AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 20/00875 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M24V
[W]
C/
Société SEB DEVELOPPEMENT
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 09 Janvier 2020
RG : F18/02486
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 24 MAI 2023
APPELANTE :
[B] [W]
née le 26 Juin 1987 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marion SIMONET de la SELAS EPILOGUE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société SEB DEVELOPPEMENT
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SELARL LIGIER & DE MAUROY, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Christian BROCHARD de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Mars 2023
Présidée par Nathalie ROCCI, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 24 Mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société SEB Développement appartient au Groupe SEB qui est spécialisé dans le domaine de la conception, la fabrication et la commercialisation d’articles culinaires et d’appareils électroménagers.
Elle a pour activité la réalisation d’études de projets pour l’ensemble du groupe.
Elle emploie plus de 50 salariés qui bénéficient, lorsqu’ils sont cadres, des dispositions de
la Convention Collective Nationale des Ingénieurs et Cadres de la Métallurgie.
Par contrat de travail à durée indéterminée, Mme [B] [W] a été embauchée à effet du 15 juin 2015 en qualité de Chef de Projet Innovation ‘ Anthropologue IV ‘ position 2, indice 100.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [W] exerçait les fonctions de Chef Projet Innovation Recherche pour le compte de la société SEB Développement sur le site d'[Localité 3], et percevait des appointements mensuels bruts de base de 3 313 euros, pour 216 jours de travail par an.
Mme [W] a été placée en arrêt de travail à compter du 20 janvier 2018.
Par courrier du 27 avril 2018, le conseil de Mme [W] a pris acte de la rupture du contrat de travail de sa cliente, dans les termes suivants :
« Vous m’indiquez que Madame [W] est une collaboratrice avec laquelle les relations de travail ne relèvent d’aucune difficulté particulière.
Je note également que vous précisez que l’évaluation de ses performances est au rendez-vous des attentes et des objectifs fixés.
Vous précisez qu’elle venait même d’être nommée parmi les experts de la fonction recherche de sorte que ses activités seraient amenées à se poursuivre voire se développer au-delà de la fonction recherche.
Vous précisez que ni son manager ni vous-même n’avez été alertés d’une quelconque difficulté la concernant.
En réalité, la situation est tout autre.
L’arrêt de travail réitéré de Madame [B] [W] en est le symptôme.
Pour faire simplement état des points que vous relevez, Madame [B] [W], contrairement à la logique et aux promesses faites de même qu’à ses attentes, aurait dû être reconnue dans sa matière de l’anthropologie, raison d’ailleurs de son recrutement chez SEB, comme Master Expert.
Elle n’a été positionnée qu’au niveau Senior Expert.
Ainsi le 19 décembre 2017, journée de la recherche qui a permis de présenter les experts du groupe, Madame [B] [W] a eu la surprise de constater que l’anthropologie n’y figurait pas.
Elle a signifié son désaccord à son supérieur hiérarchique direct, Monsieur [N] [I], qui constatant également cette situation lui a demandé, en précisant que c’était à son initiative, de solliciter un rendez-vous auprès de la Directrice de la Recherche, Madame [O] [E].
Suite à ce rendez-vous avec cette dernière, Madame [B] [W] a de nouveau fait part à Monsieur [I] des difficultés concernant la poursuite de ses activités, lui demandant par email un rendez-vous. Ce rendez-vous ne lui a jamais été accordé.
En janvier 2018, elle a également fait part de son épuisement et de son état de santé à la Médecine du Travail du site du Groupe SEB.
De surcroît, il ne lui sera plus permis dans le cadre de son travail de procéder à des publications et communications de ses travaux scientifiques, ni d’assister et de participer à des colloques, ce qui lui a été de vive voix signifié.
Cet élément du poste pour lequel Mme [B] [W] a été recrutée, comme le démontrent la fiche de poste dans l’annonce de recrutement et les différents comptes-rendus d’entretiens annuels d’activité, s’avère substantiel puisqu’il représentait un tiers du temps de travail.
Pour Madame [B] [W], arrêter la publication l’amènera à perdre les connaissances acquises et la reconnaissance universitaire dont elle bénéficie.
En conséquence, de fait, elle subit une dévalorisation de poste qualifications égales à un niveau Master et non plus Doctorat et ne pourra plus prétendre à un autre poste comme celui pour lequel elle a été recrutée chez SEB il y a 3 ans.
Elle devra en outre renoncer à sa carrière d’universitaire et se consacrer exclusivement aux travaux qu’elle effectue chez SEB sauf à poursuivre en dehors de son temps de travail et en parallèle de telles recherches.
Une telle situation n’est pas envisageable dès lors qu’elle entraînerait une amplitude d’activité incompatible avec une charge de travail déjà importante chez SEB, ce qui l’a d’ailleurs conduit à l’arrêt de travail actuel.
Madame [B] [W] est actuellement suivie par la gestion des conséquences du surmenage engendré par son poste au sein de votre société.
Elle a pu constater également que l’employeur bénéficiait de son profil et du fait qu’elle était visible médiatiquement et scientifiquement en FRANCE de même qu’à l’étranger.
Elle ne comprend pas l’origine de ses difficultés ni que son statut ne soit pas correctement et financièrement revalorisé et que de surcroît le volet scientifique de son poste soit réduit à néant.
Madame [B] [W] a le sentiment d’avoir consenti d’énormes sacrifices personnels pour pouvoir atteindre les objectifs fixés qui étaient conjoints avec ceux de SEB.
Elle s’aperçoit avoir progressivement basculé dans un épuisement professionnel, la charge de travail ne faisant qu’augmenter et les tâches qu’on lui demandait dépassant le plus souvent la qualification du poste initial, sans aucune revalorisation de sa rémunération.
Elle constate être dans une situation sans issue et ne plus pouvoir exercer la plénitude de ses fonctions en anthropologie chez SEB et ce en raison de son encadrement.
C’est la raison pour laquelle Madame [B] [W] ne peut que prendre acte de la rupture de son contrat de travail avec effet immédiat.
Vous voudrez lui indiquer par mon intermédiaire les conditions dans lesquelles Madame [B] [W] devra procéder à la restitution des objets mis à sa disposition.
De même, je vous remercie de lui remettre par mon intermédiaire
– le reçu pour solde de tout compte,
– le certificat de travail,
– l’attestation POLE EMPLOI,
– l’état de ses intéressements et participations’ ».
Par acte introductif d’instance du 10 août 2018, Mme [B] [W] a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon, d’une demande tendant à voir requalifier sa prise d’acte en date du 27 avril 2018 en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et voir par conséquent condamner son ancien employeur, la société SEB Développement, au paiement des indemnités de rupture et dommages-intérêts liés aux conditions de la rupture.
Par jugement du 9 janvier 2020, le Conseil de Prud’hommes de Lyon a débouté Mme [W] de l’intégralité de ses demandes, selon le dispositif suivant :
« Dit et juge que la SAS SEB Développement a exécuté loyalement le contrat de travail le liant à Mme [W] ;
Dit et juge qu’aucun manquement grave ne peut être retenu à l’encontre de la SAS SEB Développement permettant de justifier une prise d’acte de la part de Mme [W] [B] ;
Dit et juge que Mme [W] [B] a pris acte de la rupture de manière précipitée
Déboute Mme [W] [B] de l’ensemble de ses demandes ;
Condamne Mme [W] [B] à verser à la SAS SEB Développement la somme de
9 939 euros au titre d’une indemnité compensatrice de préavis ;
Déboute les parties au titre de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme [W] [B] aux entiers dépens de la présente instance. »
La cour est saisie de l’appel interjeté le 4 février 2020 par Mme [W].
Par conclusions notifiées le 4 mai 2020, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, Mme [W] demande à la cour de :
À titre principal,
– Infirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a :
-Jugé que le contrat de travail avait été exécuté loyalement,
-Jugé que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail était injustifiée,
-Débouté Mme [W] de l’ensemble de ses demandes,
-Condamné Mme [W] au versement de la somme de 9 939,00 euros à la société SEB
Développement, à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
-Condamner la société SEB Développement à lui verser :
*indemnité de licenciement ……………………………………………………………. 2 806,54 euros bruts
*indemnité compensatrice de préavis ……………………………………………… 9 939,00 euros bruts
*congés payés y afférents ………………………………………………………………….993,90 euros bruts
*dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse …. 10 000,00 euros nets
À titre subsidiaire,
– Débouter la société SEB Développement de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis.
En tout état de cause,
– Condamner la société SEB Développement à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamner la société SEB Développement aux dépens de l’instance.
Par conclusions notifiées le 17 janvier 2023, auxquelles il est expressément fait référence pour un plus ample exposé, la société SEB Développement demande à la cour de :
– Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 9 janvier 2020
y ajoutant :
– Condamner Mme [W] à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– La condamner aux entiers dépens d’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.
MOTIFS
– Sur la demande de requalification de la prise d’acte :
Mme [W] invoque une modification de ses fonctions intervenue concomitamment au changement de direction en juillet 2017. Elle soutient que la nouvelle directrice de la recherche a présenté en décembre 2017 un programme de labélisation interne des experts du groupe dont sa filière, l’anthropologie, a été exclue. Elle ajoute que l’intégration de la filière anthropologie au sein du label d’expertise n’est finalement intervenue qu’après qu’elle ait exprimé son incompréhension.
Mme [W] expose que trois niveaux d’expertise ont été définis, soit ‘Master expert’, ‘Senior Expert’ et ‘Expert’ et qu’elle a été informée, pendant son arrêt maladie, à compter du 20 janvier 2018, qu’elle ne pourrait accéder qu’au grade ‘Expert’.
Elle soutient que cette labélisation vidait de toute substance ses fonctions dés lors que :
– elle se trouvait ainsi privée de ses travaux de recherche universitaires lesquels représentent un tiers de son temps de travail ;
– sa carrière et sa renommée scientifique ont été compromises,
– l’obtention de ce grade ne correspondait ni à son projet professionnel ni aux perspectives que sa hiérarchie lui avait laissé entrevoir.
Elle souligne que la perte de l’aspect scientifique du poste ne saurait être niée dés lors que la société SEB Développement a publié, aux fins de son remplacement, une annonce de recrutement ne mentionnant aucune activité de recherche.
Mme [W] soutient que cette modification unilatérale de ses fonctions a eu un impact considérable, tant sur son activité professionnelle que sur son état de santé et que malgré divers entretiens, un long arrêt de travail et une sollicitation de rupture conventionnelle, la société SEB Développement est restée inerte.
La société SEB Développement fait valoir en réponse que :
– la mission et la classification de Mme [W] sont conformes au contrat de travail et Mme [W] n’a jamais contesté la classification conventionnelle qui lui a été accordée ;
– elle n’a pris aucun engagement quant à l’activité universitaire externe de Mme [W], étant précisé qu’elle ne conteste pas la dimension scientifique de l’emploi ;
– Mme [W] donnait entière satisfaction, ainsi qu’en attestent ses entretiens professionnels, et était reconnaissante, pour sa part, des moyens mis à sa disposition ;
– Mme [W] manque de loyauté dés lors que sa demande de rupture conventionnelle, par courrier du 19 mars 2018 était motivée par une interrogation sur son avenir au sein de la société en raison ‘des relations existantes’ et en aucun cas par une modification de son contrat de travail ou une exécution déloyale de celui-ci ;
S’agissant de la modification du contrat de travail invoquée, la société SEB Développement soutient que :
– le label d’expertise mis en place est évolutif,
– le label ne remet pas en cause le bloc contractuel mais a simplement pour finalité de valoriser les experts,
– la société a accédé à la demande de Mme [W] de voir l’anthropologie prise en compte dans le périmètre labelisé
– Mme [W] a été informée officiellement qu’elle faisait partie de la première promotion d’experts ;
– le fait de ne pas être classé ‘master expert’ n’interdit pas de publier, d’effectuer des recherches universitaires ou de participer à des colloques,
– s’il est impératif d’avoir une activité académique pour obtenir le niveau ‘Master expert’, cela n’implique pas que les salariés positionnés à un niveau inférieur ne puissent plus effectuer des recherches universitaires,
– Mme [W] n’a été empêchée, ni de publier, ni de participer à des colloques.
En ce qui concerne l’impact sur l’état de santé de la salariée, la société SEB Développement indique que la partie adverse ne fournit aucun élément de nature à démontrer qu’elle aurait été victime d’un burn-out résultant d’un surcroît d’activités au sujet duquel elle n’a d’ailleurs jamais attiré l’attention de sa hiérarchie durant l’exécution du contrat de travail.
****
En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.
Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.
Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail
Mme [W] a été engagée en qualité de chef de projet innovation-anthropologue avec notamment pour mission de :
– explorer les pratiques alimentaires et culinaires dans les pays étrangers
– mener une réflexion sur les usages des produits de la société SEB
– caractériser les interactions des dits produits avec leur environnement (…)
– animer une réflexion sur la place des outils numériques et du big data dans le développement de produits et services.
Le profil requis par la fiche de poste précisait que le poste s’adressait à un docteur en anthropologie capable de mener les recherches sous plusieurs biais et souhaitant conserver une participation active au monde académique (publications, interventions, colloques, séminaires…).
La première évaluation de Mme [W] le 19 février 2016 révélait une salariée satisfaite de son poste après neuf mois dans l’entreprise, au travers du commentaire suivant : ‘ Après 9 mois dans l’entreprise, les jalons nécessaires au développement de nouvelles méthodologies et de recherches transverses ont été posés. Ces bases vont me permettre de déployer une vision stratégique par produit, famille de produits et concernant l’évolution des pratiques alimentaires et de la consommation en France comme à l’international.’
Cette évaluation soulignait que Mme [W] avait une ‘très forte activité sur les réseaux extérieurs académiques: par exemple chercheur associé à LESSAC ( ESC Dijon), partenariat HEC et Paris 1 ainsi que sur les réseaux professionnels: par exemple Bouygues et Clikview’
Pour la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2017, Mme [W] concluait son évaluation par le commentaire libellé comme suit :
‘ L’aventure anthropologique que j’ai débutée au sein du groupe pour KE m’a permis de mettre en place des protocoles de recherche adaptés aux attentes des équipes et qui doivent bénéficier- à présent- à l’ensemble des autres équipes. Cette aventure n’en devient que plus passionnante, car tout reste à faire. L’objectif de 2017 est de consolider les fondations entamées avec KE afin de construire une déma.’
Il résulte de ces éléments que les fonctions confiées à Mme [W] étaient parfaitement conformes à son contrat de travail et aux missions d’un chef de projet innovation dans le domaine de l’anthropologie, que la salariée a été en mesure de développer ses partenariats universitaires pour développer son activité de recherche et qu’elle a exprimé de façon univoque, à l’issue des vingt premiers mois de relation contractuelle, sa satisfaction quant aux conditions d’exercice de son emploi.
La création d’un label d’expertise au sein de la filière Recherche, par la convention Recherche du 19 décembre 2017, a consisté à instaurer trois degrés d’expertise :
– ‘Master expert ‘ : construire la vision long-terme, communiquer en interne/externe et être visible ;
– ‘Senior expert’; capitaliser, partager en interne ses connaissances et sa vision technologique moyen-terme. Générer du push technologique rupturiste ;
– ‘Expert’ : Mettre à jour son expertise et l’appliquer dans l’innovation incrémentale.
Et il résulte des débats, d’une part que Mme [W] a été proposée au titre de la première promotion d’experts, d’autre part qu’il lui a été remis, courant janvier 2018, un dossier de labélisation mentionnant que le label expert visé était celui de Senior Expert.
Mme [W] soutient qu’elle aurait été informée qu’elle ne pourrait finalement accéder qu’au grade expert, en s’appuyant sur un échange de courriels courant janvier et février au terme duquel [N] ( [I]: Technologie Center Manager) indique : ‘Bjr [B], j’ai vu votre message aujourd’hui.J’ai fait le dossier expert, pas de soucis. Repose toi bien et bon courage.’ Or, ce message fait référence au processus de labellisation expert et non pas à l’attribution de l’un des degrés d’expertise, étant précisé que les personnes à labelliser sont proposées par leur filière lors d’une commission annuelle et qu’en l’espèce, le processus n’était qu’au stade de la préparation du dossier de labellisation.
Ainsi Mme [W] soutient qu’elle a été placée au degré le plus bas de la labellisation, soit le degré ‘expert’, sans le démontrer, et aucun élément du débat ne confirme ce fait, ni que la commission destinée à appliquer la labellisation s’était déjà réunie en janvier 2018.
En tout état de cause, le label est indépendant des fonctions et missions contractuelles et Mme [W] ne démontre pas en quoi l’attribution du degré ‘expert’ plutôt que celui de ‘Master expert’ aurait compromis ses recherches universitaires, dés lors qu’aucune correspondance ou directive de l’employeur n’est venue modifier la pratique antérieure de Mme [W] s’agissant de sa participation au monde académique.
Un extrait de son profil Linkedin au 26 mars 2019 révèle qu’elle est chercheur associé à l’institut [5] de théologie pratique à l’université de [Localité 4] depuis mars 2017, statut qu’elle a conservé après sa prise d’acte, mais aussi qu’elle a régulièrement procédé à des publications scientifiques de 2015 à 2018 et qu’elle a donné sa dernière conférence en mars 2018 à l’université d’Iran, pendant son arrêt maladie.
Aucune entrave à l’activité de chercheur associé de Mme [W] ne résulte de ces éléments, et le lien entre les conditions de travail et son arrêt maladie ne repose sur aucun élément objectif, ce dont il résulte d’une part que la salariée n’établit pas que la société SEB Développement aurait été déloyale dans l’exécution du contrat de travail, d’autre part, qu’en l’absence de manquement grave de l’employeur de nature à justifier la prise d’acte de Mme [W], celle-ci produit les effets d’une démission.
Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté Mme [W] de ses demandes d’indemnités de rupture et de dommages intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
La société SEB Développement demande le paiement d’une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 9 939 euros en exposant qu’elle n’a pas à démontrer l’existence d’un préjudice et que le seul fait que le salarié a pris acte de la rupture en raison de griefs infondés suffit à ce qu’il soit condamné à cette indemnité.
Mme [W] s’oppose au paiement de cette indemnité au motif qu’elle se trouvait, du fait de sa maladie, dans l’incapacité d’effectuer le préavis , pour avoir été placée en arrêt de travail à compter du 20 janvier 2018 et qu’elle était toujours en arrêt de travail lors de sa prise d’acte le 27 avril 2018.
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Le salarié dont la prise d’acte est injustifiée doit à l’employeur le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, sauf s’il se trouve, du fait de sa maladie dans l’incapacité d’effectuer le dit préavis.
En l’espèce, Mme [W] verse au débat le certificat médical initial d’arrêt de travail du 20 janvier 2018 prescrivant un arrêt de travail jusqu’au 3 février 2018, ainsi que le certificat de prolongation jusqu’au 23 février 2018, à l’exception de toute pièce établissant qu’elle se trouvait toujours en arrêt de travail le 27 avril 2018.
Mme [W] qui ne justifie pas qu’elle n’était pas en mesure d’effectuer son préavis à la date du 27 avril 2018, est redevable de l’indemnité de préavis dont les bases de calcul ne sont pas contestées par les parties.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné Mme [W] à payer à la société SEB Développement la somme de 9 939 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
– Sur les demandes accessoires :
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a mis à la charge de Mme [W] les dépens de première instance et sur l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [W], partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens d’appel.
L’équité et la situation économique respective des parties justifient qu’il ne soit pas fait application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel,
CONDAMNE Mme [W] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE