N° RG 21/00047 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IUVU
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES D’EVREUX du 08 Décembre 2020
APPELANTE :
ASSOCIATION [6]
[Adresse 3]
[Localité 4]
en présence de Mme [P] [F], Responsable RH
représentée par Me Marc ABSIRE de la SELARL DAMC, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Alexia BOURSIER, avocat au barreau de PARIS,
INTIMEE :
Madame [L] [U]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me David ALVES DA COSTA de la SELARL DAVID ALVES DA COSTA AVOCAT, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Sophie PERIER, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 11 Janvier 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
Madame BERGERE, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
M. GUYOT, Greffier
DEBATS :
A l’audience publique du 11 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Février 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 23 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme [L] [U] a été engagée par l’association [6] par contrat à durée indéterminée à compter du 4 février 2013, en qualité de chef de service des urgences sociales de l’Eure. Elle a été promue directrice adjointe le 11 janvier 2017, puis, par avenant temporaire du 1er juin 2018, elle a été affectée aux fonctions de directrice d’établissements Eure en remplacement de M. [A], absent, lequel a été complété par un nouvel avenant le 7 août 2018, prévoyant son maintien à ce poste jusqu’au retour effectif de M. [A].
La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des centres d’hébergement et de réadaptation sociale.
Mise à pied à titre conservatoire le 24 avril 2019, Mme [U] a été licenciée pour faute grave par courrier du 16 mai 2019 rédigé dans les termes suivants :
‘(…) Vous avez été embauchée par l’association [6] suivant contrat à durée indéterminée en date du 4 février 2013 et occupez le poste de directrice Eure.
A ce titre, vous êtes en charge du pilotage des activités du département et devez notamment assurer la coordination et le management des équipes rattachées à votre secteur.
A ce sujet, j’ai à vous reprocher d’avoir à maintes reprises fait preuve de comportements managériaux inadaptés provoquant de la souffrance au travail.
En effet, le 8 mars 2019, nous avons reçu un courriel de la part d’un salarié nous alertant d’une dégradation importante des conditions de travail impactant de manière préoccupante l’état de santé de plusieurs salariés dont vous avez la charge hiérarchique en votre qualité de directrice Eure décrite ci-avant.
Conformément à nos obligations légales, nous avons alors saisi le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’association afin de porter à sa connaissance l’existence de dysfonctionnements organisationnels et de comportements managériaux inadaptés.
Aussi et comme je vous en ai personnellement informée lors d’une réunion du 29 mars 2019, le CHSCT a pris la décision de diligenter une enquête afin de clarifier les allégations portées à votre encontre. A l’issue de cette enquête, le CHSCT a établi un rapport qui m’a été présenté lors d’une réunion du 9 avril 2019. Or, ce rapport laisse effectivement apparaître que vous avez à plusieurs reprises fait preuve de propos et d’agissements inacceptables envers d’autres salariés de l’association, impactant de manière préoccupante leur état de santé. En effet, plusieurs salariés ont évoqué un état d’épuisement professionnel physique et psychologique ainsi qu’un état de stress permanent.
A titre d’exemple, les salariés ont exprimé le sentiment de n’être que des exécutants et de n’être pas soutenus dans la réalisation de leurs missions. Un salarié a par exemple déclaré ‘lorsque Mme [U] est présente, il y a des tensions, nous sommes en sur-vigilance pour éviter les reproches, […], l’échange n’est pas évident, rigidité sur ses positions’.
Les salariés ont ainsi relevé un nombre important de situations relevant selon eux d’un ‘abus de pouvoir’ et se caractérisant une nouvelle fois par des propos et des agissements inadaptés de votre part. Il a ainsi été constaté que vous vous permettez fréquemment de solliciter les salariés durant leurs congés payés, un salarié a ainsi relevé la sensation de ‘vivre jours et nuits’ avec vous.
Egalement, les salariés ont noté qu’il existe un climat de travail anxiogène au sein duquel ils sont poussés à la faute. Ils ont ainsi fait remonter que vos comportements décrits ci-avant s’illustrent dans des gestuels et postures étant source de souffrance au travail. A ainsi été relevé que votre communication non-verbale peut inspirer de la crainte et de la censure. Il m’a par exemple été signifié que lors de réunions d’équipe, auxquelles vous participez, plusieurs salariés sont complètement paralysés par le stress et n’osent prendre la parole de peur d’être vivement réprimandés.
A titre d’exemple, un salarié a dit avoir été témoin d’un excès de colère de votre part envers une collègue qui ne faisait que poser une question, il a ainsi déclaré avoir ‘eu le sentiment que cette collègue a été rabaissée durant ce moment’.
Toujours à titre d’exemple, alors qu’une salariée marquait son désaccord avec l’une de vos propositions et vous faisait part de son mal-être, vous vous êtes permise de lui conseiller d’aller voir un psychologue. Je considère que de tels propos sont inacceptables, sur le lieu et au temps du travail, d’autant plus lorsqu’ils sont proférés par un cadre hiérarchique à l’un de ses subordonnés.
De surcroît, plusieurs salariés ont évoqué une souffrance ‘éthique’ liée à votre positionnement quant aux décisions prises dans l’accompagnement des usagers. Ils ont ainsi avancé une perte de sens de leur mission. A titre d’exemple, les salariés ont évoqué une réunion au cours de laquelle vous avez remis en question le maintien d’un jeune résident dans la structure au motif que ce dernier ne travaillait pas, vous avez ainsi déclaré ‘il faut lui mettre des coups de pied au cul’.
En sus des faits explicités ci-avant, les entretiens menés par les membres du CHSCT ont fait apparaître que vos agissements s’appliquaient de manière exacerbée envers certains salariés pris individuellement. Ainsi, les représentants du personnel ont été en mesure de dégager un ‘mode opératoire’ identique se recoupant à plusieurs reprises à l’endroit de salariés directement impactés par votre posture managériale et faisant l’objet d’acharnement de votre part.
En effet, le CHSCT a observé que des maladresses ou erreurs de salariés dans la réalisation de leurs missions peuvent engendrer une multiplication de réactions disproportionnées de votre part telles que :
– un nombre accru de sollicitations par courriel et par téléphone, y compris durant les congés;
– des actes de déstabilisation par le biais de convocations individuelles orales avec menace de sanction ;
– une remise en question systématique du travail et de la posture professionnelle ;
– une dévalorisation du travail effectué et des compétences professionnelles.
En définitive, il apparaît que les différents agissements relevés ci-dessus ont un impact sur la santé des salariés dans la mesure où plusieurs d’entre eux font état d’épuisement professionnel, physique et psychologique, de stress, d’insomnie, de remise en question des suites professionnelles chez [6].
Le CHSCT m’a fait remonter que lors des entretiens plusieurs salariés étaient en pleurs, manifestaient une vraie souffrance au travail, ce que je ne peux tolérer.
Ainsi, et à l’aune des éléments explicités lors des entretiens individuels menés par les membres du CHSCT, ces derniers ont requalifié la situation pour laquelle nous les avions initialement saisie en tant que harcèlement moral caractérisé.
Ces faits sont constitutifs de graves manquements dans l’exécution de vos fonctions, et caractérisent une faute grave, rendant impossible votre maintien dans l’association. (…)’.
Par requête du 25 juillet 2019, Mme [U] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evreux en contestation du licenciement, ainsi qu’en paiement d’indemnités et rappel de salaire.
Par jugement du 8 décembre 2020, le conseil de prud’hommes, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :
– dit que le licenciement de Mme [U] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et condamné l’association [6] à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
indemnité de licenciement : 23 737,33 euros nets
indemnité compensatrice de préavis : 22 224 euros bruts
congés payés sur préavis : 222 euros bruts
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 17 847,18 euros nets
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros
– débouté Mme [U] du surplus de ses demandes et l’association [6] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dommages et intérêts porteraient intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et, pour les autres condamnations, à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– condamné l’association [6] à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [U], du jour de la rupture du contrat de travail au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités,
– condamné l’association [6] aux dépens et dit qu’à défaut d’exécution spontanée du jugement, et en cas d’exécution forcée par voie extrajudiciaire, l’intégralité des sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article10 du décret du 8 mars 2011 portant modification du décret du 12 décembre 1996, devraient être supportées par l’association [6] en plus des condamnations mises à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’association [6] a interjeté appel de cette décision le 5 janvier 2021.
Par conclusions remises le 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, l’association [6] demande à la cour de :
– ordonner l’audition devant la cour de M. [O] [J] en qualité de témoin, eu égard à son mandat d’élu du CHSCT ayant participé aux auditions des salariés entendus dans le cadre de l’enquête,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et l’a condamnée à verser à Mme [U] une indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– en conséquence, débouter Mme [U] de toutes ses demandes et lui ordonner de restituer toutes les sommes qui lui ont été versées dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement, soit la somme nette de 57 295,43 euros,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Mme [U] à hauteur maximale de six mois d’indemnités,
– condamner Mme [U] au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises le 29 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [U] demande à la cour de :
– juger irrecevables les pièces adverses 73 à 87 et la pièce 101 et les écarter des débats,
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes et a condamné l’association [6] à lui payer les sommes suivantes :
indemnité de licenciement : 23 737,33 euros nets
congés payés sur préavis : 222 euros bruts
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 17 847,18 euros nets
indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 euros
statuant à nouveau,
– prononcer l’irrecevabilité de la demande d’audition de témoin formulée par l’association [6], ou à tout le moins, dire que la cour n’en est pas saisie,
– condamner l’association [6] à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 44 496 euros nets
dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de son licenciement : 5 000 euros nets
indemnité conventionnelle de licenciement : 25 299 euros nets
indemnité compensatrice de préavis : 22 224 euros
congés payés afférents : 2 224 euros bruts
frais irrépétibles exposés en première instance : 3 000 euros
– à titre subsidiaire, requalifier le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse et condamner l’association [6] à lui verser les sommes suivantes :
dommages et intérêts en réparation du préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de son licenciement : 5 000 euros nets
indemnité conventionnelle de licenciement : 25 299 euros nets
indemnité compensatrice de préavis : 22 224 euros
congés payés afférents : 2 224 euros bruts
frais irrépétibles exposés en première instance : 3 000 euros
– en tout état de cause, débouter l’association [6] de ses demandes, ordonner la capitalisation des intérêts, condamner l’association [6] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 15 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de relever qu’à défaut pour Mme [U] de solliciter la remise de documents sous astreinte dans le dispositif de ses conclusions, la cour, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, n’est pas saisie de cette demande.
1. Sur la question de l’irrecevabilité de la demande d’audition de M. [J]
Mme [U] soutient que la cour n’est pas saisie de cette demande dès lors qu’elle avait été présentée oralement au conseil de prud’hommes en première instance et qu’il a rejeté l’ensemble des demandes de l’association [6], sans qu’elle n’interjette appel sur ce point. Par ailleurs, elle relève qu’elle est irrecevable à défaut d’avoir été présentée au terme du dispositif des premières conclusions déposées par l’association [6]. Enfin, sur le fond, elle estime que cette demande d’audition n’a pour seul objet que de pallier les carences de l’association [6] dans la charge de la preuve.
Selon les dispositions de l’article 910-4 du code de procédure civile, dont les dispositions s’appliquent aux appels formés à compter du 1er septembre 2017, à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
En l’espèce, et alors que la cour n’est saisie, conformément à l’article 954 du code de procédure civile, que des prétentions reprises au dispositif, comme justement soulevé par Mme [U], cette demande n’avait pas été formulée dans les conclusions déposées le 15 septembre 2021.
Il convient en conséquence de déclarer irrecevable la demande d’audition de M. [J], étant surabondamment relevé que celle-ci n’apparaissait pas utile aux débats dès lors qu’il n’a, en tout état de cause, pas assisté aux faits reprochés à Mme [U] et qu’il ne pourrait qu’apporter son ressenti sur le déroulé des auditions, ce dont il a attesté, sachant qu’il lui appartenait de développer davantage ses constats s’il le souhaitait.
2. Sur la question de l’irrecevabilité des pièces 73 à 87 et 101
A titre liminaire, il convient d’indiquer que ces pièces correspondent aux auditions menées par les membres du CHSCT sous forme de questionnaires, lesquelles avaient été produites aux débats antérieurement de manière anonymisées. Ainsi, ces pièces correspondent à ces mêmes questionnaires mais avec la mention du nom du salarié entendu.
Mme [U] fait valoir que l’association [6] lui a opposé l’anonymisation de plus de 80 % des questionnaires tout au long de la procédure de première instance en expliquant ne pouvoir y mentionner le nom des salariés à défaut d’accord de leur part, pour finalement les communiquer en cause d’appel, au soutien du troisième jeu de conclusions, soit en février 2022, sachant que contrairement à ce qu’elle soutenait, dès la demande présentée aux salariés concernés, ceux-ci ont immédiatement répondu et n’ont montré aucune crainte ou réticence, étant au surplus observé que l’argument de l’association [6] était fallacieux puisque certains questionnaires avaient été transmis avec le nom des salariés et ce, sans qu’il ne soit justifié d’un quelconque accord. Aussi, mettant en avant le respect du principe du contradictoire mais aussi le principe de loyauté, Mme [U] demande à ce que ces nouvelles pièces soient écartées des débats.
S’il est certain que l’association [6] aurait pu solliciter l’accord des salariés ainsi auditionnés par le CHSCT dès l’engagement de la procédure, d’autant que le licenciement repose essentiellement sur ces questionnaires et qu’ils sont donc essentiels à la solution du litige, celui-ci a cependant été recueilli en cause d’appel, ce qui a permis à Mme [U] de se défendre utilement dès lors que, versés aux débats en février 2022, l’ordonnance de clôture n’est intervenue qu’en décembre 2022.
