C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 21 MARS 2023 à
la SCP LE METAYER ET ASSOCIES
la SELARL CASADEI-JUNG
FCG
ARRÊT du : 21 MARS 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/00380 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GJKA
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORLEANS en date du 06 Janvier 2021 – Section : ENCADREMENT
APPELANT :
Monsieur [X] [R]
né le 07 Juillet 1975 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Sonia PETIT de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d’ORLEANS
ET
INTIMÉE :
S.A.S. SODISPRA agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social,
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Emmanuel POTIER de la SELARL CASADEI-JUNG, avocat au barreau d’ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Pierre LEMAIRE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
Ordonnance de clôture : 7 décembre 2022
Audience publique du 03 Janvier 2023 tenue par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assistée lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 21 Mars 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [X] [R] a été engagé par la société [K] Automobile [Localité 7] le 20 mars 1993, d’abord selon contrat d’apprentissage puis selon contrat à durée indéterminée, en qualité de magasinier, fonction qu’il a occupé jusqu’au 30 juin 2009. Il a ensuite été promu responsable de magasin, statut agent de maîtrise, au sein de la société [K] Automobile [Localité 4] le 1er juillet 2009. Il a occupé en dernier lieu, sur le site de [Localité 4] (Eure-et-Loir), les fonctions de responsable de magasin, statut agent de maîtrise, échelon 23 de la classification de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et du motocycle et des activités connexes, ainsi que du contrôle technique automobile du 15 janvier 1981.
Dans le cadre d’une convention tripartite de mutation prenant effet au 1er mars 2017, M. [X] [R] a intégré la SAS Sodispra, nouvellement créée et faisant partie du même groupe que la société [K] Automobile [Localité 4]. Le contrat de travail signé entre les parties mentionnait que M. [X] [R] était engagé à compter du 1er mars 2017, sur le site d'[Localité 6] (Loiret) en qualité de responsable Call Center, statut cadre, échelon 1 A, fiches ZCI1 de la convention collective, avec reprise d’ancienneté au 20 novembre 1993.
Le 26 avril 2017, M. [X] [R] a été placé en arrêt de travail en raison d’un « syndrome d’épuisement professionnel. Souffrance morale au travail ».
Le 18 juillet 2017, M. [X] [R] a été déclaré inapte à son poste et à tout poste dans l’entreprise par le médecin du travail.
Par courrier du 22 août 2017, la SAS Sodispra a notifié à M. [X] [R] son licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Le 2 mai 2019, M. [X] [R] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orléans aux fins de contester son licenciement, le considérant comme nul, son inaptitude ayant été provoquée par le harcèlement qu’il avait subi, subsidiairement de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et en tout état de cause, afin de voir condamner la SAS Sodispra au paiement de diverses sommes (dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral ou subsidiairement en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail, dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile), ces sommes produisant intérêts au taux légal avec capitalisation.
La SAS Sodispra a demandé au conseil de prud’hommes de juger la demande portant sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prescrite, de même que toutes les demandes subséquentes, celles portant sur l’exécution du contrat de travail, c’est-à-dire les demandes de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de l’obligation de sécurité et, en tout état de cause, de condamner M. [X] [R] au paiement de la somme de 3500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Le conseil de prud’hommes d’Orléans, le 6 janvier 2021 a rendu le jugement suivant, auquel il est renvoyé pour un ample exposé du litige:
– Dit que le licenciement de M. [X] [R] n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse.
– Rejette sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice causé par un harcèlement moral ou subsidiairement en réparation d’un préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail.
– Rejette sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice subi du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement.
– Rejette sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
– Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration adressée par voie électronique au greffe de la cour en date du 4 février 2021, M. [X] [R] a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M. [X] [R] demande à la cour de :
Déclarer M. [X] [R] recevable et bien fondé en son appel,
Déclarer la SAS Sodispra recevable mais mal fondée en son appel incident,
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orléans le 6 janvier 2021 en ce qu’il a :
– dit que le licenciement de M. [X] [R] n’est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse,
– rejeté sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice causé par un harcèlement moral ou subsidiairement en réparation d’un préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,
– rejeté sa demande de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice subi du fait d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement,
– rejeté sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens,
Débouter la SAS Sodispra de toutes ses demandes, fins ou conclusions contraires,
Statuant à nouveau,
Dire et juger que le licenciement de M. [X] [R] est nul, ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la SAS Sodispra à verser à M. [X] [R] les sommes suivantes :
– 15 000 € nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral ou, subsidiairement, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail,
– 10 000 € nets à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et de prévention du harcèlement,
– 9000 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 900 € bruts au titre des congés payés y afférents,
– 72 000 € euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Dire que les sommes mentionnées ci-dessus produiront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes, avec capitalisation des intérêts, en application des articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil,
Ordonner à la SAS Sodispra , sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, de remettre à M. [X] [R] :
– des bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir et aux droits acquis par le salarié, correspondant au préavis et au solde de tout compte,
– d’une attestation Pôle emploi et d’un certificat de travail conformes à la décision à intervenir,
Condamner la SAS Sodispra à verser à M. [X] [R] la somme de 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner la SAS Sodispra aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en application de l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la SAS Sodispra, formant appel incident, demande à la cour de :
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a pas déclaré prescrites les demandes portant sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et des dommages-intérêts au titre d’une violation de l’obligation de sécurité,
– Statuant à nouveau :
Juger que la demande portant sur l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement est prescrite, ainsi que toutes les demandes subséquentes à cette demande,
Juger que les demandes portant sur l’exécution du contrat de travail, c’est-à-dire les demandes de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de dommages-intérêts ou violation de l’obligation de sécurité sont également prescrites,
– Subsidiairement confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [X] [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la SAS Sodispra de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile (3000 €) et condamner M. [X] [R] à verser à la SAS Sodispra la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais devant la cour, ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Aux termes de l’article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’article 6 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
En application de l’article 40-II de l’ordonnance du 22 septembre 2017 précitée, ces dispositions, qui réduisent de deux ans à un an le délai de l’action en contestation du licenciement, s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Le licenciement a été notifié le 22 août 2017. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 2 mai 2019, soit postérieurement à la date de publication de l’ordonnance du 22 septembre 2017.
Par conséquent, la durée totale de la prescription en cours ne pouvant excéder la durée prévue par la loi antérieure, le salarié pouvait donc saisir le conseil des prud’hommes jusqu’au 22 août 2019.
Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Sur le harcèlement moral, l’exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l’article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [X] [R] allègue qu’il a subi un harcèlement moral à compter de sa prise de poste au sein de la SAS Sodispra, notamment en raison des agissements de M. [N], son supérieur hiérarchique.
La SAS Sodispra a été créée comme plate-forme de commandes de pièces de rechange automobiles pour les garages Peugeot et Citroën. Elle a débuté son activité le 20 mars 2017. Auparavant, les achats de pièces de rechange se faisaient auprès des concessions.
M. [X] [R] qui était auparavant responsable de magasin au sein de la société [K] Automobiles [Localité 4], avait désormais la responsabilité du « call center », recevant les appels des clients passant les commandes de pièces.
M. [X] [R] se plaint de n’avoir pas eu d’autre choix que d’accepter l’un des deux postes qui lui étaient proposés lors de la réorganisation de la société qui l’employait, de ne pas avoir eu de fiche de poste, de n’avoir pas reçu de « véritable » formation et d’avoir, sous la pression constante du directeur de la société, dû faire face au mécontentement des clients en raison de l’insuffisance des stocks.
Il est justifié par l’employeur que M. [X] [R] a reçu une formation lors de sa prise de poste puis un accompagnement ainsi qu’un renforcement de son équipe. Il n’est nullement établi que la formation reçue par le salarié ait été insuffisante.
Au soutien de sa demande, M. [X] [R] verse aux débats :
– son propre courrier du 8 mai 2017 à M. [K], dans lequel il fait part de sa souffrance au travail dans les termes suivants : « (‘) A [Localité 5], la hiérarchie m’a vite mis la pression, pas de communication verbale mais plutôt des mails agressifs. Toutes les communications- dont j’ai gardé les copies- écrites par M. [N] sont basées sur des reproches, des menaces, de l’intimidation. Certaines sous-entendent que je ne fais pas assez d’heures, que je peux travailler chez moi puisque j’ai mon portable. Cette façon de faire ne correspond pas aux valeurs de l’entreprise, les valeurs que vous m’avez inculquées. Et pourtant vous étiez au courant, vous cautionnez même, puisque certains mails vous étiez en copie. Cela a eu pour but de me rendre malade, j’ai dû me rendre chez le docteur qui a constaté un épuisement professionnel avec souffrance morale au travail. J’ai souhaité avoir un rendez-vous avec la médecine du travail mais la société n’est pas enregistrée. Sans doute un oubli qui sera très vite réparé. Le code du travail est très clair sur le sujet. Aujourd’hui, je suis psychologiquement incapable de retourner au travail. Je serais en danger. Nous avons des moyens de sortir par le haut de cette crise. Je suis dans l’attente de votre proposition. » Ce courrier, rédigé par le salarié deux mois après sa prise de fonction, n’est pas suffisant pour établir la matérialité des faits qui y sont relatés ;
– quatre courriels de son supérieur M. [N] ; dont l’un rédigé en ces termes « [X], Deux solutions soit tu fais ce qu’on te demande soit on va se voir et le ton va changer. Qui fait quoi au call ‘ Qui gère le call ‘ Un client qui vient vu avec [O] et on n’est pas au courant ! C’est la fête chez Sodispra ‘ (‘) ; les autres courriels ne contiennent aucun terme qui pourrait laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral ;
– un courrier de l’inspection du travail à un salarié nommé [J] du 10 février 2020, suite au signalement de celui-ci concernant les risques psychosociaux et la souffrance au travail au sein de la SAS Sodispra ; l’inspection du travail indiquait qu’il avait été constaté sur l’année 2018, « 37 entrées pour 30 sorties, pour une entreprise de 68 personnes en janvier 2018 (soit un taux de rotation du personnel de 49 %) ; sur l’année 2019, trois salariés ont été déclarés inaptes au travail par le médecin du travail » ; le turn over élevé, relevé par l’inspection du travail est postérieur à la sortie de M. [X] [R] des effectifs de l’entreprise ; en outre, il est justifié que le départ des personnes ayant quitté l’entreprise s’explique par des démissions dont l’origine n’est pas donnée, des ruptures de la période d’essai à l’initiative de l’employeur, des départs à la retraite. Il est produit par l’employeur des attestations de salariés indiquant avoir quitté l’entreprise dans laquelle l’ambiance était très bonne pour d’autres opportunités professionnelles ou raisons familiales. Ce turn-over ne permet pas en soi de laisser supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’encontre de M. [X] [R] ;
– quatre attestations de salariés se plaignant de la gestion de M. [N] à leur égard ; ces attestations mentionnent des fait imprécis, non datés, de salariés dont la période d’embauche pour trois d’entre eux ne correspond pas avec celle de M. [R] ; la quatrième personne ayant attesté n’est pas salariée de la SAS Sodispra. Ces attestations ne font aucune référence à la situation de M. [X] [R]. Elles ne permettent pas d’établir la matérialité de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral à l’égard de celui-ci ;
– un certificat médical du Docteur [I] du 26 avril 2017 indiquant arrêter M. [X] [R] pour quinze jours en raison d’un syndrome d’épuisement professionnel avec souffrance morale au travail, lui prescrire un traitement anxiolytique et l’adressant pour suivi à une personne non dénommée, ainsi qu’une attestation d’une psychologue le recevant pour des consultations de psychothérapie. Ces deux certificats ne peuvent suffire en soi à faire présumer l’existence d’un harcèlement de la part de l’employeur et ce même dans l’hypothèse où le médecin impute cette dégradation à une souffrance au travail puisque n’ayant pas été témoin des faits, il ne peut que reproduire les doléances, les affirmations, les déclarations ou le ressenti du salarié.
Par courrier du 14 juin 2017, en réponse aux doléances exprimées par M. [X] [R] dans son courrier du 8 mai 2017, l’employeur lui a proposé un changement de poste, soit un poste de chef de service expédition entrepôt. M. [X] [R] n’a pas donné suite à cette proposition.
L’unique courriel, rapporté ci-dessus, adressé au salarié par le directeur – M. [N] -, même s’il s’inscrit dans l’exercice du pouvoir de direction, est rédigé en des termes inadaptés. Pour autant ce seul courriel ne saurait caractériser des faits de harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail, le harcèlement moral supposant une répétition d’agissements.
Il y a donc lieu de débouter M. [X] [R] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral.
Aucun fait de harcèlement moral n’étant retenu et M. [X] [R] fondant sa demande d’exécution déloyale du contrat de travail sur les mêmes faits, il sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, étant précisé que l’unique courriel précité ne suffit pas à caractériser une exécution déloyale du contrat.
M. [X] [R] sollicite également des dommages-intérêts pour violation de l’employeur à son obligation de sécurité en se fondant sur les articles L. 1152-4 et L. 4121-1 du code du travail.
Aucun agissement caractérisant des faits de harcèlement moral n’a été retenu.
Suite aux doléances du salarié, l’employeur l’a reçu afin de faire le point et lui a proposé un autre poste, au même statut de cadre soit chef de service expédition entrepôt, poste que l’intéressé a refusé. Il ne peut être reproché à l’employeur d’être resté inactif face aux doléances du salarié alors même que celles-ci ont été reconnues comme non fondées.
En conséquence, M. [X] [R] sera également débouté de sa demande de dommages-intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de sécurité.
Sur la demande d’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse
M. [X] [R] soutient que son inaptitude avait pour origine des faits de harcèlement moral subi et que de ce fait son licenciement est nul.
Aucun fait de harcèlement moral n’ayant été retenu, M. [X] [R] est débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Aucune violation par l’employeur de ses obligations – exécution déloyale du contrat ou manquement à son obligation de sécurité – n’a été retenue. Il ne saurait donc être considéré que l’inaptitude est consécutive à un manquement de l’employeur à ses obligations. M. [X] [R] est débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé en ce qu’il a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d’appel sont à la charge du salarié, partie succombante.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge de l’employeur l’intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel. Il y a lieu de le débouter de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe;
Confirme le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes d’Orléans le 6 janvier 2021 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Condamne M. [X] [R] à payer à la SAS Sodispra la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne M. [X] [R] aux dépens d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID