Épuisement professionnel : 27 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15529

·

·

Épuisement professionnel : 27 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15529

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 27 JANVIER 2023

N° 2023/29

Rôle N° RG 19/15529 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE7OL

[F] [J]

C/

SAS ACIAL

Copie exécutoire délivrée le :

27 JANVIER 2023

à :

Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Philippe- Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 27 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01289.

APPELANTE

Madame [F] [J], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Julie SAVI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS ACIAL, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Eric BERTHOME, avocat au barreau de BLOIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [F] [J] a été engagée par la SAS ACIAL suivant contrat de travail à durée indéterminée du 6 février 1995 en qualité de secrétaire commerciale, niveau II, échelon 1, coefficient 170, au sein de l’agence commerciale située à [Localité 3].

A compter du 16 mars 1998, Madame [J] a exercé les fonctions d’attachée commerciale, niveau II, échelon 1, coefficient 215.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle exerçait les fonctions d’attachée commerciale, statut cadre II, coefficient 100, indice II.

Madame [J] a été en arrêt de travail pour cause de maladie du 1er septembre 2014 au 6 février 2015.

Madame [J] a de nouveau été en arrêt de travail pour cause de maladie à compter du 8 février 2016. Madame [J] a découvert qu’elle était atteinte de la maladie de Lyme.

Le 23 mars 2016, le médecin du travail a considéré que Madame [J] « ne peut occuper son poste actuellement. Relève de la médecine de soins et nécessite d’être revue à la reprise du travail » et le 30 mars 2017 que « l’état de santé actuel de la salariée n’est pas compatible avec 1 reprise du poste même à temps partiel ». L’arrêt de travail de la salariée a été prolongé à compter du 31 mars 2017.

Le 3 mars 2017, Madame [J] a été classée en invalidité de catégorie 1.

Le 5 Avril 2017, Madame [J] a été convoquée à un entretien préalable et, par lettre du 19 mai 2017, elle a été licenciée pour le motif suivant :

« Nous faisons suite à l’entretien préalable qui s’est tenu, le 09 mai 2017, suite à la demande de report que vous avez formulée et que nous avons acceptée. Vous étiez assistée de Monsieur [W] [C], cadre commercial ACIAL et membre du CE.

Durant cet entretien, nous vous avons exposé les motifs nous conduisant à devoir envisager votre licenciement, que nous vous rappelons ci-après :

Vous avez été engagée par la société ACIAL à compter du 16 mars 1998, en qualité de Commercial, afin de permettre et d’assurer le développement du secteur commercial Sud Est dont vous avez la charge.

Depuis 2011, vous êtes régulièrement contrainte de vous absenter pour raisons de santé. Vous avez été placée en arrêt de maladie à compter du 08 février 2016 jusqu’au 21 mars 2016, puis de nouveau arrêtée le 23 mars 2016 jusqu’au 31 mai 2017, par des renouvellements successifs.

A ce jour, votre absence continue depuis le mois de février 2016 se fait ressentir sur le terrain et impacte l’activité commerciale pour le secteur de clientèle dont vous aviez la charge. Cela a pour conséquence de perturber gravement le fonctionnement du service Commercial et de la société ACIAL dans son ensemble.

Depuis le 16 janvier 2017, nous vous demandons de nous éclairer sur la date à laquelle vous pensez que votre état de santé vous permettrait de reprendre votre travail, ce que vous n’avez pas pu faire.

Après nous avoir prévenus par mail le 6 mars 2017 de votre probable classement en invalidité de 1ère catégorie, vous nous avez transmis par mail et par courrier le 10 avril 2017, le certificat de la CPAM de passage en invalidité de 1ère catégorie datant du 3 mars.

Alors convoquée à un entretien préalable le 18 avril, vous nous avez demandé un report de cet entretien, ce que nous avons accepté pour la date du 9 mai. Et le 9 mai, jour de notre entretien, vous nous annoncez que la CPAM risque de modifier ce classement en invalidité de 1ère catégorie.

Nous vous avons alors demandé quelles en étaient les conséquences et vos perspectives, ce à quoi vous nous avez répondu que vous ne saviez pas.

Vous comprendrez que cette situation nous amène à devoir prendre des décisions afin de sécuriser l’activité commerciale de ce secteur pour les mois à venir.

De surcroît, votre assistante commerciale, qui a pu permettre la sauvegarde de l’essentiel de la clientèle de votre secteur depuis votre absence, a fait valoir ses droits à la retraite au 31/08/2017, départ effectif fin juin.

Vos différentes absences répétées ainsi que leurs durées ont de nombreuses conséquences pour l’entreprise en général, du fait du caractère stratégique de votre fonction de Commercial secteur Sud Est.

En particulier, votre absence sur le terrain nuit considérablement au développement du chiffre d’affaires ainsi qu’à la visibilité et au positionnement de la société ACIAL vis-à-vis de la concurrence.

Or, comme vous le savez, la présence de commerciaux sur le terrain est indispensable au bon fonctionnement et au développement de la société.

L’analyse de votre secteur démontre qu’au cours des 5 dernières années, le chiffre d’affaires réalisé par les 23 revendeurs représentatifs et fidèles a chuté de 46% :

2012

2013

2014

2015

2016

CA GLOBAL Direct en €

221443

106262

288676

228228

139585

SAS B§B HOTELS

36002

11320

53443

58260

22801

INTERMARCHE

contrat national

11770

14446

21211

22657

16060

THALES

contrat national

0

3399

44278

52343

10382

KONTRON

5913

12990

7236

1160

9409

SOUS-TOTAL

53685

42155

126168

134420

58652

% du CA direct

24,2%

39,7%

43,7%

58,9%

42%

Comme vous pouvez le constater, votre absence sur le terrain a pour conséquence l’effritement de votre chiffre d’affaires chez nos principaux revendeurs et le manque de chiffre d’affaires apporté par de la prospection.

Compte tenu de la désorganisation importante de l’entreprise et des perturbations enregistrées, et après avoir patienté plus d’un an, nous sommes devant la nécessité de procéder à votre remplacement définitif à votre poste de Commercial secteur Sud Est, et nous sommes contraints de rompre votre contrat de travail’.

Contestant son licenciement et invoquant le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, notamment, Madame [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille, lequel par jugement du 27 septembre 2019, a :

– dit et jugé que le licenciement notifié à Madame [F] [J] [T], le 19 mai 2017, repose sur une cause réelle et sérieuse.

– dit et jugé que la société ACIAL démontre la perturbation liée à l’absence de Madame [F] [J] [T].

– dit et jugé que la société ACIAL démontre le remplacement définitif de Madame [F] [J] [T].

– dit et jugé que la société ACIAL n’a pas manqué à son obligation de sécurité et de résultat.

En conséquence,

– débouté Madame [F] [J] [T] de toutes ses demandes.

– débouté la société ACIAL de sa demande reconventionnelle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– rejeté toutes les autres demandes des parties.

– condamné Madame [F] [J] [T] aux entiers dépens.

Madame [J] a interjeté appel de ce jugement.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, elle demande à la cour de :

– recevoir Madame [J] en son appel.

– juger que le licenciement de Madame [J] est intervenu au terme d’une procédure irrégulière alors qu’elle se trouvait depuis mars 2017 en invalidité.

– juger en tout état de cause que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la perturbation de l’entreprise du fait de l’absence de Madame [J] n’étant nullement démontrée de même que le caractère inéluctable de son remplacement.

– juger, en outre, que la SAS ACIAL a manqué à son obligation de sécurité.

– fixer le salaire de référence de Madame [J] à la somme de 5.203,23 € bruts.

En conséquence :

– infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Madame [J] de l’ensemble de ses demandes.

Et, statuant à nouveau :

– condamner la SAS ACIAL à verser à Madame [J] la somme de 140.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– condamner la SAS ACIAL à verser à Madame [J] la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

– condamner la SAS ACIAL à verser à Madame [J] la somme de 5.000 € à titre de dommages- intérêts pour manquement à l’obligation d’établir le document unique d’évaluation des risques professionnels.

– condamner la SAS ACIAL à verser à Mme [J] la somme de 467,17 € à titre de complément d’indemnité de licenciement.

– condamner la SAS ACIAL à verser à Madame [J] la somme de 486,99 € au titre du remboursement de ses frais kilométriques.

– condamner la SAS ACIAL à justifier des droits de Madame [J] au titre de la participation 2016 et à lui verser la somme correspondante.

– condamner la SAS ACIAL à la délivrance des documents de rupture rectifiés conformément à la décision à intervenir, sous peine d’astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours suivant sa notification.

– juger que la cour se réservera expressément la possibilité de liquider l’astreinte par elle fixée dans le cadre de l’arrêt à intervenir.

– juger que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation.

– juger que les créances de nature indemnitaire emporteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir.

– condamner la SAS ACIAL à verser à Madame [J] la somme de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la SAS ACIAL aux éventuels frais et dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, la SAS ACIAL demande à la cour de :

– confirmer dans son intégralité le jugement entrepris par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement notifié à Madame [J] , le 19 mai 2017, repose sur une cause réelle et sérieuse, dit et jugé que la société ACIAL démontre la perturbation liée à l’absence de Madame [J], dit et jugé que la SAS ACIAL démontre le remplacement définitif de Madame [J],

– dire et jugé que la société ACIAL n’a pas manqué à son obligation de sécurité.

En conséquence, et statuant à nouveau :

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (140.000 €).

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de dommages -intérêts au manquement d’obligation de la société ACIAL à son obligation de sécurité (15.000 €).

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de complément d’indemnité de licenciement (467,17€).

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’établir le document unique d’évaluation des risques professionnels (5.000 €).

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de remboursement de ses frais kilométriques (486,99€).

– débouter Madame [J] de sa demande au titre du versement de la participation 2016 et 2017.

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de la délivrance des documents de rupture rectifiés, conformément à la décision à intervenir sous peine d’astreindre à 50 € par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de 8 jours suivant sa notification.

En tout état de cause :

– débouter Madame [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile (4.000€).

– condamner Madame [J] à verser à la société ACIAL la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner Madame [F] [J] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 14 octobre 2022

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale de Madame [J] au titre d’une erreur de motif de licenciement et d’un vice de procédure subséquent

Madame [J] fait valoir qu’elle a été déclarée invalide de catégorie 1, le 3 mars 2017, à effet du 1er avril 2017, et en a informé son employeur le 6 mars 2017. Elle lui a précisé sa volonté de reprendre son poste et qu’elle se tenait à sa disposition pour organiser une visite médicale de reprise. A l’issue de la visite médicale du 30 mars 2017, qu’elle a elle-même sollicitée, le médecin du travail a conclu que son état de santé n’était pas compatible avec la reprise de son poste même à temps partiel. Madame [J] considère qu’ayant dûment informé son employeur de la demande de cette visite médicale de reprise, celle-ci doit être considérée comme une véritable visite médicale de reprise. Ainsi, lorsqu’elle été convoquée à un entretien préalable les 5 et 24 avril 2017, elle se trouvait en invalidité 1ère catégorie, en arrêt de travail et était déclarée inapte à reprendre son poste depuis le 30 mars 2017 par la médecine du travail. A tout le moins, devant les éléments médicaux en sa possession et à la vue de l’ancienneté de sa salariée et du travail qu’elle a effectué même pendant sa période de maladie, il appartenait à l’employeur de se rapprocher de la médecine du travail pour organiser une seconde visite médicale en vue de recueillir un avis définitif d’inaptitude et engager une procédure de licenciement pour inaptitude. Ainsi, Madame [J] considère que si l’employeur souhaitait recourir à une mesure de licenciement, il ne pouvait le faire que pour le motif d’une inaptitude avec impossibilité de reclassement. La SAS ACIAL a estimé plus aisé de la licencier pour désorganisation de l’entreprise plutôt que de rentrer dans le débat relatif à son aptitude, susceptible d’induire des efforts à fournir pour la reclasser, efforts que l’employeur a préféré s’éviter malgré l’ancienneté de sa salariée.

La SAS ACIAL réplique que la visite médicale du 30 mars 2017 était une visite organisée à la demande de la salariée et que le médecin du travail ne pouvait procéder à aucune déclaration d’inaptitude puisque cette visite ne vaut que visite de pré-reprise. Le médecin du travail s’est contenté de constater que l’état de santé actuel de la salariée n’était pas compatible avec une reprise du poste, même à temps partiel, et cela ne constitue pas une déclaration d’inaptitude. En application de l’article L.4624-1 du code du travail, le médecin du travail a rempli une « attestation de suivi » et c’est donc bien parce qu’il n’a pas constaté l’inaptitude de Madame [J] qu’il n’emploie pas le terme d’inaptitude. Le fait que Madame [J] ait été déclarée invalide par le médecin conseil de la CPAM n’a emporté aucune incidence juridique sur son contrat de travail. La loi du 8 août 2016, qui a modifié les règles de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail, à effet du 1er janvier 2017, devait s’appliquer et si l’attestation de suivi individuel utilisée par le docteur [D], à la date du 30 mars 2017, ne peut pas être celle résultant de l’arrêté du 16 octobre 2017, il ne peut pas être contesté qu’à cette date, le médecin du travail devait au moins se conformer aux nouvelles règles issues de la loi travail d’août 2016.

*

Selon l’article L.4624-31 du code du travail, issu du décret du 27 décembre 2016 applicable au 1er janvier 2017, le travailleur bénéficie d’un examen de reprise du travail par le médecin du travail notamment après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel. Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l’examen de reprise effective du travail par le travailleur et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Selon l’article R.4624-29 du code du travail, le salarié peut solliciter le médecin du travail aux fins d’organiser une visite médicale de pré-reprise. De même, selon l’article R.4624-20, le salarié qui déclare être titulaire d’une pension d’invalidité est orienté sans délai vers le médecin du travail qui peut, notamment, préconiser des adaptations de son poste de travail.

En l’espèce, Madame [J] a écrit à son employeur le 6 mars 2017 : ‘comme convenu lors de mon précédent courrier, je viens par la présente vous transmettre les différentes informations à ma connaissance. Mon dossier a été classé officieusement par le médecin conseil de la sécurité sociale en invalidité catégorie 1. A ce jour, je n’ai pas encore reçu de notification écrite de la CPAM. Je suis en mesure de reprendre mon activité professionnelle à compter du 3 avril 2017, à temps partiel. Il me semblerait préférable d’anticiper une visite médicale de reprise à la médecine du travail afin de ne pas perdre de temps. Je contacterais ce service mi-mars. Ayant une réelle volonté de reprendre mon poste, je me tiens à votre disposition pour l’organiser’.

Il ressort des éléments du dossier que le contrat de travail de Madame [J] a été suspendu par des arrêts de travail successifs jusqu’au 31 mars 2017. A l’issue de la visite médicale du 30 mars 2017, antérieure à la reprise, le médecin du travail a conclu que ‘l’état de santé de la salariée n’est pas compatible avec 1 reprise du poste même à temps partiel’. Dès lors que Madame [J] a été de nouveau en arrêt de travail à compter du 31 mars 2017 – et jusqu’au 12 mars 2018 – l’employeur n’était pas tenu d’organiser une visite médicale de reprise à l’issue de la visite médicale du 30 mars 2017.

Madame [J] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse pour erreur de motif de licenciement et vice de procédure subséquent.

*

A titre subsidiaire, Madame [J] invoque l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en raison, d’une part de sa contestation du motif du licenciement pour absence prolongée et d’autre part, du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité dont ses absences sont la conséquence.

Sur l’obligation de sécurité

Madame [J] fait valoir que :

– la SAS ACIAL n’a pas répondu à la sommation d’avoir à justifier de l’élaboration du document unique d’évaluation des risques professionnels, conformément aux dispositions légales applicables et, en se dispensant de cette évaluation, elle a contraint sa salariée à travailler dans une entreprise dans laquelle les risques professionnels n’étaient pas évalués alors que ses conditions de travail ont été la cause directe de la dégradation de son état de santé (rythme de travail trop élevé, absence de suivi de ses conditions de travail et de sa charge de travail, déplacements trop importants, etc’).

– la SAS ACIAL n’a pas effectué le suivi médical la concernant, via des visites périodiques auprès de la médecine du travail, afin de s’assurer du maintien de son aptitude à son poste de travail, et ce en violation des dispositions de l’article R.4624-16 du code du travail.

– elle a travaillé en ‘électron’ libre depuis 2000, sans rattachement à une agence, celle d'[Localité 3] à laquelle elle était rattachée ayant fermé. Elle a exercé ses fonctions en situation de télétravail sans que l’organisation de son temps de travail ne soit contractuellement prévue, alternant travail depuis son domicile et nombreux déplacements sur 16 départements sur lesquels elle était la seule commerciale, alors même qu’elle n’a jamais eu le statut de salariée itinérante. De ce fait, elle ne comptait pas ses heures et outrepassait de loin les 167 heures mensuelles prévues à son contrat de travail, n’hésitant pas à répondre à de nombreux courriels professionnels très tôt le matin ou très tard le soir, jusqu’à 23 heures, ou le dimanche, tel que cela ressort des mails échangés entre 2011 et 2016. Monsieur [A] a été expressément alerté de sa surcharge de travail dès le mois de décembre 2013, par courriel du 4 décembre 2013.

– dès fin 2013, les premiers signes d’un épuisement professionnel se sont fait sentir avec la survenance de violentes migraines pour lesquelles elle a été placée sous traitement par le neurologue consulté. Ses migraines ont repris fin août 2014, la contraignant à être placée en arrêt maladie du 1er septembre 2014 au 6 février 2015, avec une hospitalisation courant décembre, le « burn-out professionnel » étant alors évoqué expressément dans le compte rendu hospitalier.

– six jours après sa reprise, soit le 12 février 2014, elle a dû assister à son entretien annuel d’évaluation de 2014, sur un coin de table dans un restaurant, et a été l’objet de reproches injustifiés de la part de Monsieur [A] auxquels elle a répondu et elle a légitimement refusé de signer le compte rendu de l’entretien. De nouveau épuisée, elle a été placée en arrêt de travail le 8 février 2016 pour « burn-out », diagnostic confirmé par son neurologue le 25 mars 2015.

– la situation n’a, depuis lors, fait que se détériorer, la SAS ACIAL ne voulant pas entendre qu’elle devait pouvoir se sédentariser ou, a minima, réduire le rythme des déplacements. Elle s’est trouvée dans le déni de son burn-out, souhaitant coûte que coûte ne pas perdre son poste.

– la SAS ACIAL s’évertue, à tort, à soutenir que les symptômes qu’elle a subis seraient exclusivement liés à la maladie de Lyme et ne seraient pas la conséquence d’une éventuelle surcharge de travail alors que son épuisement professionnel est apparu dès fin 2013/début 2014, que les tests de sérologie de la borréliose de Lyme qu’elle a effectués en décembre 2014 avaient été négatifs et que sa maladie n’a été décelée qu’en février 2017.

– la dérive de l’employeur, qui l’a laissée soumise à elle-même, sans aucun accompagnement, pendant plus de dix ans, l’a conduite à son esseulement avec des conséquences graves sur sa santé physique et mentale. La rupture brutale de son contrat de travail a d’ailleurs aggravé son état de santé et elle a été placée sous traitement antidépresseur depuis septembre 2017 et s’y trouve toujours.

Madame [J] produit :

– le courrier de la SAS ACIAL du 29 octobre 1999 informant Madame [J] de la fermeture de l’agence d'[Localité 3] et l’avenant au contrat de travail de décembre 2002 délimitant un ‘nouveau périmètre d’activité’ comprenant 15 départements.

– plusieurs mails professionnels échangés entre septembre 2011 et janvier 2016 par Madame [J], tôt le matin ou tard le soir ou pendant des périodes d’arrêts de travail.

– le mail qu’elle a adressé à Monsieur [A], le 4 décembre 2013, dans lequel elle indique ne plus arriver ‘à travailler correctement’ et que ‘ce n’est pas le reporting qui pose problème, mais seulement, un tremplin pour parler de cette surcharge qui me coûte de plus en plus’.

– un courrier du 3 septembre 2013 du docteur [G], neurologue à l’hôpital [5] à [Localité 4], au titre d’une consultation pour céphalées, le bulletin de salaire du mois de septembre 2014 mentionnant des absences pour cause de maladie, un courrier du 19 décembre 2014 du docteur [G] adressé à un confrère et mentionnant ‘des céphalées depuis le 27 août 2014 après sa reprise de travail dans le cadre d’un travail à responsabilités avec de nombreux déplacements (…) Sur le plan psychologique, elle semble être en burn-out professionnel avec un retentissement de la vie professionnelle et personnelle’.

– son entretien annuel d’évaluation 2014, son refus de signer ce document du 20 mars 2015 en mentionnant : ‘tu m’as reproché de ne pas avoir donné de mes nouvelles pendant mon arrêt maladie (…) J’ai répondu à tous les messages selon mes possibilités liées à mon état de santé pendant mon arrêt de travail’ et sollicitant le statut de cadre ‘pour faire suite aux différents points: autonomie, engagements professionnels et investissement en heures de travail dépassant le taux horaire contractuel sans compensation salariale, je souhaite travailler dans le droit du travail et obtenir donc ce statut’.

– les avis d’arrêts de travail à compter du 8 février 2016 mentionnant une ‘décompensation anxio-dépressive sévère dans un contexte de ‘souffrance’ au travail nécessitant des heures de sorties libres à visées thérapeutiques’.

– un certificat médical de Monsieur [S], psychologue, du 6 novembre 2018 qui indique que « Madame [J] a suivi une psychothérapie d’octobre 2014 à février 2015. Madame [J] souffrait d’un Burn Out évalué par Test MPI (Maslach Burnout Inventory) avec un SEP très élevé (30) en SD modéré (8) et un SAP élevé (39). Malgré cette évaluation et des troubles psychosomatiques très importants, il y a toujours des propos de déni du trouble de Burn Out avec une volonté de retourner travailler le plus vite possible. A cette époque, Madame [J] était en grand épuisement physique et moral ».

– le certificat médical du 21 novembre 2018 du docteur [G] qui indique : ‘j’ai diagnostiqué un syndrome anxio dépressif lié à mon avis à un surmenage en 2014 à Madame [J] (‘) cette patiente n’était pas prête psychologiquement à accepter ce diagnostic jusqu’en 2017″.

– les résultats du prélèvement du 17 décembre 2014 affichant un résultat négatif à la maladie de Lyme.

– le certificat médical du docteur [R] attestant suivre Madame [J] depuis le 3 octobre 2016 ‘pour décompensation anxio-dépressive sévère par épuisement professionnel et de Burn Out qu’elle attribue à un surmenage et une souffrance au travail. La découverte de la maladie de Lyme stade 3 en février 2017 n’a aucune relation avec le diagnostic initial. D’ailleurs cette affection a été traitée rapidement par le docteur [M] avec une antihisthérapie adéquate’.

– une prescription médicale du 12 février 2018 mentionnant des antidépresseurs et anxiolytiques.

La SAS ACIAL réplique que :

– le médecin du travail, seul médecin compétent, n’a jamais établi un quelconque lien entre les arrêts de travail de la salariée et son activité professionnelle.

– la nouvelle demande formulée à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’établir un document unique d’évaluation des risques professionnels permet à la cour d’apprécier les réelles motivations de la salariée.

– Madame [J] n’a jamais fait de déclaration de reconnaissance d’une maladie professionnelle et elle s’est uniquement plainte de maux de tête. Dans un courrier du 24 avril 2017, elle indiquait que ‘comme je vous l’ai confié lors d’un entretien téléphonique, j’ai été diagnostiquée très récemment d’une maladie regroupant tous les symptômes de mes différents arrêts maladie depuis 2014″ et le docteur [R], médecin psychiatre de Madame [J] a d’ailleurs écrit le 5 avril 2017 : ‘élément nouveau dans ce dossier. Découverte de la maladie de Lyme avec insomnie, douleurs articulaires et musculaires + migraines (…) Au total : Etat dépressif réactionnel à la maladie de Lyme avec symptômes hyperatypiques et invalidants’. L’arrêt de prolongation du 31 mars 2017 indique : ‘rechute anxio-dépressive sévère avec découverte de la maladie de Lyme avec des complications empêchant la reprise d’une activité professionnelle’.

– les avis médicaux versés par Madame [J] sont contraires aux règles déontologiques et devront être écartés. Ces médecins n’ont pu établir un quelconque « épuisement professionnel» ni un quelconque lien avec l’activité professionnelle de la salariée car ce dont le médecin atteste dans un certificat doit correspondre, avec une scrupuleuse exactitude, aux faits qu’il a constatés lui-même. Le fait que les attestations des médecins traitants de la salariée aient été établies postérieurement à l’envoi, par la SAS ACIAL, de ses conclusions de première instance (le 5 octobre 2018), ne fait aucun doute sur le peu de crédit à accorder à l’argumentation de Madame [J].

– il appartiendra donc à la cour de constater que les symptômes subis par Madame [J] sont exclusivement liés à la maladie de Lyme et ne sont pas la conséquence d’une éventuelle surcharge de travail qui n’a jamais existé et n’a jamais été démontrée.

– l’argumentation de Madame [J] est incohérente dès lors qu’elle souhaite que la cour constate son épuisement professionnel qui serait lié à une surcharge de travail et à un manquement de la SAS ACIAL à ses obligations et, dans le même temps, elle reproche à son employeur de ne pas avoir tout fait pour la réintégrer (notamment sur le poste de Madame [Y] [N]).

– elle a respecté son obligation de sécurité car Madame [J] n’a jamais été victime d’un épuisement professionnel, elle ne s’est pas plainte d’un « stress professionnel » et son entretien de 2014, tenu début 2015, en atteste. Selon les récapitulatifs des frais professionnels de la salariée (pièces 40) en 2013, elle a parcouru 29.000 kilomètres environ, pris 64 repas à l’extérieur et 14 nuits d’hôtel ; en 2014, année du début des problèmes de santé, Madame [J] n’a parcouru que 18.343 kilomètres, pris 51 repas à l’extérieur et 7 nuits d’hôtel ; en 2015, elle a parcouru 21.000 kilomètres environ, a pris 45 repas à l’extérieur et découché 7 nuits, ce qui ne laisse pas apparaître qu’elle ait pu être stressée par un nombre excessif de kilomètres parcourus ou de découcher loin de son domicile. Madame [J] est une attachée commerciale itinérante en charge de développer et prospecter la clientèle de 15 départements, qui a un véhicule de fonction et qui n’a jamais été une salariée relevant des dispositions sur le télétravail. Madame [J] était suivie par une direction commerciale, assistée par une assistante et surtout suivie par la médecine du travail et la médecine tout court.

*

En droit, aux termes de l’article L4121-1 du code du travail, ‘l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail;

2° des actions d’information et de formation;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes’.

Selon l’article L4121-2, ‘l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs’.

Ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

En l’espèce, alors que Madame [J] évoque ce point et sollicite des dommages-intérêts à ce titre, la SAS ACIAL ne produit pas le document unique d’évaluation des risques professionnels.

De même, et alors que Madame [J] a été engagée en 1995, la SAS ACIAL ne produit aucun élément attestant d’un suivi de Madame [J] par la médecine du travail ni aucune des fiches d’aptitude au poste qui auraient été rédigées par le médecin du travail – avant l’avis du 23 mars 2016 – et ce alors qu’en décembre 2013, Madame [J] s’était plainte de sa charge de travail

De plus, les mails adressés par la salariée pouvaient alerter l’employeur sur une amplitude d’heures de travail préoccupante et attestent également de sollicitations professionnelles de l’employeur pendant les périodes de suspension du contrat de travail consécutifs aux arrêts de travail pour maladie de la salariée.

S’il n’appartient pas au médecin de faire un lien entre les conditions de travail, qu’il n’a pas pu constater, et la pathologie de son patient, il ressort des courriers des médecins produits au débat que, dès 2013, une situation de ‘burn out’ et de ‘souffrance au travail’ a été évoquée entre les professionnels qui suivaient Madame [J]. A compter du 8 février 2016, les avis d’arrêts de travail mentionnent une ‘décompensation anxio-dépressive sévère dans un contexte de ‘souffrance’ au travail’. Ces éléments médicaux, qui posent un diagnostic médical dans un contexte professionnel décrit par la patiente, sont parfaitement recevables.

Il ressort encore clairement des certificats médicaux produits que la décompensation anxio-dépressive dont souffre Madame [J] était bien antérieure au diagnostic de la maladie de Lyme – pour laquelle Madame [J] prouve qu’elle n’en souffrait pas en 2014 et qu’elle n’a été diagnostiquée qu’en 2017 – et que le diagnostic de la maladie de Lyme a provoqué une rechute et une aggravation du syndrome de décompensation anxio-dépressive originaire.

Le certificat médical du docteur [R] comporte à ce titre une constatation médicale qui n’est pas combattue par la SAS ACIAL par d’autres certificats médicaux probants.

Le fait que Madame [J] n’ait pas fait de déclaration de reconnaissance d’une maladie professionnelle, qu’elle se soit plainte uniquement, et dans un premier temps, de maux de tête et que, dans un courrier du 24 avril 2017, elle prétendait, à tort, lier les symptômes dont elle était atteinte à la maladie de Lyme qui venait juste d’être diagnostiquée, ne remet pas en cause les constatations médicales précitées dès lors qu’il est également établi par les certificats médicaux que Madame [J] était dans le déni de sa pathologie de décompensation anxio-dépressive originaire.

De même, le docteur [R] atteste que Madame [J] a été soignée rapidement pour la maladie de Lyme et Madame [J] justifie que, postérieurement, sa pathologie dépressive a persisté et qu’elle continue à recevoir un traitement médical par antidépresseurs et anxiolitiques.

Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que la SAS ACIAL ne justifie pas avoir mis en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention ni avoir assuré auprès de sa salariée un suivi périodique par la médecine du travail. Elle ne justifie pas davantage des mesures de contrôle des conditions et de la charge de travail de sa salariée qu’elle a prises, notamment lorsque Madame [J] s’est plainte de façon effective de sa charge de travail en 2013.

La SAS ACIAL a donc manqué à son obligation de sécurité.

Il résulte également de ces éléments que Madame [J] établit le lien entre le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité d’une part, et la dégradation de son état de santé et les arrêts de travail qui en sont résultés au motif d’une décompensation anxio-dépressive sévère dans un contexte de ‘souffrance’ au travail, qui ont conduit à son licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement normal de l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif, d’autre part.

Les absences de Madame [J] étant la conséquence du manquement par l’employeur de son obligation de sécurité, le licenciement de Madame [J], motivé par ses absences prolongées, doit être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Sur la détermination du salaire de référence

Alors que Madame [J] retient le salaire de référence le plus avantageux calculé sur les trois derniers mois, soit 5.203,23 €, la SAS ACIAL conclut que le salaire, toujours sur la base de la moyenne des trois dernier mois, est de 5.171,24 € du fait de la mensualisation et de la proratisation de la prime d’objectifs versée en janvier 2016.

Il ressort des pièces produites que Madame [J] a bien calculé son salaire de référence sur la base des bulletins de salaire des mois concernés, en prenant en considération le salaire brut qui lui a été payé, et a mensualisé la prime d’objectifs perçue en janvier 2016, conformément aux prescriptions de l’article R.1234-4 du code du travail. La formule la plus avantageuse pour la salariée est celle du tiers des trois derniers mois, soit la somme de 5.203,23€.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Invoquant une perte de salaire de 2.923,39 € par mois, son âge, son état de santé (sa pension d’invalidité et un préjudice moral) Madame [J] sollicite la somme de 140.000 € à titre de dommages-intérêts.

La SAS ACIAL conlut que Madame [J] serait toujours en arrêt de travail au 12 mars 2018; qu’elle bénéficie de revenus versés par la prévoyance de son employeur ; qu’elle ne justifie toujours pas de sa situation professionnelle en 2022 et que si Madame [J] avait été licenciée pour inaptitude, ce que la salariée prétend, elle n’aurait pu prétendre à aucune indemnisation.

*

En application des dispositions de l’article L1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (47 ans), de son ancienneté (22 ans), de sa qualification, de sa rémunération (5.203,23 €), des circonstances de la rupture, de la justification jusqu’en 2021 du versement d’une pension d’invalidité par l’assurance maladie et d’une rente incapacité permanente par l’organisme de prévoyance MALAKOFF HUMANIS, mais également de l’absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il convient d’accorder à Madame [J] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 50.000 €.

Sur la demande de reliquat de l’indemnité de licenciement

Alors que la SAS ACIAL, après le versement à l’audience de conciliation, de la somme de 7.552,88 €, considère avoir réglé l’intégralité du montant dû, Madame [J] réclame un reliquat de 467,17 €.

*

Selon les dispositions de l’article 29 de la convention collective de la métallurgie, l’indemnité de licenciement est calculée de la façon suivante :

– « pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté : 1/5 de mois par année d’ancienneté »

– « pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d’ancienneté ».

Ainsi, il est dû à Madame [J] :

[(1/5x 5.203,23 €) x 7] + [(3/5 x 5.203,23 €) x 15,50 ] = 55.674,55 €

A déduire les sommes déjà versées par l’employeur : 47.779,39 + 7.552,88 €

= 342,28 €, somme à laquelle sera condamnée la SAS ACIAL à titre de reliquat.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

Madame [J] conclut qu’elle a établi le manquement de la SAS ACIAL à son obligation de sécurité, manquement ayant concouru à la dégradation de son état de santé à l’origine de son licenciement. Elle invoque son épuisement professionnel qui a nécessité un suivi psychiatrique.

La SAS ACIAL soutient que Madame [J] ne démontre pas de préjudice alors qu’elle a elle-même reconnu que ses problèmes de santé résultaient de la maladie de Lyme ; que le médecin du travail n’a jamais relevé une quelconque charge de travail et qu’elle a dû palier aux absences de Madame [J] en imputant cette charge de travail sur les autres salariés de la société.

*

Il a été jugé que la SAS ACIAL ne justifie pas avoir mis en oeuvre les mesures prévues à l’article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention ni avoir assuré auprès de sa salariée un suivi périodique par la médecine du travail. Elle ne justifie pas davantage des mesures qu’elle a prises de contrôle de la charge de travail de sa salariée, notamment lorsque cette dernière s’est plainte de façon effective de sa charge de travail en 2013.

Il a été encore jugé qu’était établi le lien entre le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et la dégradation de l’état de santé de Madame [J], à savoir une décompensation anxio-dépressive sévère dans un contexte de ‘souffrance’ au travail qui a nécessité un suivi psychiatrique et des traitements médicamenteux.

La faute de la SAS ACIAL et le préjudice qui en est résulté pour Madame [J] sont donc démontrés. Il convient d’accorder à Madame [J] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-établissement du document unique d’évaluation des risques

Madame [J] conclut que la SAS ACIAL n’a pas cru devoir répondre à la sommation qui lui a été faite de communiquer le document unique d’évaluation des risques dans l’entreprise et l’absence de document unique justifie la condamnation de l’employeur à verser aux salariés des dommages -intérêts.

La SAS ACIAL soutient pour sa part que Madame [J] ne démontre pas avoir subi un préjudice s’agissant par ailleurs d’une demande purement opportuniste.

*

Celui qui réclame l’indemnisation d’un manquement doit prouver cumulativement l’existence d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice.

Il n’est pas produit, en l’espèce, par la SAS ACIAL, le document unique d’évaluation des risques dans l’entreprise. Toutefois, la preuve d’un préjudice résultant directement pour Madame [J] de ce manquement n’est pas rapportée, la salariée ne produisant aucune pièce à ce titre.

La demande de dommages-intérêts présentée doit donc être rejetée.

Sur les frais professionnels

Madame [J] fait valoir qu’elle a réclamé le remboursement de frais concernant les périodes de janvier 2016, février 2016 et un reliquat de 2013, soit la somme de 898,07 €. La SAS ACIAL a effectué un versement de 411,08 € à ce titre en expliquant qu’elle avait déduit le montant d’ indemnités journalières qu’elle prétendait avoir versé à tort. Madame [J] conclut que la SAS ACIAL ne justifie pas de l’avoir informée de cette compensation dont elle ne justifie pas davantage du bien fondé. Il reviendra à la SAS ACIAL de préciser à quelles indemnités journalières exactement elle fait référence et d’en fournir tout justificatif. A défaut, Madame [J] réclame la somme 486,99 € au titre du remboursement de ses frais kilométriques.

La SAS ACIAL indique qu’elle a déduit de la somme due au titre du remboursement de frais professionnels (896,87 €), le montant des indemnités journalières qu’elle a versées à tort à la salariée (485,78 €) et demande donc de rejeter la demande.

*

La SAS ACIAL, qui invoque un trop perçu d’indemnités journalières et une compensation avec le montant du remboursement des frais professionnels de Madame [J] dont elle ne conteste pas le bien fondé et le montant, ne produit aucune pièce justifiant de l’existence d’un trop perçu d’indemnités journalières.

Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande et d’accorder à Madame [J] la somme de 486,99 € €.

Sur la participation

Madame [J] conclut qu’elle n’a pas été intégralement remplie de ses droits en matière de participation puisque, si elle a perçu les sommes de 1.006,70 € net au titre de la participation 2014 et de 1.941,05 € net au titre de la participation 2015, elle n’a reçu aucune information et aucun versement au titre de la participation 2016. Elle sollicite la liquidation de ses droits à participation au titre de l’exercice 2016 et demande de condamner la SAS ACIAL à justifier du montant de ses droits au titre de cet exercice, et à lui verser la somme correspondante.

La SAS ACIAL fait valoir que Madame [J] a bien perçu les sommes dues au titre de la participation comme l’atteste le bulletin de salaire du mois d’avril 2017.

*

S’il résulte du bulletin de salaire du mois d’avril 2017 le versement de la somme de 189,49 € au titre de la ‘participation brute’, la SAS ACIAL ne justifie pas, comme le demande Madame [J], des droits de la salariée au titre de la participation 2016. Il sera fait donc droit à la demande de Madame [J].

Sur la remise des documents de rupture du contrat de travail

La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SAS ACIAL n’étant versé au débat.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 25 juin 2018, et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.

Il est équitable de condamner la SAS ACIAL à payer à Madame [J] la somme de 2.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a engagés en première instance et en cause d’appel.

Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la SAS ACIAL, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions ayant rejeté la demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation d’établir le document d’évaluation des risques professionnels et la demande au titre de l’astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Madame [F] [J] est sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS ACIAL à payer à Madame [F] [J] les sommes de :

– 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

– 342,28 € à titre de reliquat de l’indemnité de licenciement,

– 486,99 € à titre de remboursement de frais professionnels,

– 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SAS ACIAL d’avoir à justifier des droits de Madame [F] [J] au titre de la participation 2016 et à lui verser la somme correspondante s’il y a lieu,

Ordonne la remise par la SAS ACIAL à Madame [F] [J] d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt,

Dit que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2018 et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la SAS ACIAL aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x