23/09/2022
ARRÊT N° 2022/424
N° RG 19/05171 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NKRH
NB/KS
Décision déférée du 21 Octobre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse
( 18/01442)
[A] [P]
SECTION ENCADREMENT
[K] [S]
C/
SAS [F] [N] TECHNOLOGIES
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 23/09/2022
à
Me Michel JOLLY
Me Erick BOYADJIAN
ccc à
Me Michel JOLLY
Me Erick BOYADJIAN
Pôle Emploi, le 23/09/2022
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
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ARRÊT DU VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANT
Monsieur [K] [S]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Laurence JUNOD-FANGET de la SELARL ALYSTREE AVOCATS, avocat au barreau de LYON
Représenté par Me Erick BOYADJIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
SAS [F] [N] TECHNOLOGIES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Michel JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUME et N.BERGOUNIOU chargées du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUME, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [S] a été embauché à compter du 10 avril 2012 par la SAS [F] [N] Technologies, spécialisée dans la fabrication d’uniformes, de tenues de combat et d’équipements de sécurité, en qualité de directeur du développement commercial suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de l’industrie de l’habillement.
Son contrat de travail comportait une clause de non concurrence ainsi libellée : ‘En cas de rupture du présent contrat pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, M. [K] [S] s’interdira :
– d’entrer au service d’une société concurrente à la société [F] [N] Technologies,
– de s’intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute activité pouvant concurrencer l’activité de la société [F] [N] Technologies.
Cette interdiction est limitée à la durée de 1 an à compter de la date de rupture effective du contrat.
En contrepartie de cette obligation de non concurrence, M. [K] [S] percevra une contrepartie pécuniaire équivalente à 25% de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois.
L’entreprise se réserve le droit de libérer M. [K] [S] de son obligation de non concurrence sans que celle-ci puisse prétendre au paiement d’une quelconque indemnité ou de réduire la durée de cette obligation.
La décision de libérer M. [K] [S] de son obligation de non concurrence devra lui être faite par lettre recommandée avec AR ou par lettre remise en mains propres dans les 3 semaines de la notification de la rupture quel qu’en soit l’auteur.’
Dans le dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait un salaire moyen mensuel brut de 7 582,50 euros.
M. [S] a été en arrêt maladie pendant la période du 4 juin au 11 juillet 2014. Il a repris son activité le 15 juillet et a rencontré son employeur au siège de la société
le 16 juillet 2014.
M. [S] a été déclaré apte sans réserve à la reprise du travail à son poste par le médecin du travail le 18 juillet 2014.
M. [S] a de nouveau été en arrêt de travail à compter du 21 juillet 2014 en raison d’un syndrome psychologique traumatique compliqué de dépression majeure. Il n’a jamais repris son activité au sein de la société [F] [N] Technologies depuis cette date.
Par décision du 19 août 2015, la caisse primaire d’assurance maladie a notifié à M. [S] sa décision de prendre en charge sa maladie au titre de la législation sur les risques professionnels.
Par courrier en date du 26 juillet 2017, la caisse primaire d’assurance maladie a informé M. [S] de sa consolidation et de la cessation du versement des indemnités journalières de sécurité sociale.
La société [F] [N] Technologies a organisé une visite de reprise auprès de la médecine du travail le 4 septembre 2017, qui a conclu à l’inaptitude du salarié, faisait suite à sa maladie professionnelle déclarée le 8 novembre 2014.
Au terme d’une seconde visite organisée auprès de la médecine du travail le 2 octobre 2017, M. [S] a été déclaré inapte définitivement à son poste.
Le 18 octobre 2017, les délégués du personnel, consultés sur les possibilités de reclassement du salarié, ont émis un avis favorable à l’unanimité pour son licenciement.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 octobre 2017, auquel il ne s’est pas présenté, M. [S] a été licencié par courrier du 8 novembre 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Encadrement, le 12 septembre 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Par jugement du 21 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse a:
-déclaré qu’il était territorialement compétent,
-débouté M. [K] [S] de l’ensemble de ses demandes,
-jugé qu’il n’y a pas lieu équitablement à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné M. [K] [S] aux entiers dépens.
