COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 24 JUIN 2022
N° 2022/244
Rôle N° RG 19/00810 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDUBH
[GY] [KC] [J]
C/
SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL
Copie exécutoire délivrée
le :
24 JUIN 2022
à :
Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE – section E – en date du 18 Mars 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/2171.
APPELANTE
Madame [GY] [KC] [J], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christine SIHARATH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Sarah SIAHOU, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 14 Mars 2022 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juin 2022 et prorogé au 24 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [GY] [KC] [J] a été embauchée en qualité de psychologue, statut cadre, coefficient 330, le 2 septembre 2005 par la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel pour un horaire de 37,91 heures mensuelles en contrepartie d’un salaire brut de 830 euros.
Par avenant du 1er octobre 2009, l’horaire mensuel a été fixé à 75,84 heures réparties sur deux jours, le mardi et le jeudi, pour un horaire journalier de 8,75 heures.
Madame [J] a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 25 octobre 2012, a été déclarée inapte par le médecin du travail le 5 mars 2014 et licenciée pour inaptitude le 19 avril 2014.
Madame [GY] [KC] [J] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 22 juillet 2014 de demandes en paiement de rappels de salaire, de rappel de complément de salaire, de dommages-intérêts pour licenciement nul et de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Par jugement du 18 mars 2016, le conseil de prud’hommes de Marseille a débouté Madame [GY] [J] de ses demandes, débouté la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL de ses demandes et condamné Madame [GY] [J] aux entiers dépens.
Madame [GY] [KC] [J] a interjeté appel du jugement prud’homal par lettre recommandée du 14 avril 2016.
L’affaire a été radiée par arrêt du 26 octobre 2018, n’étant pas en état d’être jugée du fait du changement d’avocat de l’appelante et d’une nouvelle demande de renvoi refusée par la Cour. Elle a été rétablie au rôle par requête du 21 décembre 2018 de l’appelante.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Madame [GY] [KC] [J] demande à la Cour de :
DIRE ET JUGER recevable l’appel interjeté par Madame [J],
INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille du 18 mars 2016,
Statuant de nouveau,
DIRE ET JUGER l’intégralité des demandes de Madame [J] recevable,
DIRE ET JUGER que Madame [J] a été victime d’agissements de harcèlement moral de la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL,
DIRE ET JUGER que le licenciement a été prononcé à la suite d’agissements de harcèlement moral de la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL, ou à tout le moins, dire et juger que la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL n’a pas respecté son obligation de reclassement et son obligation de sécurité,
DIRE ET JUGER qu’aucune retenue pour absence injustifiée ne pouvait être opérée par l’employeur en septembre et octobre 2012,
DIRE ET JUGER que l’inaptitude de Madame [J] a une origine professionnelle,
En conséquence,
DIRE ET JUGER le licenciement intervenu nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL à payer à Madame [J] les sommes suivantes :
-Dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros
-Dommages et intérêts pour licenciement nul : 25 000 euros
Ou subsidiairement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros
-Dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité : 10 000 euros
-Dmmages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles : 5000 euros
-Indemnité compensatrice de préavis : 5334,06 euros
-Congés payés afférents : 533,41 euros
-Reliquat d’indemnité spéciale de licenciement : 8030,04 euros
-Rappels de salaire pour les périodes de septembre et octobre 2012 : 804,90 euros
-Rappels de salaire pour la période de mi-temps thérapeutique : 9170 euros
-Congés payés afférents : 80,49 euros
CONDAMNER la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL à remettre à Madame [J] une attestation Pôle emploi rectifiée, un reçu pour solde de tout compte rectifié, un certificat de travail rectifié, un bulletin de salaire récapitulant l’ensemble des condamnations qui seront prononcées ainsi qu’une attestation de salaire rectifiée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, avec faculté pour la juridiction de liquider cette astreinte,
DIRE ET JUGER que l’ensemble des condamnations prononcées porteront intérêts de droit avec anatocisme à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
CONDAMNER la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL à payer à Madame [J] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
DÉBOUTER la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL de l’intégralité de ses demandes.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL demande à la Cour de :
-CONFIRMER le jugement rendu le 18 mars 2016 par le conseil de prud’hommes de Marseille en toutes ses dispositions.
-DÉBOUTER Madame [J] de l’intégralité de ses demandes.
-JUGER la demande relative au rappel de salaire pour la période du « mi-temps thérapeutique » prescrite.
-JUGER la demande relative au rappel de salaire pour indemnité spéciale de licenciement prescrite.
-JUGER le licenciement notifié à Madame [J] fondé.
-JUGER que l’employeur n’a commis aucune exécution fautive du contrat de travail.
-JUGER que Madame [J] n’est victime d’aucun harcèlement moral ni d’un quelconque manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
-JUGER que l’employeur n’est redevable d’aucun rappel de salaire, Madame [J] ayant été intégralement remplie de ses droits.
Reconventionnellement,
-CONDAMNER Madame [J] à payer la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers.
Sur le harcèlement moral :
Madame [GY] [KC] [J] soutient que, suite à l’absence prolongée du Directeur d’établissement à partir de l’été 2012, elle a vu ses conditions de travail qui se sont profondément dégradées, ce qui a altéré sa santé physique et mentale. Elle invoque les faits suivants :
-une dégradation des conditions de travail résultant de l’absence de Direction, les équipes de l’établissement s’étant retrouvées démunies, sans encadrement stable, entraînant des dysfonctionnements, comportements déviants et tensions au sein de l’établissement (propos déplacés de la part de salariés, comportement irrespectueux de salariés à l’égard de résidents, prise de douche par des salariés dans des chambres de résidents, salariés faisant la sieste dans la chambre de résidents, prise de pauses par les salariés de manière totalement anarchique, utilisation intempestive des téléphones portables personnels de la part des soignants) ;
-une violente agression dont a été victime Madame [J] prise à partie par un infirmier le 11 septembre 2012 ;
-la dénonciation de la situation et l’alerte de Madame [J] à son employeur, par courrier du 12 septembre 2012, sans réaction de ce dernier ;
-les accusations portées en représailles par l’employeur, accusant la salariée pour la première fois depuis le début de la relation contractuelle, de ne pas respecter ses horaires de travail et de ne pas lui adresser les arrêts maladie dans les temps ;
-la mise à l’écart subie par Madame [J], informée le 15 octobre 2012, du jour au lendemain, qu’elle devait quitter son bureau qui allait être transformé en vestiaire, pour partager un bureau avec un autre salarié ;
-la volonté de l’employeur, clairement annoncée lors d’une réunion du 24 octobre 2012, de se séparer des cadres présents et de s’entourer de nouveaux collaborateurs, dans des termes particulièrement choquants ;
-le refus de l’employeur de remettre à la salariée, placée en mi-temps thérapeutique à partir du 17 septembre 2013, l’attestation de salaire.
Madame [J] fait valoir que les éléments médicaux qu’elle produit établissent l’altération de sa santé mentale, qu’il ne fait aucun doute qu’elle a été victime d’agissements de harcèlement moral et qu’elle est fondée à en réclamer l’indemnisation à hauteur de 10 000 euros.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL réplique que :
-elle a répondu au courrier du 12 septembre 2012 de la salariée, par courrier du 10 octobre 2012, que l’équipe de direction régionale avait pallié l’absence du Directeur, Monsieur [KU], en arrêt maladie depuis le mois d’août 2012, et qu’il n’a existé aucune carence de la direction pendant l’absence de Monsieur [KU] avant son remplacement définitif à compter du 21 mars 2013 par Madame [D] [F] ; Madame [J] a refusé de travailler en collaboration avec les membres de la direction pour permettre la poursuite des relations contractuelles dans un climat serein ;
-lors d’une réunion de transmission de l’équipe paramédicale, Madame [J] a cru pouvoir intervenir en tenant des propos virulents contre l’équipe ; la hiérarchie, alors présente dans le cadre de visites régulières sur l’établissement, a rappelé à Madame [J] que les réunions de transmission servaient à évoquer des sujets relatifs aux résidents et n’étaient pas un lieu de règlement de compte, regrettant ainsi que Madame [J] discrédite toute l’équipe soignante dans le cadre de ses réunions ; plus tard, dans la même journée, Madame [J] est informée d’un appel en chambre par un résident et va demander alors à un infirmier de s’y rendre, lequel lui a demandé de patienter car étant occupé avec un médecin ; Madame [J] est alors montée dans la chambre et a actionné le système d’urgence de telle sorte que l’infirmier est alors monté en urgence en présence de la responsable qualité de vie ; Madame [J] a affirmé par la suite s’être trompée en appuyant sur ce bouton ; l’infirmier n’a aucunement agressé Madame [J], tel que cela ressort de l’attestation de Madame [S], Responsable Qualité de Vie ;
-le bureau de Madame [J] a été déménagé, et non pas supprimé, pour des raisons objectives, pour installer un vestiaire hommes conformément aux obligations réglementaires de l’employeur ;
-le médecin du travail, seul habilité à constater les dégradations des conditions de travail sur le lieu de travail, n’a jamais constaté un quelconque dysfonctionnement au sein de l’établissement ; il ressort des propres pièces médicales de la salariée que les arrêts maladie prescrits sur la période du 25 octobre 2012 au 15 septembre 2013 sont sans lien avec les conditions de travail ; Madame [J] a pris la liberté de choisir de ne reprendre son poste de travail à l’issue de son dernier arrêt de travail qui a pris fin le 15 septembre 2013 qu’au sein de son deuxième employeur et non pas au sein de la société RESIDENCE FREDERIC MISTRAL ; la salariée n’a adressé aucun arrêt maladie depuis le 16 septembre 2013 ; l’employeur a eu la délicatesse, compte tenu des graves difficultés de santé rencontrées par Madame [J], non imputables à l’employeur, de considérer cette absence comme étant autorisée mais non payée du 16 septembre 2013 jusqu’au 18 février 2014 ; le mi-temps thérapeutique dont se prévaut Madame [J] depuis le 16 septembre 2013 ne ressort d’aucune pièce médicale ; pour ces raisons, l’employeur n’a pas délivré d’attestation de salaire et il n’y a aucune faute de l’employeur.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL conclut que l’ensemble des griefs dénoncés par Madame [J] sont infondés et qu’il y a lieu d’écarter ses demandes au titre d’un harcèlement moral.
Sur le licenciement :
A titre principal : sur la nullité du licenciement
Madame [GY] [KC] [J] soutient que son inaptitude est due aux agissement de harcèlement dont elle a été victime ; qu’au demeurant, le médecin du travail a constaté que l’organisation au sein de l’établissement présentait un « risque d’aggravation » pour la santé de la concluante ; que celle-ci établit sans nul doute que les conditions de travail étaient bien à l’origine directe et exclusive de l’inaptitude ; que dès lors, la nullité du licenciement doit être prononcée et la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL doit être condamnée à lui payer la somme de 25 000 euros au titre du licenciement nul.
Madame [J] fait valoir que son inaptitude étant la conséquence du harcèlement moral et du manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité, cette inaptitude a donc une origine professionnelle tant elle est liée aux manquements de l’employeur, lequel avait connaissance du harcèlement moral subi ; que les deux conditions d’application des règles spécifiques aux salariés victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle sont donc remplies ; que la concluante est en droit de solliciter de la Cour qu’elle juge que son inaptitude a une origine professionnelle ; que cette demande n’est pas prescrite, la saisine par Madame [J] de la juridiction prud’homale ayant interrompu la prescription ; que la concluante est donc fondée à solliciter le versement d’une indemnité compensatrice de préavis de 5334,06 euros, outre les congés payés afférents, ainsi que le paiement de l’indemnité spéciale égale au double de l’indemnité de licenciement, soit 8030,04 euros.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL conclut que l’ensemble des griefs dénoncés par Madame [J] sont infondés et qu’il y a lieu d’écarter ses demandes au titre d’un licenciement nul pour harcèlement moral.
A titre subsidiaire : sur l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement
1. Sur le manquement à l’obligation de reclassement
Madame [J] fait valoir que les deux propositions de reclassement ne pouvaient être acceptées par elle, compte tenu de leur durée déterminée ; qu’il ressort par ailleurs du document intitulé « Bourse de l’emploi » que plusieurs autres postes étaient disponibles au moment du licenciement de la salariée ; que les propositions de reclassement limitées uniquement à deux postes sont nécessairement déloyales, puisqu’elles ne sont pas exhaustives ; que l’intimée ne verse pas aux débats les registres des entrées et sorties de son personnel, seul document susceptible d’illustrer les mouvements d’effectif et, partant, les emplois disponibles qui auraient été susceptibles d’être proposés à la salariée ; que l’employeur a débuté la procédure de licenciement le 7 avril 2014, soit seulement 10 jours après les propositions de reclassement; que Madame [J] n’a pas disposé d’un délai suffisant lui permettant de réfléchir aux offres et d’y répondre ; que l’employeur a ainsi manqué à son obligation de reclassement ; que le licenciement pour inaptitude de Madame [J] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL soutient que les pièces qu’elle verse aux débats démontrent que la société a rempli son obligation de reclassement.
2. Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Madame [J] fait valoir, à titre subsidiaire et si par extraordinaire, la Cour ne retenait pas la qualification de harcèlement moral aux faits subis par Madame [J], qu’elle ne pourra que constater que ceux-ci, ayant dégradé la santé mentale de la salariée, révèlent un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ; que le lien entre l’inaptitude de Madame [J] et la dégradation de sa santé mentale due à la dégradation de ses conditions de travail ne fait aucun doute ; que le licenciement pour inaptitude de Madame [J] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL fait valoir qu’il est démontré qu’elle n’a aucunement manqué à son obligation de sécurité, que Madame [J] ne peut prétendre avoir été victime d’une altercation avec l’infirmier : subsidiairement, que cette seule altercation ne peut justifier un prétendu manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, et que Madame [J] doit être déboutée de sa demande de ce chef.
Sur les indemnités réclamées :
Madame [GY] [KC] [J] sollicite le versement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Elle réclame également le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis de 5334,06 euros, outre les congés payés afférents, ainsi que le paiement de l’indemnité spéciale égale au double de l’indemnité de licenciement, soit 8030,04 euros, soutenant que son inaptitude a une origine professionnelle et que ses demandes ne sont pas prescrites.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL fait valoir que la demande de rappel de salaire au titre de l’indemnité spéciale de licenciement, présentée pour la première fois par conclusions du 24 décembre 2021, est prescrite ; subsidiairement, que l’indemnité spéciale n’est due que si l’inaptitude est d’origine professionnelle ; que la salariée n’a à aucun moment adressé des arrêts de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle ; qu’elle n’a pas non plus saisi la CPCAM d’une demande de reconnaissance professionnelle de sa pathologie ; qu’il n’y a pas eu harcèlement moral ni manquement à l’obligation de sécurité ; que c’est vainement que Madame [J] réclame le paiement d’une indemnité spéciale de licenciement, ne pouvant se prévaloir des dispositions spécifiques protectrices liées à l’inaptitude d’origine professionnelle.
Elle conclut au rejet de l’ensemble des demandes de Madame [J], soulignant que cette dernière ne produit aucun élément justifiant sa situation actuelle.
Sur les rappels de salaire :
1. Sur le rappel de salaire au titre des prétendues absences injustifiées
Madame [GY] [KC] [J] fait valoir que la société intimée lui a abusivement déduit une partie des salaires des mois de septembre et octobre 2012 au motif erroné que la concluante n’aurait pas accompli l’intégralité des heures de travail contractuel et qu’il y a lieu de condamner l’intimée à lui payer les sommes de 804,90 euros à titre de rappel de salaire et de 80,49 euros à titre d’incidence congés payés.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL conclut au débouté de Madame [J] de sa demande de ce chef au motif que la salariée ne peut pas obtenir paiement d’heures non travaillées.
2. Sue le rappel de salaire durant le mi-temps thérapeutique
Madame [J] fait valoir tout d’abord que sa demande de rappel de salaire n’est pas prescrite dès lors que, dans le cadre de sa saisine du conseil de prud’hommes ayant interrompu la prescription, elle avait formulé des demandes de rappels de salaire et qu’elle est recevable, postérieurement, à formuler des demandes qui en sont l’accessoire.
Elle soutient qu’elle a été placée en mi-temps thérapeutique à compter du 16 septembre 2013 ; que dès lors qu’elle a repris son poste au service de son second employeur et non de la société KORIAN, elle était réputée être en arrêt de travail au sein de celle-ci, qui devait donc maintenir son salaire ; que la société KORIAN n’a pas remis d’attestation de salaire à Madame [J] puis, après jugement du conseil de prud’hommes, lui a remis une attestation erronée ; que la salariée n’a pas pu bénéficier des indemnités journalières ; qu’elle est donc aujourd’hui fondée à demander le paiement d’un rappel de salaire, incluant les sommes qui auraient dû être versées par la sécurité sociale et le complément de salaire et que la société KORIAN doit être condamnée au paiement de la somme de 9170 euros à titre de rappel de salaire durant le mi-temps thérapeutique.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL fait valoir que Madame [J] n’hésite pas, pour la première fois, aux termes de ses conclusions n° 4 notifiées le 24 décembre 2021, à réclamer des rappels de salaires considérables, prétextant que l’employeur aurait dû la payer alors qu’elle ne s’est pas présentée sur son lieu de travail à l’issue de son dernier arrêt de travail à compter du 16 septembre 2013 ; que cette demande est prescrite ; que Madame [J] ne rapporte pas la preuve de la réalité d’un mi-temps thérapeutique, qui n’a jamais été validé ni par le médecin du travail, ni par la CPCAM ; qu’elle doit donc être déboutée de sa demande de rappel de salaire.
Sur le non respect des dispositions conventionnelles :
Madame [GY] [KC] [J] fait valoir que l’article 94 de la Convention collective de l’hospitalisation privée énonce que les cadres de catégorie A, ayant 8 ans d’ancienneté en qualité de cadre, doivent être classés en catégorie B et bénéficier d’un coefficient de 380 à 424 ; qu’à partir du 2 septembre 2012, Madame [J] avait une ancienneté de 8 ans en qualité de cadre de catégorie A et aurait dû être classée, à partir de cette date, en cadre de catégorie B ; qu’à minima, elle aurait dû bénéficier d’un coefficient 380 ; que l’employeur, qui n’a pas respecté les dispositions conventionnelles, doit être condamné au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages intérêts.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL soutient qu’il ressort des propres conclusions de Madame [J] que celle-ci ne pouvait bénéficier d’un classement supérieur ; que comme l’indique elle-même, les cadres A accèdent à la catégorie B qu’après 12 ans d’ancienneté en qualité de cadre ; que la salariée, embauchée à compter du 2 septembre 2015, n’aurait acquis 12 ans d’ancienneté que le 2 septembre 2017, date à laquelle elle était sortie des effectifs de l’entreprise, qu’il n’y avait donc pas lieu, pendant la relation contractuelle, de lui faire bénéficier d’une classification catégorie B ou encore d’un coefficient 380 ; que Madame [J] est mal fondée en ses prétentions et qu’elle doit être déboutée de sa demande d’indemnisation pour non respect de dispositions conventionnelles, d’autant que la salariée ne justifie d’aucun préjudice.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud’hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur le harcèlement moral :
Madame [GY] [KC] [J], qui invoque avoir été victime de harcèlement moral, produit les éléments suivants :
-le courrier du 12 septembre 2012 adressé par Madame [J] à la Directrice Régionale de KORIAN MISTRAL, en ces termes :
« Par la présente nous souhaitons vous alerter sur le « délitement » accéléré de l’Institution Korian Mistral qui se traduit aujourd’hui par des tensions exacerbées au sein même de notre personnel soignant, et donc par effet de cascade une angoisse grandissante chez nos Résidents.
En effet, suite à l’ absence prolongée des principaux membres de l’encadrement (Directeur, Cadre de santé), les équipes dépourvues de leur hiérarchie se retrouvent alors déposséder de tout repère, livrées à eux mêmes, faisant apparaitre des dysfonctionnements anciens qui ont été remis en mouvement par des initiatives nouvelles suscitant des mécanismes de défenses primitifs, dont, des passages à l’acte. Ceci constitue l’origine d’une souffrance non négligeable.
Les équipes perdent leur cap et le sens profond de leur fonction, les résidents se sentent en insécurité. L’absence de cadre devient dangereux pour le personnel et les résidents. La mission qui est la nôtre, celle de soigner et d’accompagner les patients devient désormais difficile à assurer, et, est elle même source de souffrance.
« La souffrance survient dès que sont mises en défaut nos capacités de maintenir la continuité et l’intégrité de notre moi, sitôt que nous reprenons contact avec la détresse primitive, dès que nos identifications fondamentales sont menacées, lorsque la confiance disparaît. »
« La souffrance signifie également se trouver dans la confusion sans repères stables. Lorsque nous nous trouvons dans un tel état de confusion, il importe de réfléchir à une construction de la parole et de la pensée. A défaut d’être dans la symbolisation, les seuls recours défensifs sembler être l’action et le clivage. L’institution, qui manifeste ainsi son mal être et sa crise, fait effectivement appel à des défenses primitives pour survivre plutôt que de s’engager sur la voie de l’élaboration, donc de la symbolisation. »
C’est pourquoi, nous pensons que l’apparition ponctuelle d’une autorité supérieure n’est pas suffisante en l’état actuel.
Suite à la réunion de transmission du 11 septembre dernier, dans laquelle nous avons pointé certains «manquements » du personnel dans l’espoir d’une prise de conscience générale salvatrice nous n’avons pas du tout senti d’appui de la Direction intérimaire.
A contrario, il nous a été reproché d’avoir de mauvaises techniques de management.
Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons une formation de Psychologue clinicienne, spécialisée notamment en accompagnement de fin de vie. Si nous ne nous trompons pas, le cursus d’un « manager » ou d’un responsable de ressources humaines est tout autre !
Nous n’avons pas postulé pour un travail dans lequel nous n’avions pas les « compétences », mais bien pour remplir une mission dans laquelle nous avons plus d’une dizaine d’années d’expérience.
De plus, la validation par le groupe Korian, de passer un diplôme universitaire « d’éthique des pratiques médicales » l’an passé, dans le but d’améliorer autant que possible les conditions de « vie » de nos Résidents ainsi que les relations avec notre personnel, conforte ainsi le sens de notre engagement.
Nous ne sommes pas chez Korian Mistral pour dire et écrire que tout est merveilleux, que les équipes sont formidables, mais bien pour réaliser des accompagnements. Malheureusement, force est de constater, que le poncif selon lequel un psychologue peut analyser le comportement de tout un chacun et le manipuler à sa guise est encore tenace.
Une des fonctions principales du psychologue est d’« accompagner » dans la parole et non pas dans une « servitude volontaire ».
Accompagner les nouveaux résidents à passer d’un statut d’autonomie à celui de personnes dépendantes, accompagner les « souffrants » physique, et psychique, résident ou famille, dans cette inconnue qu’est la mort, accompagner les « soignants » dans la dimension « Parole » afin qu’ils extériorisent leur ressentiment, accompagner enfin l’encadrement qui fixe un cap à atteindre à tous.
Tout ceci est actuellement pure utopie. Nous avons été littéralement discrédités par la personne représentant l’autorité devant l’équipe lors de cette réunion. Nous ne pouvons plus effectuer le travail qui est le nôtre par le délitement, le clivage et la pulsion de mort dominante. Le discours du dominant fait Loi, c’est la Loi du plus fort.
Pour preuve, un incident s’est déroulé plus tard dans la journée (preuve d’un débordement de vive tension). Nous avons été menacé verbalement, devant un résident et une personne de l’encadrement, par un infirmier sans que personne, nous écrivons bien personne, n’y trouve à redire. Tel est le mode de communication aujourd’hui.
Au-delà de la détérioration de nos conditions de travail et de l’atteinte faite à notre intégrité physique et morale (ce que vous devez pourtant légalement préserver), nous y voyons plusieurs conséquences :
‘ Encadrement démobilisé
‘ Accroissement des tensions du personnel
‘ Abandon de soins méticuleux des Résidents
‘ . Souffrance psychique croissante des Résidents
In fine, nous craignons de graves problèmes à venir touchant nos Résidents et notre personnel. En effet, nous dénombrons huit personnes (sur un effectif d’environ 40) absentes dans des postes stratégiques dont le Directeur et deux Infirmières coordinatrices. A quel moment cela doit-il devenir préoccupant ‘
De plus, l’intérim de direction étant assuré par la Responsable Qualité de Vie de l’institution palliant à toutes les fonctions, n’est-elle pas soumise à un épuisement professionnel, assurant seule les fonctions manquantes avec comme seule arme « sa bonne volonté », cela suffit-il à gérer un E.H.P.A.D. en souffrance ‘
Nous vous demandons d’agir dans les plus brefs délais afin de réguler dans un premier temps les ressources humaines par de la médiation externe, ainsi que dans un second temps, d’établir et d’affirmer, enfin, un vrai projet d’avenir à nos Équipes et à nos Résidents.
Nous n’avons certainement pas toutes les solutions « miracles » à ces problèmes, parfois « historiques », en revanche, nous sommes à votre disposition afin d’établir ensemble des pistes d’améliorations.
Concernant l’incident que nous avons vécu, nous comprenons, dans un sens, ce débordement, en revanche, nous ne le tolérons absolument pas.
Nous demandons à être reçu dans les plus brefs délais par la Direction de « substitution » en compagnie de cette personne afin de verbaliser l’incident, l’analyser, afin que cela ne se reproduise plus et afin de restaurer l’autorité, le respect de la hiérarchie par la parole et non pas par la force ou la soumission à une domination.
Nous vous répétons que tous nos efforts doivent être portés en direction de nos Résidents, c’est la raison pour laquelle nous sommes investis, vous comme nous.
Vous souhaitant bonne réception de la présente et dans l’ attente de notre entrevue,
Recevez, Madame La Directrice, l’expression de nos salutations distinguées » ;
-le courriel du 13 septembre 2012 adressé par [KC] [J] au médecin du travail (en même temps que la copie de son courrier du 12 septembre 2012) en ces termes :
« Docteur,
Je sollicite votre attention toute particulière sur la situation de l’EPHAD Korian Mistral où j’exerce en tant que psychologue clinicienne depuis 2005. Les arrêts de maladie de nos principaux acteurs (2 infirmières coordinatrices successivement, le Directeur de l’établissement lui-même, l secrétaire ainsi que d’autres soignants) me préoccupent. C’est pourquoi, je vous joins en copie une lettre envoyée aux différentes Directions Régionales, en espérant qu’ils prennent la mesure de ce qu’il se passe actuellement au sein de l’institution. Je crains pour la santé psychique et physique de nos résidents et de certains salariés. Peut-être n’ai je pas tout le recul nécessaire et demande votre regard extérieur… » ;
-le courrier en réponse du 10 octobre 2012 de Madame [B] [MA], Directrice Régionale Adjointe, en ces termes :
« Nous accusons réception de votre courrier, reçu le 14 septembre 2012, et souhaitons vous apporter les éléments de réponse suivants.
Vous évoquez dans votre courrier le « délitement » et l’absence d’encadrement au sein de l’établissement. Nous vous rappelons que Monsieur [KU], Directeur de l’établissement Korian Mistral, est en arrêt maladie depuis le mois d’août 2012. Depuis le début de son absence, l’équipe de direction régionale met tout en ‘uvre pour pallier l’absence du directeur.
[U] [C], Responsable Ressources Humaines, est régulièrement venu sur l’établissement, ainsi que moi-même, à raison d’au moins un jour par semaine. Nous en profitons pour vous rappeler que l’intérim de Direction n’est pas assuré par la Responsable Qualité de Vie de Korian Mistral, contrairement à ce que vous affirmez dans votre courrier, mais bien par les Directeurs Régionaux et moi-même. Nous avons également recruté un directeur dans le cadre du remplacement temporaire de M. [KU], et qui sera présent pendant toute la durée de son absence.
Le rythme régulier des visites sur l’établissement (au moins une par semaine) par l’équipe de la direction régionale et le remplacement temporaire du Directeur démontrent bien sa constante préoccupation, ainsi que du groupe Korian, concernant les collaborateurs de l’établissement, et bien évidemment de ses résidents.
Ainsi, tout est mis en ‘uvre pour que les collaborateurs de l’établissement continuent à bénéficier d’un encadrement et d’un accompagnement de qualité. Ils ont par ailleurs toute latitude pour s’adresser à la direction afin d’évoquer les problématiques rencontrées.
Concernant l’incident que vous évoquez, nous tenons à vous rappeler les faits suivants. Lors d’une réunion de transmissions de l’équipe paramédicale, vous êtes intervenue en tenant des propos virulents contre l’équipe, et en leur disant qu’ils ne faisaient pas leur travail. Contrairement à ce que vous affirmez, il ne vous a pas été reproché une erreur de management, puisque cela ne fait aucunement partie de vos attributions. En revanche, il vous a été rappelé que les réunions de transmissions servent à évoquer les sujets relatifs aux résidents, et ne sont surtout pas le lieu pour des règlements de compte. Il n’était pas possible de vous laisser discréditer toute l’équipe soignante. Un peu plus tard dans la journée, vous avez été informée d’un appel en chambre par un résident. Vous avez demandé à un infirmier de s’y rendre, ce à quoi il vous a répondu d’y aller avant de vous rejoindre, étant occupé avec un médecin. Vous êtes montée dans la chambre et avez actionné le système d’urgence par erreur. De ce fait, l’infirmier est monté en urgence, en présence de la Responsable Qualité de Vie, et vous lui avez alors affirmé que vous vous étiez trompé de bouton. Comme il s’agissait d’une des personnes à qui vous reprochiez le matin de ne pas faire son travail, le ton est monté entre vous. Comme vous le dites, il est compréhensible qu’un climat de tension s’installe, initié par votre intervention en transmissions le matin. En revanche, aucune menace n’a été proférée à votre encontre, comme en a attesté la Responsable Qualité de Vie de l’établissement. Nous vous proposons, si vous le souhaitez, un entretien en présence des Délégués du Personnel de l’établissement, de la Direction et du responsable ressources humaines de la région. Nous restons à votre disposition pour convenir d’une date.
Par ailleurs, il a été évoqué avec vous la problématique de votre planning, et notamment des heures qui vous sont rémunérées alors même que vous n’êtes pas présente sur l’établissement. Votre contrat de travail prévoit en effet 17 heures 50 de travail effectif hebdomadaire, alors que vous n’êtes présente que 13 heures par semaine, avec une heure de pause déjeuner.
Aussi, nous vous demandons dès réception de courrier, d’être présente sur l’établissement et de réaliser les heures de travail prévues dans votre contrat de travail et pour lesquelles vous êtes rémunérée soit 8H75 les mardi et jeudi.
Enfin, nous avons constaté votre absence à votre poste de travail le 4 octobre 2012, pour lequel vous nous avez fourni un certificat du médecin le 10 octobre 2012.
Nous vous rappelons qu’en cas d’absence, vous êtes tenue d’en avertir immédiatement la société, de lui faire parvenir dans un délai de 48 heures toute pièce justificative de votre absence et de faire connaître la durée de votre absence.
Vous avez également été absente le 9 octobre 2012, absence pour laquelle vous ne nous avez ni contactés, ni fourni aucune justification à ce jour.
Nous vous prions donc de bien vouloir nous adresser un justificatif dans les plus brefs délais ou de bien vouloir vous présenter à votre poste de travail dès réception de la présente.
Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées » ;
-le courrier en réponse du 20 octobre 2012 de Madame [KC] [J] adressé à la Directrice régionale, en ces termes :
« Je reviens vers vous et fais suite à votre courrier du 10 octobre dernier.
Ce dernier appelle de ma part les observations suivantes :
Dans mon courrier du 12 septembre, je tentais de vous alerter quant à l’absence d’une direction stable qui conduit à un sentiment d’insécurité aussi bien de la part du personnel que des résidents.
J’évoquais également l’absence du cadre de santé, poste indispensable dans la coordination des soins et du management des équipes au quotidien.
Vous n’êtes pas sans savoir qu’un établissement à gérer n’est pas chose aisée et d’autant plus lorsque les cadres « soutien » sont absents les uns après les autres.
Cela pose question, il est de notre travail d’y réfléchir, d’autant plus que vous n’étiez pas sans savoir les manquements de certaines prises en charge, comme l’erreur de prise de traitement…
Ensuite, vous évoquez bons nombres de visites dans l’établissement (Monsieur [U] ·[C], Madame [GG], Monsieur [IE] et-vous-même) nombres d’allers et venues sans accompagnement de paroles pour les équipes ou les résidents.
En l’absence de toute communication, vous pouvez imaginer dans un établissement déjà fragilisée par l’absence de ses « repères » comment l’imaginaire collectif peut réagir : « L’établissement va fermer’ Que se passe t’il ‘ Il règne une mauvaise ambiance ‘ Qui va s’occuper de nous’ »
Autant de discours que j’ai pu recueillir du fait de mon métier et de mon rôle.
Mon courrier n’avait pour but, dans une démarche constructive, que de vous alerter sur cette situation qui peut s’avérer préjudiciable.
Je suis navrée de constater, à la lecture de votre réponse au ton très défensif, que ma démarche a été, à tort, interprétée comme une agression.
Soyez assurée que tel n’était pas mon objectif.
Je me permets également de revenir sur la réunion de transmission du 11 septembre dernier.
A l’occasion de cette réunion, et du fait de votre présence, la discussion a naturellement changé d’objet et les personnes présentes ont saisi l’opportunité de verbaliser leur malaise.
J’ai donc évoqué le SENTIMENT D’INSECURITÉ éprouvé par les résidents et effectivement le ton a monté, l’infirmier a montré son mécontentement envers les résidents « mais qu’est ce qu’ils veulent de plus, on s’occupe d’eux », certains en ont profité pour dénoncer les manques de respect, les communications téléphoniques pendant que l’on donne à manger aux résidents, les prises de pauses anarchiques, tous les conflits d’une institution mis en exergue par manque de paroles et de stabilité.
J’ai ajouté que nous devions travailler le secret professionnel puisque vous aviez évoqué l’appel téléphonique de l’infirmière coordinatrice en maladie à un résident.
Je n’ai aucunement comme vous le prétendez dans votre lettre dit à l’équipe qu’elle ne faisait pas son travail! Mon rôle est au contraire d’apaiser et de faire ressortir une parole quelle qu’elle soit.
Effectivement, j’ai du commettre une erreur, ce n’était peut être pas le moment puisqu’il y aura cette altercation avec l’infirmier du matin, dont j’ai déjà évoqué les circonstances précises avec vous.
Ce dernier s’est montré particulièrement agressif à mon égard et a proféré des propos très véhéments à mon propos devant d’autres membres du personnel.
Ses propos ont été suffisamment violents pour que les personnes présentes s’en inquiètent auprès de moi.
J’ai été personnellement choquée et effrayée par la violence de sa réaction, et c’est la raison pour laquelle je vous ai alerté sur le mal-être et l’inquiétude que ce comportement génère pour moi.
Sauf erreur, en qualité de représentant de l’employeur, il est de votre devoir de prévenir toute altération des conditions de travail et de la santé, tant physique que mentale, des salariés.
Je prends note de votre proposition de réunion avec les délégués du personnel, la direction et le Responsable des Ressources Humames.
Outre que cette offre de réunion est un peu tardive, je crains qu’elle ne soit que très partiale dans la mesure où les Délégués du personnel sont des amis de l’infirmier.
Pire, il semble ressortir des derniers évènements, mais également de votre courrier, que vous ayez un parti pris.
Je le regrette, mais j’en prends note.
Ce sentiment est conforté par le fait que le mardi 15 octobre vous m’avez annoncé que je devais débarrasser mon bureau au plus vite car vous aviez décidé d’en faire un vestiaire pour hommes.
Ce dernier évènement me conduit à me demander si j’ai encore ma place au sein de cette institution et surtout est ce le sort infligé à ceux qui donne l’alerte.
Je ne pense pas que tout ceci amène à apaiser les esprits.
Quant à mes horaires, je les effectue comme il se doit et conformément aux dispositions de mon contrat de travail.
Mon contrat prévoit une durée hebdomadaire de travail de 17 heures 30, soit 8 heures 45 les mardi et jeudi.
J’effectue mes horaires de travail conformément à ces dispositions.
En conséquence, je conteste fermement les accusations contenues dans votre courrier et conteste également les retenues sur salaire effectuées sur mon bulletin de salaire du mois de septembre 2012.
J’ai en effet été présente chaque jour mentionné comme absence injustifiée.
Je trouve le procédé de faire des retenues sur mon bulletin de salaire sans aucune preuve des dites absences alléguées, ni sans aucune demande de justification préalable, particulièrement critiquable.
Je vous mets dès lors en demeure de me faire régler, dans les meilleurs délais, le solde de mon salaire du mois de septembre.
Je me permets d’ailleurs d’attirer votre attention sur le fait qu’il est plutôt probable que des heures supplémentaires me soient dues dans la mesure où j’ai toujours contribué à optimiser les sorties des résidents et ce même sur mon temps personnel, avec mon véhicule personnel, que j’allais rendre visite aux patients hospitalisés ou dans l’accompagnement d’une entrée en maison de retraite afin de respecter leur choix souvent nié, et ceci avec la confiance de Monsieur [KU].
S’agissant de mon arrêt maladie du 4 novembre, je vous confirme avoir informé le secrétariat de mon absence par téléphone le jour même et avoir régulièrement transmis mon arrêt maladie.
De même, s’agissant de mon absence du 9 novembre, celle-ci est également justifiée par un certificat médical d’arrêt maladie que je vous ai transmis.
Je prends note toutefois de vos observations s’agissant de la transmission de mes arrêts maladie et vous adresserai le document en courrier dans les 48 heures.
Je m’adapterai bien entendu aux changements institutionnels et respecterai vos choix managériaux.
En contrepartie, il me parait légitime d’attendre que mon travail de psychologue clinicienne soit également respecté, que mes conditions de travail soient assurées dans des conditions dignes et que la protection de ma sécurité et de ma santé soit assurée.
Veuillez agréer, Madame La Directrice, mes salutations distinguées » ;
-le courrier en réponse du 5 décembre 2012 de Madame [B] [MA], Directrice Régionale Adjointe, adressé à Madame [KC] [J], en ces termes :
« Nous faisons suite à votre courrier reçu le 20 octobre 2012.
Concernant vos horaires de travail, votre dernier avenant à votre contrat de travail mentionne effectivement 17 heures 30 de travail effectif hebdomadaire, soit 8 heures 45 les mardis et jeudis. Or les horaires de présence affichés sur la porte de votre bureau indiquaient « 10 heures à 17 heures », soit 8 heures hors pause déjeuner. II ne s’agit ici en aucun cas d’accusations, mais d’une constatation, votre présence sur la plage horaire 10 heures/ 17 heures ayant bien été constatée par les équipes présentes et par les familles. Enfin, nous avons eu une conversation à ce sujet courant du mois de septembre lors de laquelle je vous ai demandé d’être présente pour 8 heures 45 de travail effectif par jour de présence, demande que je réitère.
Au sujet de votre bureau, et comme je vous l’ai expliqué lors de notre entrevue du 15 octobre dernier, vous n’êtes pas sans ignorer que nous devons obéir à certaines obligations réglementaires quant à l’installation des vestiaires Hommes et Femmes du personnel de l’établissement. Le vestiaire Hommes ne répondant pas à ces normes, nous avons dû trouver une solution d’aménagement au sein de l’établissement. La configuration de l’établissement est telle qu’il était nécessaire, pour satisfaire à ces normes, de réduire l’espace dédié aux bureaux pour le transformer en vestiaires. Etant présente sur l’établissement deux jours par semaine, il nous a paru opportun que vous partagiez un bureau avec un autre membre de l’équipe, également présente à temps partiel, et non plus que vous occupiez un bureau individuel de grande superficie qui de ce fait restait inoccupé la majeure partie du temps. Ce changement, demandé de longue date par la Direction Régionale, nous a permis de répondre aux normes quant aux vestiaires, et par la même d’améliorer sensiblement les conditions de travail quotidienne de nos collaborateurs.
Cet exemple démontre précisément les changements et avancées mises en ‘uvre par la Direction Régionale pour améliorer les conditions de travail des collaborateurs de Korian Mistral. Comme vous l’indiquez dans votre courrier, une modification de Direction au sein d’un établissement induit des changements. C’est au cours de ces périodes que l’on attend de la part de l’équipe d’encadrement dont vous faites partie, exemplarité, présence et accompagnement auprès des équipes.
Or, comme vous le soulignez, une partie de l’équipe d’encadrement est absente pour divers motifs et n’assure pas cette transition. Aussi, l’équipe régionale a mis en place des visites régulières et des actions correctives sur l’établissement. Du fait de vos absences sur l’établissement (dont nous ne remettons nullement en cause les motifs), vous n’avez effectivement pas pu être témoin de ces démarches, néanmoins bel et bien entreprises. C’est pourquoi je ne comprends pas dans quelle mesure vous pouvez qualifier «d’allers et venues sans accompagnement » la présence à Korian Mistral de l’équipe régionale.
De plus, vous conviendrez que certaines informations relatives à l’établissement ou à ses salariés sont confidentielles. De ce fait, vous n’avez pas en votre possession tous les éléments vous permettant de juger le travail accompli par l’équipe régionale et ne pouvez constater les avancées réalisées du fait de votre absence depuis le 04/10/2012 Je me permets enfin de vous faire remarquer que vos propos envers cette équipe sont quelque peu dénigrants par rapport au travail accompli.
Vous évoquez les absences des cadres de l’établissement. Nous ne pouvons de notre côté que déplorer également vos absences (les 04/10/12 ; du 09/10/12 au 11/10/12 ; le 18/10/12 ; du 23/10/12 au 25/10/12 ; le 30/10/12 ; du 06/11/12 au 08/11/12 ; du 13/11/12 au 15/11/12 ; du 19/11/12 au 25/11/12 ; du 27/11/12 au 29/11/12 ; du 04/12/12 au 06/12/12), bien qu’encore une fois nous ne remettions nullement en cause les motifs. En tant que Psychologue et Cadre de l’établissement, l’accompagnement au changement est une mission intrinsèque de votre fonction, qui participe ainsi au bien-être des collaborateurs de l’établissement.
Contrairement à ce que vous indiquez dans votre courrier, nous n’avons aucun parti pris et souhaitons simplement que les relations se passent au mieux entre les collaborateurs de l’établissement. Il n’est en aucun cas dans notre intérêt de laisser perdurer des tensions qui s’avèrent néfastes à la fois pour l’établissement, les équipes et les résidents. Aussi, conformément à notre courrier en date du 10 octobre dernier, nous réitérons notre proposition d’entretien et de conciliation entre l’infirmier, le responsable ressources humaines, la direction et vous-mêmes. Cet entretien peut tout à fait avoir lieu sans les Délégués du Personnel ou en présence d’un autre salarié de l’établissement si vous le désirez. Dans la mesure où vous êtes absente depuis le 04/10/2012, vous conviendrez qu’il était difficile d’organiser cette réunion plus tôt.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées » ;
-l’attestation non datée de Madame [O] [P], animatrice, qui déclare : « En guise d’attestation, je confie à Mme [J], psychologue, avec laquelle je travaillais au sein de l’établissement Korian Mistral, une lettre adressée à la direction de l’établissement – lettre R/AR du 14/12/12 objets : alerte quant à la détresse des résidents, de leurs familles et de nombreux salariés, signaler la fragilisation de mon état en raison de mes conditions de travail – au moment des faits qui m’ont mené à être en arrêt maladie avant de négocier mon départ. La situation d’alors m’avait amenée dans un état dépressif réactionnel diagnostiqué », attestation à laquelle est joint le courrier recommandé du 14 novembre 2012 adressé par Madame [O] [P] à l’attention de Monsieur le Directeur régional (copie jointe à Mme [MA] et au siège social), avec pour « Objets : Alerte quant à la détresse des résidents, de leurs familles et de nombreux salariés.
Signaler la fragilisation de mon état en raison de mes conditions de travail.
Etude et révision des clauses de mon contrat de travail », et rédigé en ces termes :
« Le contexte de travail au sein de la maison de retraite KORIAN Mistral, et les traitements que j’y ai subi m’ont menés à suspendre mon activité d’animatrice pour des raisons de santé, tant le malaise ambiant et la pression étaient devenus insupportables. Je profite de ce temps de recul pour faire le point sur les quatre derniers mois.
En effet, depuis, l’arrêt maladie du directeur Monsieur [KU]. les arrêts successifs des cadres supports de l’institution (Idec, medec, psy … ) me posent question … Ma fonction d’animatrice nécessitant un travail d’équipe, il m’est devenu impossible, dans ces conditions, d’exercer mon travail de manière éthique.
Des problèmes d’insécurité dans mon travail ont débuté alors que, lors d’une réunion de projets de vie personnalisés, le 11 septembre dernier, j’ai voulu faire part à l’équipe soignante présente de remontées d’informations émanant des familles et des résidents.
II s’agissait de dénoncer des disfonctionnements qui étaient déjà clairement notés et identifiés, et qui ont d’ailleurs fait l’objet de nombreuses fiches d’événements indésirables pour n’avoir pas été entendues. J’y ai fait mention de l’indisponibilité des soignants face à des demandes incessantes des familles et de leurs parents, en raison notamment de pauses prises de manière anarchique, de l’utilisation intempestives des téléphones portables personnels de la part des soignants pendant l’aide aux repas, des conversations en langue étrangère niant complètement le résident en tant que sujet, et lui manquant de respect par une indifférence notoire.
Mon objectif était de donner l’alerte aux équipes, et en particulier à l’équipe présente lors de cette réunion, car j’étais, certes irritée par leur comportement, mais aussi et surtout, faute de cadres présents, l’interlocuteur direct des familles qui devenaient insistantes et me prenaient à partie pour constater les manquements cités ci dessus.
II me semblait alors important de rappeler que bien qu’étant sur notre lieu de travail, nous étions, avant tout, sur le lieu de vie des résidents.
Cette réunion a été pour moi le début d’incidents en « cascade ».
Dès le lendemain, en effet, j’ai été exclue des transmissions sans aucun soutien de la hiérarchie du moment. A cet égard, d’ailleurs, je me demande comment une gouvernante peut « manager » une réunion dite médicale, à laquelle l’animatrice n’y aurait plus sa place pour « des raisons liées au secret médical»!!
En outre, l’équipe soignante concernée, toujours la même, m’a depuis, complètement niée au quotidien :
– Me parlant en langue étrangère et niant mon activité au détriment des résidents.
– Les résidents non autonomes et moi-même ne pouvions espérer d’accompagnement sur les lieux d’activité.
– Durant les animations, le personnel soignant présent ou pas, n’était pas joignable en cas de besoin ou d’accompagnements aux toilettes. J’ai à plusieurs reprises fait des fiches d’événements indésirables, les familles se sont pour certaines manifestées de manière assez virulente, ainsi que des prestataires extérieurs témoins, et pour autant aucune amélioration notoire jusqu’à mon arrêt en tous cas.
Dans tous ces cas précis et particuliers, des fiches d’événements indésirables ont été remises à la direction, et très peu ont été traitées en COVIRIS. Une quinzaine était encore en suspens à la date de mon arrêt maladie.
Ma démarche globale d’alerte a donc été vaine, non entendue et non comprise. II m’a même été reproché de faire des fiches d’événements indésirables. Alors que, familles et résidents continuaient pourtant à me faire part de leur détresse.
Vous pouvez imaginer l’impact psychologique pour les résidents et pour moi-même !!
Enfin, mes conditions de travail ont été directement remises en cause, lorsque m’a été demandée la restitution de l’ordinateur portable de la structure qui me permettait d’effectuer jusqu’alors, « la Gazette » mensuelle de l’établissement, que je faisais à domicile, à titre gratuit d’ailleurs, et pour le plus grand plaisir de tous, car c’était devenu un rendez-vous incontournable, et que cela faisait parti de mes attributions !
La venue de Madame [H] en tant que « directrice par intérim » a parachevé le travail « d’aseptisation » (je cite) au sein de la structure, en allant jusqu’à s’appuyer sur l’exemple « d’Auschwitz » …
Lors de la réunion d’équipe du 22 octobre dernier, Madame [H] m’a publiquement niée alors que je souhaitais m’exprimer, me spécifiant que « le poste d’animatrice n’étant pas une obligation de la convention tripartite, mon avis ne lui était pas indispensable » … Humiliation face au groupe nullement relevée par Mmes [MA] et [S], cadres pourtant présentes, toutes trois ont d’ailleurs ironisé quant à la nature précaire de mon contrat en « cascade » !
D’ailleurs dans cette même dynamique, le fait que l’infirmière coordinatrice soit toujours absente, que le médecin coordinateur démissionnaire, et que la psychologue soit mise à l’écart (bureau transfonné en vestiaire…) ne semble inquiéter personnes d’autres que les résidents (traumatisés par les changements), les familles et moi-même … Je ne fais pas état du personnel soignant en arrêt maladie et en nombre important…
Je souhaite d’ailleurs insister sur les questions qui se posent pour beaucoup, quant aux choix managériaux de valoriser l’équipe soignante faisant l’objet de signalements et de manquements. Vous pouvez vous référer aux fiches d’événements indésirables précitées.
Lors des jours qui ont suivi, Madame [H] m’a de nouveau humiliée devant les équipes en me demandant de quitter une formation à laquelle elle m’avait pourtant conviée et qui était en effet importante (information sur la gestion des appels d’alarmes en chambre), puisque, je vous le rappelle, je suis amenée à prendre le relais le week-end ! Cette information ne m’était, ni plus ni moins destinée qu’aux autres membres du personnel non soignant, présents et pourtant invités à rester !
Ces événements ont été très déstabilisants, et récurrents.
Non réponse aux salutations, aucune écoute. Ma place d’animatrice a été plus gravement remise en question lorsque Mmes [MA] et [H] sont devenues les actrices d’injonctions contradictoires très déstabilisantes à mon égard, dans le cadre des directives qu’elles me formulaient. A titre d’exemple, Madame [MA] m’a demandé de travailler à la rédaction de la Gazette, lors d’un après-midi au cours duquel la sophrologue (habituée de la structure) intervenait auprès des résidents. Et en fin de cet après-midi Mme [H] m’a convoquée dans son bureau en présence de Mmes [MA] et [S] pour me reprocher d’avoir consacré l’après-midi en question à travailler à la rédaction de la Gazette : « On s’en fout de la Gazette ». J’ai ressenti ceci comme un acharnement inexpliqué et intolérable d’autant que j’effectuais ce travail sur demande et en accord avec Mme [MA]. En outre, Mme [H] a posé la question de la nécessité de mon travail ! II a été question du « prétendu » travail effectué depuis ma prise de poste (travail pourtant présenté et félicité lors de la demière visite du conseil général !) … Mmes [MA] et [S], ses collaboratrices présentes n’ont nullement intervenu en ma faveur, donc, a priori cautionné … Le pire fut enfin pour moi de constater que Mme [H] n’avait même pas pris le temps de s’informer de mon activité… Pas de consultation du classeur retraçant l’animation dans la structure, méconnaissance totale du projet d’animation, aucune prise d’information quant au planning et au budget… La fleur KORIAN elle-même ne lui évoquait rien !! Je peux comprendre que la direction soit préoccupée prioritairement par les soins, mais eu égard aux problèmes rencontrés par la structure, il eut été judicieux de maintenir les acquis de vie sociale et de lien au sein de la structure. II s’agit de la prise en charge des résidents et elle ne se limite pas au nursing et à la distribution des médicaments !
Il va sans dire que le refus de communication et de travail concerté par les soignants précités ont continué: indifférence, négations et provocations, oubliant que le « sujet » à respecter qu’est le résident… pris en otage … était de ce fait nié lui aussi. Ceci avec apparemment l’assentiment de la hiérarchie provisoire …
Je fais état de cette situation de travail précarisée volontairement, car tant de salariés sont en arrêt, et de familles qui continuent à questionner … Je souhaite pouvoir travailler dans des conditions de sécurité favorables à l’exercice de ma fonction d’animatrice dans un cadre constructif et pluridisciplinaire, comme il se doit.
A ce propos, je m’interroge sur les demandes à demi formulées de collègues, qui ayant mes coordonnées, m’interrogent sur l’improbabilité de mon retour au sein de Korian Mistral. A quoi cela fait-il écho ‘ … » ;
-l’attestation non datée de Madame [CK] [Y], cadre infirmière, qui relate :
« Suite au mauvais climat régnant au sein de Korian Mistral, et l’épuisement de notre directeur mis en maladie courant août 2012, il a fallu organiser dans l’urgence la continuité du travail du personnel paramédical (nombreuses absences injustifiées, congés, maladies de complaisances’).
Très rapidement l’inquiétude des résidents et du personnel s’est faite grandissante, à l’exception de Mme [S] qui convoitait déjà le poste de direction.
Lors de l’arrivée de la direction régionale (Mr [IE], Mme [MA]), Mme [S] s’est vue projetée dans les louanges de ces derniers. Ce fut le départ de l’opération « nettoyage » de l’équipe, mise en place par notre directeur, alors en maladie.
Dans l’établissement, j’ai occupé différentes fonctions :
-[X] à mi-temps et l’autre mi-temps responsable qualité avec pour mission d’amener et de mettre en place toute la démarche qualité en vue de la certification.
-Poste qui s’est transformé en responsable qualité de vie avec d’autres fonctions dont la prise en charge du pôle hébergement (personnel ASH, cuisine, maintenance, secrétariat, une grosse partie RH (contrats du personnel, pré-paie, absentéisme divers (maladie – AT – grossesse), document unique, suivi du PAQ (Plan d’Action Qualité), constitution et suivi du plan de formation, constitution et suivi des dossiers du personnel, rédaction des rapports de réunion de COVIRIS et COPIL (Comité de vigilance et Risques – Comité de Pilotage), suivi des fournisseurs et en l’absence de notre directeur, j’avais une transmission de pouvoir de signature.
Tout cela sans compter les relations bien sûres avec le personnel, les familles, les instances et autres.
-Notre IDEC (infirmière coordinatrice) Mme [A] s’est trouvée en burn-out donc mise en maladie.
-A la demande de notre directeur, j’ai repris le poste d’IDEC (que j’avais déjà occupé dans un autre établissement), mais en poursuivant mon activité précédente car Mme [S] venant de prendre ses fonctions n’était pas opérationnelle.
Ce qui a été en ma défaveur, car ce surcroît de travail n’a mise en difficulté. Je ne pouvais être sur tous les fronts.
Je me suis rendue compte des différents dysfonctionnements concernant l’aspect paramédical où le service était « non rendu » et couvert par l’ex IDEC qui pratiquait le favoritisme en vue d’une « paix sociale » envers un type de personnel « détrempé » voire à risque (carrosserie de voiture rayée, pneux crevés, menaces verbales téléphoniques anonymes, coups bas…).
Il est certain que bon nombre d’entre eux n’ont pas apprécié mon arrivée, qui est très vite devenue « un enfer ».
Par exemple, je me suis vue traitée de raciste car j’exigeais de cesser le tutoiement des résidents, de cesser de parler entre collègues en langue étrangère devant les résidents, ou pendant les réunions ou transmissions, de hurler d’un bout à l’autre des couloirs pour interpeller une collègue, de cesser de prendre sa douche ou mettre ses affaires personnelles dans certaines chambres des résidents (ce qui est une violation de l’intimité du résident), voire d’aller s’y cacher pour y faire la sieste !!…
Après le départ de notre directeur (qui je pense subissait la pression de la direction régionale car le mot maître se résumait à T.0 (taux d’occupation). Le TO n’était pas bon, mais la DR faisait fi de la concurrence acharnée. D’où le burn-out de notre directeur, sans compter tout le reste que j’ignore. Je me trouvais mentalement épuisée.
A l’arrivée de la DR, l’on m’a demandé si je voulais à l’avenir prendre le poste de directeur. Si j’acceptais, j’aurais été en formation de training-director pour aboutir à la qualification et nomination du poste.
J’ai refusé, on m’a éliminée.
Dans la même semaine, l’on m’a demandé de préparer et assurer trois audits (médical et paramédical, administratif et maintenance).
Jusqu’alors, tout allait bien, et comme par un pur hasard, Mme [MA] (nouvellement nommée directrice régionale adjointe) a jugé que tout était à refaire’ jusqu’à penser que le MEDEC (médecin coordonnateur) ne faisait pas correctement son travail et son suivi, tout comme Mme [J] (psychologue) qui s’est vu supprimer son bureau du jour au lendemain, sans qu’elle en soit avertie.
Mme [MA] m’a convoquée dans son bureau à deux reprises à des jours différents.
La première fois, pour me dire que tout était à refaire dans l’urgence.
La deuxième, de manière « très douceureuse » pour me demander si je me sentais bien à mon poste, et si je n’envisageais pas de faire autre chose.
En clair, elle avait été missionnée par Mr [IE] (directeur régional alors) pour « faire le ménage » et donc se débarrasser de l’équipe mise en place par notre directeur Mr [OP].
Déprimée, épuisée, j’ai sincèrement pensé que j’étais incapable à tout, perdant totalement confiance en moi, d’où ma mise en maladie et mon suivi par un psychiatre durant 6 mois.
Après quoi, j’ai déposé ma lettre de démission auprès de KORIAN Mistral en février 2012′
Je n’ai pas fait appel aux Prud’hommes car j’étais tellement abasourdie que je n’avais pas conscience d’être « harcelée ». Cela reste un échec de carrière pour moi » ;
-l’attestation du 11 octobre 2014 de Madame [L] [UA], médecin, qui rapporte :
« Je souhaite témoigner par cette attestation des conditions de travail très difficiles qui ont été les nôtres au sein de la maison de Retraite KORIAN Mistral en 2012. Je travaillais alors comme médecin coordinateur depuis 7 ans à raison de trois demi-journées par semaine.
Je commencerai par les départs successifs des différents cadres dont l’infirmière coordinatrice l’été 2011 (syndrome dépressif avec burn out), le directeur en août 2012 (syndrome anxiodépressif), la remplaçante de l’infirmière coordinatrice en septembre 2012 (syndrome anxio dépressif), la psychologue Mme [J] [KC] en octobre 2012 (syndrome anxio dépressif), le médecin coordinateur (moi-même) en novembre 2012 par démission (syndrome anxio dépressif) et enfin l’animatrice en fin d’année 2012 (syndrome anxio dépressif). Ces différents départs témoignent bien des tensions, des souffrances et des difficultés qui régnaient dans l’établissement.
Les conditions de travail se sont alors considérablement dégradées avec une absence de remplacement des cadres, une charge de travail toujours aussi lourde et surtout une démobilisation des membres du personnel qui se sentaient abandonnés, sans encadrement et surtout sans aucune explication de la part de la direction provisoire mise en place avec une personne qui n’était physiquement présente qu’un jour par semaine. Restée en place la « Responsable qualité de vie » a été sollicitée par le groupe pour reprendre les commandes mais elle n’était pas à même de par sa formation d’effectuer le travail d’un directeur ou d’une infirmière coordinatrice. Ce n’était en aucun cas son rôle.
L’ambiance générale s’est alors détériorée avec des prises de pouvoir par certains membres du personnel et les autres qui se trouvaient en grande souffrance psychique.
Dans mon rôle de médecin coordinateur, j’étais sollicitée à chaque fois en recevant les membres du personnel qui venaient m’exposer leur souffrance au travail et qui n’arrivaient pas à être rassurés et par conséquence, à rassurer les résidents. En effet les résidents ressentaient les « tensions » et devenaient inquiets quant à leur avenir dans cet établissement complètement déstabilisé, avec les différents départs des cadres non remplacés, aucune information sur le devenir et les équipes divisées.
Par ailleurs le bureau de la psychologue a été supprimé et transformé en vestiaire, sans considération ni concertation. J’ai personnellement assisté le 11/09/2012 à une altercation entre la psychologue et un infirmier qui lui hurlait dessus, sans que la cadre présente (la cadre Responsable qualité de vie) n’intervienne. J’ai pu constater que [KC] [J] était traumatisée par cet incident, d’autant que les faits se sont passés en présence d’un résident. [KC] se sentait mise à l’écart, déconsidérée et en danger après cet événement. J’en veux pour preuve la proposition de reclassement qui lui a été proposée comme « agent d’accueil » dans des départements lointains, ce qui pour moi relève du harcèlement moral.
En octobre 2012, le groupe KORIAN a mis en place une directrice intérimaire chargée du « nettoyage » qui lors d’une réunion de présentation a dit selon ses propres mots qu’elle allait « aseptiser Mistral ». Ces propos m’ont profondément choquée.
Travailler dans ces conditions devenait une souffrance, une angoisse à l’idée de venir travailler dans cet établissement, de voir le personnel en souffrance avec le risque d’atteindre les résidents. J’ai alors posé ma démission en décidant d’effectuer mon préavis d’un mois pour que la rupture soit moins dure pour tout le monde, et pour finaliser mon travail et transmettre les informations à mon successeur qui n’y était pour rien’ A peine ma lettre reçue, j’ai été convoquée par la directrice intérimaire qui me demandait de signer un courrier me mettant en demeure de rendre mes clés, de rester chez moi avec mon préavis payé et de ne plus revenir dans l’établissement dès le soir même. J’ai été très choquée par cette façon de « jeter » les gens et j’ai bien sûr refusé de signer ce courrier. C’est alors que la directrice m’a menacée en me disant qu’on pouvait m’empêcher de rentrer dans l’établissement dès le lendemain si je ne signais pas ce courrier. J’ai alors tellement été traumatisée par cette brutalité et ces menaces que dès le lendemain je suis venue accompagnée en ayant l’intention de partir au plus vite de ce lieu devenu angoissant. J’ai alors revu la directrice et nous avons convenu de mon départ la semaine suivante. Je trouve cette façon de faire intolérable et inacceptable.