Il ne peut dans ces conditions être retenu aucune violation du principe du contradictoire, ni aucune violation du principe de loyauté, d’autant qu’il ressort d’une attestation de M. [J], membre du CHSCT, qu’il a pu, lors de l’enquête menée ayant donné lieu à ces auditions, percevoir la souffrance de certains salariés, en pleurs, ce qui justifiait une certaine réticence de l’association à demander cet accord et qu’il ne s’agissait pas de produire des courriers anonymes, mais bien des questionnaires anonymisés, émanant de salariés dont il était décrit les liens avec Mme [U] et authentifiés par la signature des membres du CHSCT.
Il convient en conséquence de rejeter la demande de Mme [U] tendant à voir écarter les pièces numérotées 73 à 87 et 101.
3. Sur la violation de la garantie d’emploi
Invoquant l’article 9.2 de la convention collective des centres d’hébergement et de réadaptation sociale, Mme [U] soutient qu’elle ne pouvait être licenciée le 16 mai 2019 alors qu’elle n’était en arrêt de travail que depuis le 5 avril 2019 et que l’absence d’une durée inférieure à six mois justifiée par l’incapacité résultant de la maladie dûment constatée ne peut pas donner lieu à la rupture du contrat de travail, ce que conteste l’association [6] qui considère que ces dispositions ne trouvent application qu’en cas de licenciement à raison de la maladie et de la désorganisation de l’entreprise qui s’ensuit.
Selon l’article 9.2 de la convention collective des centres d’hébergement et de réadaptation sociale, (…) l’absence d’une durée inférieure à six mois justifiée par l’incapacité résultant de la maladie dûment constatée ne donne pas lieu à rupture du contrat de travail. En cas de remplacement de l’intéressé, le nouvel embauché est obligatoirement informé du caractère provisoire de l’emploi. En cas de prolongation de cette absence au-delà de la durée de six mois, l’employeur peut prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail et aviser l’intéressé de l’obligation où il se trouve de le remplacer. L’ensemble des ces dispositions ne saurait faire obstacle à l’application des dispositions légales concernant le licenciement quand les exigences du service imposent le remplacement du malade. (…)
Il résulte très clairement de la lecture de cet article relatif aux arrêts de travail et à leur indemnisation au titre du maintien du salaire que si la rupture à raison de l’absence liée à la maladie ne peut intervenir avant six mois, il n’interdit en aucune manière la rupture à raison d’une faute disciplinaire, quand bien même le salarié serait alors en arrêt-maladie, celui-ci n’étant pas la cause de la rupture.
Il convient en conséquence de dire que le licenciement ne saurait être sans cause réelle et sérieuse sur la base de l’article 9.2 de la convention collective nationale des centres d’hébergement et de réadaptation sociale.
4. Sur le bien-fondé du licenciement
Après avoir rappelé qu’il appartient à la cour de rechercher si elle-même n’était pas victime de faits portant atteinte à sa santé et sa sécurité, ce qui priverait le licenciement de cause réelle et sérieuse, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’elle souffrait d’un épuisement professionnel lié à un cumul de fonctions conduisant à une forte augmentation de son rythme de travail ne lui permettant pas d’absorber l’ensemble de la charge, ce que son employeur lui reprochait en invoquant une mauvaise gestion de sa part, Mme [U] indique contester les faits qui lui sont reprochés, étant au surplus relevé qu’elle a été informée de cette plainte la veille de son départ en congés, avec une défiance survenue de manière brutale.
A cet égard, elle note que le mail de Mme [E], psychologue de l’association à l’origine de la saisine du CHSCT, met en avant des dysfonctionnements de l’association, notamment un turn-over important au niveau des directeurs, qui a effectivement été source de souffrance pour les salariés mais dont elle n’est aucunement responsable et n’est, pour le surplus, que le reflet d’une opinion personnelle quant à une vision différente des missions, sachant qu’un certain nombre de faits qui lui sont reprochés ne résultaient que de positionnements institutionnels qu’elle ne faisait qu’appliquer.
Par ailleurs, elle considère que l’enquête du CHSCT a été menée à charge, comme en témoignent le fait qu’elle n’a pas été entendue, pas plus qu’un certain nombre de salariés ayant pourtant travaillé directement avec elle, que le binôme, dont le nom n’était pas mentionné, était systématiquement composé d’un membre de la direction et qu’ont été retenus majoritairement les extraits des auditions, anonymisées, qui lui étaient défavorables, lesquelles sont au surplus particulièrement imprécises comme a pu le relever le médecin du travail qui a fait part de son étonnement quant à la mise en cause de Mme [U] sur la base de remarques générales.
