OM/CH
[T] [D]
C/
S.A.R.L. PRICEWATERHOUSECOOPERS
Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE – AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE DIJON
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023
MINUTE N°
N° RG 21/00333 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FWGN
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIJON, décision attaquée en date du 12 Avril 2021, enregistrée sous le n° F 20/00117
APPELANTE :
[T] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Jean-Baptiste JACQUENET-POILLOT de la SELARL DE JURE AVOCATS, avocat au barreau de DIJON
INTIMÉE :
S.A.R.L. PRICEWATERHOUSECOOPERS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Jean-François MERIENNE de la SCP MERIENNE ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON substitué par Me Nathalie RIGNAULT, avocat au barreau de DIJON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Janvier 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Olivier MANSION, Président de chambre chargé d’instruire l’affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la Cour étant alors composée de :
Olivier MANSION, Président de chambre,
Delphine LAVERGNE-PILLOT, Conseiller,
Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Frédérique FLORENTIN,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Frédérique FLORENTIN, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Mme [D]-[G] (la salariée) a été engagée le 1er février 1988 par contrat à durée indéterminée et a occupé en dernier lieu la fonction de senior manager pour la société Pricewaterhousecoopers (l’employeur).
Elle a été licenciée le 17 mars 2017 pour insuffisance professionnelle.
Estimant ce licenciement infondé, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes qui, par jugement du 12 avril 2021, a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l’employeur à payer des dommages et intérêts à ce titre et a rejeté les autres demandes.
La salariée a interjeté appel le 11 mai 2021.
Elle demande l’infirmation partielle du jugement et le paiement des sommes de :
– 97 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 159 177,50 euros de dommages et intérêts pour préjudice économique,
– 5 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’employeur conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il rejette les demandes de la salariée, à son infirmation sur le licenciement et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 4 novembre 2021 et 27 janvier 2022.
MOTIFS :
Sur le licenciement :
1°) Le licenciement est intervenu pour insuffisance professionnelle.
La lettre de licenciement indique que des clients ont fait part de remontées négatives sur le travail accompli par la salariée et vise les dossiers Bongarzone et Marle international, Cormat et Mecadis, une absence d’encadrement des équipes sur le terrain, des demandes sans réponse de Mme [F], placée sous la responsabilité de la salariée, une absence de préparation de lettres de mission et de demandes d’acomptes sur honoraires depuis le 1er juillet 2015 et une absence de mise à jour de l’outil de travail Aura.
Sur les dossiers susvisés, l’employeur rappelle que la salariée supervisait le travail de M. [H] sur le dossier Bongarzone et q’elle était la première interlocutrice des clients et, sur le dossier Cormat, que la salariée a adressé des lettres de mission et des demandes d’acomptes alors que ces clients n’avaient plus mandaté l’entreprise et que la transmission universelle de patrimoine pouvait être vérifié au regard du Kbis.
Il sera relevé avec la salariée que les mails produits (pièce n° 1) ne permettent pas de caractériser une insuffisance professionnelle ni des fautes ou encore un échec dans la gestion de ce dossier.
Sur le dossier Cormat et Mecadis, les éléments produits ne précisent pas la chronologie des faits (avant des documents avant ou après la perte du mandat) ni n’autorisent le rattachement de ces faits à un manquement de la salariée.
Sur l’encadrement des équipes, l’employeur se réfère à un compte-rendu d’une réunion du 23 décembre 2014 (pièce n° 7) où les équipes se plaignent de l’absence de la salariée sur le suivi des dossiers clients et d’être livrées à elles-mêmes.
La salariée répond que la pièce correspond à une réunion de debriefing, document dans lequel elle n’est jamais citée et qui n’a donné lieu à aucune suite à son encontre.
Là encore, ce document est insuffisamment précis pour pouvoir valoir reproches adressés à la salariée ou pour établir une insuffisance de sa part dans l’accomplissement de son travail.
Sur le défaut de répondre à Mme [F], l’employeur verse aux débats les mails de l’intéressée les 12 février et 22 mai 2015 qui seraient restés sans réponse.
L’attestation de M. [W], manager au sein du bureau, indique qu’il a constaté, chez la salariée, une dégradation de la qualité de son activité professionnelle et ajoute qu’elle était sollicitée comme les autres managers pour une assistance technique, méthodologique et de traitement de certaines tâches des équipes intervenant pour les dossiers de la salariée.
Cette attestation ne vaut pas preuve suffisante de l’absence de réponse de la salariée à la demande de Mme [F] pas plus que les mails produits, Mme [F] ne témoignant pas en l’espèce.
Sur les dossiers Croix rouge et [B] & [N], l’employeur reprend la plainte de Mme [O] émise dans un mail (pièce n° 10).
La salariée souligne que le mail produit n’est pas une plainte mais un message d’une collaboratrice et qu’il lui a été demandé par la direction de transmettre son CV pour le faire figurer dans la demande de renouvellement du mandat de commissaire aux comptes de la Croix rouge.
Cette demande (pièce n° 19) du 18 janvier 2016 n’est pas compatible avec la plainte émise et aucun élément de preuve n’est apporté pour le dossier [B] & [N].
Sur l’absence de préparation des lettres de mission et des acomptes, l’employeur précise que M. [X] lui a demandé par mail du 10 décembre 2015, de relancer certains clients, comme le dossier Frodis.
La salariée justifie de sa réponse le lendemain des mails et rien ne rattache le retard pris dans le paiement à l’activité de la salariée ou de ses collaborateurs.
Sur l’absence de mise à jour du logiciel de travail Aura, l’employeur indique que la salariée n’a pas effectué les mises à jour régulières pour des questions de sécurité et qu’elle ne pouvait ignorer l’importance du protocole sécuritaire, les mises à jour ne se faisant qu’à partir des appareils informatiques du site de [Localité 3].
La salariée note que la pièce produite n° 11, correspond à un tableau dont la source et la date sont inconnues et qui ne précise pas les dates d’absence de mises à jour.
Les autres pièces n° 20 et 21 se limitent à des informations d’ordre général.
Le défaut des mises à jour n’est donc pas établi avec certitude.
Enfin, il sera relevé que si le récapitulatif de l’année de la salariée, effectué par M. [X] le 29 juin 2015, reprend les griefs reprochés et la mauvaise qualité du travail effectué, l’employeur ne démontre pas avoir apporté une aide à la salariée pour y remédier, avant de procéder à son licenciement le 17 mars 2017, soit presque deux ans après.
Il en résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et que le jugement sera confirmé sur ce point.
2°) Au regard de la date du licenciement, le barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 n’est pas applicable.
En fonction d’une ancienneté de 28 années et d’un salaire mensuel moyen de référence de 4 875 euros, le montant des dommages et intérêts sera évalué à 97 500 euros.
3°) La salariée fait état d’un préjudice économique correspondant à la perte de revenus à la suite de la rupture du contrat de travail, de la difficulté à retrouver un emploi à 56 ans et de la perte de la possibilité de percevoir l’indemnité de départ à la retraite si elle était restée employée au sein de l’entreprise.
Toutefois, l’indemnité accordée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse correspond à la réparation de tous les préjudices subis en raison de la rupture du contrat de travail et donc de la perte de rémunération qui est, par ailleurs, compensée partiellement, par l’octroi d’allocation chômage et alors que rien ne permet de retenir que le contrat de travail aurait perduré jusqu’à la retraite de l’intéressée.
Enfin, la salariée ne démontre pas qu’elle aurait pu prétendre au versement de l’indemnité de départ à la retraite dont le montant n’est ni déterminé ni déterminable.
4°) Sur le préjudice moral, la salariée invoque un préjudice lié au fait que l’employeur l’a menacée d’un dossier « monté contre elle » si elle n’acceptait pas de quitter son poste après une rupture négociée et aux souffrances résultant de l’atteinte portée à sa réputation ce qui a entraîné des arrêts de travail pour cause de maladie et un épuisement professionnel relevé par le Dr [V] dans son certificat du 23 octobre 2016.
L’employeur répond que cette demande est nouvelle devant la cour d’appel et ne constitue pas une demande accessoire ou complémentaire aux demandes formulées en première instance.
Toutefois, cette demande est recevable comme étant l’accessoire ou le complément nécessaire au sens de l’article 566 du code de procédure civile, de la demande en réparation de la rupture du contrat de travail.
La salariée ne démontre pas, de la part de l’employeur, un stratagème ou une menace pour l’obliger à quitter l’entreprise ni une atteinte à sa réputation.
Enfin, le médecin relève que la salariée bénéficie d’un arrêt de travail depuis le 14 février 2016 et présente une dépression réactionnelle aux conditions de travail jusqu’au 23 octobre 2016.
Il en résulte un préjudice moral lié aux souffrances subies.
La demande sera accueillie et le montant des dommages et intérêts fixé à 2 000 euros.
Sur les autres demandes :
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’employeur et le condamne à payer à la salariée la somme de 1 500 euros.
L’employeur supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :
– Confirme le jugement du 12 avril 2021 sauf en ce qu’il condamne la société Pricewaterhousecoopers à payer à Mme [D] la somme de 31 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur ce chef :
– Condamne la société Pricewaterhousecoopers à payer à Mme [D]-[G] la somme de 97 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y ajoutant :
– Dit que la demande de Mme [D]-[G] en paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral est recevable en appel et condamne la société Pricewaterhousecoopers à payer à Mme [D]-[G] en réparation de ce préjudice la somme de 2 000 euros ;
– Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Pricewaterhousecoopers et la condamne à payer à Mme [D]-[G] la somme de 1 500 euros ;
– Condamne la société Pricewaterhousecoopers aux dépens d’appel.
Le greffier Le président
Frédérique FLORENTIN Olivier MANSION