Épuisement professionnel : 2 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00570

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Épuisement professionnel : 2 février 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/00570

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 FEVRIER 2023

N° RG 20/00570 –

N° Portalis DBV3-V-B7E-TYZL

AFFAIRE :

[P] [G]

C/

Société SCHINDLER

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 janvier 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : I

N° RG : 19/00533

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Monique TARDY

Me Denis PELLETIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame [P] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentants : Me Monique TARDY de l’ASSOCIATION AVOCALYS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Renaud DUBREIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0058, substitué par Me Marie-Sophie de RANGO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0058

APPELANTE

****************

Société SCHINDLER

N° SIRET : 383 711 678

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Denis PELLETIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R006

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 décembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier placé lors des débats : Madame Virginie BARCZUK,

Greffier en pré-affectation lors du prononcé : Madame Domitille GOSSELIN

La société Schindler ‘ dont le siège social se situe [Adresse 2] ‘ est spécialisée dans l’installation, l’entretien et la réparation d’escaliers mécaniques et ascenseurs. Elle emploie plus de dix salariés.

 

La convention collective régionale applicable est celle des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954.

 

Mme [P] [G], née le 14 janvier 1973, a été engagée par la société Sacamas, filiale du groupe Schindler, par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 15 juillet 1997, avec reprise d’ancienneté au 2 juin 1997, en qualité d’assistante commerciale.

 

Le 21 septembre 2005, Mme [G] a été mutée au sein de la société Schindler, avec reprise d’ancienneté, en qualité d’assistante de direction des opérations Nord/Ouest. A compter du 15 décembre 2006, elle a été mutée au sein de la direction administrative, financière et informatique en qualité d’assistante de direction. A compter du 1er mars 2014 elle a été affectée à la direction juridique.

 

En dernier lieu, faisant suite à une mutation interne à sa demande intervenue le 15 mai 2018, Mme [G] occupait les fonctions d’assistante IN/MOD (travaux) au sein du service escalier mécanique de la direction des installations neuves.

 

Par courrier recommandé du 11 février 2019, Mme [G] a démissionné de ses fonctions dans les termes suivants :

‘ Les difficultés que je rencontre n’ayant pas été prises en compte, je t’informe que je te présente ma démission de mon poste d’assistante travaux à compter de ce jour.

Compte tenu des circonstances, je te demande de bien vouloir me dispenser partiellement de l’exécution de mon préavis que je ne me sens pas la force d’exécuter jusqu’à son terme.

Afin d’être en mesure de former la personne qui me succédera, je te propose d’exécuter mon préavis jusqu’au 11 mars 2019.’.

 

Par courrier du 15 février 2019, la société Schindler a pris acte de la décision de Mme [G] en ces termes :

 ‘Nous avons pris connaissance de ta lettre de démission du 11 février 2019.

Nous ne sommes pas surpris de cette décision puisque tu as clairement exprimé auprès de la DRH, le souhait de quitter l’entreprise, estimant que ce poste au sein de mon service ne correspondait pas à tes aspirations professionnelles.

Contrairement à ce que tu précises dans ton courrier de démission, les éventuelles difficultés ont été prises en compte, nous t’avons reçue à plusieurs reprises, afin de mieux t’aider et t’apporter le support nécessaire à ta réussite dans ce nouveau poste, mais nous respectons ta décision de nous quitter.

En conséquence, et suite à la demande, nous te confirmons notre accord afin que ton préavis soit exécuté partiellement.

Ton contrat de travail prendra fin le 11 mars 2019.’.

 

Par requête reçue au greffe le 16 septembre 2019, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles aux fins de voir requalifier sa démission en prise d’acte de rupture du contrat de travail, en sollicitant diverses sommes indemnitaires et salariales.

 

Par jugement rendu le 28 janvier 2020, le conseil de prud’hommes de Versailles, section industrie, a :

– dit l’affaire recevable,

– fixé le salaire moyen à la somme de 3 530,42 euros,

– débouté Mme [G] de ses demandes :

. de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les demandes en découlant,

. de dommages et intérêts sur le non-respect de l’obligation de sécurité de résultat relative à la protection de la santé et de la sécurité de la salariée,

– condamné la société Schindler à payer à Mme [G] les sommes de :

. 1 144,93 euros au titre des heures supplémentaires effectuées non payées à ce jour,

. 114,49 euros au titre des congés payés afférents,

– ordonné l’exécution provisoire de droit,

. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Schindler aux éventuels dépens.

 

Mme [G] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 26 février 2020.

Par dernières conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 11 mai 2022, Mme [G] demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 28 janvier 2020 par le conseil de prud’hommes de Versailles, mais seulement en ce que les premiers juges ont débouté Mme [G] de ses demandes de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de toutes les demandes en découlant, et de dommages et intérêts sur le non-respect de l’obligation de sécurité de résultat relative à la protection de la santé et de la sécurité de la salariée,

Statuant à nouveau,

– requalifier la démission de Mme [G] en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, pour refus de paiement des heures supplémentaires effectuées, et manquement à l’obligation de sécurité (de) résultat, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Schindler à payer à Mme [G] les sommes suivantes :

. 7 649,24 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 764,90 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 18 358,17 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

. 61 193,92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts spécifiques pour manquement à son obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité de sa salariée,

– débouter la société Schindler de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Schindler au paiement de 3 000 euros à Mme [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Schindler aux entiers dépens.

 

Par dernières conclusions (n°III) notifiées par voie électronique le 24 mai 2022, la société Schindler demande à la cour de :

– recevant la société Schindler en son appel incident et y faisant droit,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [G] de ses demandes de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, d’indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité de résultat relative à la protection de la santé et de la sécurité de la salariée,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Schindler à payer à Mme [G] les sommes de :

. 1 144,93 euros à titre d’heures supplémentaires,

. 114,49 euros au titre des congés payés y afférents,

. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. Et aux dépens,

Statuant à nouveau,

– débouter Mme [G] de l’ensemble de ses demandes,

– la condamner aux dépens.

 

Par ordonnance rendue le 1er juin 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 novembre 2022, audience reportée au 2 décembre 2022.

 

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur la requalification de la rupture du contrat de travail

Mme [G] demande la requalification de sa démission en rupture du contrat de travail aux torts de la société Schindler, produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en raison de la double faute commise par son ex employeur, d’une part le non-paiement délibéré, malgré ses demandes, des heures supplémentaires qu’elle a effectuées et d’autre part le manquement récurrent à l’obligation de sécurité et de protection de la santé physique et mentale de la salariée.

L’employeur conteste les manquements qui lui sont imputés.

En vertu des dispositions de l’article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié.

Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l’employeur. Cette prise d’acte de la rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont établis et s’ils sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat, soit d’une démission dans le cas contraire.

Lorsque le salarié motive sa démission par des manquements de l’employeur, la rupture s’analyse en une prise d’acte dans les mêmes conditions.

C’est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité. S’il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l’appui de la prise d’acte, celle-ci doit produire les effets d’une démission.

Le principe de charge de la preuve applicable en matière de prise d’acte ne fait pas obstacle au principe de la répartition de la charge de la preuve entre le salarié et l’employeur qui s’applique à certains types de litiges, notamment s’agissant de l’exécution d’heures supplémentaires et de l’obligation de sécurité à laquelle est tenue l’employeur.

Sur le non-paiement des heures supplémentaires

Mme [G] expose qu’elle a rencontré de nombreuses difficultés dans la réalisation de ses missions dès son arrivée dans le poste d’assistante travaux, en raison d’une charge de travail excessive.

Elle indique qu’elle a été immédiatement contrainte à faire de nombreuses heures supplémentaires pour terminer ses missions à temps, compte tenu des urgences à traiter et des délais à respecter, car le poste était destiné à une assistante travaux confirmée alors qu’elle débutait.

Elle fait valoir qu’il ressort des relevés de badgeage de l’entreprise que de mai à septembre 2018 elle a effectué un total de 39,35 heures supplémentaires, sans compter les heures effectuées à son domicile certains soirs.

Elle soutient d’une part que les dispositions d’un accord d’entreprise qui subordonneraient la réalisation d’heures supplémentaires à un accord préalable de l’employeur ne suffisent pas à dispenser l’employeur de rémunérer les heures supplémentaires effectuées et d’autre part qu’un salarié peut obtenir le paiement des heures supplémentaires réalisées sans l’accord préalable exprès de l’employeur et même contre son avis, dès lors qu’elles ont été rendues nécessaires à l’exécution des tâches confiées au salarié.

