AFFAIRE PRUD’HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 19/05216 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MQB2
[W]
C/
Société GL EVENTS EXHIBITIONS
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 27 Juin 2019
RG : F 16/03780
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2022
APPELANT :
[Z] [W]
né le 08 Avril 1964 à [Localité 3]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société GL EVENTS EXHIBITIONS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Céline VIEU DEL-BOVE de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 20 Septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Joëlle DOAT, Présidente
Nathalie ROCCI, Conseiller
Anne BRUNNER, Conseiller
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 23 Novembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente, et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat à durée indéterminée en date du 16 juin 1997, M. [Z] [W] a été embauché par la société SEPELCOM, aux droits de laquelle vient désormais la société GL EVENTS EXHIBITIONS, en qualité de chargé d’affaires, de statut cadre position 2.2 coefficient 130 de la convention collective nationale des bureaux d’étude techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils.
Selon avenant en date du 22 avril 2010, il a été convenu qu’à compter du 1er mai 2010, le salarié occuperait le poste de responsable encadrement commercial, position 2.3, coefficient 150.
Un avenant signé le 23 novembre 2015 a défini de nouvelles dispositions en matière de rémunération du salarié avec effet au 1er janvier 2016 (augmentation de sa rémunération forfaitaire mensuelle brute et renonciation au versement de la moitié de sa prime qualité annuelle, l’autre moitié étant réintégrée dans sa prime commerciale annuelle).
Le salarié a été placé en arrêt de travail le 19 janvier 2016. Cet arrêt été renouvelé sans interruption, en dernier lieu jusqu’au 19 juillet 2018.
Par lettre recommandée du 29 novembre 2016, le salarié a signalé à l’employeur que ses conditions de travail au sein de la société présentaient un caractère anormal et délétère et qu’il existait un lien direct, certain et exclusif entre lesdites conditions de travail et la dégradation de son état de santé.
Par requête du 15 décembre 2016, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de LYON en lui demandant de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur et de condamner la société à lui verser diverses sommes à titre d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts, ainsi qu’à titre de rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents pour les années 2013, 2014 et 2015 et de dommages et intérêts pour non-information des droits au repos de remplacement et pour manquement à l’obligation de sécurité.
M. [W] a déposé auprès de la caisse primaire d’assurance maladie une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, le 10 mars 2017.
Le 27 juin 2018, la caisse primaire d’assurance maladie, après avis du Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), a notifié à l’assuré une décision de refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
A l’issue de deux visites médicales de reprise en date des 9 et 20 juillet 2018, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail et le médecin du travail a émis l’avis que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
La société a licencié M. [W] pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 13 août 2018.
Au dernier état de la procédure, le salarié a également demandé au conseil de prud’hommes de déclarer sa convention de forfait inopposable et, ajoutant à ses demandes initiales, il a sollicité la condamnation de la société à lui verser des dommages et intérêts pour travail dissimulé et pour manquement à l’obligation de prévention, ainsi que le solde de l’indemnité spéciale de licenciement et, à titre subsidiaire, de déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 27 juin 2019, le conseil de prud’hommes a débouté M. [W] de toutes ses demandes, débouté la société GL EVENTS EXHIBITIONS de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamné Monsieur [W] [Z] aux dépens de l’instance.
M. [W] a interjeté appel de ce jugement, le 22 juillet 2019.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 22 juin 2022, il demande à la cour :
– d’infirmer le jugement.