La directrice intérimaire a été elle-même « nettoyée » dans la semaine qui a suivi, ce qui illustre les méthodes de la société KORIAN.
Les mois qui ont suivi ont été très difficiles après cette rupture brutale et la façon dont celle-ci s’était déroulée. J’ai dû prendre un traitement anti-dépresseurs comme mes différents collègues de travail » ;
-une pétition adressée par des membres de familles de résidents au Directeur de KORIAN, par courrier du 2 novembre 2012, ayant pour « Objet : nomination urgente d’une équipe directrice », en ces termes :
« Observant une situation se dégrader quotidiennement et devant l’inquiétude des résidents et de leurs familles, nous vous demandons de réagir au plus vite.
En effet depuis quatre mois, la maison de retraite est livrée à elle-même.
Le directeur Mr [KU], le médecin et infirmière coordinateur, la psychologue partent les uns après les autres.
Dernièrement l’animatrice Mme [O] [P], compétente et aux qualités humaines remarquables, s’est mise en maladie. Nous ne pouvons tolérer un tel laisser aller et une directrice à mi-temps certainement très professionnelle ne suffit pas.
Nous n’allons pas vous faire la liste des nombreux problèmes tous aussi graves les uns que les autres, nous préférons nous tourner vers l’avenir et nous vous demandons de nommer sans plus tarder une équipe directrice, coordinatrice, compétente, soudée, humaine afin de rétablir une atmosphère sereine et de confiance dans l’établissement Korian Mistral.
Il est bien évident que nous restons très vigilants et mobilisés lorsqu’il s’agit du bien-être des résidents sont avant tous nos parents’ » ;
-les courriels de transmission des arrêts de travail de Madame [J] sur la période du 23 octobre 2012 au 21 juin 2013 (sans copie des arrêts de travail) ;
-la fiche d’aptitude médicale du 5 mars 2014, par laquelle le médecin du travail a déclaré Madame [J] définitivement inapte à son poste de travail, avec la précision que « le risque d’aggravation de l’état de santé de la salariée ne permet pas au médecin du travail de formuler des propositions de postes, reclassement et aménagement technique et/ou organisationnel » ;
-le courrier du 22 septembre 2013 du Docteur [I] adressé au médecin du travail : « Je vous adresse les éléments concernant la pathologie thyroïdienne de Melle [KC] [J] (photocopies jointes). Une scintigraphie de contrôle est prévue ainsi qu’un bilan biologique tous les 3 mois’ D’autre part elle présente un syndrome anxio-dépressif depuis le 25.10.2012 (Trt seroplex). Actuellement elle présente une asthénie permanente ainsi qu’un état dépressif réactionnel.
Il lui est difficile dans un premier temps de reprendre son travail à plein temps et j’envisage un mi-temps thérapeutique » ;
-la copie du dossier médical de la médecine du travail mentionnant, lors de la visite médicale du 9 octobre 2012, l’ « allégation d’agression verbale par 1 salarié. Allègue différents dysfonctionnements. Ce jour est en arrêt. Émotion », lors de la visite médicale du 16 septembre 2013, la mention d’une « reprise le 15 septembre à [W] [US] », lors de la visite médicale du 30 septembre 2013, la mention d’un arrêt de travail prévu jusqu’au 17 octobre et d’un mi-temps thérapeutique prévu et précision que la salariée « souhaite 1/2 temps thérapeutique dans l’autre structure. Fera démarche auprès des employeurs » ;
-un courriel du 9 octobre 2013 de Madame [KC] [J] adressé à Madame [D] [F], en ces termes : « Je fais suite à mon arrêt de travail du 16 septembre dernier mentionnant un mi-temps thérapeutique. Après les visites chez mon médecin généraliste et la médecine du travail, tous deux se sont mis d’accord pour me proposer un mi-temps thérapeutique, ce que j’ai accepté. Il m’a été précisé aussi que puisque j’étais à mi-temps pour chaque employeur, je pouvais choisir celui qui me serait moins pénible. Je n’ai donc pas choisi Mistral. Sachez que j’en ai aussi informé la sécurité sociale, qui attende de votre part une attestation de salaire afin que je sois indemnisée. Merci de bien vouloir faire le nécessaire car je n’ai pas reçu la totalité de mon salaire pour le mois de septembre. Je comprends que cette situation peut vous paraître compliquée mais elle l’est d’autant plus pour moi, alors vous me serez gré de m’éviter tous les mois de réclamer mon salaire par ceci est vraiment humiliant et ne m’aide pas à me rétablir » ;
-le courriel en réponse du 10 octobre 2013 de Madame [D] [F] : « Je reçois votre mail et prend bonne note de votre arrêt de travail en mi-temps thérapeutique. Je transmets à la comptabilité votre arrêt de travail pour la régularisation de votre salaire du mois de septembre et leur demande de faire l’attestation de salaire correspondant votre mi-temps thérapeutique. Je vous remercie de bien vouloir me transmettre avec régularité vos arrêts de travail ainsi que vos indemnités journalières de sécurité sociale pour le règlement de votre salaire’ » ;
-la décision du bureau de conciliation du 16 octobre 2014 ordonnant à la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL de délivrer une attestation de salaire pour le paiement des indemnités journalières avec précisés les 12 salaires mensuels versés antérieurement à la date du 16 septembre 2013, le tout assorti d’une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 3 novembre 2014 ;
-le certificat médical du 3 août 2013 du Docteur [I] indiquant que « l’état de santé de Melle [GY] [KC] [J] contre-indique une reprise de travail au poste occupé au sein de la maison de retraite » ;
-le certificat médical du 28 septembre 2013 du Docteur [V], médecin psychiatre, qui déclare : «Mademoiselle [GY] [KC] [KC] [J] vient à ma consultation régulièrement depuis le 2 septembre 2013. Elle présentait un syndrome anxio-dépressif sévère, réactionnel à des difficultés récentes dans le milieu professionnel où elle exerce en qualité de psychologue depuis 2005, au sein d’une maison de retraite.
En arrêt de travail par son médecin généraliste depuis le 25/10/2012, du fait de ce syndrome dépressif, cette patiente a présenté 5 mois plus tard un cancer de la thyroïde, qui la fragilisera davantage.
Jusqu’à récemment, Mlle [J] s’était abstenue de l’aide médicamenteuse et psychothérapique d’un psychiatre, pensant surmonter seule cette suite d’événements éprouvants. Elle décrit en effet une atmosphère progressivement délétère et anarchique en l’absence de cadres structurants au sein de l’établissement. Elle semble alors connaître une série de mesures d’intimidation, voire de harcèlement moral, et s’est sentie menacée.
Je l’ai reçue, toujours très perturbée, présentant une asthénie majorée par l’insomnie, un profond découragement, une perplexité douloureuse et une dévalorisation progressive face à ce qu’elle ressent comme de la malveillance.
Un traitement a été instauré et nécessite d’être poursuivi pendant plusieurs mois.
Il n’est pas envisageable, dans ces conditions, que cette patiente reprenne une activité professionnelle au sein de cette Maison de Retraite, source du traumatisme, quand bien même elle reprendrait son travail de manière salutaire dans une autre structure » ;
-différents éléments médicaux concernant la thyroïdectomie totale de Madame [J], de mars à avril 2013 ;
-le rapport d’examen psychiatrique de Madame [KC] [J], réalisé par le Docteur [PW], médecin psychiatre, le 13 janvier 2014 à la demande du médecin du travail, lequel expert conclut :
« Situation complexe dans le sens où Madame [J] nécessite le maintien d’une activité à temps partiel thérapeutique dans un des établissements dans lesquels elle travaillait.
En revanche, il est difficile d’admettre sur le plan médico-légal qu’on soit apte à travailler dans un établissement et pas dans un autre, même si, en l’occurrence, le mi-temps actuel est une véritable valeur thérapeutique », après avoir noté « de nombreux signes d’hyperémotivité à l’évocation de la situation difficile dans laquelle elle se trouvait dans l’entreprise Korian’ ».
Madame [GY] [KC] [J] établit ainsi des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL produit, outre les pièces déjà versées par l’appelant et examinées ci-dessus, les pièces suivantes :
-le contrat de travail à durée indéterminée en date du 12 mars 2013, par lequel Madame [D] [F] a été embauchée en qualité de Directrice d’établissement à compter du 21 mars 2013 ;
-l’attestation du 10 février 2015 de Madame [D] [F], Directrice EHPAD, qui déclare :
« j’ai été embauchée en qualité de directrice de l’EHPAD KORIAN MISTRAL le 21 mars 2013. Lorsque j’ai pris mes fonctions, Madame [J] était en arrêt de travail.
Le 15 janvier 2014, je me suis déplacée à la médecine du travail pour y rencontrer Madame [J], être à son écoute, entendre ses doléances et ses demandes et voir avec le médecin du travail ce qu’il y avait lieu de faire pour une éventuelle reprise de poste.
J’ai montré mon ouverture et ma disposition à tout mettre en ‘uvre afin que Madame [J] puisse reprendre son poste de psychologue sur un établissement composé d’une nouvelle direction et d’un nonvel encadrement.
Madame [J] n’a pas été claire du tout sur les raisons de son refus de reprendre ses activités au sein de Mistral.
Elle a, en revanche, beaucoup plus insisté sur son droit de choisir l’employeur chez lequel elle voulait travailler » ;
-le courrier du 4 février 2015 du médecin du travail adressé à Madame [F] : « Je vous confirme par ce courrier que je vous ai bien reçu le 15 janvier 2014, en présence de la salariée Mme [KC] [J], pour évoquer la situation de cette salariée » ;
-l’attestation du 22 février 2015 de Monsieur [M] [IE], ingénieur social, qui rapporte :
« Directeur Régional pour le sud-est du groupe Korian 2011 à 2014, j’atteste les éléments suivants :
-En 2012 nous avons dû gérer des problématiques importantes sur l’établissement Korian Mistral : [Localité 2]. Ayant constaté bon nombre de dysfonctionnements, en particulier un népotisme avéré, nous en avons référé au directeur Monsieur [EI] [KU]. Celui-ci s’est mis en arrêt de travail.
-Nous avons mis en place immédiatement les procédures Korian.
* Nomination d'[B] [MA], directrice régionale adjointe, en intérim.
* Passages réguliers des autres membres de la direction régionale [U] [C], [G] [AT] (Ressources humaines) [N] [VJ] (qualité) et moi-même pour gérer les grandes problématiques, les investissements et les réunions.
* Une référente d’établissement [XH] [S] (responsable hébergement) a été mandatée pour assurer la continuité, gérer le quotidien et alerter la direction régionale en cas de besoin.
-Compte tenu du renouvellement régulier des arrêts de travail de Mr [KU], cette méthode appliquée à d’autres lieux était la plus adaptée et donnait satisfaction au plus grand nombre. Dès l’annonce officielle du départ de Mr [KU] nous avons lancé un recrutement et embauché une nouvelle directrice Madame [F].
Un certain nombre de salariés des cadres proches du directeur ont mal accepté cette situation ([X],… Animatrice, Psychologue). Madame [J] en est une. Elle a fait à cette époque alterner des phases conciliantes, voire euphoriques, avec des moments de grande opposition avec une position franchement « Anti-Korian ». Elle s’est montrée agressive avec des salariés qui étaient en recherche de solution du moment où ceux-ci respectaient les consignes données par Madame [MA]. Madame [J] ne respectait pas ses horaires de travail et s’est mis à déposer des arrêts de travail de 1 à 3 jours (en les envoyant avec plusieurs jours de retard), très préjudiciables pour l’organisation, ses collègues et surtout les patients et résidents qui n’avaient plus le suivi auquel ils pouvaient prétendre. Madame [MA] lui a signifié alors ces différents points par courrier. À l’occasion d’une réorganisation des locaux (présente à mi-temps, elle était la seule à disposer d’un bureau pour elle seule), il lui a été demandé de partager celui-ci avec le responsable hébergement en lui ménageant des plages horaires seules, pour pouvoir recevoir les résidents. Elle s’est opposée vertement à cette décision.
Madame [J] proche de l’ancien directeur, n’a pas accepté le départ de celui-ci et la remise en cause d’certain nombre d’avantages iniques » ;
-l’attestation du 26 février 2015 de Madame [XH] [S], Responsable Qualité de Vie, qui témoigne :
« Depuis le premier jour d’absence du directeur de l’établissement Korian Mistral, M. [EI] [KU], la direction régionale a eu le souci constant de l’organisation et la mise en place de la sécurisation de l’établissement. Pour cela une directrice par intérim a été nommée Mme [MA]. Celle-ci est venue très régulièrement sur l’établissement et de plus elle était joignable par téléphone ou par mail en cas de nécessité et cela aussi bien par l’équipe d’encadrement que par le personnel ou les familles.
La direction régionale a également organisé et géré la venue de personnel en soutien au sein de l’établissement : M. [U] [C] [T], Mme [N] [VJ] qualiticienne, M. [M] [IE] directeur régional.
En tant que cadre dans l’établissement (et non directrice), mon devoir était d’être à l’écoute des résidents, des familles et du personnel. Le départ de plusieurs membres du CODIR a demandé une implication de tous au sein de l’établissement afin de répondre en toute sécurité aux besoins des résidents ainsi qu’à une qualité de travail. La transparence de l’équipe régionale sur la situation auprès des familles et du personnel a permis de franchir ce cap.
J’ai pu constater à plusieurs reprises que [KC] [J] était beaucoup plus dans l’opposition des « process Korian » ce qui la rendait beaucoup moins disponible pour être auprès des résidents. De plus, elle ne respectait pas ses horaires de travail pour lesquels elle était embauchée.
Mme [J] a souvent produit des petits arrêts de travail mettant ainsi en difficulté le soutien auprès des résidents et des familles.
J’ai également été témoin à l’automne 2012 d’un incident entre Mme [J] et M. [E] [ZF], [X]. Mme [J] a pendant les transmissions mis en cause la qualité de prise en soin des résidents par les équipes de professionnels. Alors que celui-ci se mobilisait pour organiser une qualité de prise en charge. L’après-midi Mme [J] interpelle M. [ZF] pour que celui-ci prenne en charge un résident qui avait besoin d’être accompagné aux toilettes. M. [ZF] étant auprès d’un médecin traitant en visite dans l’établissement, il assurait donc le relais auprès de celui-ci. M. [ZF] lui a donc demandé d’accompagner la résidente dans sa chambre ainsi le personnel en fonction dans les étages pourrait la prendre en charge.
Mme [J] est donc partie avec la résidente pour l’accompagner dans sa chambre. Une à deux minutes après, l’appel d’urgence de la chambre de la résidente qu’accompagnait Mme [J] retentit. L’infirmier informe immédiatement le médecin qu’il doit se rendre en urgence pour traiter l’appel.
M. [ZF] arrivant dans la chambre de la résidente, rien ne démontrait une urgence. Mme [J] dit à ce moment-là qu’elle s’était trompée de bouton et qu’au lieu d’activer la sonnette a activé l’appel d’urgence.
L’infirmier ayant été mis en cause le matin même dans son travail me prend à témoin en disant « regarde elle nous test ». Il lui a ensuite exprimé son désaccord dans sa manière de faire » ;
-l’attestation du 18 février 2015 de Monsieur [U] [C], Responsable RH Régional, qui rapporte :
« Dès la connaissance de l’absence de Mr [KU] pour cause de maladie, au mois d’août 2012, une présence régulière des membres de la direction régionale a été organisée sur l’établissement MISTRAL.
Il s’agissait notamment de M. [SU], Directeur Régional, [N] [VJ], Responsable qualité, et moi-même, Responsable RH.
Le but de ces visites était d’accompagner les chefs de service dans leur quotidien, et d’instaurer ou de maintenir le dialogue avec l’ensemble des collaborateurs du site. Le rythme de ces visites était au minimum d’une fois par semaine.
Si nous répondions aux attentes, aux questions des salariés, Mme [J] ne s’est à aucun moment plainte d’un quelconque dysfonctionnement ou d’un état de souffrance.
Mme [MA] Directrice de l’établissement VILLA EYRAS assurait par ailleurs l’intérim de Direction sur MISTRAL pendant cette période afin d’assurer la continuité du service et d’assurer une présence opérationnelle et décisionnelle encore plus régulière.
[R] à ses interventions régulières, nous avons pu rassurer les équipes et garantir un climat social serein au sein de la structure, malgré l’absence de Directeur » ;
-l’attestation du 13 mars 2015 de Madame [G] [AT], Responsable Ressources Humaines Régional, qui déclare :
« Je suis salariée du Groupe Korian depuis mars 2011, en tant que que RRH Régional. J’étais, de mars 2011 à décembre 2012, RRH sur la région Sud, dont fait partie l’établissement Korian Mistral à [Localité 2].
Ayant constaté à cette période que nous ne répondions pas aux obligations réglementaires quant à l’installation de vestiaires, nous avons étudié toutes les solutions de réaménagement possibles sur l’établissement.
La seule solution trouvée pour satisfaire à nos obligations légales a été de récupérer le grand bureau occupé par Mme [J] pour le réaménager en vestiaires.
Mme [J] s’est vu attribuer un bureau partagé avec un autre membre de l’équipe de direction, présent comme Mme [J] à temps partiel.
Cette solution de partage des bureaux est largement appliquée au sein des établissements afin de satisfaire aux obligations légales en matière de bureaux dédiés aux IRP, vestiaires, etc. » ;
-l’attestation du 26 février 2015 de Madame [Z] [K], aide-soignante, qui témoigne :
« Les faits que j’ai constatés, c’est le manque de présence de Melle [KC] la psychologue quand on avez besoin de parler de l’état et des comportements de certains de nos résidents, nous n’avions aucun retour.
Elle venez à l’heure qu’elle voulait et quand elle voulait, même si les horaires étaient affichés sur la porte de son bureau, et quand elle était là, c’est auprès de certains résidents dont elle faisait la sortie (restaurants, plage, ciné) qu’elle passé son temps, et cela a était très difficile pour nous parce que les personnes âgées qui étaient en souffrance n’ont pas pu avoir son aide.
Quant aux demi jours qu’elle passée dans l’établissement, c’était plutôt pour s’occuper de la déco.
Pour une bonne prise en charge de nos résidents nous avions besoin de son aide que nous n’avons pas eu et c’est très dommage » ;
-la réception de mails d’envoi par Madame [KC] [J] d’arrêts de travail sur la période du 23 octobre 2012 au 27 décembre 2012 ;
-le courrier recommandé du 5 avril 2013 de Madame [D] [F], Directrice, adressé à Madame [O] [P], accusant réception du courrier de cette dernière informant KORIAN MISTRAL de son souhait de rompre par anticipation son contrat de travail à durée déterminée à terme imprécis, donnant son accord pour cette rupture anticipée en date du 31 mars 2013, acceptant malgré la rupture du CDD à l’initiative de la salariée de lui verser la prime de précarité et déclarant effectuer des vérifications concernant le décompte des congés payés, des droits individuels à la formation et le règlement du complément prévoyance, indiquant procéder aux éventuelles régularisations dans le cadre du solde de tout compte ;
-différents échanges de courriels entre Madame [MA] et Madame [P] entre septembre et début octobre 2012 ;
-le récapitulatif des absences de Madame [J] (en absence autorisée non payée à partir du 17 septembre 2013) ;
-des courriers de Madame [J] (courrier de rappel de la lettre du 3 janvier 2014, courrier recommandé du 2 février 2014) dans lesquels la salariée indique qu’elle est depuis le 16 septembre 2013 en mi-temps thérapeutique « en accord avec le médecin généraliste, le médecin du travail et la sécurité sociale » et réclame la délivrance d’attestations de salaire ;
-le courrier du 6 février 2014 de Madame [D] [F], Directrice, adressé à Madame [KC] [J], lui précisant n’avoir reçu aucun justificatif de son absence.
***
En premier lieu, s’agissant du grief relatif au refus de l’employeur de remettre à la salariée une attestation de salaire au titre de son placement en mi-temps thérapeutique à compter du 17 septembre 2013, il ne resssort d’aucune pièce que Madame [KC] [J] ait bénéficié d’une prescription médicale de son médecin traitant, ni qu’elle ait transmis une telle demande à la CPAM, seule habilitée à autoriser ou refuser le temps partiel thérapeutique après avis du médecin conseil, que ce soit au service de la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL ou de son deuxième employeur.
Le Docteur [I], dans son courrier du 22 septembre 2013 adressé au médecin du travail, déclare « envisager » un mi-temps thérapeutique, qu’il n’avait donc pas prescrit à la date du 17 septembre 2013 ; le médecin du travail a noté dans le dossier médical de la salariée, à la date du 30 septembre 2013 qu’il était « prévu » un mi-temps thérapeutique.
S’il est fait état d’arrêts de travail à partir du 16 septembre 2013 « mentionnant un mi-temps thérapeutique » (arrêts de travail non versés aux débats), ce qui a induit en erreur l’employeur, Madame [J] ne justifie pas toutefois qu’une décision de mi-temps thérapeutique ait été sollicitée auprès de la CPAM par son médecin traitant, ni notifiée par la Caisse.
Le médecin du travail n’a d’ailleurs pas été saisi d’une demande d’examen médical de Madame [J] en vue de sa reprise à mi-temps thérapeutique aux fins de statuer sur l’aptitude ou l’inaptitude de la salariée à reprendre son poste. Il a mentionné, dans le dossier médical de Madame [J], à la date du 30 septembre 2013 qu’il n’y avait « pas de reprise, arrêt de travail », de même qu’il a noté que la salariée était en arrêt de travail depuis octobre 2012, lors de la visite médicale du 17 décembre 2013.
En réalité, Madame [J] a repris son activité professionnelle « le 15 septembre à [W] [US] » (note du médecin du travail dans le dossier médical de la salariée), considérant ainsi qu’elle exerçait une reprise à mi-temps sur ces deux emplois (courriel du 9.10.2013 de Mme [J] : « Il m’a été précisé aussi que puisque j’étais à mi-temps pour chaque employeur, je pouvais choisir celui qui me serait moins pénible. Je n’ai donc pas choisi Mistral… »).
A défaut de toute décision de la CPAM d’autorisation d’une reprise à mi-temps thérapeutique de la salariée au service de la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL, il ne peut être reproché à la société de ne pas avoir remis à la salariée une attestation de salaire dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.
*
S’agiisant du reproche adressé à Madame [J], en réponse à son courrier du 12 septembre 2012, relatif au non respect de ses horaires, au motif que les horaires affichés sur la porte de son bureau étaient de 10 heures à 17 heures alors que la salariée devait travailler 8h45 les mardi et jeudi, les témoignages de Mesdames [XH] [S], [B] [MA] et [Z] [K] versés par l’employeur sont imprécis (« Madame [J] ne respectait pas ses horaires de travail », « Elle venez à l’heure qu’elle voulait et quand elle voulait »), sans aucune indication de date ou d’horaire. Il n’est pas contesté que Madame [J], comme elle l’a soutenu dans son courrier en réponse du 20 octobre 2012, accompagnait également en sorties des résidents (en « sortie (restaurants, plage, ciné) » selon le témoignage de Mme [Z] [K]), rendait visite à des patients hospitalisés.
La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL ne démontre pas que Madame [KC] [J] n’aurait pas respecté ses horaires de travail et a injustement retenu des heures de travail sur sa paie dès le mois de septembre 2012, avant même d’avoir interrogé la salariée par courrier de la Directrice Régionale du 10 octobre 2012.
*
Les difficultés de fonctionnement de l’établissement Korian Mistral, relevées par Madame [J] dans ses différents courriers, s’inscrivent dans le cadre d’absences prolongées de différents membres de l’encadrement (Directeur, IDEC et sa remplaçante) et autres personnels (soignants, une secrétaire – 8 personnes absentes sur un effectif d’environ 40 selon courrier du 12 septembre 2012 de Mme [J]), suivies de l’absence de la psychologue à compter du 25 octobre 2012, de l’absence du médecin coordinateur suite à sa démission en novembre 2012 et de l’absence de l’animatrice à la fin de 2012 (en arrêt maladie avant la négociation d’un départ).
Il est évoqué, dans les différentes pièces versées par Madame [J], que les absences pour maladie de ces salariés ont eu pour motif un état dépressif, de même que Madame [CK] [Y] atteste de son arrêt de travail pour maladie ayant précédé sa démission en février 2012 et Madame [L] [UA], médecin coordinateur, invoque sa démission en novembre 2012 dans un contexte de dégradation des conditions de travail, de pressions et de souffrance au travail.
Il ne peut être prétendu par la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL que l’intérim du Directeur ait pu être pleinement assuré par la présence des Directeurs Régionaux, de la Directrice Régionale Adjointe (Mme [MA]) et du Responsable des Ressources Humaines (M. [C]), venant « au moins un jour par semaine » sur l’établissement, ne garantissant pas un encadrement quotidien de l’équipe de Mistral.
L’arrivée d’une directrice par interim, Madame [H], en octobre 2012 n’a pu apaiser le climat social alors que, selon deux témoins, celle-ci annonçait lors d’une réunion de présentation qu’elle allait « aseptiser » l’établissement (allant même « jusqu’à s’appuyer sur l’exemple d’Auschwitz » selon le témoignage de Mme [O] [P]), qu’il s’agissait de « se débarrasser de l’équipe mise en place par (l’ancien) directeur Mr [OP] », mission également confiée par le Directeur Régional, Monsieur [IE], à la Directrice Régionale Adjointe, Madame [MA], selon le témoignage de Madame [CK] [Y].
Il convient d’observer que les témoignages versés par Madame [J] sont conformes aux dispositions prévues par l’article 202 du code de procédure civile, présentent toutes les garanties d’authenticité et de crédibilité, n’étant pas utilement contredits par les pièces produites par l’employeur.
Les témoignages notamment des membres de la Direction Régionale (M. [IE], Directeur Régional, M. [U] [C], Responsable RH Régional) et de Madame [XH] [S], Responsable Qualité de Vie, témoignant d’une part de la « grande opposition » de Madame [J], de son « agressivité », et d’autre part, des interventions régulières de la Direction au sein de l’établissement Korian Mistral ayant « rassuré les équipes et garanti un climat social serein au sein de la structure, malgré l’absence de Directeur » (attestation de M. [C]), sont insuffisants à contredire les témoignages précis et circonstanciés versés par Madame [J], relatant les dysfonctionnements, les tensions existantes au sein de l’établissement et même le climat délétère (Mme [Y] parle de « carrosserie de voiture rayée, pneux crevés, menaces verbales téléphoniques anonymes, coups bas »), le défaut de soins apportés aux résidents et même la violation de leur intimité, le climat d’insécurité, aggravé par les attitudes déstabilisantes et pressions exercées par la direction.
C’est dans ce contexte que Madame [KC] [J] a été victime d’une agression le 11 septembre 2012 de la part d’un infirmier « qui lui hurlait dessus, sans que la cadre présente (la cadre Responsable qualité de vie) n’intervienne » (témoignage de Mme [L] [UA]). Alors que Madame [J] a dénoncé cet incident dans son courrier du 12 septembre 2012, Madame [MA], Directrice Régionale, dans son courrier du 10 octobre 2012, a répondu que la salarié avait été à l’origie de cet incident en dénigrant le matin même, lors d’une réunion de transmissions, le travail de l’équipe soignante, et en actionnant par erreur le système d’urgence dans la chambre d’un résident, obligeant l’infirmier à monter en urgence et que « le ton est monté entre (eux) », sans aucune menace proférée à l’encontre de Madame [J] « comme en a attesté la Responsable Qualité de Vie de l’établissement ». Toutefois, cette dernière, Madame [XH] [S], rapporte l’incident en précisant que « l’infirmier ayant été mis en cause le matin même dans son travail me prend à témoin en disant « regarde elle nous test ». Il lui a ensuite exprimé son désaccord dans sa manière de faire », sans aucunement détailler la façon dont l’infirmier aurait « exprimé son désaccord », en sorte que le témoignage de cette dernière ne vient pas utilement contredire le témoignage de Madame [L] [UA].
*
Enfin, s’il n’est pas discuté que le bureau de Madame [J] a été transformé en vestiaire pour hommes, la société KORIAN se mettant ainsi en règle avec ses obligations réglementaires, il n’en reste pas moins que la décision de la direction de supprimer à la psychologue son bureau individuel (décision qui lui a été annoncée le 15 octobre 2012, selon laquelle « (elle) devait débarrasser (son) bureau au plus vite » – courrier du 20 octobre 2012 de Mme [J]), « du jour au lendemain sans qu’elle en soit avertie » (témoignage de Mme [CK] [Y]), « sans considération ni concertation » (témoignage de Mme [L] [UA]), a été prise de manière brutale, manifestement en réaction au courrier de dénonciation de la salariée du 12 septembre 2012.
*
Au vu de l’ensemble des éléments versés par les parties, il est établi l’existence d’un harcèlement moral subi par Madame [J], ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et une altération de sa santé physique et mentale, la salariée ayant présenté un syndrome anxio-dépressif à partir du 25 octobre 2012 (avant la survenance de sa maladie quelques mois plus tard).
Au vu des éléments médicaux versés par l’appelante, la Cour lui accorde la somme de 8000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Sur la nullité du licenciement :
Madame [GY] [KC] [J] a été en arrêt de travail à compter du 25 octobre 2012, pour « syndrome anxio-dépressif » », a bénéficié d’un traitement médicamenteux et d’un suivi psychiatrique, a été déclarée définitivement inapte le 5 mars 2014 par le médecin du travail qui a conclu que « le risque d’aggravation de l’état de santé de la salariée ne permet pas au médecin du travail de formuler des propositions de postes, reclassement et aménagement technique et/ou organisationnel », étant observé que cet avis d’inaptitude ne concernait que l’inaptitude de la salariée à reprendre son poste au sein de la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL, alors même qu’elle a repris son poste au service d’un second employeur le 15 septembre 2013.
Il en résulte que l’inaptitude de Madame [J] résulte des agissements de harcèlement moral de l’employeur.
En conséquence, la Cour déclare le licenciement de la salariée nul, en vertu de l’article L.1152-3 du code du travail.
Madame [KC] [J] verse des courriels de sa banque et des relevés de frais annuels sur l’année 2014, justifiant de ses difficultés financières. Elle ne verse pas d’élément sur l’évolution de sa situation professionnelle, ni sur ses ressources.
En considération des éléments fournis sur son préjudice, de son ancienneté de 8 ans dans l’entreprise et du montant de son salaire mensuel brut (1774,31 euros de salaire moyen sur les 12 derniers mois travaillés), la Cour accorde à Madame [GY] [KC] [J] la somme brute de 18 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul.
Sur l’indemnité compensatrice et l’indemnité spéciale de licenciement :
Le licenciement de la salariée étant nul, il convient de lui accorder une indemnité conventionnelle compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire au regard du statut de cadre de Madame [J], soit la somme brute de 5322,93 euros, outre la somme brute de 532,29 euros de congés payés y afférents.
Madame [KC] [J] ne peut prétendre au doublement de l’indemnité légale de licenciement au motif que son inaptitude résulte d’un harcèlement moral, alors qu’elle n’a présenté auprès de la Sécurité Sociale aucune demande de reconnaissance d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Elle est donc déboutée de sa demande en paiement d’un solde d’indemnité spéciale de licenciement.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité :
Alors que Madame [GY] [KC] [J] fait valoir, dans le corps de ses conclusions, que les faits subis par elle, si « par extraordinaire la cour ne retenait pas la qualification de harcèlement moral » et « à titre subsidiaire », révèlent un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, il ressort toutefois du dispositif de ses conclusions que sa demande d’indemnisation pour manquement à l’obligation de sécurité est formulée à titre principal.
Il a été vu ci-dessus que les agissements de l’employeur, qualifiés de harcèlement moral, ont dégradé la santé physique et mentale de la salariée et que l’employeur, malgré les courriers de Madame [J], n’a pas pris de mesure aux fins de garantir la préservation de la sécurité et de la santé de la salariée. La SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL a donc manqué à son obligation de sécurité.
Madame [J] verse toutefois les mêmes éléments médicaux que ceux produits à l’appui de sa demande d’indemnisation pour harcèlement moral. Elle ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui d’ores et déjà réparé par l’allocation de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
En conséquence, la Cour déboute la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Sur les rappels de salaire de septembre et octobre 2012 :
Il a été vu ci-dessus que la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL ne démontrait pas que Madame [KC] [J] n’aurait pas respecté ses horaires de travail.
En conséquence, les retenues effectuées par l’employeur sur les bulletins de paie de septembre et octobre 2012 sont injustifiées.
Il convient de faire droit à la réclamation de Madame [J] et de lui accorder la somme de 804,90 euros à titre de rappel de salaire sur les retenues injustifiées de septembre et octobre 2012, ainsi que la somme de 80,49 euros à titre de congés payés y afférents
Sur le rappel de salaire durant le mi-temps thérapeutique :
Il a été vu ci-dessus que Madame [J] ne verse aucun élément probant susceptible d’établir qu’elle avait transmis à la CPAM une demande de mi-temps thérapeutique et qu’elle avait obtenu une autorisation de la Caisse, en sorte qu’il ne peut être reproché à la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL de ne pas avoir délivré à la salariée une attestation de salaire dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.
Madame [J] ne verse aucun certificat d’arrêt de travail. Elle ne peut prétendre qu’elle était « réputée être en arrêt de travail » au sein de la société KORIAN et que celle-ci devait lui maintenir son salaire.
Dans ces conditions, il convient de débouter Madame [J] de sa demande de remise d’une attestation de salaire au titre d’un mi-temps thérapeutique, ainsi que de sa demande de rappel de salaire d’un montant de 9170 euros sur la période du mi-temps thérapeutique, dont l’existence n’est pas établie.
Sur le non-respect des dispositions conventionnelles :
Contrairement à ce qui est prétendu par Madame [KC] [J] qui reproduit faussement le texte ci-après, l’article 94 de la Convention collective nationale de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002 prévoit la classification du cadre dans la catégorie « Cadre B. – Coefficient : de 380 à 424 » du cadre A « ayant 12 ans d’ancienneté en qualité de cadre » (et non 8 ans d’ancienneté).
De même, l’article 95 précise que « Le déroulement de carrière des cadres est identique à celui prévu pour les filières administratives et générales du personnel non cadre. Ce déroulement est donné à titre indicatif dans les grilles de classification spécifiques aux cadres pour les coefficients minimaux pour chacune des catégories de cadre.
Toutefois, s’agissant des cadres A, afin de maintenir l’écart de rémunération entre les agents de maîtrise et les cadres A, ceux-ci accéderont à la catégorie de cadre B au bout de 12 ans d’ancienneté en qualité de cadre. Leur nouveau coefficient devra être au moins immédiatement supérieur à celui qu’ils détenaient précédemment en application de la présente convention… ».
C’est donc bien au terme de 12 ans d’ancienneté en qualité de cadre que Madame [KC] [J] aurait pu prétendre à la classification en catégorie B et au coefficient minimum de 380.
Or, la salariée, entrée au service de la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL à partir du 2 septembre 2015, ne présentait pas une ancienneté de 12 ans lors de la rupture de son contrat de travail.
Il n’est donc pas établi que la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL a violé les dispositions conventionnelles.
Madame [J] doit être déboutée de sa demande d’indemnisation de ce chef.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient d’ordonner la remise par la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Il n’y a pas lieu d’ordonner la remise d’un certificat de travail rectifié, la décision de la Cour de céans ne modifiant pas les dates d’emploi de la salariée, ni la remise d’un reçu pour solde de tout compte rectifié, le présent arrêt valant inventaire des sommes versées au salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Reconnaît l’existence d’un harcèlement moral subi par Madame [GY] [KC] [J],
Dit que le licenciement de la salariée est nul,
Condamne la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL à payer à Madame [GY] [KC] [J] les sommes suivantes :
-8000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
-18 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,
-5322,93 euros d’indemnité compensatrice de préavis,
-532,29 euros de congés payés sur préavis,
-804,90 euros de rappel de salaire de septembre et octobre 2012,
-80,49 euros de congés payés sur rappel de salaire,
Dit que les sommes allouées de nature salariale produiront des intérêts au taux légal à compter de la citation devant le bureau de conciliation, soit à compter du 28 juillet 2014, avec capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d’une année, et que les sommes allouées de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la remise par la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL d’un bulletin de paie récapitulatif et d’une attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,
Condamne la SAS RESIDENCE FREDERIC MISTRAL aux dépens de première instance et d’appel et à payer à Madame [GY] [KC] [J] 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette tout autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction