Épuisement professionnel : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03526

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Épuisement professionnel : 20 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03526

20/01/2023

ARRÊT N° 2023/34

N° RG 21/03526 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OKH6

MD/KS

Décision déférée du 13 Juillet 2021

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Toulouse

( 19/01166)

SECTION COMMERCE CH 1

Filipe COSTA

[T] [R]

C/

Société BANQUE POPULAIRE OCCITANE

CONFIRMATION

Grossec délivrées

le 20/01/2023

à

Me Claire DE LAAGE DE MEUX

Me Sébastien HERRI

ccc

le 20/01/2023

à

Me Claire DE LAAGE DE MEUX

Me Sébastien HERRI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [T] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Claire DE LAAGE DE MEUX, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Société BANQUE POPULAIRE OCCITANE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Sébastien HERRI de la SELARL HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M.DARIES chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : K. SOUIFA

lors du prononcé : C.DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE:

Madame [T] [R] a été embauchée le 2 mai 1990 par la Banque Populaire Occitanie (ci-après désignée BPOC) en qualité de guichetier payeur suivant contrat de travail à durée déterminée régi par la convention collective nationale de la branche Banque Populaire.

La salariée a successivement occupé les postes d’assistante de clientèle, responsable portefeuille particulier puis conseillère clientèle particuliers à compter du 01 juillet 2004, niveau F.

A la suite d’un congé maternité et d’un congé parental, elle a intégré suivant avenant du 01 février 2008, au siège de la Banque Populaire Occitanie le service ‘risques de crédit’ à temps partiel en qualité de chargée d’étude risques crédits.

Par avenant du 01 novembre 2016, la durée de travail à temps partiel passe de 50% à 78%.

Madame [R] a fait l’objet d’un arrêt de travail le 19 mars 2018, arrêt prolongé sans interruption jusqu’au 18 septembre 2018.

Le 19 septembre 2018, le médecin du travail a déclaré l’inaptitude totale et définitive de Madame [R] à tous les postes dans l’entreprise.

Après avoir été convoquée par courrier du 18 décembre 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 28 décembre 2018, elle a été licenciée par courrier du 8 janvier 2019 pour inaptitude physique totale définitive et impossibilité de reclassement au sein de l’entreprise et du notre groupe.

La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 24 juillet 2019 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Commerce chambre 1, par jugement du 13 juillet 2021, a :

– jugé que la BPOC a respecté ses obligations, concernant les règles contractuelles et conventionnelle ainsi qu’en matière de reclassement,

En conséquence,

– rejeté l’intégralité des demandes de Madame [R],

– dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– laissé les dépens à la charge de Madame [R].

Par déclaration du 3 août 2021, Madame [R] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 juillet 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 17 octobre 2022, Madame [R] [T] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé que la société BPOC a respecté ses obligations, concernant les règles contractuelles et conventionnelles, ainsi qu’en matière de reclassement,

* en conséquence, rejeté l’intégralité des demandes de Madame [R],

* dit n’y avoir lieu à indemnité au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

* laisser les dépens à la charge de Madame [R],

Et statuant à nouveau, il est demandé à la Cour de :

– juger que la société BPOC a manqué à son obligation de formation.

– la condamner au paiement d’une somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi à ce titre,

– juger qu’elle s’est trouvée en situation de souffrance au travail du fait de son employeur, celui-ci ayant manqué à son obligation de sécurité,

– condamner en conséquence la société BPOC au paiement d’une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

– juger que le licenciement pour inaptitude a pour cause un manquement de l’employeur,

– juger que la société BPOC a manqué à son obligation de reclassement,

En conséquence,

– juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– juger que la société BPOC a manqué à son obligation de l’informer par écrit de l’impossibilité de la reclasser,

– condamner la société BPOC au paiement:

. d’une somme de 42 600 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 20 mois de salaire, demeurant son ancienneté (28 ans et 8 mois),

. d’une somme de 4 260 euros au titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférent,

– condamner la société BPOC à lui remettre le bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conforme, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du 9ème jour suivant la notification du jugement à intervenir,

– condamner la société BPOC à rembourser au Pôle Emploi les indemnités versées dans la limite de 6 mois sur le fondement de l’article L 1235-4 du code du travail,

– la condamner au paiement d’une somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– assortir les condamnations prononcées à l’encontre de la société BPOC des intérêts aux taux légal,

– condamner la société BPOC aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 8 novembre 2022, la société Banque Populaire Occitanie demande à

la cour de :

– confirmer le jugement,

– débouter Madame [R] de toutes ses demandes,

– condamner Madame [R] à verser à la société BPOC 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner Madame [R] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date

du 10 novembre 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyenset prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION:

Mme [R] soutient que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

du fait que l’employeur a manqué à son obligation de formation et de sécurité (elle était en ‘bore-out’ ) dont elle demande réparation pour les préjudices spécifiques subis, mais aussi pour manquement à son obligation de reclassement.

I/ Sur l’obligation de formation:

Aux termes de l’article L 6321-1 du code du travail, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail, veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

La convention collective de la Banque Populaire prévoit au titre IV – Gestion des ressources humaines – chapitre 4 que:

« La formation professionnelle a principalement pour objet :

– l’acquisition et le maintien des compétences nécessaires à l’exercice des métiers de la banque et à l’adaptation à leurs évolutions,

– la maîtrise des nouveaux outils et des nouvelles procédures,

– l’accompagnement de la polyvalence, de la mobilité professionnelle et des reconversions,

– l’évolution des qualifications professionnelles, notamment dans le cadre des formations diplomantes du BP et de l’ITB. (..)

Les entreprises bancaires, pour leur part, doivent apporter une attention particulière au cas des personnes qui n’ont pas suivi d’actions de formation depuis plus de cinq ans: il faut procéder avec elles à une étude attentive de leurs besoins et envisager éventuellement une formation de requalification.

Sont notamment indispensables :

– l’information des salariés sur les objectifs des formations proposées et sur les compétences qu’elles permettent d’acquérir ou de développer ;

– l’implication dans l’action de formation et dans sa mise en pratique de la part des salariés comme des responsables hiérarchiques. »

Mme [R] expose qu’elle n’a bénéficié que de formations réglementaires et dispensées à l’ensemble de l’équipe, ainsi selon les entretiens d’évaluation:

. de 2009 à 2012, des formations résiduelles ( logiciel Excel, virements Sepa, Sécurité de l’information, notation Corporate, risques opérationnels),

. de 2013 à 2017, des formations sur la loi de finance 2013, MIBPOC 3, LAB Expertise, refonte Popix Lot Compte siège.

Elle affirme que la société BPOC ne lui a pas fourni une formation individuelle spécifique à son poste de travail et suffisante pour maintenir sa capacité à occuper un emploi et évoluer professionnellement. La conséquence en a été une absence d’évolution professionnelle depuis son retour de congé maternité le 1er février 2008, dans la fonction, le statut et la classification, étant demeurée pendant plus de 15 ans au niveau F, acquis depuis le 1er juillet 2004.

Elle dénonce un défaut de réponse de l’employeur à ses demandes expresses d’évolution professionnelle et de classification au coefficient supérieur de 2010 à 2012, tel qu’elle a renoncé à continuer à les formuler de 2013 à 2016.

A compter du 1er octobre 2016, son poste intitulé « chargé d’étude référence risque conformité » est devenu «chargé d’étude projets conformité » et était identique en termes de fonctions, de responsabilité et de rémunération.

Lors de l’entretien professionnel 2017 réalisé le 6 juin 2017, Mme [R] a de nouveau et sans effet, sollicité une évolution professionnelle vers un poste « d’expert projets risque conformité ».

Elle précise que, postérieurement à son licenciement et après bilan de compétence, elle a financé et suivi une formation (régimes matrimoniaux et successions – immobilier et investissement locatif – crédits immobiliers) aux fins d’obtenir le diplôme de certificat de conseiller en gestion de patrimoine, réussi le 26 mai 2020.

Elle sollicite 25000,00 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

La Banque Populaire s’inscrit en faux contre les affirmations de la salariée, considérant que celle-ci, dont les souhaits d’évolution ont été pris en compte, a connu une évolution professionnelle certaine: étant entrée comme guichetière, elle a occupé différents postes notamment conseillère client particulier de 2004 à 2007, chargée d’études monitoring risque crédit de 2008 à 2011, chargée d’études référenciel risques et conformité de 2011 à 2016 avant d’occuper le poste de chargée d’étude projets risques conformité à compter du 1er octobre 2016.

L’intimée oppose que:

. depuis 2012, Mme [R] ne dépassait jamais le niveau minimum requis, pour aucune des compétences attendues ni en matière de communication écrite,

. la nécessité de finaliser l’acquisition de la polyvalence et de développer l’autonomie, la connaissance du système d’information et d’être force de proposition étaient également des problématiques récurrentes depuis 2011.

La banque ajoute qu’en avril 2018, pendant son arrêt maladie, la salariée a fait part de sa volonté de ne pas retourner à la banque et de se réorienter comme auto-entrepreneuse dans la décoration, en engageant dès août – septembre 2018, avant que son inaptitude soit définitivement constatée, des formations en ce sens.

Sur ce:

Mme [R] devenue en 2008 ‘chargée d’étude monitoring risques crédits’ a accédé à la classification au niveau F.

Lors de l’évaluation des compétences pour l’année 2011 au poste intitulé: ‘chargé d’étude référence risques conformité’, la salariée exprime avoir depuis 4 ans dans le poste, acquis une bonne maîtrise des outils, un bon niveau d’analyse et d’autonomie. Elle demande à accéder à davantage de responsabilités et que son expertise soit reconnue dans la définition de son poste.

Lors de l’entretien pour l’année 2012, Mme [R] souhaite évoluer vers un poste d’expert et elle devait prendre contact avec la DRH.

Pour l’année 2013, le manager précise que de nouveaux efforts sur la polyvalence sont à accomplir sur des activités différentes et la salariée note: ‘entretien positif avec prise en compte des évolutions souhaitées sur le poste’.

Il s’en évince qu’une évolution effective est intervenue quant aux tâches dévolues au sein du poste.

A l’issue du bilan pour 2014, l’appelante n’émet pas de souhait, ni de commentaire aux observations du manager concluant à une bonne année, une meilleure autonomie mais à la poursuite des efforts de polyvalence et pour être force de proposition.

Lors de l’entretien professionnel du 12 janvier 2016 pour l’année 2015, Mme [R] n’a pas de souhait de mobilité.

En octobre 2016, Mme [R] est ‘chargée d’étude projets risques conformité’.

L’appelante dénie toute évolution, affirmant que seule la dénomination du poste a changé mais pas les fonctions, mais elle n’explique pas quelles sont ses tâches et responsabilités.

Lors de l’entretien d’évaluation de juin 2017 pour l’année 2016, son manager conclut: ‘très bonne année, l’implication est importante, très bonne autonomie, les travaux réalisés sont de qualité dans le respect des délais’ tout en soulignant que ‘de nouvelles compétences devront être acquises dans le cadre de la polyvalence.’

Il s’en déduit donc à tout le moins une nouvelle évolution des tâches dans le poste, la salariée reconnaissant elle-même un élargissement de la polyvalence: ‘avec l’augmentation du temps de travail voulue fin 2016, mon implication au sein du pôle Support et Transmission est plus forte. Celle-ci se constate par une mise en place progressive de la polyvalence souhaitée ainsi que la transmission de mes compétences avec les nouveaux collaborateurs du service. Enfin, grâce à la relation de confiance entretenue avec mon manager qui sait être disponible et à l’écoute, je veillerais à acquérir une plus grande autonomie et à prendre plus d’initiatives afin d’atteindre les objectifs’.

Selon document de même date du 06 juin 2017 concernant l’entretien

professionnel 2017, le manager écrit:

‘ Mme [R] a prouvé qu’elle était en mesure de s’adapter dans des domaines professionnels très différents . Elle doit pouvoir faire ses preuves afin de mener en toute autonomie des projets au niveau I-BP ou BPCE. L’acquisition de compétence dans le cadre de la fraude et de la LAB devrait l’aider dans cette démarche.’

L’appelante répondait: ‘ depuis 2008 au sein de la DRC, j’ai su montrer ma capacité à m’adapter à un domaine professionnel exigent et en perpétuelle évolution. Grâce à mon expérience et à mon implication, je souhaite une reconnaissance de mon niveau d’expertise’.

Il ressort de ces éléments que Mme [R] a fait preuve de façon constante depuis 2008 d’implication et d’adaptation, plus particulièrement à compter de 2016 avec une augmentation du temps partiel.

Elle considère que l’employeur a tardé à répondre à une demande de reconnaissance de passage à un niveau supérieur et ne lui a pas donné les moyens d’y accéder.

Néanmoins, elle a toujours bénéficié de formations annuelles à l’exception de la période de congé maternité, en lien avec ses différentes fonctions, même si elle n’a pas formulé certaines années de demandes spécifiques.

En faisant état de la ‘ mise en place progressive de la polyvalence souhaitée’, Mme [R] reconnaît une évolution de ses compétences professionnelles qui se déclinent selon les mentions portées dans les entretiens, dans les unités suivantes:  »Contr Risq Cred’ en 2008, ‘ Ref Risq Conf’ en 2011 et ‘ supports projets’ en octobre 2016.

En juin 2017, l’employeur qui avait souligné chaque année la nécessité de poursuivre des efforts sur l’élargissement des compétences et la force de proposition, non remise en cause lors des entretiens par la salariée, valide la demande de Mme [R], devant faire ses preuves ‘ en totale autonomie’, en formulant un projet.

La terminologie employée n’implique pas que l’employeur positionne la salariée sur un projet et la salariée n’établissant pas avoir engagé des démarches, elle ne peut reprocher à l’employeur une absence d’accompagnement à ce titre.

L’appelante, qui ne définit ni les fonctions qu’elle a exercées au cours des années ni celles d’expert auxquelles elle veut accéder, n’a pas sollicité de cursus particulier à ce titre ou de validation des compétences lors des entretiens annuels et au cours desquels elle a reconnu un accompagnement du manager dans le développement des compétences professionnelles.

Le fait que postérieurement à son licenciement, Mme [R] ait confirmé ses capacités en s’engageant dans un cursus diplômant et en obtenant un diplôme de certificat de conseiller en gestion de patrimoine, n’établit pas que l’employeur a fait preuve d’insuffisance dans le cadre de son obligation de formation tendant à permettre une mobilité professionnelle et une valorisation salariale.

Aussi l’appelante sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé sur ce chef.

II/ Sur le manquement à l’obligation de sécurité:

En application de l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

Mme [R] expose qu’elle a été victime d’un ‘bore out’ à compter de décembre 2016 jusqu’en mars 2018, date de début de son arrêt-maladie.

Elle dénonce qu’elle avait dans le cadre de ses fonctions, de moins en moins de tâches à réaliser, excepté la préparation de certains comités ou le remplacement de collègues absents.

Elle affirme avoir alerté , sans effet, sa hiérarchie M. [K] supérieur hiérarchique direct et Mme [J], adjointe du responsable de la direction du service, sur l’absence de travail et son ‘bore out’ qui se traduit par un épuisement professionnel par l’ennui au travail.

Elle indique avoir été en arrêt de travail « suite à lombalgie aigue dans un contexte de tensions professionnelles » et que le lumbago est une somatisation de la souffrance professionnelle qu’elle a vécue.

Elle soutient que son état de santé s’est dégradé à cause de son manque de travail et de reconnaissance professionnelle et que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas en compte sa situation de souffrance au travail.

Elle a été déclarée inapte définitivement à tous postes dans l’entreprise.

Elle verse des éléments médicaux:

– Un certificat du Dr [M], psychiatre, du 17-09-2018 lequel suit l’intéressée depuis le 09 avril 2018 pour un syndrome anxio-dépressif important avec somatisation dans un contexte de difficultés au travail.

Il écrit: « on note que depuis un an dans un nouveau poste, elle a eu l’impression de rétrograder dans une activité vécue comme inintéressante, elle est perçue comme inutile avec un sentiment de dévalorisation, de non-reconnaissance

après 29 ans de travail »

– des extraits du dossier médical ASTIA et consignations du Docteur [O], médecin du travail pour la période de novembre 2014 à septembre 2018 portant les mentions suivantes:

. entretien infirmier du 05-12-2016: pas de changement sur le poste, augmentation du temps de travail, ressenti: pas de particularité exprimée, pas de plainte évoquée, échelle de satisfaction professionnelle: 7,

. visite du 26-03-2018:

« en décembre 2016, a repris à sa demande à 78% – Bore out car n’ont pas augmenté sa charge de travail – pas d’évolution professionnelle, pas de perspective d’évolution professionnelle, s’ennuie dans son travail (..),

A vu sa gestionnaire de carrière. Moral anéanti +++. Des collègues évoluent sans raison.

A le sentiment qu’on se sert d’elle quand on en a besoin (polyvalence + remplacement de collègues).

Se plaint de lombalgies +++»

. visite du 29-03-2018: ‘stop Travail suite lombalgie aïgue ds contexte de tensions professionnelles: me dit que :’ Travail à la banque depuis 28 ans, est dans une situation de ‘bore out’/ absence de reconnaissance absence de considération, fait des tâches répétitives sans intérêt depuis des mois voir des années – a demandé RDV à la RH, mais pas de projet d’évolution prévu pour elle, pas de nv poste pas de reconnaissance financière ..bcq de nv embauchés ont été promus, mais jamais elle ..S’ennuie +++ en a assez. Tbles du sommeil angoisses agressivité tbles de l’humeur pas de tt mde mésestime d’elle, perte de confiance en elle, culpabilise de tout, se remet en question pour tout, perte de confiance en elle +++anhédonie » Pleurs pendant entretien, ne veut plus revenir à la banque ne plus en entendre parler n’en peux plus de cette situation qui apparait sans solution. » Cs stop W + suivi psy + psycho.

. visite du 14-04-2018:

perte de confiance en elle, de son estime profess. Passionnée par la déco, voudrait se réorienter en autoentrepreneuse.

. visite du 31-05-2018:

commence à prendre du recul, cours adulte aux beaux-arts, s’est renseignée pour bilan de compétences. Augmentation confiance en elle.

. visite du 30-08-2018:

arrêt de travail jusqu’au 18-09-2018.

Bilan de compétence financé par le Fongecif, moral mieux, formation architecture d’intérieur.

L’appelante sollicite 15000,00 euros de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

La banque réfute tout manquement et oppose que Mme [R] n’a fait état d’aucun grief et a exercé normalement ses fonctions.

Sur ce:

Si Mme [R] a pu éprouver de la déception pour ne pas avoir bénéficié d’une progression de classification et de salaire et en éprouver du mal-être alors qu’elle avait sollicité une reconnaissance de ses compétences, elle ne justifie pas avoir fait part à l’employeur d’un sous-emploi et d’une souffrance de ce fait.

Les éléments médicaux versés, rapportant ses déclarations, sans constatation sur site, ne démontrent pas que Mme [R] ait été confrontée à un manque de travail alors même qu’elle avait demandé à augmenter son temps partiel, ni à l’exécution de tâches de remplacement.

Lors de l’entretien infirmier de décembre 2016, la satisfaction professionnelle était bonne, évaluée à 7 et lors des entretiens d’évaluation de compétence et professionnel avec l’employeur de juin 2017, elle soulignait une plus forte implication depuis

l’augmentation du temps de travail soit à compter de novembre 2016, également reconnue par l’employeur au niveau de la polyvalence. Elle faisait part également d’une transmission de ses compétences à de nouveaux collaborateurs, ce qui en soit est valorisant.

L’appelante, par ailleurs, à compter de juin 2017 jusqu’à son arrêt de travail

le 19 mars 2018, pouvait s’inscrire dans un projet professionnel pour lequel aucune démarche n’est intervenue.

Elle ne démontre pas plus que la lombalgie dont elle souffrait avait pour origine un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

Aussi elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts et le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé sur ce chef.

III/ Sur le licenciement pour inaptitude:

L’origine de l’inaptitude ne relevant pas d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, le licenciement ne peut être requalifié sans cause réelle et sérieuse à ce titre.

Sur le reclassement:

En application de l’article L 1226-2 du code de travail ( dans sa rédaction en vigueur depuis le 01 janvier 2018), lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de

l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu’il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur

les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Mme [R] énonce que la société BPOC appartenant à un groupe, lui a adressé

le 28 novembre 2018, un courrier de questionnaire de mobilité libellé en ces termes :

« Dans le cadre de notre recherche de reclassement, nous sommes conduits à recenser tous les postes disponibles dans notre entreprise et au sein du Groupe auquel elle appartient. A cet égard nous vous remercions de bien vouloir nous communiquer le questionnaire de mobilité ci-joint, complété par vos soins. »

Aucun délai de réponse n’était précisé, elle a retourné ce questionnaire

le 11 décembre 2018 en indiquant expressément accepter des propositions de poste situés en Gironde.

L’appelante invoque un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement. Elle fait valoir que :

. l’employeur n’a pas rempli son obligation en ne lui notifiant pas par écrit les motifs qui s’opposaient à son reclassement préalablement à la convocation à l’entretien préalable car elle n’a jamais reçu de l’employeur un courrier du 14 septembre 2018 tendant à l’informer d’une impossibilité de reclassement,

. les délégués du personnel n’ont pas été suffisamment informés au moment de leur consultation le 06 décembre 2018 sur ses souhaits en ce qui concerne les recherches de reclassement au sein du Groupe.

. la médecine du travail n’a pas été consultée sur l’acceptation de la salariée d’être éventuellement mutée en Gironde dans le périmètre de la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique.

La société conclut au débouté.

Sur ce:

Il ressort des pièces versées que:

. le 07 novembre, l’employeur avait transmis une demande de recherche de reclassement à nombre de sociétés bancaires par un courriel type,

. à la date du 30 novembre 2018, l’employeur a adressé au médecin du travail une liste des postes existant dans le groupe et 3 fiches détaillées de postes disponibles au sein de la Banque Populaire Occitane.

. le médecin du travail répondait que l’état de santé de Mme [R] ne permettait pas de maintien à son poste ou d’exercer tout autre poste dans l’entreprise, y compris ceux disponibles proposés. Il ajoutait ne pouvoir préciser les capacités de travail restantes de l’intéressée, « inexistantes », et qu’il ne lui était pas possible de formuler des propositions d’aménagement, d’adaptation, de transformation de poste, de mutation, de reclassement, même après formation.

. l’employeur a relancé la Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique par couriel du 14 décembre 2018, laquelle répondait négativement.

Lors de la consultation des délégués du personnel le 06 décembre 2018, si ces derniers n’avaient pas connaissance de la réponse au questionnaire de Mme [R], en tout état de cause, le médecin du travail avait répondu de façon précise sur l’état de santé de la salariée et l’absence de capacités résiduelles.

L’employeur, ayant ensuite reçu la réponse négative de la banque populaire d’Aquitaine, n’avait pas à saisir de nouveau le médecin du travail.

Mme [R] ne s’étant pas présentée à l’entretien préalable, il n’a pu être évoqué sa situation.

Il sera donc considéré que la banque populaire occitane a procédé à une recherche loyale de reclassement ce d’autant qu’elle a proposé plusieurs postes.

Si Mme [R] conteste avoir reçu la lettre du 14 décembre 2018 l’informant du motif du licenciement pour inaptitude, ce défaut de notification n’a pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement est fondé et Mme [R] ne réclame pas d’indemnité pour défaut de notification des motifs du licenciement.

Le jugement du conseil de prud’hommes est confirmé.

Sur les demandes annexes:

Mme [T] [R], partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Banque populaire occitane sera déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant:

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la Banque populaire occitane de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

.

 


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