ARRET
N°
[P]
C/
Consorts [G]
Association GROUPEMENT D’EMPLOYEURS VERSAILLE
copie exécutoire
le 22/02/2023
à
Me CHALON
Me POULAIN – 5
LDS/IL/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 22 FEVRIER 2023
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N° RG 21/05381 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IIUC
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 22 OCTOBRE 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [N] [P]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Me Dominique SOULIER de la SCP BASILIEN BODIN ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
concluant par Me Gérald CHALON de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
ET :
INTIMES
Madame [U] [G]
Es-qualités de co-indivisaire de l’indivision [Y] [G]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparante en personne,
Madame [R] [G]
Es-qualités de co-indivisaire de l’indivision [Y] [G]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Monsieur [J] [G]
Es-qualités de co-indivisaire de l’indivision [Y] [G]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Monsieur [M] [G]
Es-qualités de co-indivisaire de l’indivision [Y] [G]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Association GROUPEMENT D’EMPLOYEURS VERSAILLE
[Adresse 4]
[Localité 2]
assistés, représentés par Me Hélène CAMIER de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d’AMIENS, avocat postulant
assistés, représentés, concluant et plaidant par Me Nathalie POULAIN de la SELARL LGP AVOCATS, avocat au barreau d’ARRAS
DEBATS :
A l’audience publique du 04 janvier 2023, devant Madame Laurence de SURIREY, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus l’avocat en ses conclusions et plaidoirie.
Madame Laurence de SURIREY indique que l’arrêt sera prononcé le 22 février 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Laurence de SURIREY en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 22 février 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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* *
DECISION :
M. [P] a été embauché par l’entreprise [Y] [G] (aux droits de laquelle vient l’indivision [Y] [G]) le 15 février 2016, par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d’ouvrier polyculture élevage pour une durée hebdomadaire de 43 heures. Son contrat de travail a été transféré à compter du 1er mai 2017 à l’association Le groupement d’employeurs Versaille dont la présidente est Mme [U] [G].
La convention collective du 12 juillet 1973 des exploitations agricoles de polyculture et d’élevage de l’Aisne régit les relations contractuelles dans l’entreprise.
Les parties ont signé une rupture conventionnelle homologuée à effet au 16 juillet 2019.
Par requête du 16 juillet 2020, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Laon aux fins de contester la rupture conventionnelle et d’obtenir le règlement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 22 octobre 2021, le conseil a :
– déclaré M. [P] irrecevable en l’intégralité de ses demandes à l’encontre de l’indivision [Y] [G] et en ses demandes antérieures au 16 juillet 2017 à l’encontre de l’association Le groupement d’employeurs Versaille,
– condamné l’association Le groupement d’employeurs Versaille en la personne de son représentant légal à payer à M. [P] les sommes de 3 350,49 euros au titre des congés payés indûment soldés du 3 juin au 16 juillet 2019 et de 4 485,14 euros au titre des sommes indûment prélevées sur le solde de tout compte, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2020,
– dit M. [P] recevable mais non fondé en sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail,
– débouté M. [P] du surplus de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens.