En réponse, l’association [6] explique avoir été alertée de la situation par Mme [E], ce qui l’a conduite, comme la loi lui en fait l’obligation, à saisir le CHSCT, ce dont elle a avisé Mme [U], de même qu’elle l’a informée de la décision prise par ce dernier de mener une enquête, sachant que ce n’est qu’à compter de cette date que Mme [U] a fait part d’une dégradation de ses conditions de travail et d’un arrêt de travail, et ce, alors qu’avait été mise en oeuvre une organisation ayant vocation à l’épauler durant l’absence de Mme [K].
S’agissant plus particulièrement de l’enquête, outre qu’elle rappelle qu’il a été proposé à Mme [U] d’être entendue par le CHSCT, elle fait valoir qu’il est apparu un comportement managérial inadapté, mêlant autoritarisme, abus de pouvoir, acharnement, gestuels et postures inspirant la crainte, lequel sentiment a d’ailleurs justifié l’anonymisation des questionnaires dans un premier temps, étant relevé qu’il ne peut être tiré argument du positionnement du médecin du travail ou de l’inspectrice du travail qui n’ont pas assisté aux réunions du CHSCT malgré les invitations, ni de ce que certains salariés ont apprécié les qualités professionnelles de Mme [U] puisqu’il est effectivement mis en avant qu’elle traitait de manière différenciée les personnes qui se trouvaient sous son lien de subordination, se comportant d’ailleurs différemment en présence des cadres.
Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve, sachant que les dispositions de l’article L. 1154-1 du code du travail ne sont pas applicables lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d’un salarié auquel sont reprochés des agissements de harcèlement moral.
A titre liminaire, il convient de relever que s’il est certain qu’en assurant le remplacement de la directrice adjointe en janvier 2019, la charge de travail de Mme [U] s’en est nécessairement trouvée affectée, ce qui a pu avoir un impact sur sa qualité d’écoute et de management dont il doit être tenu compte dans les faits qui lui sont reprochés, il ne peut cependant être retenu que cette charge, qu’elle avait acceptée et qui avait malgré tout été répartie sur plusieurs collègues auxquels avaient été confiés des délégations, était de nature à conduire à son épuisement professionnel, sachant que Mme [D], qui a assuré l’intérim entre la rupture du contrat de travail de Mme [U] et l’arrivée de la nouvelle cheffe de service, a pu attester qu’en s’organisant, elle ne l’avait pas vécue comme une surcharge de travail insurmontable, ni même comme un surmenage physique ou psychologique.
En outre, il ne peut qu’être noté que le seul courrier de Mme [U] faisant état d’une dégradation de ses conditions de travail date du 22 mars 2019, soit précisément après avoir eu connaissance le 15 mars d’une plainte à son égard.
Aussi, et alors que les seuls éléments qu’elle transmet correspondent à un arrêt de travail à compter de cette date et des attestations de proches faisant état de cette lourde charge de travail, laquelle comprenait des astreintes, il ne peut être retenu que Mme [U] présenterait des éléments de nature à laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral à son égard, ou à tout le moins d’une dégradation de ses conditions de travail telles qu’il ne pourrait lui être reproché les faits énoncés dans la lettre de licenciement qu’il convient désormais d’examiner, étant au surplus relevé qu’un certain nombre de salariés entendus étaient sous sa responsabilité avant même qu’elle prenne cette charge supplémentaire.
Ainsi, à l’appui du licenciement, l’association [6] verse aux débats le mail envoyé le 8 mars 2019 à la présidente de l’association, Mme [I], par Mme [E], psychologue, aux termes duquel cette dernière explique, qu’après mûre réflexion, elle souhaite faire part de ses inquiétudes quant aux conséquences du fonctionnement managérial de Mme [U], caractérisé par trop de pressions, critique systématique, disqualification du travail de l’équipe, directivité à outrance, contrôle systématique, non maîtrise des émotions, crises d’autoritarisme, postures et discours infantilisant, ce qui engendre chez les professionnels un malaise permanent, du stress mental et somatique, le sentiment d’être incompétent, une démotivation et une insécurité, précisant qu’un bon indicateur de ce dysfonctionnement est le turn-over des directions adjointes au CHRS, sachant qu’elle dénonce ces faits depuis des années.
