 mois.
3- Nous avons en outre constaté un manque de transparence envers les organes représentatifs de l’association avec tentative d’influence de ses membres se traduisant par la modification des dates d’entrée des personnes s’inscrivant à la MJC pour pouvoir les présenter à l’assemblée générale et au CA, et obtenir postérieurement leur pouvoir, alors que certaines n’étaient pas adhérents.
– Nous avons constaté par ailleurs l’absence de certains compte-rendus de CA non consignés dans le cahier à cet effet et l’absence de validation d’un certain nombre d’autres.
Le tout s’accompagnant d’un manque de motivation, d’un déficit de présence effective, qui ne permettent plus une gestion cohérente de ses missions et mettent en danger les relations de la MJC avec ses partenaires habituels.
L’ensemble des éléments a d’ailleurs été mis en évidence dans le cadre de l’audit réalisé à la demande de la Mairie de [Localité 5] et dans le cadre de la Direction par intérim de la Fédération Régionale de MJC.
Vos manquements sont tels que le maintien de votre contrat de travail n’est plus envisageable.
Votre préavis d’une durée de 3 mois que nous vous dispensons d’effectuer débutera le 22 octobre 2016.’
Par courrier du 3 février 2017, M. [D] par la voix de son conseil a contesté son licenciement ‘ pour faute’.
Le 9 février 2017, l’employeur a considéré que le licenciement était justifié au regard des conclusions de l’audit de la gestion de la MJC et a mis en demeure le salarié de lui rembourser la somme de 10 806,42 euros, correspondant à des dépenses et des retraits en espèces non justifiés.
Le 6 juillet 2017, l’Association MJC Du Plateau a déposé plainte avec constitution de partie civile auprès du parquet de [Localité 5] pour un certain nombre d’indélicatesses au niveau de la gestion financière et administrative de l’association à l’encontre de M.[D].
Le salarié a fait l’objet d’une décision de relaxe rendue le 6 juin 2019 par le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc, infirmée par la cour d’appel dans un arrêt du 19 mai 2021 qui l’a condamné pour des faits d’abus de confiance. Un pourvoi est en cours.
***
M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc par requête du 27 juillet 2017 afin de voir:
– Fixer son salaire mensuel brut moyen à 3 546,14 € bruts
– Dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse
– obtenir des dommages et intérêts en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, nets de toutes charges sociales, y compris CSG/CRDS : 80 256 Euros
– obtenir des dommages-intérêts pour préjudice moral : 5 000 Euros
– Dire que l’association MJC du Plateau a manqué à son obligation d’exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail (art. L. 1222-1 du code du travail) à l’égard de M. [D],
– obtenir des dommages et intérêts à ce titre : 10 000 Euros
– Ordonner à l’association défenderesse la réfection des documents sociaux (dernier bulletin de paie, attestation pôle emploi, certificat de travail) sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement rendu
– Article 700 du code de procédure civile : 3 700 Euros
– Ordonner l’exécution provisoire sur l’intégralité du jugement.
L’association MJC Du Plateau a demandé au conseil de prud’hommes de débouter M. [D] de toutes ses demandes et de le condamner au paiement de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc a :
– Dit et jugé que le licenciement notifié à Monsieur [K] [D] par l’Association MJC du Plateau le 22 octobre 2016 est sans cause réelle et sérieuse ;
– Fixé le salaire mensuel brut moyen de Monsieur [D] à 3 546,14 euros ;
– Condamné l’Association MJC du Plateau à verser à Monsieur [K] [D] les sommes suivantes:
– 42.553,68 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Ordonné à l’association défenderesse la réfection des documents sociaux, dernier bulletin de paie, attestation Pôle Emploi, certificat de travail, sans astreinte.
– Ordonné en application de l’article Ll23 5-4 du Code du travail le remboursement à Pôle emploi par l’association MJC du Plateau de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Monsieur [K] [D], du jour de son licenciement au jour du jugement prononce, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage ;
– Condamné l’Association MJC du Plateau aux entiers dépens de l’instance, en ceux compris les éventuels frais d’exécution forcée du présent jugement;
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
***
L’association MJC Du Plateau a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 26 septembre 2019.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 27 juin 2022, l’association MJC Du Plateau demande à la cour de :
– Infirmer le jugement en ce qu’il a :
‘ Dit le licenciement de M.[D] est sans cause réelle ni sérieuse ;
‘ Condamné la MJC Du Plateau à payer à M [D] la somme de 42.553,68 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
‘ Ordonné à la MJC Du Plateau de procéder à la réfection des documents sociaux, bulletins de salaires, attestation pôle emploi et certificat de travail ;
‘ Ordonné le remboursement à Pôle Emploi des allocations chômage perçues par M.[D];
‘ Débouté la MJC Du Plateau de ses demandes ;
‘ Condamné la MJC Du Plateau au paiement d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 outre les entiers dépens ;
– Constater que les statuts de la MJC Du Plateau ne contiennent aucune disposition attribuant le pouvoir de licencier à un organe statutaire en particulier et, en conséquence, dire et juger que le pouvoir de licencier appartenait au Président du Conseil d’Administration ;
– en tout état de cause, constater que le Conseil d’Administration de la MJC Du Plateau, lors de sa réunion du 30 septembre 2016, a procédé à une délégation de pouvoirs au profit de son Président dans les termes les plus larges, confirmée le 20 septembre 2019 ;
– dire que le Président du Conseil d’Administration avait tout pouvoir pour procéder au licenciement de M. [D]
– Constater que le Conseil d’Administration de la MJC Du Plateau a en tout état de cause ratifié le licenciement de M.[D] ;
– Constater que les manquements reprochés à M [D] sont établis et juger que le licenciement est bien fondé ;
– Débouter M.[D] de son appel incident et de toutes ses demandes et, subsidiairement, réduire ses demandes à de plus justes proportions ;
– Condamner M.[D] au paiement de 6 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel et aux entiers dépens.
En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 23 juin 2022, M. [D] demande à la cour de :
– s’agissant du licenciement et des demandes financières en résultant :
– A titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que les statuts de l’association n’ont pas été respectés et a constaté le défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement,
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que le licenciement notifié à M.[D] est sans cause réelle et sérieuse, mais augmenter le montant des dommages-intérêts à la somme de 80 256 euros nets.
– A titre subsidiaire, dire que les griefs invoqués à l’appui du licenciement sont infondés et, au surplus, relèvent du terrain disciplinaire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et augmenter le montant de dommages et intérêts à la somme de 80 256 euros nets.
– s’agissant des autres demandes :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de 5000 euros nets au titre du préjudice moral distinct,
– Condamner l’association appelante à lui verser 5000 euros nets au titre du préjudice moral
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande relative à l’obligation d’exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail et la condamner à ce titre, à lui verser 10 000 euros nets à titre de dommages et intérêts.
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné à l’association appelante de refaire les documents sociaux (dernier bulletin de paie, attestation pôle emploi, certificat de travail), conformément à l’arrêt à intervenir.
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le salaire mensuel brut moyen à 3 546,14 euros bruts
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association à lui à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 3000 euros pour la première instance,
– Y ajoutant, la condamner à lui verser, en outre, 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la présente instance d’appel
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné l’association aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution et condamner l’association appelante aux frais de signification de l’arrêt à intervenir, ainsi qu’aux frais d’exécution éventuels.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 26 juillet 2022 avec fixation de l’affaire à l’audience du 13 septembre 2022.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Les premiers juges considérant que le conseil d’administration au regard des statuts de l’association MJC du Plateau était l’employeur du personnel rétribué par lui sans stipuler de délégation de cette qualité à son président ou au directeur de l’association, ont jugé que seul le conseil d’administration disposait du pouvoir de décider de licencier; que si le conseil d’administration a donné mandat au président le 30 septembre 2016 de convoquer M.[D] à un entretien préalable à licenciement pour entendre ses explications, il n’a pas été réuni à nouveau pour se prononcer sur la décision de licencier de sorte que le Président a pris seul l’initiative de notifier le 22 octobre 2016 le licenciement à M.[D] sans disposer du pouvoir pour le faire.
L’association MJC du Plateau demande l’infirmation du jugement en soutenant que le Président de l’association disposait du pouvoir de licencier un salarié en l’absence de disposition explicite des statuts de l’association sur ce point; qu’en toute hypothèse, le conseil d’administration avait pris la précaution de mandater le président afin de mettre en oeuvre la procédure de licenciement du salarié.
M.[D] reprend l’analyse des premiers juges en soutenant que le conseil d’administration de l’association est l’employeur des salariés, que compte tenu du parallélisme des formes, il doit donner son accord pour le recrutement et pour le licenciement de son personnel; que tel n’est pas le cas pour M.[D] qui a été licencié par le président le 22 octobre 2016 sans que le conseil d’administration n’ait été amené à se prononcer sur cette décision.
L’article L 1232-6 du code du travail dispose que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Le Président d’une association est le représentant légal auprès des tiers pour tous les actes de la vie sociale. A défaut de disposition spécifique des statuts attribuant la compétence de licencier à un autre organe de l’association, il entre dans les attributions du Président de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d’un salarié.
Il résulte de ses statuts que :
-: ‘ l’association MJC du Plateau est représentée en justice et dans les actes de la vie civile par son Président ou son représentant dûment mandaté par lui à cet effet’ en son article 11-2 alinéa 3.
– ‘le Conseil d’Administration est responsable de la marche générale de la MJC.
En particulier,
– Sur proposition du Président, il donne son accord pour l’embauche de tout salarié en CDI de plus de 24 heures par semaine et notamment du Directeur qui est responsable de l’organisation pédagogique et de la gestion quotidienne de la MJC. Dans ce cadre, il peut lui accorder les délégations de responsabilités.(..)’ , en son article 10-3.
Les statuts de l’association MJC du Plateau ne comportant aucune disposition spécifique relative au pouvoir de licencier un salarié, le Président qui a notifié le licenciement de M.[D] était investi du pouvoir de mettre en oeuvre la procédure de licenciement du salarié de sorte que le moyen tiré du défaut de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement doit être rejeté. Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
M.[D] soutient que les griefs articulés à son encontre se rattachent au terrain disciplinaire et que l’employeur a opté pour une procédure pour insuffisance professionnelle en se fondant sur des griefs anciens et donc prescrits, de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Contrairement à l’analyse du salarié, la lettre de licenciement du 22 octobre 2016 qui fixe les limites du litige se fonde clairement sur des motifs en lien avec son insuffisance professionnelle se traduisant par des négligences professionnelles préjudiciables aux intérêts de l’association notamment au niveau de la Gestion administrative et financière, de la Gestion du personnel, du manque de transparence envers les organes représentatifs de l’association
‘ le tout s’accompagnant d’un manque de motivation, d’un déficit de présence effective , qui ne permettent plus une gestion cohérente de ses missions et mttent en danger les relations de la MJC avec ses partenaires habituels.
L’ensemble des éléments a d’ailleurs été mis en évidence dans le cadre de l’audit réalisé à la demande de la Mairie de [Localité 5] et dans le cadre de la Direction par intérim de la Fédération Régionale de MJC.’
En l’absence de fiche de poste de Directeur signée par M.[D], il convient de se référer aux statuts selon lesquels sous l’autorité du Président, le Directeur est chargé de faire ‘ des propositions’ au Bureau tenu de préparer les travaux du Conseil d’Administration et de veiller à l’exécution de ses décisions. Le Directeur est également ‘chargé de préparer le règlement des dépenses et d’assurer la tenue conforme de la trésorerie’. Il participe par ailleurs au Conseil d’Administration avec voix consultative.
Même si M.[D] était partie prenante dans l’établissement des fiches de poste des salariés et de la sienne en particulier à l’occasion du diagnostic local d’accompagnement confié en 2015 ( pièce 64 extrait DLA) à un cabinet Belisame, la fiche établie le 3 février 2015 ne portant pas sa signature, n’est pas opposable à M.[D].
Aux fins d’établir le bien-fondé de l’insuffisance professionnelle invoquée, l’association MJC verse aux débats :
– le compte rendu de l’audit confié à la société Audit Consultants, société d’expertise comptable mandatée par la Ville de [Localité 5] ( 22 pages pièce 65) afin de lui fournir les éléments d’appréciation sur le projet politique, la gouvernance, le management interne et la gestion financière de l’association. Ce rapport établi le 8 juillet 2016 et transmis à l’association le 28 septembre 2016, conclut notamment à :
– ‘la nécessité de réinstaurer la commission financière dotée d’une véritable indépendance vis-à-vis de la direction pour garantir la transparence des dépenses engagées par la MJC. Cette commission a cessé d’exister en août 2013 après la démission collective des administrateurs la composant et motivée par le fait qu’ils ‘étaient écartés du contrôle de fonctionnement de l’association par une opacité apparemment délibérée du directeur et du président qui en exercent en réalité seuls la gestion notamment financière, et qu’ils estimaient ne pas être en mesure d’assurer leur rôle de garant ‘
– une gestion interne plus rigoureuse dans le traitement des demandes de subventions, de la justification des frais de déplacement, du classement des factures, de la validation des factures, du suivi du budget et de la trésorerie, ainsi que dans les délais de production comptables ( demandes trop fréquentes de report des dates d’approbation des comptes annuels)
– faire dépendre le pose de Directeur de la Fédération régionale des MJC (compétence et probité).
– retrouver un organe de direction digne de ce nom, M.[D] n’est plus présent au quotidien : télétravail, absences maladie, ne prend plus de décisions, ne pilote plus. La comptabilité n’est pas tenue à jour au quotidien au vu de l’état du bureau du directeur et de la comptable nouvellement recrutée – quatre parapheurs de documents signés ou en attente de signature laissés sur les bureaux, des piles de documents non classés , des classeurs de factures incomplets…)’
– les annexes du compte rendu de l’audit ( 45 pages /pièce 66) dont un courriel du 9 juin 2016 d’un salarié de la Ville de [Localité 5] adressé à M.[D]
( M.[F] annexe 17 c pièce 66) s’inquiétant de l’absence de transmission des documents comptables nécessaires
( année 2015) en vue du déblocage des subventions du projet APAS.
-le courrier du 14 octobre 2016 de l’expert comptable sollicitant une rencontre avec M.[D] ‘ suite aux nombreuses difficultés rencontrées lors de ses travaux au niveau comptable, ce qui l’a empêché d’établir le bilan 2015 dans des délais raisonnables mais aussi au niveau social’, dénonçant à titre liminaire ‘ d’abord et surtout l’absence d’interlocuteur ‘ le Directeur étant soit indisponible ou n’ayant pas le temps de répondre à ses interrogations. Il a souligné que le dossier comptable de l’association ‘n’était pas dans un état normal’ depuis que M.[D] avait manifesté la volonté de ne plus recourir au cabinet d’expertise-comptable( en 2015). Il a évoqué de nombreuses négligences dans la saisie comptable mais aussi des graves carences lors du recrutement de salariés sans signer de contrat de travail, nécessitant des régularisations ultérieures par l’expert-comptable, ainsi que l’absence de transmission des documents nécessaires aux caisses de sécurité sociale et aux organismes de prévoyance entraînant des pénalités et des majorations.
– le courrier de recommandation adressé par le Commissaire aux comptes
( M.[N]) en date du 14 octobre 2016 aux administrateurs ( pièce 19) faisant état des insuffisances de procédure ou d’application des procédures comptables , des anomalies comptables au sein de l’association, en ce que de nombreuses pièces comptables ne sont pas disponibles, des factures ne sont pas numérotées et comptabilisées correctement, des matériels informatiques appartenant à la MJC ne sont pas disponibles et se trouvent dans les locaux d’une autre association La Citrouille dont la responsable est Mme [D], épouse du Directeur de la MJC).
– le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels clos au 31 décembre 2016 ( pièce 24), concluant que’ les procédures financières et comptables ne lui paraissent pas suffisamment fiables dans leurs principes et dans leurs applications pour lui assurer de la sécurité juridique des opérations, de l’exhaustivité des flux et de la pertinence de leur emploi, eu égard à l’objet social de l’association.’
-concernant le projet Cart’opus financé par le fonds d’expérimentation pour la jeunesse , dont ‘seul le Directeur disposait de la vision financière ‘ ( page 21 audit ):
la mission de contrôle notifiée le 21 janvier 2016 des actions subventionnées ( annexe 42 audit pièce 66), les risques encourus en cas de défaut de justification par l’association concernant l’agrément Jeunesse et Sport de la MJC (enjeu de 90 000 euros), le reversement de la subvention perçue en 2015, la suspension de la subvention pour 2016 ( page 21 du compte rendu audit pièce 65) suivi du courrier de ‘mise en demeure’ adressé par le Ministère de la Ville, le 5 septembre 2016 ( pièce 75) enjoignant à l’association , faute d’avoir répondu avant le 31 juillet 2016 malgré des relances, de lui transmettre le compte-rendu d’exécution intermédiaire de ce projet portant sur les 6 premiers mois de l’année 2016. A défaut de réception des documents sous les 15 jours, le Ministère a informé l’association qu’il mettra en oeuvre une procédure de résiliation de la convention pluriannuelle.
– un courriel ‘de rappel’ adressé le 14 septembre 2016 à M.[D] ( pièce 76) par la mission Fonds social Européen du Conseil départemental des Côtes d’Armor, selon lequel le bilan intermédiaire obligatoire 1 au titre de l’opération n°201501878 devait être transmis avant le 31 août 2016 au service gestionnaire, et qu’à défaut de demande de report de délai accepté par ce service, il se réservait le droit de prononcer à la résiliation de la convention de subvention FSE.
– deux courriers des 22 août 2016 et 5 septembre 2016 portant la mention
‘dernier rappel’ (pièce 77) rappelant à l’association, prise en tant qu’établissement recevant du public (erp) , elle a omis de transmettre avant le 27 septembre 2015 la déclaration réglementaire obligatoire relative à l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite et qu’elle s’expose à des sanctions financières et pénales.
– l’attestation de M.[O] directeur régional de la Fédération Régionale des MJC de Bretagne ( pièce 69) à propos du suivi du dispositif des Services Civiques selon lequel le suivi des dossiers par M.[D] était pour le moins aléatoire : dossiers non signés, hors délais, absence aux réunions de tutorat, de formation, non-respect des missions, de sorte que la fédération régionale a été amenée à plusieurs reprises à intervenir auprès de lui pour redire le cadre de la mission.
– le courrier du 9 août 2016 de la Société SFR Business ( pièce 78) mettant en demeure l’association de régler la somme de 9 193,30 euros pour des factures impayées depuis le mois d’août 2015 et lui indiquant que le dossier vient de passer au service contentieux.
– l’attestation détaillée de M.[I] nouvel administrateur et trésorier adjoint élu depuis le 10 septembre 2016 ( pièce 80) expliquant ‘la situation financière désastreuse’ et les problèmes de trésorerie auxquels le conseil d’administration de l’association a été confronté. Après le dépôt du rapport de l’audit fin septembre 2016, il indique avoir procédé avec la nouvelle trésorière à un examen approfondi de la comptabilité 2015 et 2016 faisant apparaître des factures non justifiées. Il produit les pièces à l’appui des griefs ( réclamation des salariés , lettre de relance de SFR, mise en demeure du Ministère de la jeunesse, de l’expert-comptable.)
Ces éléments objectifs et concordants démontrent la réalité des négligences commises dans la gestion administrative et financière de l’association, confrontée à une tenue incomplète et erratique de sa comptabilité constatée par le cabinet d’audit le 8 juillet 2016 : l’assemblée générale d’approbation des comptes au titre de l’année 2014 a été reportée après autorisation judiciaire avant le 15 septembre 2015; des factures étaient manquantes au titre de l’exercice 2015 et la tenue de l’assemblée générale d’approbation des comptes était improbable avant le 30 juin 2016; le report de l’assemblée pour le budget prévisionnel de l’exercice 2016 était également prévu.
M.[D], contestant les griefs, considère qu’il n’a signé aucun contrat de travail se rapportant à ses fonctions de Directeur, qu’il n’est tenu par aucun engagement contractuel , qu’il n’a fait l’objet d’aucun recadrage de la part du Conseil d’Administration qui lui a au contraire toujours ‘renouvelé sa confiance en satisfaisant ses demandes de valorisation salariale et d’évolution de carrière’. Il soutient que l’employeur ne lui a fixé aucun objectif chiffré de résultat, que le risque de ne pas percevoir des subventions ne s’est pas réalisé, que le rapport du commissaire aux comptes n’établit pas la gestion financière défaillante du directeur au titre de l’année 2015 , que l’alerte du commissaire aux comptes au titre de l’année 2016 ne le concerne pas puisqu’il n’était plus salarié à cette date; que l’association ne peut pas lui reprocher la vacance de poste de la comptable , démissionnaire, que le conseil d’administration n’a pas statué en mars 2016 sur la question d’une éventuelle externalisation de la gestion de la comptabilité; que les irrégularités soulevées par le commissaire aux comptes dans son courrier du 14 octobre 2016 à propos de factures non justifiées n’étaient pas importantes; que des subventions pouvaient être sollicitées toute l’année auprès de la CAF ou de la mairie, que le retard de la subvention FSE ne lui est pas imputable. Il ajoute que son employeur ne s’est pas préoccupé de sa charge de travail et du temps de travail.
Toutefois, M.[D] qui était investi depuis le mois d’octobre 2010 par le Conseil d’Administration des fonctions de Directeur statut cadre après avoir exercé celles de Directeur adjoint et percevait une rémunération conforme à sa classification conventionnelle, était chargé selon les statuts de l’association
‘ de préparer le règlement des dépenses et d’assurer la tenue conforme de la trésorerie’. A ce titre, il lui incombait de contrôler la mise en oeuvre des procédures comptables et financières, d’assurer le suivi des demandes de subventions et le respect des engagements des conventions signées avec les cofinanceurs et de veiller au respect de la règlementation sur le plan social et d’accueil du public. La charge de travail alléguée par le salarié n’est étayée par aucun élément sérieux, la plupart des éléments fournis par l’employeur révélant à l’inverse la désaffection de M.[D] dans ses fonctions, ses absences fréquentes, non excusées ni justifiées.
Il s’ensuit que les multiples négligences et insuffisances relevées dans l’audit du 8 juillet 2016 et dans la lettre de recommandation du Commissaire aux comptes du 14 octobre 2016 , reprises dans la lettre de licenciement, sont imputables à M.[D] en sa qualité de cadre Responsable de la gestion administrative et financière de l’association , notamment en ce qu’il omettait de répondre aux demandes légitimes de l’expert-comptable de communication des pièces nécessaires à l’établissement des documents comptables, nonobstant la vacance de poste d’une comptable démissionnaire qu’il appartenait au Directeur de pourvoir en urgence à son remplacement durant la période litigieuse (2015-2016), ce qui n’a pas été fait avant l’intervention de l’expert-comptable au cours du second semestre 2016; que le salarié ne transmettait pas les documents réclamés par les cofinanceurs dans le cadre des opérations de suivi et de contrôle des subventions accordées à l’association, qu’il n’assurait pas le respect de la réglementation obligatoire en matière d’accueil du public ni le suivi des créances litigieuses (SFR). Un tel comportement de la part d’un cadre disposant d’une relative autonomie, lequel ne justifie à aucun moment avoir alerté le conseil d’administration sur les difficultés rencontrées et les risques financiers encourus, est gravement préjudiciable aux intérêts de l’association, de nature à entraîner la résiliation de conventions pluriannuelles conclues avec des financeurs, la privation de subventions et à l’exposer à des sanctions financières et pénales.
Le fait que le salarié n’ait reçu aucun courrier de recadrage du Conseil d’Administration ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre d’un licenciement pour insuffisance professionnelle dès lors que les négligences récurrentes de M.[D] , soutenu par le Président de l’époque, et sa désaffection dans la gestion financière et administrative ont perduré malgré les rappels et mises en garde adressés par ses différents interlocuteurs extérieurs et n’ont été portés à la connaissance des administrateurs qu’au moment de l’audit confié par la Ville de [Localité 5].
Il convient au vu de ces éléments de considérer que l’insuffisance professionnelle de M.[D] dans la gestion administrative et financière est parfaitement établie.
L’association MJC du Plateau invoque les défaillances de M.[D] dans la gestion du personnel, les attributions du Directeur englobant les missions habituelles d’encadrement, de management des salariés et de prévention des risques psychosociaux.
L’employeur verse aux débats :
– les courriers de l’expert comptable adressés à M.[D] les 4 juillet 2014 et 30 juillet 2015 ( pièces 21 et 22) lors de la transmission des dossiers comptable et financier des bilans 2013 et 2014 rappelant l’absence de tenue du registre de Prévention des risques pris par les salariés.
– le courrier recommandé du médecin du travail adressé le 4 janvier 2016 à M.[D] ( pièce 27) signalant des situations de souffrance au travail de plusieurs salariés de l’association et proposant au directeur de le rencontrer rapidement en janvier 2016,
– le courrier de la section syndicale CFDT du 6 juin 2016 ( pièce 28) sollicitant une intervention en urgence de la médecine du travail à propos des conditions de travail déplorables des salariés ( contrats de travail faits hors délais, horaires non contractualisés, harcèlement, violence,..) à l’origine d’arrêts de travail de certains salariés et d’une tentative de suicide, indépendamment de l’intervention d’un cabinet Belisama ressources humaines
‘ choisi par la Direction’ dans le cadre d’une DLA et de l’audit diligenté par la Ville de [Localité 5],
– le témoignage précis de Mme [W], salariée depuis 2010 et déléguée du personnel depuis 2013 ( 5 pages pièce 74 ) se plaignant du comportement du directeur ( absences , désintérêt, absence de soutien dans le travail), des pressions en lien avec l’exercice de son mandat avec menace de licenciement en cas d’intervention de la salariée auprès des administrateurs ) : ‘ les premières réunions DP ont été très violentes car le directeur et le président ne souhaitaient pas entendre le mal-être et les conditions de travail inadaptées vécues par le personnel débordé. Nous n’avions pas d’interlocuteur ni de projet associatif. M.[D] a tapé du poing sur la table tout comme M.[L] , il est sorti de réunion en claquant brutalement la porte lorsque nous adressions des questions des salariés par le biais de l’instance DP.(..) Bon nombre de réunions DP ont été annulées, oubliées, sans prévenir, sans excuses(..)’
– la décision du 30 août 2016 de l’inspecteur du travail d’autoriser le licenciement de Mme [W], salariée protégée, pour motif économique faute de respecter le délai entre la convocation et l’entretien préalable de licenciement.( pièce 79)
– le courrier du 6 août 2016 de M.[S] coordinateur culture de la MJC demandant au Président de l’association de ‘ faire respecter par le Directeur son droit aux congés’, avec copie à l’inspection du travail et aux délégués du personnel.
De son côté, M.[D] conteste les insuffisances reprochées, en rappelant le contexte conflictuel entretenu par certains salariés. Il fait valoir son rôle actif dans les tentatives de solutionner les conflits entre salariés en rencontrant courant mars 2015 les salariés collectivement et individuellement, avant de faire appel courant 2015 puis en janvier 2016 à un cabinet extérieur de ressources humaines Belishama pour finaliser un dispositif d’accompagnement ( DLA) et pour rédiger les fiches de poste de chaque salarié, dont la sienne. Il réaffirme que les situations de tensions entre salariés ne lui sont pas imputables.
Les pièces produites sont particulièrement éloquentes sur les carences et négligences de M.[D] dans l’exercice de sa mission de gestion du personnel alors que, confronté à des alertes par la médecine du travail, par des syndicats et par les délégués du personnel sur la souffrance au travail des salariés, il n’a justifié , notamment après la fin de la mission du cabinet de ressources humaines Belisama au mois d’avril 2016 dont les méthodes d’analyse et l’objectivité étaient mises en doute par une partie des salariés
( annexe 24 audit pièce 66), d’aucune action de prévention des risques psycho-sociaux ni de mesures concrètes propres à remédier à des problématiques de respect du droit au repos , à des situations de souffrance au travail voire de harcèlement moral dénoncées par des membres du personnel. M.[D] n’a fourni aucune explication sérieuse et cohérente sur le contrôle du temps de travail des salariés et des conditions de recrutement des salariés à temps partiel par ses soins sans régularisation d’un contrat de travail écrit.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’au-delà des contestations émises par le salarié, l’employeur justifie suffisamment de manquements persistants de M.[D] s’agissant du respect des règles de suivi et de contrôle dans la gestion administrative et financière de l’association ainsi que dans la gestion du personnel.
La persistance de ces manquements caractérise l’insuffisance professionnelle alléguée de sorte que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M.[D] était fondé et que le salarié doit être débouté de sa demande indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par voie d’infirmation du jugement.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral
M. [D] ne rapporte pas la preuve de circonstances de fait particulièrement abusives ou vexatoires dans lesquelles la relation de travail s’est exécutée ou a pris fin.
Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral, par voie de confirmation du jugement.
Sur les autres demandes et les dépens
M.[D] a présenté une demande de dommages-intérêts de 10 000 euros pour manquement de l’employeur à l’ exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail compte tenu de ‘la description du déroulement des faits et de la procédure menée contre lui’notamment en interdisant au Président M.[L] de lire lors de l’assemblée générale du 10 septembre 2016 le courrier adressé par M.[D] au conseil d’administration. Le manquement fautif de l’association dans l’exécution loyale du contrat de travail n’étant pas établi au regard des seules allégations du salarié, M.[D] doit être débouté de sa demande de dommages-intérêts de ce chef, par voie de confirmation du jugement.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l’association MJC du Plateau les frais non compris dans les dépens en cause. M.[D] sera condamné à lui payer la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile.
M.[D] qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
– CONFIRME le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a rejeté les demandes de M.[D] de dommages-intérêts pour préjudice moral et de dommages-intérêts relative à l’obligation d’exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail,
– INFIRME les autres dispositions du jugement.
STATUANT de nouveau des chefs infirmés et y AJOUTANT :
– DIT que le licenciement de M.[D] pour insuffisance professionnelle est justifié et bien fondé.
– DEBOUTE en conséquence M. [D] de ses demandes.
– CONDAMNE M. [D] à payer à l’association MJC du Plateau la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .
– CONDAMNE M.Le [H] aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier Le Président