M. [P], qui est régulièrement appelant de ce jugement, par conclusions remises le 15 février 2022, demande à la cour de :
Le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
Y faisant droit,
Infirmer le jugement en ce qu’il :
– a déclaré prescrites ses demandes antérieurement au 16 juillet 2017 ;
– l’a déclaré recevable en l’intégralité de ses demandes à l’encontre de l’indivision [Y] [G] et irrecevable en ses demandes antérieures au 16 juillet 2017 à l’encontre de l’association groupement d’employeurs Versaille ;
– l’a dit non-fondé en sa demande de rupture conventionnelle ;
– l’a débouté du surplus de ses demandes ;
– a dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire ;
– a débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a dit que chaque partie conserverait la charge de ses propres dépens ;
Statuant à nouveau,
Juger recevable l’intégralité de ses demandes ;
Condamner l’Indivision [G] au paiement des sommes suivantes :
– 7 128,72 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période de février 2016 à avril 2017,
– 712,87 euros au titre des congés payés y afférents,
– 982,10 euros à titre de contrepartie obligatoire au repos, nette de toutes charges
– 98,21 euros au titre des congés payés y afférents,
– 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales hebdomadaires de travail, ainsi que violation du droit au repos,
– 15 495,06 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
Condamner le groupement d’employeurs Versaille au paiement des sommes suivantes :
– 49 442,16 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires sur la période de mai 2017 à juin 2019,
– 4 944,22 euros au titre des congés payés y afférents,
– 13 762,93 euros à titre de contrepartie obligatoire au repos, nette de toutes charges,
– 1 376,29 euros au titre des congés payés y afférents,
– 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales hebdomadaires de travail, ainsi que violation du droit au repos,
– 15 495,06 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
– 3 350,49 euros à titre de rappel de congés payés indûment soldés,
– 335,04 euros au titre des congés payés y afférents,
– 4 485,14 euros à titre de rappel de salaires au titre des sommes indûment prélevées sur le reçu pour solde de tous comptes,
– 448,51 euros au titre des congés payés y afférents ;
Juger que l’exploitation abusive de sa situation de dépendance économique au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle, a vicié de violence son consentement ;
Y faisant droit,
Annuler purement et simplement la rupture conventionnelle ;
En conséquence,
Condamner le groupement d’employeurs Versaille au paiement des sommes suivantes :
– 5 165,22 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 516,52 euros au titre des congés payés y afférents,
– 2 582,51 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la procédure de licenciement,
– 10 330,04 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamner chacun des défendeurs au paiement de la somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance ;
En tout état de cause,
Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné Le groupement d’employeurs Versaille au paiement des sommes suivantes :
– 3 350,49 euros à titre de rappel de congés payés indûment soldés,
– 335,04 euros au titre des congés payés y afférents,
– 4 485,14 euros à titre de rappel de salaire, au titre des sommes indûment prélevées sur le reçu pour solde de tous comptes,
– 448,51 euros au titre des congés payés y afférents ;
Condamner Le groupement d’employeurs Versaille, ainsi que l’ensemble des membres de l’indivision [G] au paiement de la somme de 2 000 euros chacun, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés à hauteur d’appel ;
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, conformément à l’article 515 du code de procédure civile ;
Dire que l’ensemble des sommes porteront intérêts à compter de l’introduction de l’instance ;
Ordonner la capitalisation des intérêts desdites sommes.
Le groupement d’employeurs Versaille et l’indivision [G], par conclusions remises le 16 mai 2021, demandent à la cour de :
Confirmer le jugement en ce qu’il a dit prescrites les demandes de M. [P] et, en conséquence déclaré M. [P] irrecevable en l’intégralité de ses demandes à l’encontre de l’indivision [G] et irrecevable en ses demandes à l’encontre du groupement en ses demandes antérieures au 16 juillet 2017,
Réformer le jugement en ce qu’il a condamné l’association Le groupement d’employeurs Versaille à payer à M. [P] les sommes de 3 350,49 euros au titre des congés payés indûment soldés du 3 juin au 16 juillet 2019 et de 4 485,14 euros au titre des sommes indûment prélevées sur le solde de tout compte, le tout avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2020, a dit M. [P] recevable en sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle de son contrat de travail,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [P] de sa demande de rappel de congés payés indûment soldés et de rappel de salaire au titre des sommes indûment prélevées sur le reçu pour solde de tout compte,
Juger irrecevable comme prescrite la demande d’annulation de la rupture conventionnelle,
Subsidiairement,
Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle et de ses demandes indemnitaires y afférentes,
A titre infiniment subsidiaire,
Limiter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à un mois de salaire brut,
Condamner M. [P] à restituer au groupement l’indemnité de rupture conventionnelle à hauteur de 2 098,29 euros net,
En tout état de cause,
Condamner M. [P] reconventionnellement à les indemniser à hauteur de 3 000 euros pour chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur les demandes liées au temps de travail :
1-1/ Sur la recevabilité des demandes :
M. [P] soutient qu’une juste application de l’article L.3245-1 du code du travail conduit à écarter la prescription de ses demandes qui concernent les trois années précédant la rupture du contrat de travail soit la période du 17 juillet 2016 au 17 juillet 2019 inclus.
Les intimés maintiennent que le conseil de prud’hommes ayant été saisi le 20 juillet 2020, toutes les demandes formulées à l’encontre de l’indivision pour la période du 15 février 2016 au mois d’avril 2017 sont prescrites sachant que le contrat de travail a été transféré à l’association Le groupement d’employeurs Versaille au 1er mai 2017.
L’article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
En l’espèce, le contrat de travail a été rompu le 16 juillet 2019 de sorte que le salarié est recevable à réclamer des rappels de salaire pour les trois années précédentes soit pour la période du 16 juillet 2016 au 16 juillet 2019.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable le salarié en intégralité de ses demandes à l’encontre de l’indivision [G] (ci-après l’indivision) et en ses demandes antérieures au 16 juillet 2017 à l’encontre de l’association Le groupement d’employeurs Versaille (ci-après le groupement).
1-2/ Sur la demande au titre des heures supplémentaires :
1-2-1/ Sur la durée contractuelle du travail :
M. [P] soutient que la clause du contrat de travail selon laquelle il était embauché pour une durée forfaitaire mensuelle de 186,33 heures par mois est illégale, d’une part, en ce que la convention collective des exploitations de polyculture et d’élevage de l’Aisne applicable à la relation contractuelle, à laquelle renvoie l’article 7.3 paragraphe 3 de l’accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles, ne prévoit pas la possibilité, ni même les conditions ou les modalités de mise en ‘uvre d’une convention de forfait pour le personnel d’élevage chargé de la surveillance des animaux, d’autre part, en ce que tel qu’elle est rédigée, la clause permettrait un forfait horaire illimité, et, enfin, en ce que le forfait horaire n’est même pas appliqué par l’employeur, les mentions figurant sur les fiches de paye variant entre 151,67 heures et 162,95 heures mensuelles. Il ajoute que la forfaitisation telle que calculée par les employeurs conduit à éluder totalement les majorations d’heures supplémentaires à 50 % et va à l’encontre du principe selon lequel le nombre d’heures supplémentaires est déterminé à la semaine.
Les employeurs se prévalant des dispositions de l’article L. 3121- 56 du code du travail, affirment que M. [P], comme tout salarié pouvait conclure une convention de forfait en heures même en l’absence d’accord collectif, que la mise en place d’une telle convention se justifiait pleinement compte tenu de l’autonomie dont disposait le salarié dans l’exécution de sa mission, qu’il est vrai qu’une erreur matérielle est apparue dans le paramétrage de la paie mais que M. [P] a toujours été rémunéré conformément aux dispositions du contrat de travail sur la base de 186,33 heures.
En application de l’article L.3121-55 du code du travail, la forfaitisation de la durée du travail doit faire l’objet de l’accord du salarié et d’une convention individuelle de forfait établie par écrit.
L’article L. 3121- 56 du même code prévoit que tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
L’article L. 3121-56 précise que la rémunération du salarié ayant conclu une convention individuelle de forfait en heures est au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant à son forfait, augmentée, le cas échéant, si le forfait inclut des heures supplémentaires, des majorations prévues aux articles L. 3121- 28, L. 3121- 33 et L. 3121- 36.
Ainsi, la possibilité de conclure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle n’est pas subordonnée à l’existence d’une convention ou d’un accord collectif à la différence des conventions de forfait annuel, toutefois :
– la rémunération mensuelle forfaitaire incluant les heures supplémentaires doit faire l’objet d’une convention entre le salarié et l’employeur ;
– le forfait ne doit pas défavoriser le salarié ;
– la convention sur la rémunération forfaitaire doit prévoir le nombre d’heures comprises dans le forfait.
L’employeur doit donc obligatoirement faire figurer dans le contrat de travail ou dans un avenant au contrat une clause en ce sens, qui fixe les conditions d’application de la convention de forfait.
En l’espèce, l’article 4 du contrat de travail stipule « la durée hebdomadaire du travail de M. [N] [P] sera de 43 heures par semaine, réparties l’horaire en vigueur dans l’entreprise. La durée mensuelle sera de 186,33 h par mois, comprenant les éventuels dépassements d’horaires inhérents à la fonction ».
L’article 5 sur la rémunération prévoit que « le salarié percevra une rémunération horaire brute de 10,55 euros pour l’horaire prévu à l’article « durée du travail », soit un salaire mensuel brut de 2128,87 euros ».
Ainsi rédigé l’article 4 permet à l’employeur de se dispenser du paiement des heures excédant 186,33 heures par mois et élude potentiellement le paiement de la majoration de 50 % à compter de la neuvième heure supplémentaire. En cela, il défavorise fortement M. [P].
Il en résulte qu’il est nul et lui est inopposable.
Le rapport d’audit social réalisé par le cabinet Emergence produit par les employeurs, montre qu’il existe une incohérence en faveur du salarié entre la rémunération brute indiquée au contrat de travail soit 2 128,87 euros et celle qui aurait dû être indiquée au taux horaire spécifié sur le contrat soit 2 057,20 euros [(151,67 h x 10,55 euros) + (34,66 h x (10,55x 1,25)].
Dans les faits, les dispositions contractuelles n’ont pas été appliquées par l’indivision et le groupement. En effet, les bulletins de salaire mentionnent systématiquement un nombre d’heures inférieur à 186,33, allant de 81,67 à 162,92 (intégrant 11,25 heures supplémentaires majorées de 25 %) en passant par 151,67. L’auteur du rapport d’audit affirme que le salaire versé a cependant été supérieur à celui qu’il aurait dû être sur la base de 186,33 h par application du contrat de travail à l’exception de l’année 2016 pour laquelle apparaît un solde dû au salarié de 53,97 euros. Toutefois, cela tient au fait que le taux horaire appliqué dès le départ a été systématiquement supérieur au taux contractuellement prévu. Les employeurs successifs auraient donc dû rémunérer le salarié, a minima, à hauteur de 35 h par semaine au taux horaire, déterminé par eux à l’avantage de M. [P], (13,93 euros puis 14,0218, puis 14,152 euros), puis de 8 h au taux horaire majoré de 25 %.
Ainsi, les heures supplémentaires doivent être calculées sur une base commune de 25% de la 35ème à la 43ème heure puis de 50% au-delà, en tenant compte des heures supplémentaires effectivement déjà réglées.
1-2-2/ Sur le bien-fondé de la demande :
Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [P] ne produit aucun relevé d’heures, ni décompte pour l’année 2016 et pour l’année 2017, il fournit un tableau comportant une addition d’heures supplémentaires à la semaine et au mois mais aucun relevé d’heures de sorte qu’il ne présente pas d’élément suffisamment précis pour permettre aux employeurs d’y répondre s’agissant de ces deux années.
En revanche, pour les années 2018 et 2019, il verse aux débats des tableaux comportant des horaires par semaine et par mois ainsi qu’un décompte des heures supplémentaires.
Il se prévaut également de quatre attestations d’ouvriers agricoles ayant travaillé avec lui à l’occasion de contrats à durée déterminée de quelques mois en 2016, 2017 et 2018, relatant qu’il travaillait tous les jours y compris les samedis et les dimanches et les nuits ainsi que deux échanges de SMS avec l’employeur, l’un le dimanche et l’autre dans la soirée.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre aux employeurs d’y répondre en apportant les leurs.
Ces derniers répondent, s’appuyant notamment sur les relevés de géolocalisation mis en place à la fin de l’année 2018, que les tableaux établis par le salarié sont manifestement faux et qu’aucune heure n’est justifiée au-delà du volume contractuel convenu soit 186,33 heures ce d’autant que différentes problématiques dans le travail se multipliaient, M. [P] préférant se consacrer à l’exploitation de sa propre ferme.
Ils ajoutent que M. [P] effectue l’ensemble de ses décomptes en calculant des majorations pour les heures à partir de la 35e qu’il ajoute à la rémunération convenue alors même que la rémunération incluait les heures effectuées jusqu’à 43 heures par semaine.
Les relevés de géolocalisation du véhicule Renault Kangoo de l’entreprise ne suffisent pas à contredire les allégations du salarié dès lors que le lieu de travail n’est pas défini au contrat, qu’il n’est pas démontré que l’emploi du salarié, notamment pour la surveillance des animaux dans les pâtures, n’impliquait pas de déplacements en dehors du village de [Localité 5], ni d’ailleurs que le seul conducteur en était M. [P].
Au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction, au sens du texte précité, que M. [P] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ouvrant droit, après déduction des heures supplémentaires majorées de 25% déjà payées tel qu’il ressort des bulletins de paie, à une rémunération totale de 30070,42 euros, outre 3007,04 euros de congés payés afférents, étant précisé que les éléments produits ne permettent pas de considérer que M. [P] a accompli des heures supplémentaires à hauteur des heures et sommes qu’il réclame. Le groupement auquel le contrat de travail avait été transféré pour la période 2018/2019 sera par conséquent condamné au paiement de cette somme, par infirmation du jugement. Les demandes à l’encontre de l’indivision non concernée pour la période 2018/2019 seront rejetées, le jugement étant confirmé de ce chef.
1-3/ Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos :
M. [P] fait valoir qu’au regard du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires légal de 220 heures, il avait droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 50 % des heures effectuées au-delà du contingent dès lors que tant l’indivision que le groupement comptent moins de 20 salariés et que n’ayant pu bénéficier de cette contrepartie avant la rupture du contrat de travail il doit bénéficier d’une indemnité en espèces correspondant à ses droits acquis.
Les employeurs, pour s’opposer à cette demande, répondent que les heures supplémentaires inclues dans un forfait en heures ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires et que l’accord national du 23 décembre 1981 sur la durée du travail dans les exploitations et entreprises agricoles auxquelles renvoie la convention collective définit le repos compensateur annuel en cas d’heures supplémentaires en jours de repos compensateur entre un et trois jours en fonction du volume d’heures effectuées.
Les heures effectuées au-delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos (article L. 3121-30 du code du travail).
Au-delà de l’obligation légale, une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut également prévoir qu’une contrepartie sous forme de repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent (article L. 3121-33 du même code).
Une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe notamment la durée de la contrepartie obligatoire en repos. Cette contrepartie obligatoire ne peut être inférieure à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés (article L. 3121-33).
L’article 43 de la convention collective de travail du 12 juillet 1973 du département de l’Aisne prévoit que les dispositions légales, réglementaires et l’accord national du 23 décembre 1981 et ses avenants sont applicables au repos compensateur en cas d’heures supplémentaires.
L’accord national du 23 décembre 1980 stipule qu’un repos compensateur payé est accordé au salarié qui accomplit plus de 1860 heures de travail effectif par an et que les droits à repos compensateur sont acquis comme suit : de 1861 à 1900 heures 1 jour, de 1901 à 1940 heures 2 jours et de 1941 à 2000 heures 3 jours.
Il ne prévoit pas de contingent annuel d’heures supplémentaires de sorte que le contingent applicable est de 220 heures par application de l’article D. 3121- 24 du code du travail.
Le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
En application de ces règles, M. [P] est en droit de réclamer au seul Groupement des employeurs Versaille le paiement de la somme de 7 560,06 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos outre les congés payés y afférents à hauteur de 756 euros.
1-4/ Sur la demande au titre de la violation du droit au repos et de la durée maximale de travail :
Aux termes de l’article L. 3131-1 du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives.
De plus, en application des articles L.3132-1 et 3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine et le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévues au chapitre 1er.
Selon l’article L. 3121- 18, sauf exception, la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures.
Enfin, par application des articles L. 3121-20 et L. 3121-22, au cours d’une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures et la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives ne peut dépasser quarante-quatre heures.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
Le salarié qui a été privé de tout ou partie de son repos peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.
En l’espèce, le groupement ne justifie pas de ce qu’il a satisfait à ses obligations à cet égard et au vu des horaires de travail effectués par M. [P], il apparaît que les règles ci-dessus rapportées n’ont pas été respectées.
Il convient par conséquent de condamner le groupement au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de la réparation intégrale du dommage occasionné. La demande dirigée contre l’indivision sera rejetée compte tenu de la période considérée.
2/ Sur la demande au titre du travail dissimulé :
L’article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.
Aux termes de l’article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Toutefois, la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, le salarié affirme que la volonté de dissimuler le nombre d’heures effectuées sur les bulletins de salaire est amplement caractérisée.
L’indivision et le groupement invoquent la prescription de l’action du salarié et le mal fondé de la demande.
En application de l’article L.1471-1 du code du travail, en raison du fait que l’action n’est ouverte au salarié qu’à compter de la rupture du contrat de travail, M. [P] disposait d’un délai de deux ans à compter de la rupture conventionnelle pour engager son action, soit jusqu’au 16 juillet 2021. Son action engagée le 16 juillet 2020 est donc recevable mais contre le seul groupement, son employeur à la date de la rupture à la suite du transfert du contrat de travail.
Au regard de l’ampleur des heures de travail ne figurant pas sur les bulletins de paie, que le groupement ne pouvait ignorer, l’élément intentionnel de l’infraction apparaît établi de sorte que celui-ci doit être condamné au paiement de la somme de 15 495,06 euros, justifiée dans son principe et non contesté dans son quantum.
3/ Sur les demandes de rappels de salaire afférents au reçu pour solde de tout compte :
3-1/ Sur les congés payés :
M. [P] soutient qu’il n’a jamais donné son accord pour solder ses congés payés et réclame à ce titre un rappel d’indemnité indûment soldée pour les périodes du 3 au 29 juin 2019 et du 1er au 7 juillet 2019.
Le groupement affirme que la prise de congés était convenue d’un commun accord entre les parties ce qui explique que le salarié est demeuré sans aucune activité pour son compte sur la période considérée et qu’il ne saurait être rémunéré deux fois, une fois au titre des congés et une autre au titre d’une indemnité compensatrice de congés payés.
Aux termes de l’article L. 3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. L’indemnité compensatrice de congés payés n’ouvre pas elle-même droit à congés payés.
Le salarié verse aux débats l’attestation de M. [E], collègue de travail, qui affirme que, lors d’une réunion du 4 juin 2019, Mme [C] lui a proposé une rupture conventionnelle qu’il a acceptée et, répondant à sa question sur la façon dont cela allait se passer ensuite, elle lui a dit qu’il n’avait plus à venir travailler à partir de ce jour. Le groupement de son côté n’apporte pas d’élément permettant de considérer qu’un accord est intervenu sur une prise de congés à ce moment là.
Il s’en déduit, que l’employeur a dispensé M. [P] d’exécuter son travail du 4 juin jusqu’à la rupture conventionnelle du 16 juillet et ne pouvait donc assimiler son absence à une prise de congés.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le groupement au paiement de la somme de 3 350,49 euros au titre des congés payés indûment soldés et en ce qu’il a rejeté la demande de congés payés afférents à l’indemnité compensatrice de congés payés.
3-2/ Sur la somme retenue au titre de l’achat de grains :
M. [P] fait valoir que la retenue d’une somme au titre de l’achat de grains sur les périodes de décembre 2017, janvier 2018, avril 2018 et septembre 2019, figurant sur son solde de tout compte n’est pas justifiée aux motifs, d’une part, que s’il a effectivement procédé au chargement de ces grains, c’est pour le compte de l’une de ses tantes et que l’indivision a oublié de les facturer, d’autre part, que l’indivision n’étant plus son employeur, aucune retenue ne pouvait être opérée à son profit et, enfin, qu’une telle retenue est illégale par application des articles L. 3251-1, 3251-2 et 3251-3 du code du travail.
Les employeurs soutiennent que M. [P] reconnaît avoir pris du grain qui n’a pas été payé et qu’une compensation pouvait parfaitement être opérée s’agissant de matières ou matériaux dont le salarié avait la charge ou l’usage ayant sa propre exploitation agricole.
Le code du travail, en ses articles L.3251-1 et L.3251-2 interdit la compensation pour récupérer des « fournitures diverses » et ne la valide que lorsque le salarié a perdu ou endommagé des fournitures nécessaires au travail ou des matériaux dont le salarié a la charge et l’usage, et/ou ceux dont l’employeur a avancé le montant.
L’interdiction de compensation ne concerne que les sommes ayant la nature d’un salaire.
Au cas d’espèce, il ne s’agit pas de fournitures diverses au sens des textes précités mais de factures pour des achats d’aliments pour le bétail pour une tierce exploitation de sorte que ces textes ne sont pas applicables.
La cour constate que le salarié conteste être débiteur de ces factures, qui de plus ont été émises par l’indivision postérieurement au transfert du contrat de travail donc à une époque où elle n’était pas son employeur. Il en résulte que le groupement, qui n’était pas créancier, ne pouvait effectuer une retenue à ce titre sous la rubrique « acompte » à l’occasion du solde de tout compte. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’association le Groupement d’employeurs Versaille à payer à M. [P] la somme de 4 485,14 euros de ce chef et en ce qu’il a rejeté la demande de congés payés y afférents.
4/ Sur les demandes au titre de la rupture conventionnelle :
4-1/ Sur la recevabilité de l’action :
M. [P] soutient que son action n’est pas prescrite dès lors qu’il a expédié sa requête saisissant le conseil de prud’hommes moins d’un an après la date d’homologation de la rupture conventionnelle.
Les employeurs soulèvent la prescription de l’action du salarié en retenant la date de dépôt au greffe de l’acte de saisine.
L’article L. 1237- 14 du code du travail impartit un délai d’un an à compter de la date d’homologation de la convention de rupture pour saisir le conseil de prud’hommes de tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation.
L’article 668 du code de procédure civile dispose que sous réserve de l’article 647-1 la date de la notification par voie postale est, à l’égard de celui qui procède, celle de l’expédition et, à l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.
En l’espèce, la rupture conventionnelle a été homologuée le 17 juillet 2019 et la lettre recommandée saisissant le conseil de prud’hommes a été postée le 13 juillet 2020, le cachet de la poste faisant foi à cet égard, de sorte que l’action en contestation de la rupture conventionnelle est recevable, confirmant en cela le jugement.
4-2/ Sur le fond :
Au soutien de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle, le salarié invoque, d’une part, l’absence de preuve de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture et, d’autre part, un vice de consentement résultant de l’exploitation abusive par l’employeur d’une situation de dépendance économique.
4-2-1/ Sur la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié :
Aux termes de l’article L.1237-11 du code du travail, « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinée à garantir la liberté du consentement des parties ».
L’article L.1237-13 du code du travail fait bénéficier aux parties d’un droit de rétractation, à exercer dans un délai de quinze jours calendaires à compter de la date de signature par les deux parties.
L’article L.1237-14 du code du travail dispose qu’à « l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture ».
Il est de jurisprudence constante, en application de ces textes, à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, que le salarié doit se voir remettre un exemplaire de la convention de rupture, sous peine de nullité de la convention.
Aux termes de l’article 1353, alinéa 2, du code civil, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. En la présente espèce, c’était donc au groupement qui prétend avoir remis à M. [P] un exemplaire de la convention signée par les parties, de le prouver et non l’inverse.
Or le groupement verse aux débats une attestation de son comptable ayant assisté à l’entretien préalable selon laquelle M. [P] a reçu en main propre un exemplaire Cerfa de l’accord de rupture conventionnelle et satisfait donc à son obligation probatoire.
Le moyen tiré du défaut de remise de l’imprimé est donc inopérant.
4-2-2/ Sur le vice de consentement :
La nullité de la convention de rupture conventionnelle ne peut être prononcée qu’en cas de démonstration par le salarié que son consentement a été vicié ou que la convention est entachée de fraude.
En cas de nullité de la convention de rupture conventionnelle, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié affirme que le groupement a manifestement exploité abusivement la situation de dépendance économique dans laquelle il se trouvait afin de tirer profit de sa crainte d’une perte d’emploi et d’un chômage de longue durée et d’une absence d’indemnisation par Pôle emploi en cas de démission, compte tenu des conditions de travail imposées et de leur impact sur son état de santé ainsi que sur sa vie de famille. Il affirme qu’ainsi, s’étant trouvé dans une situation « d’esclavagisme moderne » et à bout tant sur le plan physique que psychologique, il n’a eu d’autre choix que d’accepter une rupture conventionnelle laquelle de ce fait doit être annulée.
