Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 23 NOVEMBRE 2022
(n° ,10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10882 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3YC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Août 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 18/02704
APPELANT
Monsieur [O] [S]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
ASSOCIATION COMITÉ NATIONAL OLYMPIQUE ET SPORTIF FRANCAIS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent MARQUET DE VASSELOT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN701
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne ROUGE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, Présidente de chambre
Madame Véronique MARMORAT, Présidente de chambreMadame Madame Roselyne NEMOZ-BENILAN, magistrat Honoraire chargée de fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : Mme Frantz RONOT
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour.
– signé par Fabienne ROUGE, Présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [O] [S], né en 1965, a été engagé par l’association Comité national olympique et sportif français (CNOSF), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 avril 2016 en qualité de comptable.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du sport.
En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de monsieur [S] s’élevait à la somme de 3.595 euros.
Monsieur [S] a été placé en arrêt de travail à compter du 27 décembre 2017 et ce, jusqu’à la rupture de son contrat de travail.
Par lettre datée du 28 février 2018, monsieur [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.
A la date de la rupture, monsieur [S] avait une ancienneté d’un an et dix mois et l’association Comité national olympique et sportif français occupait à titre habituel plus de dix salariés.
Soutenant que la prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour harcèlement moral, Monsieur [S] a saisi le 9 avril 2018 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 29 août 2019, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
– dit que la prise d’acte de la rupture produit les effets d’une démission,
– débouté monsieur [S] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté l’association Comité national olympique et sportif français de ses demandes,
– laissé les dépens à la charge de monsieur [S].
Par déclaration du 30 octobre 2019, monsieur [S] a interjeté appel de cette décision,
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 janvier 2020,auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [S] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes et l’a condamné aux dépens et, statuant à nouveau, de juger que sa prise d’acte de la rupture doit être requalifiée en licenciement abusif ;
En conséquence,
– condamner l’association Comité national olympique et sportif français à lui verser les sommes suivantes :
* 1.319 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
* 7.190 euros au titre du préavis, 719 euros de congés payés y afférents ;
* 21.570 euros au titre de l’indemnité pour licenciement abusif ;
* 14.181,76 euros de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires ainsi que 1.418,17 euros de congés payés y afférents ;
* 21.570 euros d’indemnité pour travail dissimulé ;
* 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de sécurité ;
* 43.140 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement moral ;
le tout avec intérêts au taux légal à compter du jour de l’introduction de la demande
– condamner l’association Comité national olympique et sportif français à lui verser la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 mars 2021, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l’association Comité national olympique et sportif français demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé le CNOSF en toutes ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
– juger qu’il n’a manqué à aucune de ses obligations contractuelles à l’égard de monsieur [S],
– juger que la prise d’acte s’analyse en une démission,
En conséquence,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé monsieur [S] mal fondé en toutes ses demandes,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté monsieur [S] de l’intégralité de ses demandes formées à l’encontre du CNOSF au titre d’un prétendu licenciement abusif,
– constater que monsieur [S] n’a pas effectué d’heures supplémentaires dans le cadre de l’exécution de ses fonctions,
En conséquence,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté monsieur [S] de toute demande de rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de sa demande de préavis et condamner monsieur [S] à lui payer la somme de 6.060,75 euros au titre du préavis non effectué,
– condamner monsieur [S] à lui régler la somme de 8.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 juin 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 octobre 2022.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L.3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L.3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l’employeur tient à la disposition de l’inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l’article L.3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. De plus, en vertu de l’article L.3121-29 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
La preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le salarié prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.
En l’espèce, le contrat de travail de monsieur [S] mentionne qu’il « est tenu d’effectuer une durée hebdomadaire de 35 heures. Il est soumis aux horaires en vigueur dans l’entreprise. Ces horaires ne constituent pas un élément essentiel du présent contrat, et pourront en conséquence, être modifiés en fonction de l’organisation de celle-ci et des nécessités de service.
Monsieur [O] [S] pourra être amené à effectuer des heures supplémentaires à la demande de son employeur, conformément aux dispositions du Code du travail et de la Convention Collective Nationale du Sport. »
Monsieur [S] produit aux débats deux tableaux récapitulatifs journaliers, sur lesquels les dates sont illisibles, portant mention de l’heure d’arrivée et de départ, de l’horaire de travail, de l’horaire légal et des heures supplémentaires réalisées, sans qu’un décompte total hebdomadaire ne soit effectué.
L’appelant présente des éléments pouvant démontrer l’existence d’heures supplémentaires
Le CNOSF conteste la réalisation des heures supplémentaires de monsieur [S] en rappelant que la durée de travail est de 39 heures, les salariés bénéficiant de 20 jours de RTT, en indiquant que la quantité de travail importante à laquelle il a fait face n’est étayée par aucun élément sérieux, que le salarié a fait preuve d’un manque de rigueur dans le cadre de son activité professionnelle et de compréhension de son activité, et que les tableaux établis prennent en compte une durée de travail de 35 heures, sans prendre en compte les absences et font état de nombreux chevauchements d’heures.
L’employeur développe que les tableaux établis par monsieur [S] ne prennent pas en compte les 20 jours de RTT dont il a bénéficié, la durée hebdomadaire de travail étant de 39 heures tel qu’il résulte de l’accord collectif du 14 décembre 2010 et de la note de service du 20 juin 2017 non utilement contestés, outre que la cour constate qu’ils ne prennent pas non plus en compte le temps de pause méridienne.
Le comité verse aux débats les fichiers avec les écritures comptables passées chaque jour par monsieur [S] et relève une série d’inexactitude dans les affirmations du salarié ainsi le 20 mai 2016 il prétend avoir fait une heure supplémentaire et indique avoir procéder à la comptabilisation des factures d’achat alors qu’aucune écriture n’a été passée sur le logiciel.
L’employeur produit un tableau dans lequel ont été identifiés des chevauchements conduisant à des heures supplémentaires inexistantes et un tableau des absences de monsieur [S] non décomptées dans les tableaux récapitulatifs établis par le salarié.
Au vu de ces éléments , il n’est pas établi l’existence d’heures supplémentaires.
En conséquence, monsieur [S] sera donc débouté de sa demande de rappels de salaires au titre des heures supplémentaires ainsi que de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé et la décision des premiers juges sera confirmée en ce sens.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Monsieur [S] soutient qu’il a été victime d’un harcèlement moral résultant des comportements anormaux de la direction des affaires financières et de sa supérieure hiérarchique, madame [I] [L] qui lui donnait des ordres et des contre-ordres quotidiens ayant pour objectif de le déstabiliser, une quantité de travail extrêmement importante allant au-delà des seules écritures comptables sur laquelle il a alerté son employeur en vain, des manquements graves de la part de sa supérieure hiérarchique couverts par la direction du CNOSF, des pratiques du CNOSF avec lesquelles il n’était pas à l’aise (factures dites de « compensation », factures non détaillées, factures téléphoniques de personnes extérieures au CNOSF, notes de frais démesurées et non justifiées).
En l’espèce, l’appelant produit différents échanges de mails de sa supérieure hiérarchique qui démontreraient les ordres et contre ordres de celle-ci , son courriel en date du 25 octobre 2017 faisant suite au rendez vous organisé par la responsable des ressources humaines entre lui même et sa chef de services dans lequel il dénonce le comportement de madame [L] qui ferait irruption dans son bureau pour lui dire ‘ce n’est pas encore fini’ ‘c’est urgent arretez ce que vous faites’, qui serait sarcastique, qui lui feraient des remarques désobligeantes ‘vous venez d’un petit cabinet’. Il considère anormal que la moindre de ses erreurs fasse l’objet d’un mail avec copie au DAF . Il estime qu’elle lui tient des propos vulgaires quand la pile de factures augmente , elle dit ‘ça recommence le bordel’. Il admet cependant dans ce mail que sa supérieure peut avoir des choses à lui reprocher .
Le compte rendu de la réunion du 20 novembre 2017 entre madame [L] et monsieur [S] en présence de madame [W] dont il ressort madame [L] frappera à la porte avant d’entrer dans le bureau de monsieu [S], qu’elle le questionnera sur la possibilité de l’interrompre, qu’elle clarifiera ses directives et qu’elle confirmera par mail s’il s’agit d’une urgence quand il s’en présentera une.
Il verse également aux débats la lettre de prise d’acte de sa rupture datée du 28 février 2018dans laquelle il réitère son accusation de l’attitude agressive et dégardante de madame [L] , la lettre de réponse apportée par le CNOSF datée du 9 mars 2018, les échanges avec le conseil de monsieur [S] des 13 et 22 décembre 2017 concernant le contexte jugé inacceptable d’exécution de son contrat de travail et un certificat médical relatant qu’il « a été suivi pour un état anxio-dépressif, qu’il attribue à des difficultés relationnelles professionnelles, ayant motivé notamment la prescription d’un arrêt de travail du 27/12/2017 au 28/02/2018 ».
Il résulte de ces éléments pris dans leur ensemble que monsieur [S] présente des éléments laissant supposer un management irrespectueux, des comportements intempestifs de sa supérieure hiérarchique, des demandes répétitives de traitement de dossiers urgents à la dernière minute aboutissant à des retards, génératrices de déstabilisation et d’anxiété voire d’ un épuisement professionnel qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
En réponse, l’employeur conteste le harcèlement moral et fait valoir que des raisons objectives justifient les décisions prises.
Le CNOSF conteste le harcèlement moral et fait valoir que des raisons objectives justifient les décisions prises , notamment que sa hiérarchie a rencontré des difficultés, le salarié ne respectant pas les instructions, ni ne comprenant l’ensemble des règles comptables, que malgré cela madame [I] [L] lui a régulièrement apporté de l’aide pour appréhender son poste et a fait preuve de persévérance à son égard, que malgré cette aide, il ne donnait pas satisfaction dans l’exercice de ses fonctions.
Le Comité rappelle que suite aux accusations portées par monsieur [S] en octobre 2017, il a été procédé à une enquête afin de proposer des solutions pour préserver le climat de travail au sein du service comptabilité, que l’enquête n’a pas révélé que les conditions de travail demonsieur [S] soient anormales ni détériorées, que celui-ci commettait des erreurs récurrentes dans l’exécution de ses missions, générant un retard au sein du service, qu’ une réunion a été organisée le 25 octobre 2017 en présence de monsieur [S] et madame [L] qui ont pris des engagements réciproques pour améliorer le fonctionnement du service comptable.
Il sera notamment relevé qu’il résulte de certains échanges de mails de monsieur [S] avec d’autres collègues que celui-ci avait une incompréhension sur les procédures appliquées dans le service ainsi que sur les règles comptables.
Pour exemple, les échanges entre monsieur [S] et monsieur [F] en décembre 2016 concernant la procédure mise en place pour le décompte des tickets restaurants desquels ressortent la patience de monsieur [F] et la nécessité de réitérer les explications pourtant précédemment données à monsieur [S].
De même, madame [C] [X] atteste, de façon précise et circonstanciée, notamment « A 2 reprises, j’ai été confrontée à des situations conflictuelles avec Monsieur [O] [S]. Monsieur [O] [S] s’est trompé de compte bancaire pour régler les frais de tutorat du service civique alors que j’avais pris la peine de préparer lesdits virements dans un parapheur séparé pour lui faciliter la tâche et éviter ainsi toute confusion. Lors de l’organisation de la 52e session franco-allemande des fédérations sportives, dans le cadre de la démarche contractuelle, Monsieur [O] [S] a égaré les devis et les bons de commande signés par mon supérieur hiérarchique. » Elle précisait ‘ devant son attitude presque menaçante et agressive je n’ai pas souhaité poursuivre la discussion’ .
La cour observe également que l’employeur, face aux allégations graves portées par monsieur [S] à l’encontre de sa supérieure hiérarchique en octobre 2017, a procédé à une enquête afin de proposer des solutions pour préserver le climat de travail au sein du service comptabilité .
Un compte-rendu de la réunion organisée a été dressé sur lequel figure l’expression des besoins de chacun. Il acte les engagements réciproques de monsieur [S] et madame [L]. Ces engagements sont de nature à permettre une relation apaisée entre eux , une évaluation future des engagements pris est prévue avant la fin de l’année 2017. Un exemplaire a été adressé au salarié sans que ce dernier n’y apporte d’autres propositions de complément ou de modification.
Le courriel de réponse de la responsable des ressources humaines suite à ses allégations graves concernant sa supérieure hiérarchique l’informe de la mise en ‘uvre d’investigations,
Enfin, monsieur [S] a reçu un accompagnement de madame [L] sur les premiers mois de son arrivée au sein du CNOSF qui est corroboré par les courriels échangés en 2016, sa supérieure hiérarchique faisant des points comptabilité réguliers afin que le salarié parte sur de bonnes bases.
L’employeur démontre les retards et erreurs du salarié , l’attestation de madame [L] qui sera considérée comme recevable bien qu’elle soit partie prenante du conflit , ne porte que sur des erreurs qu’elle objective en les justifiants par des pièces qui démontrent la réalité de ces erreurs.