– de dire nulle et de nul effet et, en tout état de cause, inopposable sa convention de forfait ;
– de prononcer, à titre principal, la résiliation judiciaire de son contrat de travail torts de la société GL EVENTS EXHIBITIONS
– de dire, à titre subsidiaire, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse
– de fixer la moyenne de sa rémunération mensuelle à la somme de 5 715,79 euros
– de condamner en conséquence la société GL EVENTS à lui payer les sommes suivantes :
– rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 16 828,24 euros (année 2014) outre intérêts au taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction,
– congés payés afférents : 1 682,82 euros,
– rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 16 569,54 euros (année 2015) outre intérêts à taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction,
– congés payés afférents : 1 656,95 euros,
– rappel de salaire au titre des heures supplémentaires : 743,08 euros (année 2016) outre intérêts à taux légal à compter de la date de saisine de la juridiction,
– congés payés afférents : 74,30 euros,
– dommages et intérêts pour non-information des droits au repos de remplacement : 18 384,60 euros nets,
– congés payés afférents : 1 838,46 euros,
– dommages et intérêts pour travail dissimulé : 34 295 euros nets,
– dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et psychique lié au manquement à l’obligation de sécurité et aux faits de harcèlement : 50 000 euros nets,
– dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de prévention : 5 000 euros nets,
– dommages et intérêts pour licenciement abusif : 90 000 euros nets,
– solde d’indemnité spéciale de licenciement : 31 504 euros nets
– indemnité compensatrice de préavis : 17 147,37 euros
– congés payés afférents : 1 714,73 euros
– article 700 du code de procédure civile : 6 000 euros
– de condamner la société GL EVENTS EXHIBITIONS à lui remettre des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation PÔLE EMPLOI rectifiés en fonction des condamnations prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, la cour se réservant le pouvoir de liquider ladite astreinte ;
– de condamner la société GL EVENTS EXHIBITIONS aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 11 février 2020, la société GL EVENTS EXHIBITIONS demande à la cour :
à titre principal,
– de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
à titre subsidiaire,
– de débouter Monsieur [W] de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts
– de réduire à hauteur de trois mois de salaire le montant des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués à Monsieur [W] au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse
à titre plus subsidiaire,
– de réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts susceptibles d’être alloués à Monsieur [W]
en tout état de cause,
– de débouter Monsieur [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– de débouter Monsieur [W] de sa demande de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100,00 euros par jour de retard
– de condamner Monsieur [W] au paiement d’une somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner Monsieur [W] aux dépens d’instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 juin 2022.
Le conseiller de la mise en état, saisi d’une demande de révocation de l’ordonnance de clôture par conclusions de l’intimée notifiées le 5 juillet 2022, a rejeté cette demande, par ordonnance en date du 7 juillet 2022.
La cour statue donc sur les dernières conclusions de l’appelant notifiées le 22 juin 2022.
SUR CE :
Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires
Le salarié fait valoir :
– que la convention de forfait prévue au contrat de travail est nulle et inopposable dès lors qu’aucune des garanties prévues par la loi ou imposées par la jurisprudence conditionnant sa validité n’a été prévue dans son contrat ou dans la convention collective applicable et que la société a produit, en première instance, un document intitulé « planning individuel » édité le 22 janvier 2017 dont il n’a jamais constaté l’existence pendant toute la durée de sa collaboration et qui au demeurant ne répond pas aux exigences conventionnelles car il n’a pas été établi par lui et n’est pas contradictoire
– qu’il a occupé les fonctions de responsable encadrement commercial à compter de mai 2010 et s’est vu confier de nouvelles missions dès le mois de décembre 2013, au titre desquelles il s’est particulièrement investi comme le révèlent ses entretiens annuels d’appréciation de 2012 et 2014, qu’il avait accepté en décembre 2014 trois nouveaux objectifs et repris la commercialisation d’un nouveau salon au début de l’année 2015, accroissant ainsi sa charge de travail déjà très importante, que son investissement s’est notamment traduit par une moyenne hebdomadaire de travail comprise entre 42,30 heures et 45 heures, ainsi que l’ a relevé un agent assermenté de la caisse primaire d’assurance maladie dans le cadre de l’enquête administrative diligentée à la suite de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de sa pathologie, ses horaires étant par ailleurs confirmés dans les procès-verbaux d’audition de la directrice des ressources humaines et de sa supérieure hiérarchique directe
– que la société s’est volontairement soustraite à ses obligations concernant sa convention de forfait et s’est rendue coupable en toute connaissance de cause de l’infraction de travail dissimulé.
La société fait valoir :
– que tout manquement éventuel se référant à la période antérieure au 14 décembre 2014, date de l’acte introductif d’instance, est prescrit, que, s’agissant de la période postérieure au 1er avril 2014, les dispositions conventionnelles issues de l’accord de branche sont conformes aux exigences légales, que M. [W] a bénéficié, au titre de sa convention de forfait, d’un entretien relatif à sa charge de travail et d’un planning individuel permettant le suivi de son activité et que la convention de forfait annuel en jours est donc valable et opposable
– que le salarié ne verse aux débats aucun élément probant susceptible de justifier qu’il ait effectué des heures supplémentaires à la demande de sa hiérarchie ,que sa demande de rappel de salaire est forfaitaire, et que son décompte n’est ni précis ni détaillé.
****
Le salarié a signé l’avenant à son contrat travail en date du 22 avril 2010, lequel contient la clause suivante relative à la durée du travail :
Compte-tenu de la nature particulière des fonctions confiées au salarié, etc… les parties reconnaissent que l’exercice de ses attributions est incompatible avec une mesure horaire de son temps de travail.
Dans ce contexte, la fixation d’une durée de travail exprimée en jours est apparue particulièrement adaptée, conformément (…)plus particulièrement aux dispositions de l’article 3 de l’accord d’entreprise du 30 novembre 2007 relatif à l’organisation et à l’aménagement du temps de travail, tant qu’elles seront applicables au sein de la société.
Ainsi, en accord avec le salarié, la durée de travail de ce dernier est appréciée pour une année civile complète de travail sur la base de 218 journées travaillées assorties de jours de repos.
La convention de forfait en jours litigieuse n’a donc pas été souscrite en application de l’accord de branche du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, de sorte qu’elle n’encourt pas la nullité au motif que les dispositions de cet accord ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.
L’accord d’entreprise du 30 novembre 2007 n’est produit par aucune des deux parties et il n’est pas soutenu par elles qu’il aurait continué à s’appliquer à la relation de travail jusqu’à la cessation de celle-ci, puisque l’employeur se fonde désormais sur les dispositions de l’article 4 de l’avenant à l’accord conclu dans le cadre de la convention collective nationale des bureaux d’étude techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils et sociétés de conseils relatives au forfait annuel en jours, en date du 1er avril 2014, étendu par arrêté du 26 juin 2014 dont le salarié ne discute pas l’applicabilité aux trois dernières années du contrat de travail.
M. [W] soutient que, ‘outre que ce catalogue de mesures génériques est insuffisant à assurer l’effectivité du droit à la santé et au repos’, l’employeur ne justifie pas en l’espèce avoir pris les mesures de contrôle prévues par l’avenant , qui sont notamment : un système de décompte des journées travaillées au moyen d’un suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l’employeur, le suivi étant établi par le salarié sous le contrôle de l’employeur, un outil de suivi pour assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié, un suivi régulier de l’organisation du travail du salarié, de sa charge de travail et de l’amplitude de ses journées de travail, la tenue au minimum deux fois par an d’un entretien individuel spécifique portant sur la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et la rémunération du salarié.
Les seules pièces produites par l’employeur en ce qui concerne la mise en place d’un contrôle permettant de garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail sont en effet :
– un compte-rendu d’entretien annuel d’appréciation (tenu le 18 décembre 2014) contenant une page intitulée volet 2 : cadre en forfait jours et la réponse du salarié aux quatre questions suivantes :
niveau de charge de travail : assez satisfaisant
organisation du travail dans l’entreprise : satisfaisante
conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale : satisfaisante
niveau de rémunération : assez satisfaisant,
– trois feuilles annuelles de planning individuel pour les années 2013, 2014 et 2015 éditées le 23 janvier 2017 qui ne peuvent être analysées comme un outil de suivi de l’activité au sens de l’avenant du 1er avril 2014.
L’avenant du 1er avril 2014 à l’accord de branche n’ayant pas été correctement appliqué, la convention de forfait individuelle en jours conclue avec le salarié est inopposable à ce dernier, dont la demande en paiement d’heures supplémentaires est par voie de conséquence recevable.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte des dispositions de l’article précité et de celles des articles L. 3171-2, alinéa 1er, et L. 3171-3 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Le salarié apporte les éléments suivants :
– la liste de ses tâches et attributions
– les déclarations recueillies dans le cadre de l’enquête réalisée par la caisse primaire d’assurance-maladie selon lesquelles M. [W] arrivait souvent vers 9 heures le matin et repartait vers 18 heures 30 ou 19 heures avec une pause à midi à l’extérieur de l’entreprise
– l’attestation d’un ancien collègue, M. [Y], qui déclare qu’en 2014 et 2015, il a partagé le même espace de travail que M. [W], que son bureau était à moins de cinq mètres de celui de ce dernier qu’il voyait travailler énormément, arrivant avant lui le matin (9 heures), s’arrêtant moins d’une heure (alors que la pause normale est d’une heure et demie) et le soir partant toujours le dernier
– un tableau récapitulatif annuel pour 2014, 2015 et les deux première semaines de l’année 2016 faisant apparaître 10 heures supplémentaires par semaine, sauf une semaine en février 2014, une semaine en mars 2014, une semaine en avril 2014, une semaine en mai 2014, une semaine en juin 2014, le mois d’août 2014, une semaine en septembre 2014, une semaine en octobre 2014, deux semaines en décembre 2014, une semaine en février 2015, trois semaines en avril 2015, une semaine en mai 2015, une semaine en juin 2015, un mois en août 2015, une semaine en septembre 2015, une semaine en octobre 2015 et deux semaines en décembre 2015.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en apportant ses propres éléments, ce qu’il ne fait pas, observant simplement que M. [W] a indiqué à l’agent assermenté de la caisse primaire d’assurance maladie qu’il n’avait aucune surcharge de travail.
M. [W] a déclaré le 17 juillet 2017 dans le cadre de l’enquête de la caisse primaire d’assurance maladie qu’il travaillait généralement de 9 heures à 18 heures 30/19 heures avec une pause sandwich et qu’il était amené à effectuer des déplacements en France et à l’étranger pour 10 à 20 % de son temps de travail.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de fixer le nombre d’heures supplémentaires effectuées par M. [W] à :
– 225 heures en 2014
– 225 heures en 2015
– 10 heures en 2016
et les créances correspondantes aux sommes suivantes :
– 6 300 euros en 2014
– 6 375 euros en 2015
– 285,80 euros en 2016.
Il y a lieu d’infirmer le jugement qui a rejeté la demande et de condamner la société Evens Exhibitions à payer à M. [W] la somme totale de 12 960,80 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2014, 2015 et 2016, outre l’indemnité de congés payés afférents.
Le contingent annuel d’heures supplémentaires fixé à 130 heures ayant été dépassé en 2014 et 2015, il convient en outre de condamner la société à payer au salarié, sur la base du taux horaire de 28,22 euros en 2014 et de 28,35 euros en 2015 les sommes suivantes à titre de contrepartie en repos :
– 2 680,90 euros (95 x 28,22)
– 2 693,25 euros (95 x 28,35),
soit la somme totale de 5 374,15 euros, outre l’indemnité de congés payés afférents.
En effet, en dépit de l’intitulé erroné de la demande (‘dommages et intérêts pour non information sur le droit au repos’), M. [W] sollicite bien, ainsi qu’il ressort du calcul détaillé présenté dans ses conclusions, une somme à titre de contrepartie en repos , telle que prévue par l’article L 3121-11 alinéa 2 du code du travail, laquelle ouvre droit à paiement d’une indemnité de congés payés afférents.
Le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi salarié résultant de l’absence de mention sur le bulletin de salaire de toutes les heures accomplies au-delà de la durée légale par M. [W] n’est pas démontré, l’employeur ayant pu, de bonne foi, considérer que la convention de forfait était correctement exécutée.
La demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé doit être rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité
Le salarié fait valoir :
– qu’à compter du premier trimestre 2015, il a subi une dégradation sensible de ses conditions de travail, liée notamment à la fusion de différents salons existants dont il avait la charge, au management qui a accompagné la mise en place de ce nouveau concept et à la reprise de la commercialisation d’un nouveau salon, que la situation a généré beaucoup de stress au sein des équipes commerciales dont il avait la responsabilité, d’autant plus que le management auquel il était soumis était particulièrement dur et fait d’exigences contradictoires, de pression constante et de déstabilisation permanente, que cette situation a eu des conséquences importantes sur son état de santé et que le médecin du travail et plusieurs thérapeutes ont constaté son épuisement professionnel
– que le refus de prise en charge de sa pathologie par la caisse primaire d’assurance-maladie au titre de la législation professionnelle n’interdit pas à la juridiction prud’homale de se prononcer sur le lien entre ses conditions de travail et la dégradation de son état de santé.
L’employeur fait valoir que le salarié ne justifie pas de ses allégations et ne verse aucune pièce justifiant d’un management par le stress de Mme [M].
****
Le salarié invoque dans ses conclusions tout à la fois un manquement à l’obligation de sécurité commis par l’employeur du fait du management et un harcèlement moral durant l’année 2015.
Il soutient qu’il a subi des pressions et du stress et a été victime d’un management dur, déstabilisant et fait d’exigences contradictoires.
L’enquête réalisée par la caisse primaire d’assurance maladie n’a pas révélé l’existence d’une surcharge de travail et il résulte de ce qui précède que les heures de travail accomplies par M. [W] sont restées largement en deçà de la durée maximale de travail journalière et hebdomadaire.
Le médecin du travail qui a examiné M. [W] dans le cadre d’une visite périodique le 13 janvier 2016 a mentionné que le salarié était à revoir dans vingt jours, après avoir noté dans le compte-rendu de l’examen : ‘nouveau responsable depuis décembre 2013 avec un management oppressant : mails incessants avec périodes plus calmes mais stress plus ou moins incessant, état anxio-dépressif et paraît ralenti, sommeil perturbé, envie de pleurer, perte d’appétit, boule au ventre en allant au travail’.
Toutefois, il n’a pas constaté d’épuisement professionnel et a conclu à l’aptitude du salarié.
Les compte-rendus d’entretiens d’évaluation produits par le salarié sont antérieurs aux agissements allégués, puisqu’il s’agit de ceux des années 2012 et 2014.
Ils ne révèlent pas en tout état de cause de difficulté particulière au vu des commentaires suivants de M. [W] en 2012 : ‘grosse implication personnelle pour motiver l’équipe, mais toujours un manque de temps pour piloter l’équipe’ et en 2014 : ‘OK pour nouveaux objectifs’ avec la précision au chapître des aspirations du collaborateur : ‘continuer dans la fonction et être contributeur au développement commercial de nos salons’.
Il ressort de la synthèse de l’enquête de la caisse primaire d’assurance maladie en date du 2 août 2017 que le contexte économique n’étant pas bon et les résultats insuffisants, Mme [M] a mis en place de nouvelles méthodes de travail et surtout de nouveaux outils de suivi.
L’enquêteur écrit que Mme [J], ancienne chef de projet a parlé ‘d’une descente aux enfers’ à l’arrivée de Mme [M] la décrivant comme infantilisante remettant en cause toute autonomie et délégation ainsi que les compétences acquises.
Or, cette dernière affirmation à caractère général n’est pas corroborée par des éléments de preuve.
Le courriel de reproches adressé à M. [W] ainsi qu’à une autre salariée, Mme [N], le 10 avril 2015, aux termes duquel Mme [M], leur supérieure hiérarchique, leur demande de réagir et de se remobiliser sur les sujets et le témoignage de M. [Y], ancien collègue, qui atteste du ‘style brutal du management de Mme [M]’ sans autre précision, sont insuffisants à démontrer l’existence de pressions et d’un management particulièrement dur et fait d’injonctions contradictoires de la supérieure hiérarchique à l’égard du salarié tels qu’ils sont allégués.
Mme [M] explique dans son audition réalisée dans le cadre de l’enquête diligentée par la caisse primaire d’assurance maladie que M. [W] a eu des difficultés à s’adapter aux nouvelles méthodes de travail et qu’elle a dû l’accompagner en matière de ‘process’ et de suivi d’activité, mais qu’il ne l’a jamais alertée sur les problèmes qu’il pouvait rencontrer lors des entretiens annuels et des entretiens informels faits en milieu d’année, que, bien qu’elle lui ait dit que sa porte était toujours ouverte après qu’il lui eut fait part de son stress quand elle lui a fait la remarque qu’il prenait trop de pauses cigarette, il n’est jamais venu la voir pour en parler.
Elle ajoute : ‘j’ai été très surprise de la démarche de [Z] que je n’ai pas vu en stress ou en souffrance et qui d’ailleurs continuait à m’adresser des mails durant son arrêt de travail. Je regrette qu’il ne soit pas venu me voir pour parler plutôt que d’en arriver là’.
Ces propos sont confirmés par l’audition de Mme [E], directrice des ressources humaines, laquelle a indiqué que Mme [M] n’était pas une personne qui mettait la pression à ses collaborateurs et que la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de M. [W] les surprenait beaucoup, de nombreux mois après son arrêt de travail, compte-tenu du contexte de travail et de la proximité de son bureau avec celui de sa responsable et celui de la directrice des ressources humaines.
Et lors de son audition par l’agent assermenté de la caisse primaire d’assurance maladie, M. [W] a simplement indiqué : ‘tout se passait bien jusqu’à l’arrivée de Mme [M] fin 2013 qui a remplacé M. [L]’ sans faire état ni de pressions, ni d’un ‘durcissement du management’.
L’enquêteur précise que M. [W] est resté en contact avec Mme [M] pendant plusieurs mois, afin de ne pas se couper du monde professionnel qu’il aime, ce qui apparaît quelque peu contradictoire avec les griefs repris par le salarié à l’encontre de sa supérieure hiérarchique.
Enfin, les attestations produites émanant de personnes qui n’ont pas travaillé avec M. [W] lors de la période litigieuse ne permettent pas de démontrer l’existence des agissements allégués, en ce qu’elles retracent des propos tenus par lui au sujet de son stress et de la pression qu’il déclare subir.
C’est le cas par exemple de l’attestation de M. [L], ancien supérieur hiérarchique de M. [W], selon laquelle lors d’un déjeuner le 12 mai 2015, M. [W] lui a fait part de l’état d’épuisement physique et moral dans lequel il avait fini la réalisation des salons de mars 2015 et la pression qu’il avait dû subir notamment du fait d’objectifs commerciaux très élevés imposés par sa hiérarchie et ne prenant pas en compte les difficultés économiques des marchés concernés.
Le seul fait matériellement établi est l’altération de l’état de santé de M. [W], constatée postérieurement à son arrêt de travail du 19 janvier 2016, par M. [V], psychologue du travail, qui certifie, le 30 juin 2016, avoir échangé régulièrement avec M. [W] depuis février 2016 et avoir constaté que ce dernier était profondément affecté par des problématiques issues de son environnement professionnel et manifestait des signes clairs et sans équivoque de troubles psycho-sociaux s’orientant nettement sur un syndrome d’épuisement professionnel, par Mme [X], psychologue, qui certifie le 20 juillet 2016 qu’elle a suivi en thérapie M. [W] depuis février 2016 pendant dix séances pour traiter un épuisement professionnel, le patient présentant tous les symptômes d’un ‘burn out’ et évoquant durant tous les entretiens le lien difficile à son supérieur hiérarchique et la pression qu’il a dû subir et par le docteur [U], psychiatre, le 22 juin 2017 lequel atteste suivre régulièrement M. [W] depuis le 21 septembre 2016 à la demande de son médecin traitant et déclare que ce patient présente une décompensation anxio-dépressive dans un contexte d’épuisement professionnel qui a nécessité un arrêt de travail et un traitement médicamenteux depuis le début de l’année 2016.
Dès lors, M. [W] ne prouve pas l’existence d’agissements qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement, ainsi qu’il est prescrit à l’article L1154-1 ancien du code du travail.
La surcharge de travail et le management fautif reproché à l’employeur n’étant pas établis, l’employeur n’a pas manqué à son obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié.
La demande de dommages et intérêts fondée sur le harcèlement moral et le manquement à l’obligation de sécurité doit être rejetée.
Sur la demande en dommages et intérêts fondée sur le manquement à l’obligation de prévention
Le salarié fait valoir que la société a également manqué à son obligation de prévention, dès lors que, malgré les nombreuses alertes dont il a saisi la direction directement ou par l’intermédiaire du CHSCT, celle-ci n’a mis en ‘uvre aucune mesure pour prévenir la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.
M. [W] a écrit une fois à Mme [M] le 25 septembre 2015 : ‘en ces temps de fort challenge, je suis effectivement stressé’, ce qui ne peut être analysé comme une alerte.
Il a signalé à l’employeur que ses conditions de travail étaient difficiles pour la première fois le 29 novembre 2016, dix mois après avoir quitté l’entreprise.
Il résulte d’un procès-verbal de réunion du comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 22 avril 2015 que l’inspecteur du travail a visité l’entreprise et que le comité a attiré l’attention de la direction sur l’augmentation des arrêts de travail pendant le premier semestre 2015 et estimé que ce phénomène était aussi lié à une augmentation du stress et une sorte de mal-être des collaborateurs sur leur lieu de travail et que la direction a répondu que l’activité des salons était de plus en plus compliquée et s’était intensifiée pour un résultat moindre, que le niveau d’exigence s’élevait, ce qui pouvait se transformer en stress chez certains.
La direction a précisé que des réunions CHSCT étaient tenues tous les trimestres afin d’échanger sur ces sujets mais qu’aucune alerte n’était remontée pour l’année 2014 et qu’elle planifiait à l’avance les périodes de forte et faible activité afin de pouvoir gérer au mieux les surcharges de travail liées au monde de l’événementiel et plus particulièrement des salons.
Dans ces conditions, en l’absence de dégradation prouvée des conditions de travail de M. [W] pendant le temps où il se trouvait dans l’entreprise et au vu du compte-rendu du CHSCT, la société n’a pas manqué à son obligation de prévention vis à vis du salarié.
Sur la rupture du contrat de travail
Le salarié fait valoir à titre principal qu’il a été suffisamment démontré que la société avait gravement manqué à ses obligations contractuelles, conventionnelles et légales, l’ensemble desdits manquements justifiant que la cour prononce la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur, subsidiairement, que le motif originel de son inaptitude à son poste résulte des manquements de la société à ses obligations, de sorte que l’inaptitude a une origine professionnelle et qu’il a droit au bénéfice de l’indemnité spéciale de licenciement.
La société s’oppose à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et à la demande subsidiaire tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif que l’inaptitude du salarié résulterait des manquements de l’employeur qui l’ont provoquée, faisant valoir que le salarié n’a jamais fait état du grief touchant à la législation du temps de travail avant l’introduction de sa requête devant le conseil de prud’hommes et qu’il a invoqué pour la première fois une situation de harcèlement moral par lettre recommandée du 29 novembre 2016, alors qu’il était absent pour maladie depuis le 19 janvier 2016 sans avoir jamais signalé précédemment de difficultés affectant la relation de travail, de sorte qu’elle n’a jamais été en position de remédier à la situation décrite par M. [W] dans sa lettre, que l’inaptitude du salarié n’a pas d’origine professionnelle et qu’elle n’a commis aucun manquement à l’obligation de sécurité.
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Le salarié ne démontre pas l’existence de manquements commis l’employeur susceptibles de rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail doit être rejetée.
La demande subsidiaire tendant à voir dire que l’inaptitude définitive du salarié, constatée le 20 juillet 2018, soit plus de deux ans après le premier arrêt de travail sans que le salarié ait jamais repris son poste, résulte d’un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, et la demande en paiement d’une indemnité spéciale de licenciement seront également rejetées.
L’employeur devra remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des heures supplémentaires et de l’indemnité de contrepartie en repos au paiement desquelles il est condamné par le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte.
Le recours de M. [W] étant partiellement accueilli, la société GL EVENTS EXHIBITIONS doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros à titre d’indemnité de procédure de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes en paiement d’heures supplémentaires et d’indemnisation de la contrepartie en repos et sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l’indemnité de procédure
STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés,
CONDAMNE la société GL EVENTS EXHIBITIONS à payer à M. [Z] [W] les sommes suivantes :
– 12 960,80 euros, à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2014, 2015 et 2016 et 1 296,08 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents
– 5 374,15 euros à titre d’indemnité de contrepartie en repos pour les années 2014 et 2015 et 537,41 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents
Y AJOUTANT,
ORDONNE à l’employeur de remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des heures supplémentaires et de l’indemnité de contrepartie en repos
CONDAMNE la société GL EVENTS EXHIBITIONS aux dépens de première instance et d’appel
CONDAMNE la société GL EVENTS EXHIBITIONS à payer à M. [Z] [W] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE