Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 4
ARRET DU 24 MAI 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02117 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIQB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/02817
APPELANTE
Madame [U] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Laurent TIXIER, avocat au barreau de PARIS, toque : K0071
INTIMEE
S.C.O.P. S.A.R.L. ATELIER COOPERATIF POUR L’AMENAGEMENT ET LE DEVELO PPEMENT DE L’INTERVENTION SUR L’ESPACE – ACADIE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Carole RUFFIN DESJARDINS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1345
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère
Mme Florence MARQUES, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 14 septembre 2015, Mme [U] [X] a été engagée en qualité de responsable administrative et financière par la société coopérative de travailleurs à responsabilité limitée Atelier coopératif pour l’aménagement et le développement de l’intervention sur l’espace (ACADIE) qui a pour activité le conseil aux collectivités territoriales en matière de politiques publiques et d’aménagement du territoire.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [X] était de 5.353 euros.
Par lettre datée du 9 novembre 2018, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 21. Le 3 décembre, elle été licenciée pour faute grave en raison d’une absence de tenue de la comptabilité depuis avril 2018, d’un défaut de suivi de la facturation sans mise à jour quotidienne d’un tableau de bord, plusieurs clients n’ayant pas reçu les factures de prestations réalisées et des erreurs ayant été constatées, d’un défaut de paiement des créanciers ou de cotisations, d’un délaissement de la gestion de la participation sans abondement du compte bancaire et ventilation par salarié ni actualisation de l’accord sur ce point ainsi que d’une absence de paiement des cotisations URSSAF faisant encourir à la société un redressement de 12.500 euros, ces différents manquements mettant en péril la trésorerie, l’exploitation et l’activité de l’entreprise et affectant ses relations avec ses fournisseurs et ses partenaires.
Le 4 avril 2019, contestant son licenciement et réclamant le paiement de sommes de nature indemnitaire et salariale, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 1er février 2021, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens.
Le 22 février 2021, la salariée a fait appel de cette décision.
Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 avril 2021, elle demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de:
– condamner la société ACADIE à lui payer 16.711,84 euros de rappel de salaire, outre 1.671,18 euros de congés payés afférents ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 21.200 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de préservation de la santé des salariés ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 31.800 euros de dommages et intérêts pour prêt de main-d’oeuvre illicite et délit de marchandage ;
– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 15.900 euros d’indemnité de préavis, outre 1.590 euros de congés payés sur le préavis ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 6.066,47 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
– juger que l’application du barème d’indemnisation issu de l’article L.1235-3 du code du travail ne permet pas une indemnité adéquate ou une réparation appropriée et qu’il sera donc écarté ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 31.800 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 10.000 euros de dommages et intérêts pour procédure de licenciement vexatoire ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 31.800 euros d’ indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– condamner la société ACADIE à lui payer 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– juger que les condamnations prononcées porteront intérêt au taux légal à compter de la date de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation avec anatocisme ;
– condamner la société ACADIE aux entiers dépens.
Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juin 2021, la société ACADIE demande à la cour de confirmer le jugement, débouter Mme [X] de ses demandes et la condamner à lui payer 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 13 mars 2023.
Pour l’exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 : Sur l’exécution du contrat de travail
1.1 : Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures complémentaires ou supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au cas présent, la salariée soutient qu’elle a dû assumer seule la charge de travail afférente à trois postes puisque, deux mois après son arrivée dans l’entreprise, la direction a pris la décision de licencier la secrétaire pour lui confier l’intégralité de ses fonctions. Elle ajoute que, en décembre 2016, lorsque le webmaster de la société a démissionné, la partie technique de son poste (gestion du parc informatique, gestion des hébergements web, noms de domaines, boites mail, sauvegardes’) lui a également été confiée. Elle ajoute que, en plus de ces fonctions elle était chargée par le gérant de s’occuper de la gestion de sa SCI et de sa fiscalité personnelle. Elle affirme que, du fait de cette surcharge de travail, l’amplitude de ses journées atteignait régulièrement 8h – 22h30 et qu’elle travaillait parfois de son domicile le soir et le week-end sans que les nombreuses heures supplémentaires effectuées soient déclarées et encore moins payées.
Au soutien de ses affirmations, elle produit un décompte trimestriel des heures supplémentaires qu’elle soutient avoir accomplies, un tableau des courriels transmis tardivement ou tôt le matin, des factures de chauffeur privé mentionnant une prise en charge en soirée dans la rue de la société, un message montrant qu’elle a accompli des tâches relevant précédemment du périmètre du webmaster ainsi que des attestations.
Ce faisant, la salariée produit des éléments suffisamment précis sur les heures supplémentaires qu’elle soutient avoir accomplies pour permettre à son employeur qui assure le contrôle du temps de travail effectif d’y répondre utilement.
Or, ce dernier est défaillant dans la charge de la preuve qui lui incombe. Il convient dès lors de retenir que des heures non rémunérées ont été accomplies.
Néanmoins, après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, il n’y a pas lieu de retenir les éléments de calcul proposés par la salariée dans la mesure où la seule référence qui y est faire aux horaires d’envoi de mails ne permet pas de caractériser un temps de travail effectif continu.
Dès lors, au regard des éléments sur la réduction de l’activité et des effectifs de la société permettant de restructurer le poste de la salariée pour lui affecter des missions complémentaires sans augmentation de son temps de travail, sur l’absence de transfert complet des tâches du webmaster reprises par un prestataire externe et par un nouveau recrutement, sur la liberté d’organisation de l’appelante, ses arrivées parfois tardives et le fait qui résulte des attestations produites qu’elle pouvait consacrer une partie importante de son temps de présence au travail à des appels personnels, il convient de retenir que la salariée a accompli 70 heures supplémentaires (30 en 2016 et en 2017 et 10 en 2018) majorées à 25%.
Il ya lieu par conséquent de condamner l’employeur à ce titre au paiement de 3.114,25 euros de rappel de salaire outre, 311,42 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il rejette la demande de ce chef.
1.2 : Sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de préservation de la santé des salariés
En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l’organisation de moyens adaptés et l’amélioration des situations existantes. Il doit assurer l’effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.
En application de l’article L.4121-2 du même code, l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
En l’espèce, néanmoins, la salariée ne démontre aucune attitude inadaptée de sa hiérarchie. En outre, malgré ses allégations contraires, elle n’a jamais informé son employeur de la surcharge de travail dont elle se plaint désormais. Il ne saurait dès lors être reproché à ce dernier de n’avoir pas réagi de manière appropriée. Mme [X] n’établit pas enfin le lien de causalité entre les arrêts de travail pour fatigue dont elle se prévaut et ses conditions de travail.
Dès lors, elle verra sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité rejetée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
1.3 : Sur les dommages et intérêt pour prêt de main-d’oeuvre illicite et délit de marchandage
Aux termes de l’article L. 8231-1, le marchandage défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre, qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit.
L’article L. 8241-1 du code du travail dispose que toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.
En l’espèce, la salariée soutient qu’elle a travaillé gratuitement pour le compte d’une SCI dont le gérant est également celui de la société ACADIE. Elle souligne qu’elle aurait été en charge du secrétariat juridique de cette société, qu’elle aurait réalisé ses déclarations fiscales et contribué au montage d’un dossier de prêt bancaire. Elle soutient que la SCI a économisé de l’argent en ayant recours à ses services sans rémunérer sa prestation. Elle fait valoir que cette situation, qui a augmenté sa charge de travail sans contrepartie financière, lui a causé un préjudice.
Cependant, alors qu’il est établi que la SCI a recours à des prestataires externes pour sa gestion, qu’elle est propriétaire des locaux loués et occupés par la société ACADIE pour son activité commerciale et que le prêt évoqué concerne le financement du rachat par les associés des parts détenues par une salariée à l’occasion de son licenciement de la société ACADIE, il n’est pas démontré que Mme [X] ait effectué une réelle prestation de travail pour le compte de la SCI qui serait étrangère à l’activité et aux intérêts de son employeur officiel. En outre, le but lucratif de l’opération, qui n’a donné lieu à aucune facturation, n’est pas établi.
Dès lors, la demande indemnitaire au titre du prêt de main d’oeuvre illicite et du délit de marchandage sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef
2 : Sur le licenciement pour faute grave
L’article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Aux termes de l’article L.1232-1 du même code, le licenciement par l’employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d’un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l’employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d’une part d’établir l’exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d’autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l’entreprise.
En l’espèce, aux termes de la lettre de rupture du 3 décembre 2018, qui, en l’absence de précisions postérieures, fixe les limites du litige, Mme [X] a été licenciée pour faute grave en raison d’une absence de tenue de la comptabilité depuis avril 2018, d’un défaut de suivi de la facturation sans mise à jour quotidienne d’un tableau de bord, plusieurs clients n’ayant pas reçu les factures de prestations réalisées et des erreurs ayant été constatées, d’un défaut de paiement des créanciers ou de cotisations, d’un délaissement de la gestion de la participation sans abondement du compte bancaire et ventilation par salarié ni actualisation de l’accord sur ce point ainsi que d’une absence de paiement des cotisations URSAFF faisant encourir à la société un redressement de 12.500 euros, ces différents manquements mettant en péril la trésorerie, l’exploitation et l’activité de l’entreprise et affectant ses relations avec ses fournisseurs et ses partenaires.
La salariée reconnaît des erreurs minimes mais conteste globalement la matérialité des agissements qui lui sont reprochés. Elle fait valoir que le véritable motif de la rupture est sa situation d’arrêt maladie pour épuisement professionnel après l’avis d’inaptitude temporaire du médecin du travail. Elle souligne que la procédure aurait été montée sur un dossier vide dans la mesure où des pièces auraient été obtenues après sa convocation à un entretien préalable. Sans se prévaloir d’une prescription des faits fautifs, elle ajoute qu’il serait peu vraisemblable au regard de la gravité des faits reprochés qu’ils aient été découverts aussi tardivement et uniquement pendant son arrêt maladie qui a débuté mi-septembre 2018.
Néanmoins, Mme [X] ne conteste pas réellement l’absence de tenue de la comptabilité depuis avril 2018. Au surplus cette absence résulte de manière certaine de l’attestation de l’expert comptable qui mentionne des ‘achats saisis uniquement jusqu’à avril 2018, des notes de frais saisies jusqu’à mars 2018, aucune vente saisie sur 2018, aucun relevé de banque saisi sur 2018, aucun élément de salaire saisi sur 2018 et aucune écriture de déclaration de TVA saisie’.
Ce grief est donc établi.
Concernant l’absence de tenue d’un tableau de bord de facturation, alors qu’il n’est pas contesté que ce document n’était pas accessible sur les outils communs de la société, la salariée ne saurait s’exonérer de sa responsabilité en soutenant que ce document existait bel et bien et qu’il appartenait à l’employeur de le lui demander, alors que le document qu’elle produit devant la cour comporte des incohérences montrant qu’il n’a été établi que pour les besoins de la cause.
Ce grief est donc également suffisamment établi.
Par ailleurs, il ressort suffisamment des courriels de différents clients, certes reçus après l’introduction de la procédure disciplinaire mais sans que cela remette en cause leur authenticité, l’employeur ayant légitimement pu interroger les clients pour lever ou confirmer ses doutes, que plusieurs n’ont pas reçu les factures pour les prestations dont ils ont bénéficié ou ont reçu des factures erronées. Rien ne permet par ailleurs de conforter les affirmations de la salariée selon lesquelles toutes ces factures auraient été envoyées par elle mais non reçues, étant souligné qu’il lui appartenait alors en tout état de cause de relancer les clients qui n’avaient pas payé.
En outre, l’absence de règlement des créanciers ressort de la production de plusieurs factures ainsi que des mises en demeure communiquées, les arguments de la salariée selon lesquelles une facture litigieuse aurait bien été payée alors qu’elle se réfère à une facture d’un autre numéro que celui de la facture en cause ou selon lesquels le gérant serait décisionnaire du paiement, ce qui est invraisemblable alors qu’elle est comptable, étant dépourvus de pertinence.
Enfin, l’absence de réinscription sur la liste ministère des SCOP résulte suffisamment du message du délégué suivi au sein de l’Union régionale des SCOP informant la société ACADIE que sa demande de réinscription ne lui a pas été adressée alors que, contrairement à ce que soutient la salariée, la simple mention manuscrite ‘envoyé le 4 septembre 2018″ sur le dossier de réinscription, qui a parfaitement pu y être apposée par elle pour seuls les besoins de la cause, ne saurait valoir preuve de l’envoi par elle de ce dossier.
Dès lors, si, au regard des éléments produits par l’employeur, l’absence de gestion de la participation et l’imputabilité à Mme [X] des erreurs de cotisations à l’origine du contrôle de l’URSSAF ne sont pas suffisamment démontrées, les autres griefs visés dans le courrier de rupture sont établis.
Compte tenu des fonctions de la salariée, ce cumul de manquements et d’erreurs qui a nécessairement causé un préjudice de trésorerie, d’organisation et d’image à la société ACADIE rendait impossible son maintien dans l’entreprise.
Le licenciement repose donc sur une faute grave.
Le jugement sera confirmé de ce chef ainsi qu’en ce qu’il rejette les demandes subséquentes de rappel de salaire sur mise à pied, de congés payés afférents, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et d’indemnité de licenciement.
3 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
Aux termes de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il résulte de ces dispositions que l’octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d’une part, la caractérisation d’une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d’autre part, la démonstration d’un préjudice distinct de celui d’ores et déjà réparé par l’indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au cas présent, la salariée se prévaut du caractère vexatoire de son licenciement du fait de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement alors qu’elle était en arrêt de travail. Elle ajoute que la société avait souhaité quelques jours plus tôt conclure une rupture conventionnelle et qu’elle a découvert son licenciement à son retour d’arrêt maladie alors qu’elle n’avait reçu aucun courrier l’en informant en amont.
Cependant, l’employeur, qui était tenu par les délais de la prescription en matière disciplinaire, pouvait convoquer sa salariée pendant son arrêt maladie. Rien ne démontre par ailleurs que la société avait proposé une rupture conventionnelle à Mme [X]. Enfin, l’employeur, qui avait envoyé la lettre de rupture à sa salariée à son adresse habituelle, ne saurait se voir reprocher le fait qu’elle ne l’ait pas reçue, étant souligné au surplus que cette dernière était parfaitement informée qu’une procédure disciplinaire était engagée et son licenciement envisagé.
Aucun manquement de l’employeur n’est donc établi.
La demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire sera dès lors rejetée et le jugement confirmé de ce chef.
4 : Sur l’indemnité pour travail dissimulé
L’article L8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L’article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l’espèce, la preuve de la matérialité du non-paiement des heures complémentaires et supplémentaires est apportée. En revanche, le caractère intentionnel de la dissimulation n’est pas suffisamment établi en sorte que la demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé sera rejeté.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
5 : Sur les demandes accessoires
Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation.
La capitalisation de ceux-ci qui est de droit sera ordonnée.
Au regard du sens de la présente décision, la salarié succombant principalement à l’instance, le jugement sera confirmé sur la charge des dépens.
Les dépens de l’appel seront également supportés par Mme [X].
L’équité commande de rejeter la demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
– Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 1er février 2021 sauf en ce qu’il rejette la demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et l’infirme de ce chef ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
– Condamne la société atelier coopératif pour l’aménagement et le développement de l’intervention sur l’espace à Mme [U] [X] la somme de 3.114,25 euros de rappel de salaire outre, 311,42 euros de congés payés afférents ;
– Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;
– Ordonne la capitalisation des intérêts ;
– Rejette la demande au titre des frais irrépétibles ;
– Condamne la société atelier coopératif pour l’aménagement et le développement de l’intervention sur l’espace aux dépens.
La greffière Le président