Elle estime que ses heures supplémentaires ont été accomplies en parfaite connaissance de son employeur et avec son accord tacite, interdiction ne lui étant faite de faire des heures supplémentaires qu’à partir du mois de décembre 2018, lorsqu’elle en a réclamé le paiement.

Elle fait enfin valoir que l’importance du montant impayé par l’employeur n’est pas un élément nécessaire pour apprécier la gravité des faits, le seul constat du refus réitéré d’exécuter son obligation par l’employeur suffisant à matérialiser un manquement constituant une faute grave.

La société Schindler réplique que Mme [G] a bénéficié d’un accompagnement dans les premières semaines de sa prise de fonction afin qu’elle puisse, à terme, mener à bien l’ensemble de ses missions, alors qu’elle était dans la phase d’apprentissage d’un nouveau métier ; que ses tâches ont été allégées et que sa charge de travail n’était pas écrasante ; que les heures de travail supplémentaires sont à relativiser car elles représentent en réalité 2 heures par semaine en phase d’adaptation à de nouvelles fonctions, aucune charge de travail particulière n’étant invoquée entre septembre 2018 et janvier 2019.

Elle estime que le paiement des heures supplémentaires n’est pas dû car elle n’a pas été informée au préalable de leur réalisation, en violation de l’accord d’entreprise, et qu’il n’existait pas d’accord tacite de l’employeur.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l’accord au moins implicite de l’employeur, soit s’il est établi que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches qui ont été confiées au salarié.

En l’espèce, il ressort des bulletins de salaire versés au débat que Mme [G] travaillait 151,67 heures par mois soit 35 heures par semaine.

Il ressort des relevés des badgeages de Mme [G], connus de l’employeur, que cette dernière a travaillé 38,15 heures de plus que sa durée de travail contractuelle entre les mois de mai et septembre 2018, soit 10h50 en mai, 14h39 en juin, 1h55 en juillet, 6h27 en août et 5h44 en septembre (pièce 17 de l’appelante).

La salariée fournit ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La société Schindler ne conteste pas les heures réalisées mais invoque une violation de l’accord d’entreprise du 7 octobre 2016 qui prévoyait que les heures supplémentaires devaient faire l’objet d’une demande de l’employeur ou du salarié avec validation écrite de sa hiérarchie, sans produire ledit accord, dont l’existence n’est toutefois pas contestée par la salariée.

En tout état de cause, il apparaît que les heures supplémentaires, même non autorisées par l’employeur, ont été accomplies par la salariée alors qu’elle venait d’intégrer son nouveau poste d’assistante travaux dont l’employeur reconnaît qu’il nécessitait un temps d’adaptation.

Mme [G] a indiqué à son supérieur hiérarchique, M. [O] [R], par courriel du 26 juin 2018, que « mes journées de travail ne comptent pas assez d’heures pour pouvoir tout traiter en temps et en heure. Le mois dernier, depuis mon arrivée au département des escaliers mécaniques, j’ai effectué en 15 jours, 11 heures supplémentaires et ce mois, j’en suis déjà à près de 13 heures d’heures supplémentaires alors que le mois n’est pas encore achevé. J’amène aussi certains soirs du travail à la maison pour m’avancer. » (pièce 6 de l’appelante).

M. [R] lui a répondu le même jour : « je sais, parce que [M], [A] puis [D] ont connu elles aussi une période de démarrage difficile, que cela peut être stressant. Mais je suis également convaincu, qu’une fois les process et les outils maîtrisés, le travail sera moins stressant. » (pièce 7 de l’appelante).

Ainsi, le supérieur hiérarchique de Mme [G], informé de ce qu’elle effectuait des heures supplémentaires, ne s’est pas opposé à leur accomplissement et les a mises en lien avec la période de démarrage du nouveau poste.

L’employeur n’a interdit à Mme [G] d’accomplir des heures supplémentaires qu’après la demande de paiement des heures supplémentaires réalisées formée par cette dernière le 10 décembre 2018 (sa pièce n°16).

Des heures supplémentaires, rendues nécessaires par les tâches confiées à la salariée, en apprentissage dans un nouveau poste, ayant été accomplies de mai à septembre 2018 avec l’accord implicite de l’employeur, leur paiement est dû à Mme [G] pour une somme de 1 144,93 euros outre 114,49 euros au titre des congés payés.

La décision de première instance sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a condamné la société Schindler à payer ces sommes à Mme [G].

Sur le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur

Mme [G] expose qu’elle a fait part à de nombreuses reprises de ses conditions de travail difficiles à son supérieur hiérarchique et des conséquences sur sa santé ; que malgré la connaissance de cet état anxiogène, aucune mesure concrète n’a été prise pour lui donner la possibilité d’avoir le temps de maîtriser les process et outils de travail afin de réduire son état de stress ; que sa surcharge de travail a été minimisée par l’employeur, auquel il appartient de prouver que sa charge de travail n’était pas excessive, ce qu’il ne fait pas.

Elle soutient qu’elle n’a pas été véritablement formée à son poste, qui était radicalement différent de ses postes précédents, notamment sur l’utilisation des différents logiciels informatiques spécifiques à l’activité ; qu’en effet, Mme [F] a été peu présente durant le mois de mai 2018 durant lequels elle a pris des congés et qu’elle la formait à distance puisqu’elle occupait un nouveau poste.

Elle relate avoir seulement été déchargée d’un dossier par une autre salariée, alors qu’elle était en arrêt de travail et indique avoir été submergée au mois de janvier 2019 lorsque la société lui a réattribué de nouveaux dossiers.

Elle soutient que la proposition de réattribution du seul dossier du métro de [Localité 5] était dérisoire face à la multitude des autres tâches qui lui étaient dévolues et aux urgences à traiter.

Elle estime que l’ensemble de ses missions ne pouvait être effectué par une seule personne.

Elle soutient que son épuisement professionnel, qui s’est traduit par des arrêts de maladie, démontre le manquement grave de l’employeur à son obligation de sécurité.

La société Schindler conteste avoir manqué à son obligation de sécurité en faisant valoir que Mme [G] a bénéficié d’une formation interne, de l’appui de ses collègues plus expérimentés en cas de besoin, de l’accompagnement de sa hiérarchie et d’un aménagement temporaire de ses tâches, par la décharge de certains dossiers, afin de pouvoir progressivement assumer l’ensemble des missions afférentes à son nouvel emploi.

Elle souligne que le médecin du travail n’a pas émis de restriction à l’aptitude de Mme [G] et n’a pas alerté l’employeur d’une éventuelle difficulté.

Elle conteste que deux personnes auraient été nécessaires pour effectuer les tâches de Mme [G].

L’obligation de sécurité qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail impose à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces dispositions ne manque pas à son obligation de sécurité.

Mme [G] a été mutée à sa demande sur le poste d’assistante travaux à compter du 15 mai 2018, alors qu’elle avait une ancienneté de 21 ans dans l’entreprise, à des postes différents.

Elle devait se former à ce nouveau poste et M. [R], son supérieur hiérarchique, avait conscience que la période de démarrage pouvait être difficile et stressante, compte tenu de l’expérience des salariées ayant précédé Mme [G] à ce poste, reconnaissant que « la phase d’apprentissage est effectivement une étape toujours complexe » (voir courriels en pièces 7 et 19 de l’appelante).

L’employeur justifie des mesures mises en place pour accompagner Mme [G] lors de sa prise de poste en produisant :

– une attestation de Mme [M] [T], assistante travaux dans la société, qui indique : « Je confirme et atteste que j’ai accompagné et assisté [P] sur les tâches qui lui ont été confiées. Des points journaliers ont été effectués avec [P] à la demande de notre responsable M. [C] [K]. En complément de ces accompagnements, j’ai récupéré des tâches (commandes, claims, les demandes d’agrément de sous-traitants et diverses tâches administratives). » (pièce 19),

– une attestation de Mme [A] [F], assistante travaux dans la société, à laquelle Mme [G] a succédé, qui expose qu’elle gérait deux activités majeures avec deux autres assistantes qui géraient un gros client chacune et que « la charge était correctement répartie, bien qu’il existe – comme tous les métiers – certaines périodes de « rush » ».

Elle indique que :

« Pendant la formation

Mme [G] est arrivée en mai 2018 pour une formation et passation d’un mois à mes côtés, durant lequel elle a pu voir les missions qui pouvaient tomber, dans quel ordre les faire, à qui les adresser, etc. Avec [O] [R], notre responsable hiérarchique à l’époque, nous avions eu l’initiative de la prendre durant suffisamment longtemps à nos côtés en formation/passation afin d’être sûrs que son intégration se passe au mieux. Elle avait l’avantage de connaître l’entreprise après plus de 20 ans d’activité dedans, et la plupart des outils informatiques, des procédures internes et contacts.

Après la formation

En juin 2018 j’ai été mutée près de [Localité 4] sur un autre poste. Avant mon départ, j’avais pris le soin de constituer un classeur de procédures pour le traitement de chaque dossier. Je suis également restée disponible après la période de formation. Elle m’a sollicitée pendant cette année de nombreuses fois par téléphone, par exemple sur des chantiers que j’avais commencé à traiter et qu’elle avait repris. Le directeur travaux, [C] [K] avait, peu de temps après mon départ, attribué certaines missions du métro de [Localité 5] (la partie la plus chronophage) à Madame [N] [J], assistante déjà en charge de l’assistanat pour la partie ascenseurs de ce projet, ainsi que ceux d’une partie de la direction d’agence régionale ouest (dont la Bretagne fait notamment partie) ».

Le 26 juin 2018, Mme [G] a alerté M. [R] sur l’accroissement de sa charge de travail chaque jour, « malgré ma demande d’aide auprès de mes collègues et ton conseil sur le traitement de mes urgences ». Elle a indiqué que « la charge de travail de mon poste s’avère être en fait de manière récurrente très supérieure à celle d’un seul poste, et je pense qu’il faudrait envisager de créer un second poste. »

M. [R] lui a répondu le même jour qu’une fois passé le cap de la période de démarrage, le travail serait moins stressant, et il lui a demandé d’identifier « les tâches pour lequelles tu souhaites être soulagée et nous verrons avec [U] demain comment elle peut t’aider. » (pièce 7 de l’appelante). Il ressort du courrier de son conseil du 14 janvier 2019 que Mme [G] a été reçue par sa hiérarchie à cette époque pour évoquer ses difficultés (pièce 20 de l’appelante).

Mme [U] [S], assistante commerciale, a repris une partie de la gestion du dossier Aéroports de Paris (ADP), dont elle s’occupait toujours fin janvier 2019 (pièce 14 de l’intimée).

Le 27 juin 2018, M. [R] a indiqué par courriel à Mme [G] et à d’autres salariés que « malgré l’investissement sans faille d'[P] dans son nouveau poste d’assistante travaux, la charge est donc trop importante pour permettre de travailler sereinement et de produire un travail de qualité ». Il a convenu avec M. [X] que le travail d’assistante travaux EM pour le métro de [Localité 5] serait assuré par l’assistante en charge des ascenseurs à compter du lundi suivant (pièce 48 de l’appelante).

La hiérarchie de Mme [G] est donc intervenue, suite à son signalement, pour alléger sa charge de travail.

Le 14 septembre 2018, Mme [G] a de nouveau alerté sa hiérarchie sur l’augmentation incessante de sa charge de travail (pièce 50 de l’appelante).

Le 6 novembre 2018, elle a sollicité un entretien pour demander la rupture conventionnelle de son contrat de travail car le poste ne correspondait pas à ses aspirations professionnelles, qu’elle avait du mal à assumer les missions de son poste et ne se sentait pas intégrée dans son nouveau service. La société a refusé cette mesure (courrier de la société Schindler – pièce 20 de l’appelante).

L’aide apportée à Mme [G] sur le dossier du métro de [Localité 5] a été effective durant plusieurs mois car c’est le 7 novembre 2018 que Mme [G] a signalé à sa hiérarchie que Mme [J], assistante qui gérait en local une partie du chantier du métro de [Localité 5] était partie en congé maternité et que sa remplaçante en intérim avait quitté la société, demandant qui allait reprendre les missions gérées en local dès lors que des urgences étaient à traiter et qu’elle estimait ne pas pouvoir reprendre ces tâches en plus de sa charge actuelle, déjà trop importante (pièce 49 de l’appelante).

Mme [G] a de nouveau été reçue le 17 décembre 2018 par ses responsables hiérarchiques, qui ont contesté le caractère excessif de sa charge de travail.

Le 10 janvier 2019, Mme [G] s’est plainte à M. [R] de devoir récupérer le dossier ADP Roissy, ce qui avait pour effet d’alourdir une charge de travail excessive qu’elle devait assumer seule puisque d’une part Mme [W], intérimaire engagée un mois auparavant pour alléger la charge de travail des assistantes avait quitté précipitamment l’entreprise le 8 janvier et que d’autre part Mme [B], nouvelle assistante travaux arrivée le 7 janvier n’était pas encore opérationnelle puisqu’elle était en phase de formation avec Mme [T] et elle-même (pièce 18 de l’appelante). Elle demandait l’intervention de sa hiérarchie pour que sa charge de travail redevienne normale.

Le 14 janvier 2019, M. [R] lui a répondu que le chantier ADP, qui n’est pas une affaire plus « lourde » que les autres malgré ses spécificités, avait été confié à [U] [S] durant une phase provisoire correspondant à son apprentissage ; que ce dossier faisant partie du « main business » et entrant à ce titre dans le périmètre d’activité de Mme [G], cette dernière devait le récupérer maintenant que sa période de formation était achevée, précisant que Mme [S] allait mener à son terme les opérations en cours et que Mme [G] ne prendrait en charge que les opérations nouvelles, qui n’occasionnaient pour l’heure aucune charge de travail. Il écrivait : « Donc, contrairement à ce que tu dis, il n’y a aucun « revirement » ni charge de travail supplémentaire, bien au contraire. » (pièce 19 de l’appelante).

Le retour d’une partie de ses tâches après sa période de formation ne constituait pas ainsi un alourdissement de la charge de travail correspondant au poste.

M. [R] précisait par ailleurs que la présence de Mme [W] n’était pas destinée à soulager les assistantes travaux mais à palier du mieux possible l’absence de Mme [G] durant sa maladie et que son départ était lié au retour de Mme [G].

Il écrivait encore : « Enfin je suis surpris et ne peux accepter que tu prétendes avoir le sentiment de te retrouver encore une fois seule. Depuis ton arrivée, toutes les assistantes, tous les RTM, ton hiérarchique direct et moi-même avons fait preuve d’une grande solidarité en t’accompagnant et répondant à toutes tes questions. », ajoutant que sa charge de travail ne pouvait être excessive compte tenu de la baisse d’activité de la société en 2018 par rapport à 2017, à effectif identique voire supérieur d’assistantes travaux et soulignant qu’il l’avait prévenue que le poste nécessitait de la réactivité lorsqu’elle avait postulé sur ce travail. Il estimait donc la charge de travail normale.

Bien que son médecin traitant indique que Mme [G] a présenté sur le plan médical des signes de stress et de fatigue chronique qu’elle mettait en lien avec une surcharge de travail et qu’elle a été fréquemment en arrêt de travail (14 jours en juillet 2018, 7 jours en septembre 2018, 4 jours en octobre 2018, 26 jours entre novembre et décembre 2018, 10 jours en janvier- février 2019), le médecin du travail ne l’a pas déclarée inapte à son poste lors des visites des 27 août, 6 septembre et 19 décembre 2018 et n’a pas fait de signalement à l’employeur.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Mme [G] a pris la succession de Mme [F], assistante travaux expérimentée, et ne s’est pas vue allouer plus de travail. Sa prise de poste nécessitait une phase de formation et d’adaptation durant laquelle l’employeur a pris des mesures d’une part en la faisant former et accompagner de manière durable par des collègues et notamment son prédécesseur et d’autre part en la soulageant d’une partie de ses tâches, durant plusieurs mois.

L’employeur n’a en conséquence pas manqué à son obligation de sécurité.

Le défaut de paiement d’heures supplémentaires réalisées par Mme [G] constitue un manquement de l’employeur.

Néanmoins, compte tenu du volume limité des heures supplémentaires réalisées, correspondant à une moyenne de 2 heures par semaine durant 5 mois, sur une période qui correspond à la prise d’un nouveau poste par la salariée, et du montant peu élevé de la somme due, le manquement de l’employeur ne présente pas une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, de sorte qu’il ne peut permettre de requalifier la démission en rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Il y a lieu en conséquence de rejeter la demande de requalification de la démission de Mme [G] en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur et les demandes formées au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité conventionnelle de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, par confirmation de la décision de première instance.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée sur les dépens et les frais irrépétibles.

Mme [G], qui succombe en ses prétentions, supportera les dépens de l’instance d’appel.

Elle sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile, tout comme la société Schindler dont la condamnation en paiement d’heures supplémentaires est confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles le 28 janvier 2020,

Y ajoutant

Condamne Mme [P] [G] aux dépens de l’instance d’appel,

Déboute Mme [P] [G] et la société Schindler de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier en pré-affectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier en pré-affectation, Le président,

 


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