L’échange de mail sur lequel se fonde le salarié pour estimer recevoir des ordres et contre ordres est incomplet puisque le mail initial de la veille n’est pas produit . Il s’en déduit néanmoins qu’un virement avait été sollicité pour le lendemain matin , le béneficiaire du virement étant présent dans les locaux , l’ordre n’ayant été préparé par monsieur [S] que l’après midi et non le matin comme demandé , il n’y avait plus de raison de modifier la pratique habituelle de l’heure de présentation de ces virements à la signature de madame [L] vers 15h30 , le bénéficiaire ayant quitté les lieux .
Il est établi que madame [L] a eu le comportement de tout chef hiérarchique face à un subordonné peu flexible, qui commet régulièrement des erreurs et qui a souvent du retard pour exécuter les tâches qui lui incombe .
Dès lors, l’existence de faits de harcèlement moral n’est pas caractérisée et l’association Comité national olympique et sportif français n’a commis aucun manquement à ce titre.
Par conséquent, monsieur [S] sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au harcèlement moral et la décision des premiers juges sera confirmée en ce sens.
Sur l’obligation de sécurité
Monsieur [S] fait valoir que son employeur a manqué à son obligation de prévention des risques psychosociaux dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat et à son obligation de prévention du stress au travail dans le cadre de l’accord national interprofessionnel étendu du 2 juillet 2008.
En application de l’article L.4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L.4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Les obligations résultant des articles L.1152-1 et L.1152-4 du code du travail sont distinctes, en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à réparation.
La cour relève en l’espèce que l’employeur justifie, au vu des seuls éléments produits, du fait d’avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail et qu’une fois informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral selon courriel du 25 octobre 2017, d’avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser, par une enquête , une réunion et un procès verbal de prise d’engaement réciproque de chacun des deux salariés en difficultés relationnelles l’intimée n’a ainsi pas manqué à ses obligations en matière de prévention et de traitement des situations de harcèlement moral.
Par confirmation du jugement déféré, il convient de débouter monsieur [S] de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement à l’obligation de sécurité.
Sur la prise d’acte de la rupture
Monsieur [S] sollicite la requalification de sa prise d’acte de la rupture en raison des faits de harcèlement moral dont il a été victime.
Le CNOSF conteste les griefs soulevés par monsieur [S] au soutien de la prise d’acte de la rupture notamment la réalisation d’heures supplémentaires non payées, des conditions de travail difficiles, un harcèlement moral subi par sa supérieure hiérarchique directe.
Dans le cadre de l’exception d’inexécution, il est admis que les manquements de l’employeur à l’exécution de bonne foi du contrat de travail peuvent justifier la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié dès lors que ce dernier établit que ces manquements sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d’une démission.
Il convient d’examiner l’ensemble des manquements invoqués par le salarié qui doit en rapporter la preuve. En cas de doute sur les faits allégués, il profite à l’employeur. Par lettre datée du 28 février 2018, monsieur [S] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, rédigée en ces termes :
‘Madame la Responsable des Ressources Humaines,
Comme je vous en ai fait part à de très nombreuses reprises, ma supérieure hiérarchique, Madame [I] [L] se montre, au quotidien, agressive et dégradante dans ses propos et son attitude vis à vis de moi.
Ceci entraîne pour moi des conditions de travail anormales et détériorées.
Elle ne s’exprime pas clairement dans ses directives, elle s’énerve et est en état de stress
permanent, ce qui pèse fortement sur moi.
Elle fait régulièrement irruption dans mon bureau à coup de « c’est quoi ‘! », « C’est urgent, arrêtez ce que vous faites! Je le veux tout de suite! », « Vous n’avez pas encore fini ‘! »… Ces irruptions se font sans le moindre respect pour mon travail.
Elle manque sévèrement de pédagogie. Lorsque je vais la voir pour avoir des précisions sur un sujet, sa réponse est : «je n’ai pas le temps, à votre avis c’est quoi ‘! ».
Ensuite, ma supérieure hiérarchique se montre sarcastique à mon égard. Elle m’a dernièrement demandé : « ça va mieux votre maladie ‘ », faisant une référence manifeste à l’ulcère provoqué par la pression et le stress engendrés par le travail et son attitude vis à vis de moi…
Elle tient des propos vulgaires : dès que la pile des factures augmente inévitablement, au vu du flux, elle s’écrit « Ça recommence le bordel !!! ».
Elle ne se montre jamais reconnaissante ou encourageante, elle n’est jamais satisfaite, malgré mon investissement…
Tout ceci est constitutif d’un réel harcèlement moral à mon encontre.
Je note également qu’à ma connaissance je suis le seul salarié auquel ce comportement est réservé.
De plus, mon contrat de travail mentionne une durée de travail de 35 heures par semaine, or je réalise au minimum 40 heures hebdomadaires sans que les heures supplémentaires ne me soient payées.
Dans ces circonstances, et en l’absence de prise en considération de ma situation malgré mes très nombreuses alertes, vous rendez impossible la poursuite de mon contrat de travail.
Je vous informe donc que je prends acte de la rupture de mon contrat à vos torts exclusifs, notamment au regard de vos obligations de sécurité et de non-discrimination.
Ces manquements de votre part ne visent qu’à dissimuler vos graves agissements notamment en matière de notes de frais.
Cette rupture prendra effet à la date de première présentation du présent recommandé avec AR.
Je vous demande de me tenir informé des dispositions prises pour me remettre le certificat de travail, le solde de tout compte et l’attestation Pôle emploi.
Pour rappel, l’attestation Pôle emploi devra faire mention du motif exact de la rupture du contrat à savoir « prise d’acte » à la rubrique 60 intitulée « autre motif ». En aucun cas, il ne devra donc être fait état d’une démission.’
La prise d’acte, qui a mis un terme définitif à la relation de travail, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les griefs reprochés à l’employeur le justifient soit dans le cas contraire ceux d’une démission, l’ensemble des reproches formulés par le salarié, y compris ceux ne figurant pas dans la lettre de prise d’acte, devant être considérés.
Aux termes de ces dernières conclusions, monsieur [S] formule à l’encontre de l’employeur les reproches suivants :
– un harcèlement moral subi en raison de comportements anormaux de la part de la direction des affaires financières et de sa supérieure hiérarchie, madame [L],
– des heures supplémentaires malgré une durée de travail hebdomadaire de 35 heures mentionnée au contrat de travail,
– un travail dissimulé résultant des 550 heures supplémentaires non réglées sur deux années,
– des manquements de l’employeur en matière d’obligation de sécurité.
Il soutient que ces manquements ont empêché par leur gravité la poursuite du contrat de travail et qu’en conséquence sa prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Cependant, il résulte des explications ci-dessus exposées qu’aucun manquement n’a été commis par l’association Comité national olympique et sportif français et la prise d’acte de la rupture produira, dès lors, les effets d’une démission.
En conséquence, monsieur [S] sera débouté de l’ensemble de ses demandes salariales et indemnitaires afférentes à la requalification de sa rupture et la décision des premiers juges sera confirmée en ce sens.
Sur la demande de l’employeur au titre du préavis non exécuté
En cas de démission l’existence et la durée du préavis sont fixées par la loi, ou par convention ou accord collectif de travail.
Le salarié démissionnaire doit une indemnité de non respect de préavis.
Contrairement à ce qu’indique le conseil de Prud’hommes , monsieur [S] ne justifie pas être en arrêt de travail ou dans l’impossibilité physique d’exécuter le préavis , l’attestation médicale versée aux débats mentionne un arrêt de travail jusqu’au 28 février 2017 date de la prise d’acte.
Il sera dés lors fait droit à la demande de l’employeur et monsieur [S] sera condamné à payer au CNOPSF la somme de 6060,75€, le jugement étant infirmé sur ce point.
Monsieur [S], qui succombe à la présente instance, en supportera les dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la cour considère que, compte tenu des circonstances de l’espèce et des éléments soumis aux débats, il apparaît équitable de condamner monsieur [S] à payer la somme de 500 euros au titre des frais de procédures exposés ; le jugement déféré est donc infirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ensemble des autres demandes plus amples ou contraires, formées en demande ou en défense, est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l’arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Paris rendu le 29 août 2019, sauf en ce qui concerne la demande en paiement de l’indemnité de préavis,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE monsieur [O] [S] à payer à l’association Comité national olympique et sportif français la somme de 6060,75€ au titre de l’indemnité de préavis,
CONDAMNE monsieur [O] [S] à payer à l’association Comité national olympique et sportif français la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur [O] [S] aux dépens d’instance et d’appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE