SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 51 F-D
Pourvoi n° X 21-17.791
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [J].
Admission du bureau d’aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 novembre 2021.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 JANVIER 2023
La société Lyreco France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-17.791 contre l’arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l’opposant à Mme [N] [J], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Laplume, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Lyreco France, de la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mme [J], après débats en l’audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Laplume, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, M. Juan, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 15 avril 2021), Mme [J] a été engagée en qualité d’attachée commerciale comptes publics à compter du 7 avril 2014 par la société Lyreco, devenue la société Lyreco France.
2. Licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 novembre 2015, elle a informé son employeur qu’elle avait été victime d’un accident de travail le même jour.
3. Contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud’homale le 2 février 2018.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. L’employeur fait grief à l’arrêt de dire que l’action de la salariée est recevable, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre des congés payés du 4 février au 12 mai 2016, pour perte de son avantage en nature, au titre de la prime d’intéressement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :
« 1°/ que selon l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que l’état de santé n’est constitutif d’un cas de force majeure empêchant la prescription de courir que s’il constitue un obstacle insurmontable à l’exercice d’une action en justice ; qu’au cas présent, il est constant que la société Lyreco a notifié à Mme [J] son licenciement le 2 novembre 2015 et que Mme [J] a saisi la juridiction prud’homale le 2 février 2018, postérieurement à l’expiration du délai de prescription de l’article L. 1471-1 du code du travail ; qu’en se fondant néanmoins sur les seuls certificats médicaux établis par le médecin psychiatre de la salariée pour les besoins de la cause pour considérer que les troubles anxio-dépressifs de Mme [J] l’auraient empêchée d’agir en justice, la cour d’appel a statué par des motifs insuffisants à caractériser un cas de force majeure rendant impossible l’action en justice, en violation des articles 2234 du code civil et de l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 ;
2°/ que, selon l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par la suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que l’état de santé n’est constitutif d’un cas de force majeure empêchant la prescription de courir que s’il constitue un obstacle insurmontable à l’exercice d’une action en justice ; qu’au cas présent, il est constant que la société Lyreco a notifié à Mme [J] son licenciement le 2 novembre 2015 et que Mme [J] n’a saisi la juridiction prud’homale que le 2 février 2018, postérieurement à l’expiration du délai de prescription de l’article L. 1471-1 du code du travail ; que les premiers juges ont relevé que, si elle avait été hospitalisée en juillet 2015, Mme [J] avait été autorisée à reprendre son travail quelques semaines avant son licenciement, qu’elle avait postérieurement à son licenciement accompli des démarches pour faire reconnaître l’existence d’un accident du travail et pour contester la décision de refus de prise en charge de cet accident par la CPAM et avait, le 10 février 2016, adressé à l’employeur un courrier circonstancié pour contester la date d’effet de son licenciement et demandé sa réintégration ; qu’en se bornant à faire état de certificats médicaux établis en 2019 et 2020, pour les besoins de la cause, par le médecin psychiatre de la salarié attestant d’un état dépressif de la salariée à compter de son hospitalisation au titre d’un épuisement professionnel en juillet 2015 qui l’aurait par la suite empêchée d’engager toute procédure, pour considérer que la prescription aurait été suspendue, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les démarches accomplies par la salariée auprès de la CPAM et de l’employeur postérieurement à son licenciement n’étaient pas de nature à faire ressortir que l’état de santé de Mme [J] ne la plaçait nullement dans l’impossibilité absolue d’agir en justice pour contester son licenciement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2234 du code civil et de l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 ;
3°/ qu’en se bornant à relever l’existence d’un certificat médical établi en cause d’appel, le 18 février 2020, par le médecin psychiatre de Mme [J] pour considérer que l’état de Mme [J] s’est ‘’aggravé à compter de février 2016’‘, sans caractériser la teneur de la prétendue aggravation, ni indiquer en quoi elle aurait constitué une situation de force majeure rendant impossible l’introduction d’une action en justice, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2234 du code civil et de l’article L. 1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013. »
Réponse de la Cour
5. En application de l’article 2234 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.
6. La cour d’appel, ayant constaté que les certificats médicaux produits indiquaient que, à la suite de son hospitalisation en juillet 2015 et durant les trois années qui ont suivi, la salariée présentait d’importants troubles anxio-dépressifs, s’accompagnant de crises de panique incessantes, l’empêchant de mener à bien toute démarche tant personnelle que sociale et administrative, notamment lors de la gestion de son dossier prud’homal, et que son état s’était aggravé à compter de février 2016, rendant ainsi la recherche invoquée par la deuxième branche inopérante et caractérisant la force majeure, a pu en déduire que la salariée s’était trouvée dans l’impossibilité d’agir et que la prescription avait été suspendue, rendant recevable l’action introduite le 2 février 2018.
7. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
8. L’employeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à la salariée des sommes au titre des congés payés du 4 février au 12 mai 2016, pour perte de son avantage en nature et au titre de la prime d’intéressement, alors « que la protection des salariés victimes d’accidents du travail et des maladies professionnelles pendant les périodes de suspension du contrat de travail suppose que soit caractérisée l’existence d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et ne peut être mise en oeuvre du seul fait que le salarié a déclaré avoir été victime d’un tel sinistre ; qu’au cas présent, il résulte des constatations de l’arrêt que si Mme [J] a déclaré à son employeur avoir été victime d’un accident du travail le 2 novembre 2015, la CPAM avait refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation sur les accidents du travail et que, par lettre du 12 mai 2016, la CPAM avait notifié à Mme [J] la décision de la commission de recours amiable de rejeter son recours contre le refus de la caisse de considérer son accident comme accident du travail ; qu’il n’existait aucune décision de prise en charge d’accident du travail ; que la cour d’appel a néanmoins jugé que, compte tenu des articles L. 1226-9 et L. 1232-6 du code du travail, les effets du licenciement prononcé le 2 novembre 2015 devaient être suspendus jusqu’au 12 mai 2016 et a condamné la société Lyreco à verser à la salariée des sommes au titre de la période du 2 novembre 2015 au 12 mai 2016 ; qu’en statuant de la sorte, sans constater que Mme [J] avait été victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, la cour d’appel a violé par fausse application l’article L. 1226-9 du code du travail. »