Elle indique également s’inquiéter plus encore quant à la conception de l’accompagnement des personnes accueillies par Mme [U], le projet personnalisé n’étant plus qu’un QCM, les jugements de valeur et les discours de rendement prenant le pas sur la pensée clinique et les échanges pluri-disciplinaires, sans évoquer des prises de position contraires à la bientraitance institutionnelle vantée par elle lors d’une rencontre avec la présidente en décembre 2018.
A cet égard, s’agissant des valeurs portées par Mme [U], il convient d’ores et déjà d’indiquer que ces griefs ne seront pas retenus dans la mesure où il est apparu que si Mme [E] lui reprochait d’avoir interdit la présence de jouets pour les enfants lors de la première ouverture de la [5], il s’est avéré que cette décision n’avait pas été prise par elle, pas plus qu’il n’est établi qu’elle aurait pris l’initiative de donner les numéros des chambres d’hôtel des personnes en situation d’OQTF à la DDCS en opposition avec les directives de l’association puisqu’une note a été établie en mars 2018 pour mettre un terme à cette pratique, ce qui implique qu’elle existait préalablement et qu’elle était connue de la direction.
En ce qui concerne le management de Mme [U], il est produit les auditions réalisées sous forme de questionnaires par les membres du CHSCT, lesquels ont entendu en binôme parfaitement identifiable compte tenu de la signature des procès-verbaux, de très nombreux salariés de l’association travaillant aux côtés ou sous la subordination de Mme [U], sans qu’il puisse être considéré que n’auraient été entendus que des salariés lui étant défavorables, ni que la trame suivie aurait été partiale, les questions posées étant dans un premier temps d’ordre général, laissant ainsi la possibilité aux salariés d’exposer toutes difficultés avec quelque collègue que ce soit, même si, bien évidemment, cette enquête ayant pour objet de vérifier la véracité de la dénonciation déposée par Mme [E], les questions évoquent dans un second temps plus précisément Mme [U].
Cette analyse est confortée par la teneur même des auditions dans la mesure où nombre de salariés ont fait part de leur satisfaction à travailler aux côtés de Mme [U] et s’il n’est effectivement produit qu’un mail de convocation de cette dernière à son adresse professionnelle alors qu’elle était en arrêt maladie, en tout état de cause, cette audition n’était pas obligatoire et la levée de l’anonymisation de la plupart des questionnaires, qui permet d’ailleurs, par recoupement, de savoir également quels sont les salariés entendus pour les questionnaires restés anonymisés, lui permet de se défendre utilement devant la cour et n’a pas eu pour effet de rendre partiale cette enquête.
Sur le fond, si de nombreux salariés évoquent les compétences professionnelles de Mme [U] et que plusieurs d’entre eux ont fait part de leur satisfaction à travailler à ses côtés, compte tenu de sa franchise respectueuse, du cadre instauré, de la réactivité des réponses apportées qui faisaient défaut à la directrice adjointe, Mme [K], et de sa capacité à les défendre, ils sont également nombreux à remettre en question son relationnel, beaucoup évoquant une rigidité sur des questions de formalisme, une tendance à se montrer hautaine, voire méprisante, avec ses subordonnés, et ce, en précisant qu’elle n’adoptait pas cette attitude en présence d’autres cadres, étant néanmoins relevé que cette assertion est à relativiser dans la mesure où de nombreux salariés, non cadres, ont indiqué n’avoir rencontré aucun problème relationnel avec Mme [U].
Il est encore évoqué qu’elle pouvait se montrer exigeante, pointilleuse sur les procédures, lunatique et encline à des mouvements d’humeur, pouvant ainsi laisser apparaître des souffles d’agacement ou de colère contenue, notamment en cas d’avis divergents, étant noté que deux crises de colère sont évoquées, notamment l’une à l’égard d’un stagiaire et l’autre à l’égard de Mme [R] alors qu’elle ne faisait que poser une question, sans cependant d’autres précisions quant à la manifestation exacte de cette colère.
Nombreux sont également ceux qui soulignent son caractère autoritaire, laissant peu de place à l’échange, et un management dévalorisant en ce sens que s’il est mis l’accent sur les points négatifs, au contraire, les points positifs ne sont pas valorisés, pouvant ainsi entraîner des situations de stress avec le sentiment qu’elle recherche la faute et qu’il peut y avoir des représailles en cas de désaccord.
Il doit néanmoins être relevé qu’il s’agit, pour la plupart des questionnaires, de considérations d’ordre général, très peu de salariés faisant état de faits précis, ce qui pose difficulté pour évaluer ce qui relève du fait objectif et non du ressenti, ainsi par exemple, un des salariés, resté anonyme, explique qu’elle peut se montrer méprisante et s’ensuit un exemple, à savoir, alors qu’elle avait demandé à l’équipe de s’inscrire à une formation, sans que celle-ci ne réponde, elle a écrit ‘qu’est ce que je dois comprendre par cela’, ce qui ne saurait s’analyser ni en une attitude méprisante, ni davantage en une réponse inadaptée.
Il ressort néanmoins de quelques auditions des faits plus précis qui corroborent la réalité d’un management rigide et stressant.
Ainsi, il ressort du questionnaire pièce 54, dont l’auteur est déterminable par recoupement, que cette salariée a eu une semaine de vacances durant laquelle il y a eu de nombreux mails et appels de la part de Mme [U] et qu’ainsi, en reprenant, elle a fait 42 heures à la maison relais pour rattraper, que pourtant Mme [U] n’a pas voulu valider ses heures, qu’elle n’a pas voulu faire un point avec elle avant la commission d’attribution et qu’après la tenue de celle-ci, elle a pris son agenda et l’a balayé de la main en lui indiquant ‘avec un agenda comme ça on ne peut faire que des heures’, que d’ailleurs lors d’une réunion, elle lui a indiqué qu’elle en faisait trop, que c’était du zèle et non du professionnalisme.
Elle indique encore que Mme [U] lui a refusé de prendre une demi-journée au prétexte de la continuité de service, alors que cette demande avait un caractère exceptionnel, demande à laquelle elle a cependant accédé après qu’elle lui ait dit qu’elle allait en parler au directeur général, mais qu’au moment de la valider, elle la lui a refusée en invoquant le fait que le logo n’était pas le bon (h minuscule au lieu de H majuscule), l’obligeant à le modifier pour finalement valider cette demande.
Enfin, elle explique qu’une fois, Mme [U] lui a demandé ‘savez-vous qui je suis’, ce qui l’a conduite à lui donner son nom et sa fonction.
Il ressort également de l’audition de Mme [W], assistante de gestion CHRS/MR que, pour une erreur de planning, Mme [U] lui a signifié qu’il s’agissait d’une faute professionnelle et que ses différentes fautes pouvaient lui valoir un avertissement mais aussi que pour un retard de dix minutes, il lui a été demandé de remplir une feuille de modulation et que durant l’été 2018, les demandes par mail ou téléphone pouvaient tomber toutes les trois minutes sans lui préciser le degré d’urgence.
Ce type d’attitude est confirmé par Mme [X] qui explique avoir eu des reproches pour un espace non mis sur un courrier ou pour un retard de deux minutes.
Mme [Y] indique quant à elle que Mme [U] lui avait demandé de faire une IP pour le vendredi, qu’elle lui a demandé un délai supplémentaire, ce qui lui a été accordé, qu’elle a cependant rencontré un problème informatique et lui a donc téléphoné pour le lui indiquer, qu’elle a alors sous-entendu qu’elle mentait, sachant qu’elle sous-entendait par ailleurs qu’elle n’avait pas de surcharge de travail comparé aux autres collègues.
Enfin, il est produit une audition anonymisée sous la pièce 71, là encore parfaitement identifiable dès lors qu’il est évoqué son statut de directrice adjointe et qu’il est fait état de propos tenus par Mme [U] dans un parking correspondant à ceux décrits dans l’attestation de Mme [V], laquelle a participé aux entretiens et explique que Mme [K], en pleurs et anéantie, lui a fait part d’un échange dans un parking lors duquel Mme [U] lui avait dit ‘quelque chose comme ‘Je vais vous détruire’.
Ainsi, il résulte de cette audition que lorsqu’elle essayait de mettre en valeur certaines choses, systématiquement, il lui était renvoyé le négatif, qu’il existait une incompréhension totale avec sa supérieure hiérarchique, précisant que ce qui lui paraissait pervers, c’était l’impression d’être parfois soutenue, puis de ne plus l’être à d’autres moments. Elle évoque également avoir eu le sentiment que toute faute était recherchée. Enfin, elle explique qu’il lui a été demandé de changer de posture, de mettre plus de cadre et de sanctions en cas d’erreur, de ne plus avoir une posture de chef de service mais de directrice adjointe pour lui dire finalement qu’elle n’était pas capable d’occuper son poste, et ce, tout en lui demandant à plusieurs reprises si elle se rendait compte qu’elle passait plus de temps avec elle qu’avec ses homologues. Enfin, elle indique que Mme [U] lui a dit sur le parking ‘si j’avais voulu, j’aurais pu vous mettre la tête sous l’eau et vous auriez dû aller voir votre médecin pour vous mettre en arrêt’ ou encore ‘je peux vous dire que Mme [I] ne va pas prendre les mêmes formes que je prends’ ‘vous ressemblez tellement plus à une hôtesse d’accueil qu’à une directrice adjointe’.
Si la teneur de cette audition doit être appréciée à l’aune du mail envoyé par le directeur des ressources humaines qui dénonçait son insuffisance professionnelle, et notamment sa difficulté à endosser le rôle de leader, à prendre des décisions contraignantes, ou encore à progresser dans sa montée en compétences et émettait le souhait de rompre le contrat, au besoin par un licenciement, il en ressort néanmoins un certain mépris, inutile dans l’échange.
Aussi, tout en tenant compte de la difficulté inhérente au management d’une équipe qui ne permet que rarement de faire l’unanimité comme l’a justement souligné le médecin du travail, il résulte néanmoins suffisamment de ces différentes auditions que le management de Mme [U] pouvait être excessif, notamment dans le formalisme exigé, mais aussi entraîner une souffrance au travail, et même une appréhension, à raison d’un autoritarisme parfois déplacé, d’un mépris et d’une humeur versatile, ce que les quelques exemples plus précis qui ont pu être apportés permettent de mieux appréhender, étant au surplus relevé que M. [J], agent d’accueil et membre du CHSCT ayant procédé aux auditions, atteste avoir vu des salariés en pleurs à cette occasion.
Au vu de ces différents éléments, tout en tenant compte des précisions apportées à titre liminaire sur sa charge de travail et de ce que les salariés ont évoqué d’autres difficultés concourant à leur mal-être dont Mme [U] n’était pas responsable, ainsi, notamment le manque de définition des fiches de fonction, le turn-over important des cadres et le manque de présence de la direction, il convient de retenir que si son management justifiait un licenciement, il ne revêtait cependant pas un caractère de gravité empêchant l’accomplissement d’un préavis.
Dès lors, il y a lieu de dire que le licenciement de Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse, mais non pas sur une faute grave.
5. Sur les sommes dues au titre de la rupture
Alors qu’il résulte de la lecture des bulletins de salaire que Mme [U] a justement calculé son salaire de référence à 3 748 euros, il convient de condamner l’association [6] à payer à Mme [U], dans les limites de sa demande, la somme de 22 224 euros à titre d’indemnité compensatrice conventionnelle correspondant à six mois de salaire, outre 2 224 euros au titre des congés payés afférents.
En ce qui concerne l’indemnité de licenciement, il résulte de l’article 3.15 de la convention collective que Mme [U], qui avait le statut de cadre depuis son embauche, avait droit à une indemnité de licenciement égale à un mois par année de service.
Aussi, alors que l’association [6] a justement retenu une ancienneté de six ans et sept mois tenant compte de la durée du préavis à laquelle elle a justement soustrait deux mois d’arrêt maladie, il convient de retenir le calcul qu’elle a opéré sauf à modifier le salaire de référence. Ainsi, il convient de la condamner à payer à Mme [U] la somme de 24 674,33 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à : (3 748×6)+(3 748×7/12).
6. Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
S’il n’a pas été retenu la faute grave, il ne peut cependant être considéré que l’association [6] aurait mis en oeuvre cette rupture dans des conditions vexatoires dès lors qu’elle a, au contraire, organisé une enquête particulièrement sérieuse en lien avec le CHSCT, lequel concluait à l’existence de faits de harcèlement moral et s’inquiétait de la souffrance exprimée par les salariés, aussi, il convient de débouter Mme [U] de cette demande de dommages et intérêts.
7. Sur les intérêts
Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées.
Les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.
8. Sur la demande de restitution des sommes versées en première instance
Le présent arrêt constituant le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution des sommes ainsi versées.
9. Sur les dépens et frais irrépétibles
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner l’association [6] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [U] la somme de 1 500 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,
Déclare irrecevable la demande d’audition de M. [O] [J] ;
Déclare recevable les pièces produites par l’association [6] numérotées 73 à 87 et 101 ;
Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à l’indemnité de préavis, à l’article 700 du code de procédure civile, et en ce qu’il a débouté Mme [L] [U] du surplus de ses demandes;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [L] [U] ne repose pas sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’association [6] à payer à Mme [L] [U] les sommes suivantes :
indemnité conventionnelle de licenciement : 24 674,33 euros
congés payés sur préavis : 2 224,00 euros
Déboute Mme [L] [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire ;
Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions infirmées ;
Dit que les intérêts échus produiront intérêts, dés lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière à compter de l’arrêt ;
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;
Condamne l’association [6] aux entiers dépens ;
Condamne l’association [6] à payer à Mme [L] [U] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute l’association [6] de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente