Épuisement professionnel : 27 octobre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00378

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Épuisement professionnel : 27 octobre 2022 Cour d’appel d’Angers RG n° 20/00378

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00378 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EW7B.

Décision Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 21 Septembre 2020, enregistrée sous le n° F19/00601

ARRÊT DU 27 Octobre 2022

APPELANT :

Monsieur [X] [G]

[Adresse 2]

[Localité 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 20/7410 du 10/11/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Me Véronique PINEAU de la SELARL INTER BARREAUX NANTES ANGERS ATLANTIQUE AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître SALQUAIN, avocat plaidant au barreau de NANTES

INTIMEE :

S.A.S. BUFFALO GRILL représentée par la société Antelope Acquisitions

2 SAS, elle-même représentée par son Président, Monsieur [J] [S].

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Maître Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître SAUVAIN, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame DELAUBIER, conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Estelle GENET

Conseiller : Madame Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 27 Octobre 2022, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée Buffalo Grill a pour activité la restauration spécialisée dans la grillade. L’enseigne compte à ce jour plus de 350 restaurants répartis principalement en France mais aussi en Europe, exploités sous forme de franchise ou en gestion directe. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

M. [X] [G] a été engagé par la société Buffalo Grill dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à compter du 13 juin 2018 en qualité de serveur, niveau II, échelon 1 de la convention collective applicable.

Par un avenant du 1er août 2018, M. [G] a été promu au poste de responsable de salle, niveau III, échelon 1 de la même convention.

En dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute s’élevait à la somme de 2 769 euros.

À compter du 5 août 2018, Mme [E], directrice de l’établissement d'[Localité 5] – [Localité 6], a été placée en arrêt de travail, situation qui a conduit M. [G] à des responsabilités temporaires ainsi qu’à une charge de travail plus importante.

Par courrier du 22 septembre 2018, M. [G] a sollicité une rupture conventionnelle laquelle a été refusée par la société Buffalo Grill par lettre du 5 octobre 2018.

À compter du 27 septembre 2018, M. [G] a été placé en arrêt de travail. Celui-ci sera renouvelé jusqu’à la rupture du contrat de travail le 7 décembre 2018.

Par courrier du 2 novembre 2018, M. [G] a sollicité auprès de la société Buffalo Grill une indemnisation du préjudice subi du fait du non-respect de la durée maximale du travail et au regard des fonctions occupées sur la période du 5 août au 26 septembre 2018. Il dénonçait également une classification inférieure à celle qu’il aurait pu prétendre en rapport aux tâches demandées ainsi que l’envoi tardif des arrêts maladie et attestations de salaire à la caisse primaire d’assurance maladie.

Le 13 novembre 2018, M. [G] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail.

Par courrier du 16 novembre 2018, la société Buffalo Grill a convoqué M. [G] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 4 décembre 2018.

Puis, par courrier du 7 décembre 2018, elle lui a notifié son licenciement pour ‘impossibilité de reclassement dans le cadre d’une inaptitude physique non consécutive à un accident de travail ou une maladie professionnelle’.

Contestant le bien fondé de son licenciement, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 25 septembre 2019 pour obtenir la condamnation de la société Buffalo Grill, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des manquements à la législation sur le temps de travail et sur le temps de repos d’une part, et de la transmission tardive de son arrêt de travail à la caisse primaire d’assurance maladie d’autre part. Il demandait également la condamnation de son employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Enfin, il réclamait la condamnation de la société Buffalo Grill à lui verser un rappel d’heures supplémentaires, un rappel de salaire pour classement conventionnel et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Buffalo Grill s’est opposée aux prétentions de M. [G] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 21 septembre 2020, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société Buffalo Grill à verser à M. [G] la somme de 2 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les manquements de l’employeur aux dispositions relatives à la législation sur le temps de travail ;

– débouté M. [G] de sa demande relative à son classement au niveau V, échelon 2 depuis le 1er août 2018 ;

– débouté M. [G] de sa demande au titre du paiement du rappel d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [G] de sa demande à titre de rappel de salaire ;

– dit que le licenciement de M. [G] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [G] de sa demande au titre de la transmission tardive de l’arrêt de travail à la caisse primaire d’assurance maladie ;

– condamné la société Buffalo Grill à verser à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société Buffalo Grill aux dépens.

Pour statuer en ce sens, le conseil de prud’hommes a notamment relevé que les manquements aux dispositions relatives au temps de travail par M. [G] étaient imputables à la société Buffalo Grill laquelle ne contestait pas la réalité des heures effectuées par le salarié.

Il a par ailleurs retenu que le salarié n’apportait pas d’éléments suffisamment précis pour démontrer l’absence de rémunération de certaines heures supplémentaires réalisées.

Les premiers juges ont également estimé que la société Buffalo Grill n’avait pas eu l’intention de confier à M. [G] les fonctions de directeur d’établissement de façon pérenne.

Enfin, le conseil de prud’hommes a relevé l’absence d’élément permettant de démontrer l’absence de recherche de reclassement de M. [G] par la société Buffalo Grill.

M. [G] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 23 octobre 2020, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’il énonce dans sa déclaration.

La société Buffalo Grill a constitué avocat en qualité d’intimée le 1er mars 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 août 2022.

Le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur de la chambre sociale du 5 septembre 2022.

*

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [G], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 22 janvier 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– le recevoir en son appel et l’y déclarer bien fondé ;

– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative au temps de travail et en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

– condamner la société Buffalo Grill au paiement de la somme de 184,21 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires ;

– dire qu’il relève du niveau V, échelon 2 depuis le 1er août 2018 ;

– condamner la société Buffalo Grill à la délivrance des bulletins de paie y afférents et sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

Sur le licenciement :

– à titre principal :

– juger qu’il a été victime de harcèlement moral ;

– juger que le licenciement prononcé à son encontre est entaché de nullité ;

– condamner la société Buffalo Grill au paiement des sommes suivantes :

* 5 539,99 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

* 553,99 euros de congés payés sur le préavis ;

* 38 779,30 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (14 mois de salaire) ;

– à titre subsidiaire :

– juger que le licenciement prononcé à son encontre est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– juger que l’application du barème ‘Macron’ n’est pas de nature à indemniser de façon satisfaisante le préjudice subi ;

– écarter le barème de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

– condamner la société Buffalo Grill au paiement de la somme de 38 779,30 euros sur le fondement de l’article 24 de la charte sociale européenne et de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT ;

– condamner la société Buffalo Grill au paiement de la somme de 5 539,99 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– condamner la société Buffalo Grill au paiement de la somme de 553,99 euros au titre des congés payés ;

– condamner la société Buffalo Grill au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la même en tous les dépens.

Au soutien de son appel, M. [G] fait valoir que la société Buffalo Grill a manqué à ses obligations en matière de durée hebdomadaire et quotidienne maximales de travail soulignant que ces manquements l’ont empêché de bénéficier du repos journalier de onze heures entre deux journées de travail et du repos hebdomadaire de vingt-quatre heures consécutives entre le mercredi 22 août et le lundi 3 septembre 2018.

M. [G] affirme ensuite que la société Buffalo Grill ne lui a pas rémunéré la totalité des heures supplémentaires réalisées au mois d’août 2018.

Il fait également observer qu’il exerçait, à compter du 1er août 2018, les fonctions de directeur d’établissement relevant du niveau V échelon 2 de la convention collective et qu’il avait notamment en charge les recrutements, l’organisation du travail du personnel, et enfin l’accueil et la satisfaction des clients.

M. [G] soutient par ailleurs qu’il a subi des faits de harcèlement moral caractérisés par une surcharge de travail laquelle a entraîné la dégradation de ses conditions de travail et son inaptitude médicalement constatée. En outre, il assure que la société Buffalo Grill ne lui a pas permis d’exécuter correctement sa prestation de travail et l’a placé dans une situation d’échec en le laissant gérer seul le restaurant en dépit de son jeune âge (21 ans) et d’une ancienneté de cinq jours au poste de responsable de salle.

Subsidiairement, il considère que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse soulignant que son inaptitude est le résultat de son épuisement professionnel entraîné par les manquements de la société Buffalo Grill à son obligation de sécurité.

Enfin, M. [G] conteste la validité du barème institué par les ordonnances du 22 septembre 2017 au regard de la convention n°158 de l’OIT et de la Charte sociale européenne et relève que l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi prévue n’est pas suffisante pour réparer l’intégralité de son préjudice moral.

*

La société Buffalo Grill, dans ses conclusions, adressées au greffe le 5 mai 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

– déclarer M. [G] non fondé en son appel, l’en débouter ;

– la recevoir en son appel incident et ses conclusions ;

Et y faisant droit :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser à M. [G] la somme de 2 800 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour les manquements de l’employeur aux dispositions relatives à la législation sur le temps de travail et celle de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau :

– dire et juger que M. [G] ne rapporte pas la preuve qu’elle a manqué à ses obligations relatives au temps de travail et qu’il aurait, de ce fait, subi un préjudice ;

– débouter M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative au temps de travail ;

– débouter M. [G] de l’ensemble de ses autres demandes ;

– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions ;

– condamner M. [G] à lui verser la somme globale de 2 500 euros, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de la société Lexavoué Rennes Angers, représentée par Me Inès Rubinel, avocat aux offres de droit.

Au soutien de ses intérêts, la société Buffalo Grill, sans contester le non-respect des dispositions relatives au temps de travail, affirme que M. [G] en est le seul responsable. Elle ajoute que le salarié ne produit aucun élément permettant de confirmer les alertes données auprès de ses responsables ou encore que son inaptitude serait la conséquence de la réalisation d’heures supplémentaires. Elle indique qu’il ne rapporte pas non plus la preuve d’un préjudice résultant de la réalisation d’heures supplémentaires. Elle relève au demeurant que les éléments produits par le salarié ne permettent pas davantage de vérifier l’absence de rémunération de certaines heures supplémentaires réalisées au mois d’août 2018.

L’employeur s’oppose par ailleurs à la classification du salarié au niveau V échelon 2 de la convention collective applicable.

Concernant le licenciement pour inaptitude de M. [G], la société Buffalo Grill rappelle qu’il est seul responsable du non-respect des dispositions relatives au temps de travail et qu’aucune heure supplémentaire ne lui a été imposée. Elle indique alors qu’elle n’a commis aucun manquement conduisant à l’inaptitude du salarié et que son licenciement pour inaptitude repose sur une cause réelle et sérieuse.

Enfin, la société Buffalo Grill affirme qu’elle a transmis l’arrêt de travail à la caisse primaire d’assurance maladie dès sa réception le 9 octobre 2018.

***

MOTIVATION

La cour statuant dans les limites de l’appel dont la portée est déterminée au regard des dernières conclusions, il y a lieu de constater que M. [G] ne présente plus aucune demande en dommages et intérêts pour transmission tardive de l’arrêt de travail à la caisse primaire d’assurance maladie, de sorte que les dispositions du jugement l’ayant débouté de cette demande sont définitives.

– Sur les heures supplémentaires :

Par application de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, il appartient ainsi au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, M. [G] occupait un emploi de responsable de salle, statut employé qualifié, niveau III, échelon 1 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, avec un horaire hebdomadaire de 35 heures, soit 151,67 heures par mois. De surcroît, il a veillé au bon fonctionnement du restaurant lorsque sa directrice a été placée en arrêt maladie à compter du 5 août 2018.

Il formule une demande de rappel de salaire de 184,24 euros pour 15H68 supplémentaires, soulignant que la société Buffalo Grill lui a réglé 220H15 et non les 235H83 réalisées au mois d’août 2018.

À l’appui de ses prétentions, il verse aux débats les feuilles de pointage de ses horaires (pièce 7) et ses bulletins de salaire (pièce 13). Le document d’émargement de service (pièce 7), indique pour chaque jour travaillé le nombre d’heures de travail prévu et celui réalisé avec pour chaque semaine le total d’heures effectivement accomplies.

Les éléments ainsi présentés par le salarié sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Buffalo Grill indique expressément dans ses écritures qu’elle ne remet pas en question la réalité des heures de travail effectuées par M. [G] mais assure que ces heures lui ont été rémunérées dans leur totalité, ajoutant sans plus de précisions, que les éléments fournis par le salarié ne permettent pas de vérifier le calcul opéré.

Il résulte du bulletin de salaire du mois d’août 2018 que la société Buffalo Grill a rémunéré 220H15 à M. [G] et non 235H83 (pièce 13 salarié).

En l’absence d’éléments contraires versés par l’employeur, l’absence de rémunération de 15H68 pourtant réalisées en août 2018, est établie.

En conséquence, dans les limites de la demande formulée par M. [G], la société Buffalo Grill sera condamnée à payer à M. [G] la somme sollicitée de 184,24 euros.

Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

– Sur le non-respect des dispositions relatives au temps de travail :

Selon l’article L. 3121-20 du code du travail dans sa version applicable au litige, la durée maximale de travail est de quarante-huit heures au cours d’une même semaine.

Aux termes de l’article 6 de l’avenant n° 1 du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l’aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants, ‘la durée de présence au travail ne peut être supérieure aux durées maximales suivantes, heures supplémentaires comprises :

*Article 6.1. Durée maximale journalière : 11h30 (pour autre personnel) ;

* Article 6.2. Durées maximales hebdomadaires :

– Moyenne sur 12 semaines : 48 heures (46 heures pour les entreprises à 37 heures).

– Absolue : 52 heures (50 heures pour les entreprises à 37 heures).

Il ne peut être dérogé aux durées maximales hebdomadaires que dans les conditions prévues aux articles L. 212-7, R. 212-2 à R. 212-10 du code du travail’.

En application de l’article L. 3131-1 du code du travail, ‘tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée maximale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret’.

En application de l’article L. 3132-2 du même code, ‘le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévue au chapitre 1er’

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.

En outre, les dispositions précitées ayant pour objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail, en ce qu’il prive le travailleur d’un tel repos, ouvre droit à réparation sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique (Soc., 26 janvier 2022, pourvoi nº 20-21.636).

M. [G] prétend avoir dépassé la durée maximale hebdomadaire du travail pendant sept semaines, et la durée maximale quotidienne du travail à plusieurs reprises.

En l’espèce, il ressort des pièces produites par le salarié et notamment sa lettre adressée à la société Buffalo Grill le 2 novembre 2018 (pièce 4) et le pointage de ses horaires (pièce 7), que celui-ci a réalisé du 6 août au 23 septembre 2018 :

– 59 H 03 la semaine 32 ;

– 51 H 22 la semaine 33 ;

– 51 H 50 la semaine 34 ;

– 63 H 46 la semaine 35 ;

– 66 H 01 la semaine 36 ;

– 68 H 28 la semaine 37 ;

– 50 H 28 la semaine 38.

Il en résulte que M. [G] a donc à plusieurs reprises largement dépassé la durée maximale hebdomadaire de travail (en valeur absolue).

Le pointage des horaires produit par M. [G] (pièce 7) permet également de constater le dépassement de la durée quotidienne maximale de travail les :

– 10 août 2018 avec 12H02 de travail ;

– 11 août 2018 avec 14H12 de travail ;

– 12 août 2018 avec 12H09 de travail ;

– 18 août 2018 avec 12H18 de travail ;

– 20 août 2018 avec 11H48 de travail ;

– 25 août 2018 avec 12H46 de travail ;

– 3 septembre 2018 avec 12H06 de travail ;

– 6 septembre 2018 avec13H42 de travail ;

– 7 septembre 2018 avec 13H18 de travail ;

– 8 septembre 2018 avec 13H44 de travail ;

– 9 septembre 2018 avec 12H41 de travail ;

– 13 septembre 2018 avec 14H16 de travail ;

– 14 septembre 2018 avec 11H59 de travail ;

– 15 septembre 2018 avec 14H37 de travail ;

– 16 septembre 2018 avec 13H23 de travail ;

– 20 septembre 2018 ave 13H38 de travail ;

– 22 septembre 2018 avec 14H05 de travail ;

– 23 septembre 2018 avec 11H32 de travail.

En conséquence, M. [G] n’a pas pu bénéficier du repos quotidien d’une durée maximale de onze heures consécutives, ainsi qu’il le détaille à son employeur dans sa lettre du 2 novembre 2018 et ce souvent, pendant plusieurs jours consécutifs (notamment les 6, 7 et 8 septembre 2018).

En outre, la cour constate que le salarié n’a pas davantage bénéficié du repos hebdomadaire d’une durée minimale de 24 heures consécutives du mercredi 22 août au lundi 3 septembre 2018, soit treize jours sans repos.

La société Buffalo Grill, à laquelle incombe la charge de la preuve du respect des dispositions relatives au temps de travail, ne conteste ni le non-respect des temps de travail quotidien et hebdomadaire maximaux ni le non-respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire invoqués par M. [G]. Elle ne critique pas non plus le pointage d’heures versé aux débats par le salarié (pièce 7).

C’est à tort que l’employeur conteste malgré tout sa responsabilité au motif que le salarié aurait réalisé des dépassements de sa propre initiative dans l’objectif de veiller au bon fonctionnement du restaurant suite au placement en arrêt maladie de la directrice de l’établissement, ou encore qu’il n’aurait pas alerté son employeur de ces dépassements comme il le prétend.

Il revient en effet à l’employeur de veiller au respect par ses collaborateurs des dispositions relatives aux temps de travail et de mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour respecter ces dispositions.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a justement évalué le préjudice subi par M. [G] à la somme de 2 800 euros et condamné la société Buffalo Grill à lui verser cette somme au titre des manquements à ses obligations en matière de durée hebdomadaire et quotidienne de travail, de repos journalier et de repos hebdomadaire.

– Sur la classification conventionnelle de M. [G] :

En cas de différend sur la classification professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, les juges doivent rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par celui-ci, et la qualification qu’il requiert au regard de la convention collective applicable.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

En l’espèce, M. [G] a été embauché le 13 juin 2018 pour occuper les fonctions de serveur, niveau II, échelon 1 de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants (pièce 1 salarié).

À compter du 1er août 2018, M. [G] a été promu au poste de responsable de salle, niveau III, échelon 1 de la convention collective applicable (pièce 2 salarié).

Il résulte des bulletins de paie (pièce 13 salarié), que le salarié avait la classification d’ ’employé qualifié’ pendant la totalité de l’exécution de son contrat de travail, d’abord comme ‘serveur’ du 13 juin 2018 au 1er août 2018, puis comme ‘responsable de salle’ du 1er août 2018 au 7 décembre 2018.

M. [G] revendique la classification niveau V, échelon 2, soutenant qu’il exerçait les fonctions de directeur d’établissement depuis 5 août 2018, date du départ en arrêt maladie de Mme [E], et assurait notamment les recrutements, l’organisation du travail du personnel et l’accueil et la satisfaction des clients (pièce 4 salarié).

Sans contester les fonctions exercées par M. [G], la société Buffalo Grill s’oppose à l’application du niveau V échelon 2 soulignant d’une part, que l’accueil et la satisfaction client sont des fonctions transversales, assurées par l’ensemble des salariés en salle et d’autre part, que l’extension ‘aux tâches annexes de la fonction principale’ du salarié était contractuellement prévue et ne constitue pas ‘une modification essentielle du contrat de travail’. Elle souligne par ailleurs qu’il n’a pas rempli l’intégralité des fonctions de directeur d’établissement telles que définies dans la fiche de poste correspondante (pièce 2 employeur). Enfin, elle rappelle que l’application du niveau V de classification revendiqué par M. [G] implique celle d’un statut de cadre et d’une rémunération au forfait de nature à remettre en cause le paiement des heures supplémentaires effectuées (pièce 9 pour un exemple de contrat de travail conclu avec un directeur de restaurant).

La convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants en son annexe I d’application définit l’activité des salariés -employés qualifiés- de niveau III, échelon 1de la manière suivante : ‘activité variée, complexe et qualifiée dans une famille de tâches homogènes’ – ‘pouvoir de décision concernant les modes opératoires dans une famille de tâches homogènes’ – ‘responsabilité des décisions relatives aux modes opératoires, moyens ou méthodes’.

La même annexe définit l’activité des salariés -cadres- de niveau V, échelon 2 en ces termes :

‘ [échelon 1] peut participer à la prévision et à l’élaboration du programme ; de toute façon il en assure la réalisation, le suivi et le contrôle des résultats.

[échelon 2] de même que ci-dessus, mais en outre la charge de proposer les moyens de mise en oeuvre et, après décision d’un échelon supérieur, de prendre les mesures d’application’.

Son autonomie est ainsi détaillée : ‘à partir des directives précisant le cadre de ses activités, les objectifs, moyens et règles de gestion qui s’y rapportent, il dispose de pouvoirs de choix et de décision en ce qui concerne l’organisation et la coordination des activités différentes et complémentaires qu’il réalise lui-même ou qu’il fait réaliser par des collaborateurs. Généralement placé sous les ordres d’un hiérarchique direct qui peut être le chef d’entreprise lui-même’.

Il est ajouté que le cadre assure la responsabilité des activités d’organisation, de gestion, de relations et / ou d’un encadrement, dans les limites de la délégation qu’il a reçue.

Cette classification exige un niveau bac +3 acquis par voie scolaire et expérience contrôlée et confirmée dans la filière d’activité du poste considéré ou par une expérience confirmée et réussie complétant une qualification initiale au moins équivalente à celle du personnel encadré.

Le poste de manager/directeur de restaurant défini par la fiche de poste en vigueur au sein de la société Buffalo Grill relève des champs de responsabilité suivants : développer la satisfaction client (et notamment définir les objectifs de qualité de service, animer et participer à la démarche d’amélioration continue de la qualité du service), le management de l’équipe, la gestion économique (gérer les budgets, assurer la responsabilité des flux financiers du restaurant), le développement commercial et la gestion du patrimoine.

Les tâches assurées par M. [G] durant l’arrêt-maladie de Mme [E] telles que les recrutements (une dizaine d’entretiens d’embauche et la signature de cinq contrats de travail et avenants de prolongation de contrats), l’organisation du travail du personnel et l’accueil et la satisfaction des clients ne sont pas remises en cause par la société Buffalo Grill.

Certaines, en particulier celles relatives au recrutement du personnel, pour lesquelles M. [G] a bénéficié d’une délégation de signature, relevaient incontestablement des fonctions de directeur d’établissement. Pour autant, il est patent que M. [G] n’a pas exercé la totalité des missions relevant d’un directeur de restaurant durant la période considérée ainsi qu’il l’admet lui-même (page 8 de ses conclusions).

De surcroît, M. [G] ne précise pas les actions qu’il aurait particulièrement menées en faveur de l’accueil et la satisfaction des clients durant cette période en lien avec la classification de directeur revendiquée, et qui seraient distinctes de celles accomplies quotidiennement en qualité de responsable de salle. Il en est de même s’agissant de la réalisation des plannings qu’il lui appartenait déjà d’effectuer au titre de l’avenant au contrat de travail signé le 1er août 2018.

M. [G] ne démontre pas davantage qu’il remplissait les conditions de diplôme et d’expérience pour bénéficier de la classification revendiquée.

Enfin, s’il n’est pas contesté que M. [G] a pu exercer certaines fonctions au-delà de sa classification conventionnelle sur une durée totale inférieure à deux mois, et notamment des tâches dévolues au directeur d’établissement, le caractère permanent de ces missions n’est pas établi. En effet, le salarié a été amené à effectuer ces tâches en raison de l’arrêt maladie de la directrice d’établissement dont l’absence et le non-remplacement n’étaient pas voués à se pérenniser.

Pour l’ensemble de ces motifs, M. [G] sera débouté de sa demande de reclassification et de ses demandes subséquentes, et le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur le licenciement de M. [G] :

Liminairement, il sera relevé que le conseil de prud’hommes a examiné le bien fondé du licenciement au regard d’un éventuel manquement de l’employeur à son obligation de reclassement, lequel n’était pas invoqué par M. [G].

En revanche, les premiers juges n’ont rien dit sur les manquements à l’obligation de sécurité de l’employeur justifiant selon le salarié que le licenciement soit jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Enfin, en cause d’appel, M. [G] soulève la nullité de son licenciement pour harcèlement moral au soutien de ses demandes de dommages et intérêts et d’indemnités sollicitées au titre de la rupture du contrat de travail.

– Sur la nullité du licenciement :

Selon l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de ces dispositions et de l’article L. 1154-1 du même code que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, « toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul ».

M. [G] soutient qu’il a subi des faits de harcèlement moral caractérisés principalement par une surcharge de travail liée à la gestion de restaurant confiée en sus de ses fonctions habituelles et ce sans formation, et par la situation d’échec qui en est résultée, lesquelles ont eu pour conséquence la dégradation de son état de santé conduisant à son inaptitude médicale.

Il produit différentes attestations d’anciens salariés de la société Buffalo Grill et notamment au sein du restaurant de [Localité 6] :

– l’attestation de Mme [E], ancienne directrice du restaurant (pièce 14) faisant état de ‘problèmes d’effectifs’ entraînant son ‘arrêt maladie le 6 août’. Elle écrit également qu’en raison de ces problèmes ‘considérablement amplifiés en juillet, j’ai pu compter sur [X] [[G]]’, lequel ‘n’ayant que 5 jours d’ancienneté sur son poste de responsable s’est retrouvé à la tête du restaurant avec de gros problèmes d’effectifs et que ‘n’ayant pas eu le temps de le former, [X] avait dû gérer le restaurant comme il pouvait.’ Elle précise qu’il l »appelait presque tous les jours pour qu'[elle] l’aide sur les procédures Buffalo grill qu'[elle] n’avait pas eu le temps de lui apprendre’ et qu’il ‘a alerté [les] responsables à de nombreuses reprises sans qu’ils lui apportent l’aide nécessaire’. Enfin, elle souligne que le salarié ‘a fini par s’épuiser faisant des semaines de plus de 50 heures et ne pouvant pas toujours prendre des jours de repos et se retrouva lui aussi en arrêt maladie’ ;

– la lettre de licenciement de Mme [E] pour impossibilité de reclassement dans le cadre d’une inaptitude en date du 7 août 2019 (pièce 15) ;

– l’attestation de Mme [C], ancienne directrice du restaurant de 2009 à décembre 2016 (pièce 16), indiquant une ‘moyenne de 60h à 80h réalisées hebdomadairement par les équipes encadrantes’ et avoir été ‘licenciée le 16 décembre 2016 pour dépassement des temps de travail’ ;

– l’attestation de M. [M], salarié (grilladin) du restaurant de [Localité 6] de juillet 2017 jusqu’à la fin du mois d’août 2018 (pièce 17), soulignant que ‘les sous-effectifs [leur] ont imposé des semaines extrêmement chargées nous obligeant nous les responsables à ne pas respecter le code du travail et obligeant Mme [E] à refuser des clients pour limiter au maximum nos amplitudes horaires’. Il ajoute qu’il a ‘assisté malheureusement à l’épuisement de [sa] directrice qui a fini par craquer début août’ et que jusqu’à sa mutation, il a ‘continué à tenir le restaurant à bout de bras avec [X] (…) sans beaucoup d’aide de [leur] hiérarchie’. Enfin, il écrit qu’il a de nouveau travaillé dans ce restaurant sur l’été 2019 et pu constater ‘que la situation ne s’est pas arrangée’ soulignant qu’ils ‘ont licencié le directeur présent depuis à peine quelques mois et les sous effectifs (…) compliquent toujours l’activité du restaurant’ ;

– l’attestation de Mme [K] (pièces 18 et 20), indiquant que Mme [E] ‘a été obligée de faire appel à [ses] services pour combler le manque de personnel et permettre à ses employés d’avoir un minimum de congés estivaux’ et soulignant que ‘pendant cette période, Mme [E], a été dans l’obligation de refuser occasionnellement des clients car nous étions dans l’incapacité de les servir’ et qu’à ‘aucun moment, les supérieurs hiérarchiques de [Mme [E]] ne sont intervenus, ils ont laissé Mme [E] et son personnel à leur désarroi. (…). Nous étions toujours en manque de bras’. Dans une seconde attestation, elle souligne qu’elle a ‘constaté avec désarroi le manque de moyens pour recruter du personnel’;

– Mme [R], (pièce 19), ancienne salariée du restaurant, mettant en avant ‘le manque de renouvellement du personnel et donc de longue période de sous-effectif »particulièrement difficile à gérer’ d’une part ‘pour le personnel, avec une certaine expérience’et d’autre part pour ‘le personnel encadrant et notamment la directrice dans la difficulté de recruter des candidats et future équipe’.

– Mme [V] (pièce 21), salariée du restaurant de 2011 à 2018, indiquant qu’elle a été ‘licenciée pour inaptitude à [son] poste de directrice de restaurant suite à un épuisement professionnel déclaré par la médecine du travail le 3 avril 2018’.

Ces différentes attestations confirment le problème de sous-effectifs récurrent au sein du restaurant de [Localité 6] et en particulier lors de la période de travail de M. [G]. M. [M] et Mme [E] attestent ainsi de la lourde charge que le salarié, âgé de 21 ans et promu responsable de salle cinq jours avant l’arrêt maladie de la directrice, a dû assumer durant les mois d’août et septembre 2018, particulièrement en termes de responsabilité, à l’origine d’une surcharge anormale de travail et de difficultés à gérer seul une situation pour laquelle il n’avait pas été formé, obligeant celui-ci à solliciter la directrice en titre pendant son arrêt-maladie.

Au demeurant, la cour a retenu le non-respect des dispositions relatives au temps de travail et notamment le dépassement de la durée maximale hebdomadaire et quotidienne de travail à plusieurs reprises pour M. [G]. De plus, il ne fait aucun doute que des semaines de 63H 46 (semaine 35), de 66 H 01 (semaine 36) ou encore de 68 H 28 (semaine 37) pour un temps plein de 35 heures constituent une surcharge de travail anormales tout comme des journées de travail de plus de 12 heures notamment les 10, 11, 12, 18, 25 août 2018 et les 3, 6, 7, 8, 9, 13, 15, 16, 20, 22 septembre 2018 et ce en particulier pour un nouvel arrivant au sein de la société n’ayant pas reçu la formation adéquate pour mener à bien les missions de responsable confiées puis de directeur assumées. Il a également été établi que le salarié n’avait pas pu bénéficier du repos quotidien légal à plusieurs reprises et du repos hebdomadaire de 24 heures du 22 août au 3 septembre 2018.

En tout état de cause, le nombre d’heures réalisées par M. [G] en août 2018, 235H83 de travail, non contesté par la société Buffalo Grill, atteste de cette surcharge de travail.

Enfin, il est constant qu’à la suite de son placement en arrêt maladie à compter du 27 septembre 2018, M. [G] a été déclaré inapte le 13 novembre 2018 par le médecin du travail, lequel atteste le 10 janvier 2019 que lors de son entretien avec le salarié le 5 octobre 2018, il ‘présentait un tableau d’anxiété avec insomnie.’

L’aggravation considérable de la charge de travail de M. [G] suite au placement en arrêt de travail de Mme [E] directrice du restaurant à compter du 6 août 2018, l’augmentation anormale de ses dépassements d’horaires ainsi que l’accomplissement de tâches supplémentaires qui n’entraient pas dans ses fonctions de responsable de salle, sont matériellement établis.

Pour autant, ces faits résultent de la seule carence organisationnelle de l’employeur et de son unique décision de ne pas remplacer Mme [E] en laissant M. [G] assurer seul certaines fonctions de la directrice sans formation ni moyen supplémentaire.

Dès lors, ils ne constituent pas des éléments de fait, qui pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral caractérisé par des agissements répétés de l’employeur au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.

En conséquence, les demandes présentées par M. [G] à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et au titre de ses conséquences indemnitaires seront rejetées.

– Sur le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

Le licenciement pour inaptitude médicale à l’emploi d’un salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré qu’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est à l’origine de l’inaptitude.

Il ne suffit pas toutefois d’établir un lien entre le travail et l’inaptitude pour démontrer l’existence d’un manquement de l’employeur qui serait à l’origine de l’inaptitude. A l’inverse, tout manquement imputable à l’employeur n’est pas nécessairement à l’origine de l’inaptitude et il revient au salarié qui l’invoque de démontrer l’existence d’un lien entre le manquement établi et l’inaptitude.

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs par des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1, par des actions d’information et de formation, et par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés. L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes et met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention définis par l’article L. 4121-2.

En l’espèce, l’aggravation considérable de la charge de travail de M. [G] suite au placement en arrêt de travail de Mme [E] directrice du restaurant à compter du 6 août 2018, l’augmentation anormale de ses dépassements d’horaires ainsi que l’accomplissement de tâches supplémentaires qui n’entraient pas dans ses fonctions de responsable de salle, ont été considérés matériellement établis.

Il ressort de l’ensemble des éléments repris précédemment, que la société Buffalo Grill, bien qu’avisée de l’arrêt-maladie de la directrice du restaurant de [Localité 6], sans que celle-ci ne puisse justifier de la recherche de solutions adaptées pour pallier cette absence -hormis l’établissement d’une délégation de signature donnée à M. [G] pour signer des contrats de travail et pourvoir les postes vacants-, a failli dans l’exercice de son pouvoir de direction et d’organisation en laissant un jeune serveur, tout juste nommé au poste de responsable de salle, assumer seul la gestion du restaurant ce, sans lui assurer la formation minimale nécessaire à cette fin, ni lui apporter le soutien comme les moyens humains et logistiques qui lui auraient permis de se décharger d’autres missions. Au surplus, l’employeur n’a pas tenté de mettre un terme à cette situation en recrutant plus de personnel, ou en proposant des formations à M. [G].

Le défaillance de la société Buffalo Grill dans l’exercice de son pouvoir de direction et d’organisation inhérent à sa qualité d’employeur est manifeste. Tenue à une obligation de sécurité vis à vis de ses salariés, elle ne saurait se décharger et reporter sur M. [G] sa responsabilité en ce domaine, en particulier quant au non-respect des dispositions relatives à la durée de travail, lesquelles ont pour objectif de garantir la sécurité et la santé des travailleurs par la prise d’un repos suffisant ce, alors que ces manquements avaient pour origine ses propres défaillances.

Au contraire, elle ne justifie d’aucune démarche réalisée auprès de M. [G] pour lui assurer les conditions d’exercice minimales satisfaisantes de ses nouvelles fonctions et veiller à ce que celui-ci puisse s’y adonner dans des conditions respectueuses des dispositions légales et conventionnelles en la matière, comme elle y était tenue au titre de son obligation de sécurité.

Ainsi, l’employeur n’a su ni mettre en place une organisation et des moyens adaptés ni veiller à l’adaptation de son organisation pour tenir compte du changement des circonstances et favoriser l’amélioration de la situation existante.

Il a ainsi manqué à son obligation de sécurité.

La surcharge de travail anormale ajoutée aux difficultés du salarié à devoir assurer des missions exigeant des compétences non acquises et n’ayant donné lieu à aucune formation , a conduit à un isolement professionnel susceptible de mettre le salarié en échec professionnel. Elles sont à l’évidence la source de l’anxiété et des insomnies subies par le salarié à l’origine de l’inaptitude constatée médicalement.

La rapidité avec laquelle le médecin du travail a reconnu l’inaptitude de M. [G] et dont s’étonne la société Buffalo Grill démontre au contraire le lien évident entre l’état de santé dégradé du salarié et les conditions de travail imposées au salarié par l’employeur en violation de son obligation de sécurité.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’inaptitude professionnelle de M. [G] est la conséquence du manquement à la sécurité de la société Buffalo Grill ayant entraîné une surcharge de travail et un épuisement professionnel.

L’existence d’un manquement de l’employeur et le lien de causalité entre ce manquement établi et l’inaptitude ayant entraîné le licenciement sont caractérisés.

Dès lors, la cour considère que le licenciement professionnel est dépourvu de cause réelle et infirme le jugement entrepris de ce chef.

– Sur les conséquences financières du licenciement :

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis :

Aux termes de l’article L. 1234-1 du code du travail, ‘lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l’accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession (…).’

M. [G] engagé le 13 juin 2018 bénéficiait d’une ancienneté inférieure à six mois à la date de la notification de son licenciement du 7 décembre 2018, étant au surplus rappelé la période d’arrêt maladie subie à compter du 27 septembre 2018.

Selon la convention collective applicable (article 30.1) et compte tenu de sa classification d’employé, il peut bénéficier de la seule somme de 738,67 euros brut, équivalente à 8 jours de préavis, outre la somme de 73,86 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé et la société Buffalo Grill condamnée au paiement de ces sommes à M. [G].

– Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice subi :

Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable aux ruptures du contrat de travail prononcées postérieurement à la publication de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ce qui est le cas en l’espèce, en cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, le salarié peut prétendre, pour une ancienneté de moins d’une année, à une indemnité maximale d’un mois de salaire brut.

Au visa notamment des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et de l’article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, il doit être considéré que :

– les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ;

– le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions précitées de l’article L. 1235-4 du code du travail.

Il en résulte que les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT et qu’en particulier celles de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.

Par ailleurs, les dispositions de la Charte sociale européenne ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, de sorte que l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.

Par suite, il revient au juge seulement d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail (Soc., 11 mai 2022, pourvoi n° 21-14.490 et pourvoi n°21-15.247).

En l’occurrence, le préjudice subi par M. [G] du fait de son licenciement, compte tenu de son âge au moment de la rupture, de son ancienneté mais aussi du fait qu’il n’apporte aucune explication sur sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement, sera réparé par l’allocation d’une somme que la cour est en mesure de fixer à 2 800 euros.

– Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée par M. [G] et de condamner la société Buffalo Grill au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

La société Buffalo Grill, partie qui succombe, sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement et condamnée aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.

***

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant dans les limites de l’appel, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers du 21 septembre 2020 sauf en ce qu’il a :

– condamné la Société Buffalo Grill à verser à M. [X] [G] la somme de 2800 euros pour manquements à ses obligations en matière de durée hebdomadaire et quotidienne de travail, de repos journalier et de repos hebdomadaire ;

– débouté M. [X] [G] de sa demande au titre de la classification au niveau V échelon 2 depuis le 1er août 2018.

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Buffalo Grill à verser à M. [X] [G] la somme de 184,24 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

DIT que M. [X] [G] n’a pas été victime de harcèlement moral ;

DIT que la société Buffalo Grill a manqué à son obligation de sécurité à l’encontre de M. [X] [G] ;

DIT que le licenciement de M. [X] [G] n’est pas nul mais est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

REJETTE la demande de M. [X] [G] pour voir écarter le barème résultant de l’article L. 1235-3 du code du travail ;

CONDAMNE la société. Buffalo Grill à verser à M. [X] [G] les sommes suivantes:

* 738,67 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis outre 73,87 euros brut de congés payés afférents ;

*2 800 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Buffalo Grill à verser à M. [X] [G] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande présentée par la société Buffalo Grill au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Buffalo Grill aux dépens de la procédure d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle.

LE GREFFIER,P/ LE PRÉSIDENT empêché,

Viviane BODIN M-C. DELAUBIER

 


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