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Par déclaration du 29 novembre 2019, M. [S] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 novembre 2019, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 7 juin 2022, M. [K] [S] demande à la cour de :
-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
A titre principal :
*constater que la société [F] [N] Technologies a commis des agissements caractérisant un harcèlement moral,
*juger que l’inaptitude d’origine professionnelle de M. [S] résulte du harcèlement moral dont il a été victime,
*juger que le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle de M. [S] est un licenciement nul,
*condamner la société [F] [N] Technologies à verser à M. [S] la somme nette de 90 000 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire :
*juger que l’inaptitude d’origine professionnelle de M. [S] résulte d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat,
*juger que le licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle de M. [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
*condamner la société [F] [N] Technologies à verser à M. [S] la somme nette de 90 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l’intégralité de son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
– Sur l’exécution fautive du contrat de travail :
*juger que la société [F] [N] Technologies a exécuté de manière fautive le contrat de travail,
*condamner la société [F] [N] Technologies à verser à M. [S] la somme nette de 45 500 euros à titre de dommages intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,
– Sur la demande relative à la contrepartie de la clause de non concurrence :
*condamner la société [F] [N] Technologies à verser à M. [S] la somme brute de 22 747,44 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, outre congés payés afférents,
-Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
*condamner la société [F] [N] Technologies à verser à M. [S] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre entiers dépens de l’instance,
– Sur les dépens :
*condamner la société [F] [N] Technologies aux entiers dépens de première instance et d’appel.
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Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 2 juin 2022, la SAS [F] [N] Technologies demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré,
-rejeter toute demande adverse comme irrecevable ou mal fondée,
-débouter M. [S] de l’intégralité de ses demandes,
-condamner M. [S] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [S] aux entiers dépens en disant qu’ils seront recouvrés par Me Michel Jolly SELARL Capstan sud ouest, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
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La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 8 juin 2022.
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Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
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MOTIFS DE LA DECISION :
– Sur le harcèlement moral:
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, «’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’».
Les parties s’opposent sur la rédaction de l’article 1154-1 du code du travail applicable aux faits de l’espèce (antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016 ou issue de cette loi).
Dès lors que le salarié invoque l’existence de faits de harcèlement moral à l’origine de son licenciement pour inaptitude, la version de l’article L. 1154-1 applicable en l’espèce est celle en vigueur à la date du licenciement, peu important que les faits de harcèlement moral soient en partie antérieurs au 8 août 2016. Elle prévoit que le salarié présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
M. [F] [S] soutient qu’il a été victime, de la part de son employeur, de faits de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé qui est à l’origine de son inaptitude; qu’il a subi une importante charge de travail du fait des dysfonctionnements des autres services de l’entreprise; que suite au départ de M. [E], technico-commercial NRBC France et de son remplacement, il a du gérer les dossiers NCBC sans avoir, au préalable, bénéficié d’une formation ou d’une sensibilisation aux dossiers en cours; qu’il a notamment, au mois de juillet 2013, du gérer l’appel d’offres pour un SDIS concernant des tenues filtrantes NRBC; qu’il a également du absorber la charge de travail de Mme [C], responsable du marché santé, suite à sa démission en juin 2013, alors qu’il n’était pas formé dans les produits du secteur médical; qu’en dépit de demandes de rendez vous demandés à la direction de l’entreprise par M. [S], cette dernière est restée taisante; que M. [S] a été constamment sollicité pendant son arrêt de travail du 4 au 11 juillet 2014, pour se voir finalement reprocher une mauvaise gestion des dossiers pendant son arrêt de travail; que lors de son retour d’arrêt maladie, M. [S] a constaté que la société employeur lui avait retiré plusieurs missions, embauchant en particulier un technico-commercial inexpérimenté auquel elle a confié le plus gros client de M. [S], l’Union des Groupements des achats publics (UGAP);que la société a refusé à M. [S] la prise de congés en août 2014, qui avait cependant été validés en avril de la même année; qu’à la suite du nouvel arrêt de travail de M. [S] à compter du 21 juillet 2014, la direction de la société a persisté dans son attitude malveillante envers le salarié, lui réclamant la restitution de son véhicule de fonction et du matériel professionnel, et ne lui versant pas l’intégralité des compléments de salaire auquel il avait droit; que les actes de harcèlement moral commis par la société employeur, qui sont à l’origine de l’inaptitude du salarié, ont pour effet de rendre son licenciement nul.
A l’appui de ses allégations, M. [K] [S] verse aux débats :
– une attestation de M. [Z] [H], salarié de la société [F] [N] Technologies d’octobre 2012 à mai 2016, qui indique que M. [S] a mal supporté les conditions de travail au sein de l’entreprise et les nombreux changements de décisions relatives aux dossiers qu’il avait en charge. Il reconnaît par ailleurs qu’il ne voyait M. [S] qu’en pointillé, celui ci devant jongler avec un emploi du temps très perturbé par une impérieuse présence à son bureau au siège de l’entreprise et des visites absolument nécessaires auprès des clients (pièce n° 29);
– une attestation de Mme [T], qui indique avoir été recrutée par M [S] en qualité d’assistante commerciale à compter du 1er juin 2014; que le départ de plusieurs cadres de l’entreprise a eu pour effet de déplacer la charge de travail sur le service de M. [S], qui faisait de son mieux pour répondre aux exigences de la direction; elle précise que M. [S] l’a aidée à finaliser le dossier d’appel d’offres Proségur; qu’elle-même a été victime de harcèlement moral après le départ de M. [S] et la reprise du service par M. [X], et a été licenciée pour inaptitude (pièce n°30);
– une attestation de M. [I] [J], qui dit avoir constaté l’énorme fatigue et la déprime de M. [K] [S] qui ne pouvait plus se consacrer à ses objectifs premiers et qui se trouvait en permanence sous pression négative de la direction à lui intimer ordre sur contre-ordre (pièce n° 58).
– une attestation de M. [U] [V], qui indique que la direction générale de PBT a été injuste envers M. [S]. Elle n’a pas cessé de lui mettre la pression et de l’acculer jusqu’à ce que M. [S] tombe malade : épuisement professionnel- burn out (pièce n° 59).
– une attestation de Mme [L] [D], assistante commerciale, qui atteste que M. [S] est tombé malade en juin 2014, et qu’elle avait constaté avec ses collègues que malgré l’implication et le professionnalisme de leur supérieur, celui ci a du se débattre avec une charge de travail en forte augmentation depuis le départ d’autres collègues non remplacés et une amplitude horaire de sa part
conséquente (pièce n° 60).
Au vu de l’ensemble de ces attestations, M. [K] [S] présente des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
La société [F] [N] Technologies conteste avoir commis un quelconque acte de harcèlement moral envers M. [S], rappelant que celui-ci avait obtenu de la direction de l’entreprise l’autorisation de travailler depuis son domicile dans l’Ain le vendredi et le lundi, les frais de déplacement du salarié de son domicile au siège de l’entreprise étant entièrement pris en charge par l’employeur, ainsi que ses frais de logement dans la région toulousaine; que les attestations versées par M. [S], qui émanent de salariés ayant été en contentieux avec la société, n’établissent aucun fait précis susceptible de s’apparenter à du harcèlement moral ; que contrairement à ses allégations, le salarié a bénéficié de la confiance et du soutien de sa hiérarchie tout au long de la relation de travail; qu’il n’a en aucun cas imposé au salarié de travailler pendant son arrêt maladie, l’interrogeant seulement sur le statut du client Proségur afin de recueillir les informations nécessaires pour assurer le suivi du dossier; que le salarié ne démontre pas l’existence d’une surcharge de travail, n’étant en particulier pas en charge des produits NRBC; qu’il n’a pas subi de retrait de ses responsabilités, ayant lui-même participé à la décision de recruter M. [M], technico commercial; que le refus de prendre des congés au mois d’août n’est pas abusif, aucune décision n’ayant été antérieurement prise à cet égard; que la dégradation de l’état de santé et son amaigrissement n’est pas dû au fait de l’employeur, mais à une pathologie du colon à l’origine de son premier arrêt maladie; que la décision de reconnaissance de maladie professionnelle dont M. [S] a bénéficié de la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain a été déclarée inopposable à l’employeur suivant ordonnance du président du tribunal judiciaire de Bourg en Bresse- Pôle social du 5 juillet 2021.
La société employeur verse aux débats des échanges de mails avec M. [S], qui démontrent qu’elle avait parfaitement conscience de la charge de travail du salarié et avait, en concertation avec lui, engagé un processus de recrutement de nouveaux collaborateurs (pièces n° 9, 10 et 11).
Le témoignage de certaines des personnes qui attestent en faveur de M. [S], et qui ont depuis quitté la société suite à un licenciement ou une démission, est en outre sujet à caution, en raison d’un contentieux existant entre eux et la société .
M. [J] a été licencié le 26 septembre 2016 pour faute grave, confirmée tant par le conseil de prud’hommes de Toulouse que par la chambre sociale de la cour d’appel (pièces n° 39 et 39 bis de l’intimée);
M. [V] est également en conflit avec la société [F] [N] Technologies, ayant été licencié le 29 mai 2017 pour faute grave, requalifiée en cause réelle et sérieuse par une décision du conseil de prud’hommes de Toulouse devenue définitive (pièce n° 40 et 40 bis de l’intimée);
Mme [D], qui ne travaillait pas dans le service de M. [S], a été licenciée par la société employeur, licenciement qu’elle n’a pas contesté.
Le salarié produit en outre des mails qu’il a adressés entre le 30 juin 2014 et
le 10 juillet 2014 à son assistante commerciale (Mme [T]), à la responsable des ressources humaines et à M. [F] [N] (pièces n° 39 à 43, 83 à 108, 112 à 133), qui témoignent de son intérêt pour le fonctionnement de son service, et notamment pour le recrutement d’un collaborateur.
Ces mails émanent pour la plupart d’entre eux de M. [S], qui ne
démontre pas que son employeur lui ait imposé de continuer à travailler pendant son arrêt maladie. Il reconnaît d’ailleurs, dans un courrier du 8 septembre 2014
(pièce n° 137), n’avoir reçu ni appel ni mail de ce dernier pendant son arrêt maladie
du 4 juin au 11 juillet 2014 (pièce n° 137).
M. [S] n’a en réalité jamais émis de revendications particulières jusqu’à son retour d’arrêt de travail , écrivant à son PDG, dans un mail du 27 juin 2014: ‘mercredi prochain je serai hospitalisé afin de passer une coloscopie et j’espère que l’origine de mes problèmes sera trouvée. J’ai pour objectif d’être de retour au milieu de la semaine suivante car le temps est interminable.
J’essaie de suivre les dossiers à distance et je garde le contact avec les ADV. J’espère être de retour le plus rapidement possible et je vous souhaite un bon week end.'(pièce n° 15 de l’intimée)
Force est à cet égard de constater que l’origine de l’arrêt de travail initial de M. [S] est extérieure à des difficultés au travail ou à un burn out, en ce qu’elle concerne des problèmes digestifs ayant entraîné un important amaigrissement et nécessité des examens approfondis. M. [S] a repris son travail le
vendredi 18 juillet 2014, après avoir été déclaré apte à la reprise par le médecin du travail, pour déposer un nouvel arrêt maladie le jeudi 24 juillet 2014, en raison d’un différend avec son employeur en raison du départ de M. [Z] [H] de l’entreprise. La relation entre M. [S] et son employeur s’est ensuite dégradée lorsque par courrier du 16 septembre 2014, ce dernier a demandé au salarié de restituer temporairement son véhicule professionnel en le déposant dans un garage Audi situé près de son domicile, mais en précisant toutefois que lors de son retour dans l’entreprise, alors prévu le 6 octobre 2014, il effectuerait par avion son retour et retrouverait son véhicule de service au [Localité 5] (pièce n°20 de l’intimée).
La société [F] [N] Technologies prouve que sa décision de récupérer temporairement le véhicule de service de M. [S], dans l’attente d’un nouvel examen de la médecine du travail sur son aptitude à reprendre son poste , est étrangère à tout harcèlement. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a écarté l’existence de faits répétés de harcèlement moral.
– Sur le licenciement:
Nonobstant la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ain
du caractère professionnel de la maladie déclarée le 8 novembre 2014, cette décision a été déclarée inopposable à la société employeur. Le licenciement de M. [S] a été néanmoins prononcé pour inaptitude définitive suite à une maladie professionnelle déclarée, sans que le salarié rapporte la preuve d’une violation par l’employeur de son obligation de sécurité, ce dernier ayant scrupuleusement suivi les recommandations du médecin du travail.
Compte tenu de l’ensemble des observations qui précèdent, M. [S] ne démontre pas l’existence d’une violation par l’employeur de son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail.
Le licenciement doit en conséquence, par confirmation sur ce point du jugement déféré, être jugé fondé sur une cause réelle et sérieuse. M. [S] sera dès lors débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.
– Sur la contrepartie de la clause de non concurrence :
M. [S] soutient que la société [F] [N] Technologies n’a pas levé la clause de non concurrence contenue dans son contrat de travail dans les trois semaines suivant la notification de son licenciement; que le courrier qu’elle verse aux débats, daté du même jour que la lettre de licenciement, et auquel cette dernière ne fait aucune mention, constitue en réalité un subterfuge grossier pour tenter de passer outre le paiement de la contrepartie pécuniaire.
La société [F] [N] Technologies fait valoir en réponse qu’une lettre de levée de la clause de non concurrence a été envoyée au salarié en même temps que la lettre de licenciement; elle ajoute que M. [S] ne justifie pas avoir respecté son obligation de non concurrence.
La société employeur verse aux débats à la fois la lettre de licenciement du 8 novembre 2017 (pièce n° 1) et un courrier séparé daté du même jour, dans lequel elle indique renoncer au bénéfice et à l’application de la clause de non concurrence liant les parties (pièce n° 2).
Ces deux lettres font référence à une même LRAR portant le n° 1 A 135 436 6958, qui correspond au numéro de recommandé de la lettre de licenciement.
Il apparaît en l’espèce tout à fait invraisemblable que la levée de la clause de non concurrence figure dans un courrier séparé, distinct de la lettre de licenciement, sans que cette dernière y fasse une quelconque référence.
M. [S], dans un courrier recommandé du 12 décembre 2017 (pièce n° 12) sollicitait le paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, au motif que le délai de trois semaines dont disposait la société employeur pour le libérer de la clause de non concurrence était dépassé ; ce faisant, la lettre informant le salarié de la levée de la clause de non concurrence, qui n’a pas de date certaine, doit être présumée avoir été établie a posteriori pour les besoins de la cause. Il y a lieu en conséquence, par infirmation sur ce point du jugement déféré, de faire droit à la demande du salarié au titre du paiement de la clause de non concurrence et de condamner la société [F] [N] Technologies à lui payer à ce titre une somme de brute de 22 747,44 euros.
La contrepartie financière de la clause de non concurrence revêt la nature d’un élément de salaire, soumis comme tel à cotisations sociales, et ce voit appliquer l’indemnité de congés payés de 10%, soit une somme brute de 2 274,74 euros.
– Sur les autres demandes :
La société [F] [N] Technologies, qui succombe pour une part de ses prétentions, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles.
Il serait en l’espèce inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [S] les frais exposés non compris dans les dépens; il y a lieu de faire droit à sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’une somme
de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 21 octobre 2019 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, sauf en ce qu’il a débouté M. [K] [S] de sa demande formée au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence et l’a condamné aux dépens.
Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant :
Condamne la société [F] [N] Technologies à payer à M. [K] [S] la somme brute de 22 747,44 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence, outre celle de 2 274,74 euros brut au titre des congés payés y afférents.
Condamne la société [F] [N] Technologies aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Condamne la société [F] [N] Technologies à payer à M. [K] [S] une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C.DELVER S.BLUMÉ
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