L’employeur réfute l’accusation « d’esclavagisme moderne » et affirme que la rupture conventionnelle n’a pas été acceptée par le salarié sous la contrainte mais a bien été convenue par les deux parties qui y avaient intérêt, Mme [G] car elle n’était pas satisfaite du travail accompli, et M. [P], qui avait de toute façon une activité parallèle, obtenant une indemnité de départ sans démissionner.
L’article 1143 du code civil prévoit qu’il y a violence lorsqu’une partie abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.
Il est admis que l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne peut vicier de violence son consentement.
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, et il n’est pas contesté, que M. [P] avait d’autres ressources que son salaire puisqu’il exploitait lui-même une ferme avec son épouse.
De plus, l’existence d’un épuisement professionnel n’est pas démontrée en l’absence de pièces médicales ou même d’attestation à ce sujet.
Enfin, M. [E] atteste que lorsque Mme [G] a proposé à M. [P] une rupture conventionnelle après avoir fait le constat que son travail ne convenait plus à l’entreprise, il a manifesté son accord ; de même le comptable, dont rien ne permet de mettre en cause le témoignage, ayant assisté à l’entretien entre les parties, atteste de ce que M. [P] était pleinement d’accord pour la signature de la rupture.
Ainsi, le salarié échoue à rapporter la preuve d’une situation de violence qui aurait vicié son consentement.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de la rupture conventionnelle et les demandes subséquentes.
5/ Sur les demandes accessoires :
Les condamnations de nature salariale porteront de plein droit intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau d’orientation et de conciliation du conseil de prud’hommes et les condamnations de nature indemnitaire à compter de la décision les prononçant.
Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière conformément à la demande qui en est faite.
Le groupement d’employeurs Versaille sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à verser à M. [P] la somme indiquée au dispositif sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sa propre demande de ce chef sera rejetée, de même que celle de de l’indivision [G] et celle du salarié dirigée contre cette dernière.
Il n’y a pas lieu à exécution provisoire s’agissant d’un arrêt insusceptible de recours suspensif.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu’il a condamné l’association Le groupement d’employeurs Versaille à payer à M. [P] les sommes de 3 350,49 euros au titre des congés payés indûment soldés du 3 juin au 16 juillet 2019 et 4 485,14 euros au titre des sommes indûment prélevées sur le solde de tout compte ; rejeté les demandes de congés payés afférents à ces sommes ; dit M. [P] recevable en sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle ; débouté M. [P] de sa demande d’annulation de la rupture conventionnelle et de ses demandes subséquentes ; débouté l’Indivision [Y] [G] et l’association Le groupement d’employeurs Versaille de leurs demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
L’infirme pour le surplus des dispositions soumises à la cour,
Déclare recevable l’action de M. [P] en rappel de salaire pour la période du 16 juillet 2016 au 16 juillet 2019 et irrecevable pour la période antérieure,
Déclare irrecevable l’action de M. [P] au titre du travail dissimulé dirigée contre l’Indivision [G] et recevable contre Le groupement d’employeurs Versaille,
Condamne Le groupement d’employeurs Versaille à payer à M. [P] les sommes de :
– 30 070,42 euros outre 3 007,04 euros de congés payés afférents, au titre du paiement des heures supplémentaires,
– 7 560,06 euros outre 756 euros de congés payés y afférents, au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– 2 000 euros au titre de la violation du droit au repos et de la duré maximale de travail,
– 15 495,06 euros au titre du travail dissimulé,
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure devant le conseil de prud’hommes et devant la cour d’appel,
Rappelle que les condamnations de nature salariale portent de plein droit intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau d’orientation et de conciliation du conseil de prud’hommes et les condamnations de nature indemnitaire à compter de la décision les prononçant,
Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
Rejette toute autre demande,
Condamne Le groupement d’employeurs Versaille aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.